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CT-01/ LE TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE DANS L'AFFAIRE d'une demande présentée par le commissaire de la concurrence sous le régime de l’article 92 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch.C-34 modifiée, en vue de l'obtention d'une ordonnance;

ET DANS L'AFFAIRE de l’acquisition proposée par Astral Média Inc. de toutes les entreprises de radiodiffusion de Télémédia Radio Inc. qui sont situées dans la province de Québec et les provinces Maritimes, et de l’intérêt de 50 % que détient Télémédia dans Radiomédia Inc. (la « Transaction Proposée »);

E N T R E : LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE Demandeur

et ASTRAL MÉDIA INC., TÉLÉMÉDIA RADIO INC., RADIOMÉDIA INC. Défenderesses EXPOSÉ DES MOTIFS ET DES FAITS SUBSTANTIELS I. INTRODUCTION 1. Le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») dépose cette demande d'ordonnance en vertu de l’article 92 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch.C-34 modifiée (la « Loi ») au motif que l'acquisition par Astral Média Inc. Astral ») des stations de radio de Télémédia Radio Inc. Télémédia ») qui sont situées dans la province de Québec et du contrôle de Radiomédia Inc. ( « Radiomédia »), aurait vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence sur les marchés de la vente de temps publicitaire à la radio de langue française situés dans les régions d’Ottawa/Hull, de Montréal, de Sherbrooke, de Trois-Rivières, de Québec et de Chicoutimi-Jonquière.

2. La conclusion de la Transaction Proposée permettrait à Astral de contrôler pratiquement toutes les stations de radio commerciales de langue française existantes dans quatre (4) marchés soit ceux de Hull/Ottawa, Trois-Rivières, Sherbrooke et Chicoutimi-Jonquière.

3. La Transaction Proposée donnerait à Astral des parts de marché de plus de 50 % dans les marchés publicitaires de la radio de langue française dans chacune des régions de Montréal et de Québec respectivement, même en prenant pour acquis qu’Astral se dessaisira de la station CFOM-FM à Lévis tel qu’elle s’est engagée à le faire devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes CRTC »). Ainsi, Astral contrôlerait 3 des 5 stations de radio de langue française les plus populaires à Montréal. Déjà propriétaire de CKMF-FM, la quatrième station en importance dans ce marché, Astral acquérerait aussi le contrôle des deux stations les plus populaires soit CITE-FM et CKAC. À Québec, advenant qu’elle se départisse de la station CFOM-FM, Astral acquérerait tout de même le contrôle de 3 des 6 stations de radio les plus populaires dans ce marché, soit CHIK-FM, CITF-FM et CHRC.

4. Bien qu’il subsisterait quelques stations de radio commerciales concurrentes dans les marchés francophones de Montréal et de Québec, le poids du regroupement des stations détenues par Astral serait tel qu’il deviendrait très coûteux pour un grand nombre d’annonceurs, en termes de dépenses et d’efficacité publicitaires, de tenter d’éviter d’acheter sur les stations d’Astral pour ne pas avoir à subir les augmentations de tarifs qu’Astral serait en mesure de leur imposer. En effet, pour rejoindre une grande partie de leur clientèle potentielle, bon nombre d’annonceurs doivent acheter du temps publicitaire sur plusieurs stations de radio dans un même marché. Ils deviennent donc plus vulnérables lorsque plusieurs stations de radio commerciales majeures sont contrôlées par une même entreprise dans un marché donné, ce qui serait le cas à Montréal et à Québec si la Transaction Proposée devait être conclue.

5. De plus, il existe des obstacles majeurs à l’émergence à court terme de nouvelles stations de radio populaires qui pourraient pallier à la réduction de la concurrence découlant de la Transaction Proposée. Tout nouveau concurrent potentiel doit d’abord franchir un processus d’examen rigoureux de la part du CRTC avant de pouvoir obtenir une licence de radiodiffusion. De plus, il n’y a pas de fréquence radio FM inutilisée qui soit présentement disponible à Montréal et la bande FM est également déjà très congestionnée à Sherbrooke. Advenant qu’un concurrent potentiel puisse surmonter les deux premiers obstacles, il devrait également affronter des stations populaires dont l’identité commerciale est déjà bien établie.

6. Le 4 octobre 2001, le CRTC autorisait une nouvelle station de radio de langue française dans la région de la Capitale nationale. Cette dernière n’exercera pas de contrainte significative sur le pouvoir de marché que possédera Astral advenant la conclusion de la Transaction Proposée. Le CRTC a d’ailleurs indiqué qu’il était « convaincu que l’arrivée de cette nouvelle station dans le marché d’Ottawa/Hull n’affectera pas indûment les autres stations en place.» Le CRTC étudie présentement des demandes pour une nouvelle station de radio FM à Québec. Cogeco Radio-Télévision Inc. Cogeco ») s’est dite intéressée à obtenir l’autorisation d’exploiter de nouvelles stations de radio à Chicoutimi, Sherbrooke et Trois-Rivières mais le CRTC n’a pas encore annoncé s’il avait l’intention d’étudier de telles demandes relatives à ces marchés.

7. Les marchés publicitaires de la radio sont de nature locale. Les annonceurs locaux y investissent pour atteindre des clients potentiels situés à proximité de leurs commerces, entreprises ou points de vente. Plusieurs annonceurs dits « nationaux » achètent directement des forces de vente des stations de radio individuelles dans chacun des marchés ou régions ils y ont des points de vente.

8. La présence des autres grands médias publicitaires tels que la télévision, les quotidiens, les hebdomadaires, les magazines et l’affichage, n’empêcherait pas Astral de pouvoir imposer à un grand nombre d’annonceurs des augmentations de prix appréciables et non-transitoires pour la vente de temps publicitaire à la radio de langue française dans les six régions de la province de Québec elle ferait l’acquisition des stations de Télémédia.

9. La radio comporte plusieurs attributs uniques en matière de publicité qui font que les autres médias ne sont pas de proches substituts à son utilisation pour un grand nombre d’annonceurs. La radio excelle pour susciter des achats impulsifs et des réactions rapides de la part des consommateurs. Plus que tout autre média, elle permet de rejoindre les gens dans une série d’environnements différents, qu’ils soient à la maison, au chalet, au travail, dans les magasins ou dans leur automobile. L’écoute de la radio reste très forte pendant la saison estivale, ce qui n’est pas le cas pour la télévision. La radio permet de rejoindre des auditeurs tout au long de la journée ou à des heures bien précises selon les besoins particuliers des annonceurs. La radio est un média très flexible les faibles coûts de production des messages publicitaires permettent des changements fréquents de thèmes et de campagnes publicitaires avec de très courts délais d’avis préalables à la diffusion des messages. La radio permet aussi de renforcer l’impact de promotions qui passent également à la télévision ou dans les journeaux.

10. Par conséquent, le commissaire demande au Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») de rendre une ordonnance enjoignant Astral de ne pas procéder à l’acquisition des stations de radio de langue française de Télémédia qui sont situées dans la province de Québec et de l’intérêt de 50 % que détient Télémédia dans Radiomédia ou enjoignant les parties défenderesses à prendre toute autre mesure que le Tribunal juge appropriée pour que la Transaction Proposée n’empêche ni ne diminue sensiblement la concurrence.

LES PARTIES A. Le commissaire 11. Le demandeur est le commissaire de la concurrence, nommé aux termes de l'article 7 de la Loi, et en cette qualité, est autorisé à présenter cette demande.

B. Astral

12. La défenderesse Astral est une compagnie qui a été constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Astral a son siège social à Toronto (Ontario) et son bureau administratif est situé à Montréal (Québec). Par le biais de ses affiliées, Astral est présente dans quatre secteurs d’activités; la télévision spécialisée et payante, la radio, l’affichage extérieure et le commerce électronique. Astral a fait son entrée dans l’industrie de la radio en 1999 avec l’acquisition de Radiomutuel Inc. Par l’entremise de sa filiale en propriété exclusive, Groupe Astral Radio Inc., Astral possède et exploite 11 stations de radio FM et 3 stations de radio AM de langue française, toutes dans la province de Québec, et elle détient un intérêt de 50 % dans Radiomédia qui exploite les stations de radio AM CKAC de Montréal et CHRC de Québec, et la maison de représentation de ventes Radio Plus. Les stations de radio FM d’Astral sont regroupées au sein du réseau Radio Énergie. Astral est une société publique contrôlée par la famille Greenberg.

C. Télémédia 13. La défenderesse Télémédia est une compagnie qui a été constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Télémédia a son siège social et ses bureaux administratifs à Montréal (Québec). Télémédia et ses affiliées possèdent et exploitent 77 stations de radio dans les provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Québec, de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Une affiliée de Télémédia exploite également 2 stations de télévision en Colombie-Britannique. Neuf de ces stations de radio sont situées dans les agglomérations les plus populeuses de la province de Québec et les 6 stations FM y sont regroupées au sein du réseau Radio Rock Détente. Télémédia détient également un intérêt de 50 % dans Radiomédia qui détient les deux stations de radio AM et la maison de représentation des ventes précitées. Télémédia possède aussi un intérêt de 20 % dans Genex Communication Inc. Genex ») qui exploite 2 stations de radio FM dans la région de Québec. L’intérêt que Télémédia détient dans Genex ne fait pas partie de la Transaction Proposée. Télémédia est une société privée détenue entièrement par la famille de Gaspé Beaubien.

D. Radiomédia 14. La défenderesse Radiomédia est une compagnie constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et est issue d’une fusion de Les Entreprises Radiomédia Inc. et 3071111 Canada Inc. en date du 28 août 2000. Radiomédia est détenue à parts égales par Groupe Radio Astral Inc. et Télémédia. Radiomédia a son siège social à Montréal (Québec). Radiomédia exploite les stations de radio CHRC-AM à Québec et CKAC-AM à Montréal. Radiomédia exploite les réseaux de hockey des Canadiens de Montréal, de baseball des Expos de Montréal et le réseau d’information Radiomédia. Enfin, Radiomédia exploite la division Radio Plus qui est une maison de vente de temps publicitaire aux annonceurs nationaux et à leurs agences pour le compte des stations de

radio d’Astral, de Télémédia et de Radiomédia. III. LE FUSIONNEMENT PROPOSÉ 15. Aux termes d’une Convention d’achat d’actions intervenue entre Télémédia et Astral en date du 16 mai 2001, Astral se propose d’acquérir le contrôle de Radiomédia et de toutes les entreprises de radiodiffusion de Télémédia et de son affiliée Télémédia Radio Atlantic Inc., lesquelles sont situées respectivement dans la province de Québec et dans les Maritimes. Au Québec, Astral ferait ainsi l’acquisition de six (6) stations de radio FM de langue française, quatre (4) stations de radio AM de langue française (2 stations de Télémédia et 2 de Radiomédia) et une (1) station de radio AM de langue anglaise. En outre, Astral se propose d’acquérir six (6) stations de radio de Télémédia au Nouveau-Brunswick et deux (2) autres situées en Nouvelle-Écosse.

16. L’acquisition par Astral de la station de radio de langue anglaise CKTS-AM de Sherbrooke et des stations de radio de Télémédia qui sont situées dans les provinces Maritimes ne pose pas de problème de concurrence puisque Astral n’est pas présente dans ces marchés.

IV COMPÉTENCES RELATIVES AUX FUSIONNEMENTS EN RADIODIFFUSION 17. Les fusionnements dans l’industrie de la radio constituent un phénomène passablement récent au Canada. Auparavant, le CRTC limitait généralement une personne à posséder au plus une entreprise de radio AM et une entreprise de radio FM de même langue dans un même marché. Dans sa « Politique de 1998 concernant la radio commerciale », le CRTC assouplissait sa politique concernant la propriété commune de plusieurs stations de radio dans un même marché. Ainsi, dans les marchés comptant moins de huit stations commerciales exploitées dans une langue donnée, une personne peut être autorisée à posséder ou contrôler jusqu’à concurrence de trois stations dans cette langue, dont deux stations au plus sont dans la même bande de fréquences. Dans les marchés comptant au moins huit stations commerciales exploitées dans une langue donnée, une personne peut être autorisée à posséder ou contrôler jusqu’à deux stations AM et deux stations FM dans cette langue.

18. Plusieurs acquisitions d’entreprises et de stations de radio ont eu cours depuis la mise en place de cette nouvelle politique du CRTC. Bien que les plus importantes d’entre elles aient été soumises à des examens du commissaire menés en vertu des dispositions sur les fusionnements de la Loi sur la concurrence, la Transaction Proposée entre Astral et Télémédia est le premier fusionnement proposé dans le secteur de la radio au Canada qui soulève des problèmes de concurrence aussi sérieux.

19. Un document publié conjointement par le Bureau de la concurrence et le CRTC le 19 novembre 1999 énonce les fonctions et pouvoirs respectifs de chacun de ces deux organismes en matière de fusionnements dans l’industrie de la radiodiffusion lorsque la

transaction doit être conforme à la loi appliquée par chacun des deux organismes. Le document stipule que « le Bureau se préoccupe principalement de l’incidence sur les marchés de la publicité ... ....Les préoccupations du Conseil englobent celles du Bureau, mais son étude des marchés de la publicité a trait à la capacité des radiodiffuseurs de réaliser les objectifs énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion. »

V. DÉFINITION DES MARCHÉS PERTINENTS A. Marché du produit 20. La vente de temps publicitaire à la radio de langue française constitue le produit pertinent aux fins de l’analyse des incidences de la Transaction Proposée sur la concurrence.

21. En matière de publicité, la radio possède des attributs uniques faisant d’elle un média pour lequel il n’y a pas de proches substituts pour un grand nombre d’annonceurs. La radio rejoint les consommateurs dans de nombreux endroits différents incluant des endroits les autres médias publicitaires n’ont pas accès comme dans l’automobile par exemple. L’utilisation de la radio varie peu selon les saisons de l’année ce qui n’est pas le cas pour tous les autres médias. L’écoute de la radio demeure très forte durant la période estivale alors que l’écoute de la télévision baisse considérablement durant cette période de l’année. Plusieurs annonceurs et autres acheteurs de placements médias prisent beaucoup la grande flexibilité qu’offre la radio. En raison de la simplicité technique et des faibles coûts de production relatifs de ses messages publicitaires, la radio permet aux annonceurs de changer leurs campagnes, messages et thèmes publicitaires fréquemment avec de courts délais d’avis préalables aux temps de diffusion.

22. La radio est un média très efficace pour susciter un achalandage et des achats rapides. Elle rejoint les consommateurs dans des lieux et à des moments propices à les inciter à se déplacer rapidement selon les invitations qui lui sont faites dans les publicités qu’ils entendent à la radio. De tous les médias vus, lus ou écoutés, la radio est celui qui touche le plus grand nombre de consommateurs dans l’heure qui précède leurs achats majeurs.

23. L’écoute de la radio étant très bonne du début de la journée jusqu’à l’heure du retour à la maison et le fait qu’elle rejoint les gens au moment ils sont dans leur automobile en fait un média également très prisé par les restaurants et les chaînes de restauration rapide.

24. Selon le format de la programmation d’une station de radio, les annonceurs peuvent rejoindre efficacement des groupes sociaux-démographiques précis de clients potentiels. La radio rejoint plus facilement les adolescents et les jeunes adultes, lesquels en général écoutent moins la télévision et lisent peu les journeaux. La radio est donc un média de choix pour les annonceurs qui visent cette clientèle.

25. Les autres grands médias publicitaires ont aussi leurs propres caractéristiques qui font qu’ils excellent la radio est généralement moins performante. Par exemple, la

télévision est un média d’image qui permet d’établir ou de maintenir la notoriété d’un produit ou d’une entreprise. Par ailleurs, l’imprimé permet d’annoncer une grande quantité d’items et de prix.

26. Ces différences fonctionnelles entre les divers médias publicitaires sont, pour un grand nombre d’annonceurs, des considérations prépondérantes dans leur choix média.

27. La télévision, les quotidiens et les autres médias publicitaires ne sont pas des proches substituts à la radio pour une grande partie des annonceurs.

28. La radio est souvent utilisée comme complément à d’autres médias. D’ailleurs, un grand nombre d’annonceurs utilisent des agencements de plusieurs médias différents dans leurs campagnes et stratégies publicitaires.

29. La radio rejoint des groupes cibles que d’autres médias ne peuvent rejoindre aussi facilement. Par exemple, elle touche 76 % des gens qui ne lisent qu’une fois par semaine ou moins les journeaux et 85 % des gens qui sont de faibles consommateurs de télévision. La combinaison de la radio à d’autres médias permet souvent d’accroître considérablement le nombre de personnes touchées ainsi que la fréquence d’exposition aux messages d’une campagne, sans augmentation du budget publicitaire.

30. Dans les régions de Montréal, Ottawa/Hull et Québec, il en coûte beaucoup plus aux annonceurs pour rejoindre un même nombre de personnes en utilisant la télévision au lieu d’utiliser la radio. Dans les régions de Chicoutimi-Jonquière, Trois-Rivières et Sherbrooke, les écarts de prix entre la télévision et la radio sont plus réduits. Même si les prix du temps publicitaire à la télévision s’approchent de ceux de la radio dans ces derniers marchés, cela n’affecte pas nécessairement la répartition des investissements publicitaires entre ces deux médias. Ceci démontre que la demande des annonceurs n’est pas très sensible aux variations dans les prix relatifs de ces deux médias.

31. La publicité à la radio de langue anglaise ne constitue pas une alternative pour les annonceurs qui veulent rejoindre les auditeurs francophones. Tous les annonceurs contactés ont été unanimes sur ce point. Bien qu’un certain nombre de francophones écoutent des stations de radio de langue anglaise pour leur contenu musical, les pauses commerciales diffusées sur ces stations ont une efficacité réduite auprès des auditeurs francophones simplement parce que plusieurs d’entre eux ne maîtrisent pas la langue anglaise. De plus, il serait très coûteux pour les annonceurs d’utiliser les stations de langue anglaise pour rejoindre la population francophone d’une région. Chaque station de langue anglaise ne rejoint qu’une faible proportion de la population francophone et ce même dans l’Outaouais québécois, région l’écoute de la radio de langue anglaise par les francophones y est la plus élevée parmi toutes les régions de la province de Québec. Les annonceurs devraient donc acheter de plusieurs sinon de toutes les stations de langue anglaise d’une région afin d’atteindre le plus grand nombre possible de francophones et ils ne rejoindraient tout de même qu’une partie seulement de la population francophone

totale de la région. Les données de Sondages BBM démontrent que les Québécois francophones de l’Outaouais âgés entre 25 et 54 ans ne consacrent qu’environ 20 % de leur temps d’écoute aux stations de radio de langue anglaise.

32. En outre, l’industrie de la radiodiffusion fait elle-même une distinction très nette entre les marchés francophones et anglophones à Montréal et dans la région de la Capitale nationale. La maison de sondages d’écoute BBM produit des résultats de sondages distincts montrant les habitudes d’écoute des francophones de la région d’Ottawa / Hull et les habitudes d’écoute des anglophones de la même région, et il en va de même pour l’écoute de chacun des deux principaux groupes linguistiques de la région de Montréal. Le Bureau de la commercialisation de la radio fait la même distinction lorsqu’il compile les données sur les revenus publicitaires des stations de radio locales dans chacun des plus grands marchés au Canada. Les chiffres relatifs à la taille de chacun de ces marchés publicitaires de la radio sont ainsi retournés à chacune des stations de radio pour leur permettre de calculer leur propre part de marché. Relativement à ces deux régions, les parts de marché sont calculées distinctement pour les marchés francophones et anglophones.

B. Marchés géographiques 33. Le marché publicitaire de la radio en est un de nature locale. Les annonceurs locaux investissent dans l’achat de temps publicitaire à la radio pour atteindre des clients potentiels et ces individus sont situés à proximité de leurs commerces, entreprises ou points de vente. La majorité des dollars publicitaires à la radio proviennent des annonceurs « locaux », c’est-à-dire des annonceurs exploitant des points de vente ou des points de service dans une ou quelques localités, municipalités ou agglomérations urbaines.

34. Plusieurs annonceurs dits « nationaux » (McDonald, Labatt, Pharmacies Jean Coutu, Rôtisseries St-Hubert, etc.) achètent directement des forces de vente des stations de radio individuelles dans chacun des marchés ou régions ils y ont des points de vente.

35. Bien qu’environ un tiers de toutes les ventes publicitaires en radio soient faites par les maisons de représentation de ventes « nationales » telles que Radio Plus et Cogeco Métromédia, ces achats prévoient généralement des placements publicitaires dans des stations de radio locales spécifiées.

36. Les marchés géographiques pertinents à cette affaire sont donc ceux Astral et Télémédia y exploitent présentement des stations de radio commerciales concurrentes de langue française, c’est-à-dire, Hull / Ottawa, Montréal, Sherbrooke, Trois-Rivières, Québec et Chicoutimi-Jonquière.

37. Les exploitants de stations de radio situées à l’extérieur de ces marchés mais dont la portée du signal atteint l’une de ces régions ne font pas partie de l’un de ces marchés géographiques pertinents. Par exemple, le signal radio de plusieurs stations de Montréal et de Québec atteint la région de Trois-Rivières. Mais la vaste majorité des auditeurs de ces stations sont situés à Montréal ou à Québec et l’atteinte de ces auditeurs n’a aucune valeur pour la grande majorité des annonceurs locaux de Trois-Rivières. Les stations de Montréal et de Québec devraient donc offrir leur temps publicitaire à des prix par occasion dérisoirement bas pour espérer vendre du temps publicitaire à des annonceurs locaux de la région de Trois-Rivières. La situation des annonceurs « nationaux » et multi-marchés qui ont également des activités commerciales à Montréal et/ou Québec est quelque peu différente. Bien que l’atteinte des auditeurs de Montréal et de Québec a évidemment une valeur importante pour eux, les parts d’écoute que ces stations de Montréal et de Québec atteignent dans la région de Trois-Rivières sont faibles comparativement aux parts d’écoute des stations de radio locales. Ces annonceurs se doivent aussi d’acheter du temps publicitaire radiophonique auprès des stations locales s’ils veulent rejoindre une partie importante des auditeurs de cette région et y mener des campagnes publicitaires efficaces.

C. Négociations des ventes et des achats publicitaires en radio 38. Les achats publicitaires en radio se font généralement par la voie de négociations entre un représentant des ventes d’une station de radio locale ou d’une maison de représentation qui négocie la vente de temps publicitaire pour le compte de plusieurs stations de radio, et un annonceur ou son agence de placement média qui représente son compte. Les ventes publicitaires à la radio sont négociées individuellement avec chaque annonceur ou autre acheteur de publicité.

39. Bien que plusieurs stations de radio émettent des cartes de tarifs, les prix réellement chargés diffèrent fréquemment des prix qui apparaissent sur ces cartes de tarifs à ces négociations entre les vendeurs et les acheteurs. Le prix est souvent négocié à partir de l’historique d’achats du client auprès de la station de radio. Plusieurs autres facteurs influent sur le prix payé, notamment le volume de l’investissement de l’annonceur, la période de diffusion, le délai de réservation avant la diffusion des messages et le prix offert par les concurrents de la station de radio.

40. La valeur qu’attache chaque acheteur au temps publicitaire qu’il achète à la radio ainsi que ses habilités de négociateur et la nature confidentielle de ces négociations peuvent également faire varier les prix payés entre les annonceurs.

41. Le fait qu’il existe des annonceurs qui soient moins vulnérables face à la radio n’aidera en rien la cause des annonceurs qui devront payer des augmentations de prix significatives suite à la Transaction Proposée puisque les prix sont négociés individuellement et secrètement. Le produit pertinent se définit donc en fonction de ce deuxième groupe d’annonceurs.

42. En raison des attributs uniques de la radio en matière de publicité, un grand nombre d’annonceurs vont vraisemblablement devoir payer des augmentations de prix significatives et non-transitoires dans les marchés la concurrence dans la radio sera empêchée ou réduite sensiblement par le fusionnement proposé. Les incidences négatives de cette réduction de la concurrence pour ces annonceurs seront accentuées par le fait que les stations de radio peuvent imposer des augmentations de prix sélectives à travers leurs clients de façon à limiter au minimum les pertes de clients.

VI. INCIDENCES SUR LA CONCURRENCE A. La concentration et les parts de marché 43. Les marchés pertinents à l’analyse des incidences sur la concurrence de la Transaction Proposée étant ceux de la vente de temps publicitaire à la radio de langue française dans chacun des six marchés géographiques identifiés précédemment, le tableau suivant donne un premier portrait des parts des dollars publicitaires à la radio de langue française que l’acquéreur, Astral, obtiendrait dans chacun de ces marchés suite à la conclusion de la

Transaction Proposée: Publicité Radiophonique de Langue Française Parts de Marché des dollars publicitaires

Villes Parts d’Astral après la Transac.

Montréal-Franco Québec Hull/Ottawa-Fr. Trois-Rivières Sherbrooke Chicoutimi F’00 -* La station de radio communautaire CKAJ-FM a des revenus publicitaires très modestes qui ne sont toutefois pas connus. La station CKYK-FM n’a commencé qu’à diffuser dans la région de Chicoutimi-Jonquière via sa nouvelle antenne que vers la fin de l’année 2000.

44. Dans trois des six marchés, soit Hull/Ottawa-franco, Trois-Rivières et Sherbrooke, Astral obtiendrait un monopole suite à la conclusion de la Transaction Proposée en acquérant le seul concurrent existant dans ces marchés. À Chicoutimi, Astral éliminerait son seul concurrent de taille importante. À Québec, la part d’Astral passerait à plus de 50 %, et dans le marché du Montréal-Franco, sa part passerait également à plus de 50 %. Suite à la Transaction Proposée, Astral deviendrait donc clairement dominant dans les deux plus gros marchés de la radio du Québec.

B. Disparition d'un concurrent dynamique et efficace 45. Télémédia est un rival important d’Astral dans tous les marchés géographiques pertinents. En outre, Télémédia, en incluant ses stations AM affiliées à Radiomédia dans les marchés de Trois-Rivières et Sherbrooke, détient les plus fortes parts de marché en termes de ventes de temps publicitaire dans ces marchés ainsi que pour les ventes locales en radio dans le marché francophone de Montréal. Télémédia est aussi la seule avec Astral à posséder des stations couvrant chacune des six plus grandes agglomérations urbaines du Québec.

46. La concurrence est très vive entre les forces de ventes locales de chacune des stations de radio de Télémédia et d’Astral. Même si elles sont représentées par les mêmes maisons de représentation (Radio Plus au Québec et IMS en Ontario) pour leurs ventes aux

+ de 50 % + de 50 % 100 % 100% 100 % + de 90 %*

agences d’achats médias, les parties s’assurent de défendre leurs positions respectives dans le marché et au sein même de ces maisons. D’ailleurs, la possibilité pour ces acheteurs de négocier directement avec les stations de radio locales d’Astral et de Télémédia contribue à maintenir une certaine dynamique concurrentielle entre Astral et Télémédia à l’intérieur même de Radio Plus. Si la Transaction Proposée devait être conclue, les agences de placement média ne seraient plus en mesure d’utiliser cet élément lors de leur négociation avec Radio Plus.

47. Même si la programmation des stations d’Astral et de Télémédia diffèrent, la répartition démographique de leurs auditoires respectifs se recoupe suffisamment dans les catégories d’âge les plus importantes pour la majorité des annonceurs (ex. Adultes 25-54) pour que ces stations puissent constituer clairement des produits substituts. Leurs auditeurs se recoupent également beaucoup. À Chicoutimi par exemple, 71 % des auditeurs de la station de Télémédia écoutent aussi la station d’Astral. Cette proportion est moins accentuée dans les grands marchés il existe un plus grand nombre de stations. Elle reste néanmoins significative même dans le marché francophone de Montréal 43 % des auditeurs de la station de Télémédia sont également des auditeurs de la station d’Astral.

48. De façon générale, les stations de radio AM ont connu une baisse de popularité au Québec et ailleurs au Canada. Cependant à Montréal, la station de radio CKAC propriété de Radiomédia atteint des cotes d’écoute importantes particulièrement chez les 35-64 ans francophones et accapare une bonne portion des revenus publicitaires. À Québec, la station CHRC de Radiomédia a des revenus beaucoup plus modestes.

49. Télémédia a procédé à de nombreuses acquisitions au cours des dernières années. Entre 1997 et 2000, le nombre de stations de radio appartenant à Télémédia et ses affiliées au Canada est passé de 30 à 81. Durant cette période, la croissance de ses revenus a été plus rapide que celle de l’ensemble de l’industrie de la radio privée au Canada.

50. La disparition de Télémédia et de Radiomédia en tant que concurrents donnerait à toutes fins pratiques un monopole à Astral dans les marchés publicitaires radiophoniques de langue française de Hull / Ottawa, Sherbrooke, Trois-Rivières et Chicoutimi. À Québec et dans le marché francophone de Montréal, Astral détiendrait des parts de marché de plus de 50 %. Astral serait également propriétaire des trois plus grands réseaux de radio au Québec soit Radio Énergie, Radio Rock Détente et Radiomédia.

C. La concurrence réelle restante

51. Il est interdit à la Société Radio-Canada de vendre de la publicité à la radio. Bien que les stations de radio communautaires peuvent vendre du temps publicitaire, leur impact sur les marchés publicitaires est minime en raison des auditoires très ciblés et restreints qu’elles rejoignent. En 1999, les recettes totales générées par les stations communautaires ne représentaient que 0,6 % de toutes les recettes publicitaires de la radio canadienne. Dans sa politique relative à la radio communautaire, le CRTC décrit le mandat complémentaire qui est dévolu aux stations de radio communautaires en soulignant, notamment, qu’elles doivent offrir de la programmation musicale qui n’est généralement pas diffusée par les stations commerciales. En somme, ni les stations de radio communautaires ni celles de Radio-Canada ne représentent des alternatives notables pour les annonceurs.

(a) - Dans le marché radiophonique de Trois-Rivières 52. Outre les stations de radio détenues par Astral et Télémédia, il n’y a aucune autre station de radio commerciale de langue française en exploitation dans la région de Trois-Rivières. La station de radio CHOI-FM de Québec dont le signal se rend à Trois-Rivières a récemment assigné une personne pour faire surtout des activités de promotion dans le marché de Trois-Rivières afin d’y accroître quelque peu son nombre d’auditeurs. La part d’écoute de cette station n’est que de 6,2 % à Trois-Rivières. Étant donné que la vaste majorité des auditeurs de CHOI-FM demeurent dans la région de Québec, cette station ne constitue pas généralement une alternative pour les annonceurs locaux de Trois-Rivières lesquels ne veulent payer que pour les auditeurs de la région de Trois-Rivières que cette station rejoint.

(b) - Dans le marché radiophonique de Sherbrooke 53. Outre les stations de radio détenues par Astral et Télémédia, il n’y a aucune autre station de radio commerciale de langue française dans le marché de Sherbrooke.

(c) - Dans le marché radiophonique de Chicoutimi-Jonquière 55. Le 9 novembre 2000, après en avoir obtenu l’autorisation de la part du CRTC, le Groupe Antenne 6, qui exploite six stations de radio dans la région du Lac St-Jean, étendait la portée du signal de la station CKYK-FM d’Alma afin d’atteindre les auditeurs de la région de Chicoutimi-Jonquière. Au printemps dernier, cette station obtenait une part d’écoute de 7,2 % dans ce marché. Prévoyant une part d’écoute sensiblement similaire, l’étude qui fut déposée à l’appui de la demande du Groupe Antenne 6 estimait que cette station s’accaparerait réalistement une part de 3,4 % du marché publicitaire de la radio au Saguenay dont 35 % seulement proviendrait des stations de radio existantes. En raison de la taille modeste de son auditoire et de ses recettes publicitaires dans le marché de Chicoutimi-Jonquière, la présence de cette station de radio concurrente n’exerçera pas de contrainte significative sur le pouvoir de marché qu’obtiendrait Astral si elle procédait à la conclusion de la Transaction Proposée. Il n’y aurait aucune autre station de radio

commerciale concurrente à Astral dans ce marché suite à la Transaction Proposée. (d) Dans le marché radiophonique francophone de la région Ottawa / Hull 56. Outre les stations de radio détenues par Astral et Télémédia, il n’y a présentement aucune autre station de radio commerciale de langue française en exploitation dans la région de Ottawa / Hull.

57. Le 4 octobre 2001, Radio Nord Communications Inc. Radio Nord ») recevait du CRTC l’autorisation d’exploiter une nouvelle station de radio de musique classique de langue française dans la région de la capitale nationale, laquelle pourrait entrer en ondes au cours du printemps ou de l’été prochain. La présence de cette nouvelle station de radio commerciale n’exerçera pas de contrainte significative sur le pouvoir de marché qu’obtiendrait Astral si elle procédait à la conclusion de la Transaction Proposée. D’ailleurs comme il le stipule dans sa décision, « le Conseil est convaincu que l’arrivée de cette nouvelle station dans le marché d’Ottawa/Hull n’affectera pas indûment les autres stations en place. »

58. L’étude de marché déposée à l’appui de la demande de Radio Nord prévoyait pour cette nouvelle station de radio une part d’écoute initiale chez les adultes de 25 à 54 ans de 5,9 % allant en s’accroissant jusqu’à un plafond de 7,4 % devant être atteint au cours de sa troisième année d’exploitation. Cette étude prévoit des recettes publicitaires de plus de 664,000 dollars la première année pour s’accroître à plus de 910,000 dollars à la quatrième année d’exploitation de cette station de radio, soit une part de marché initiale de 7 % qui plafonnerait à 9 % au cours des années subséquentes. Toujours selon cette étude, seulement 40 % des recettes publicitaires de cette nouvelle station proviendront des stations de radio existantes, ce qui représente 2,8 % de l’ensemble des recettes publicitaires des stations de radio de langue française du marché d’Ottawa / Hull.

59. Les stations de langue anglaise ne sont pas des alternatives et, de fait, ne sont pas utilisées par les annonceurs pour rejoindre les auditeurs francophones de la région de la Capitale nationale. La présence de deux marchés distincts en matière de publicité radiophonique dans cette région, soit un de langue anglaise et un de langue française, a été confirmée par le Président de Standard Radio Broadcasting et le Président de Radio Nord lors des audiences publiques du CRTC tenues au mois de mai dernier pour étudier des demandes pour de nouvelles licences de station de radio FM dans la région.

(e) Dans le marché radiophonique francophone de Montréal 60. À Montréal, quelques concurrents seulement le reste du marché publicitaire radiophonique de langue française qui échappe en ce moment à Astral, Télémédia et Radiomédia. Corus Entertainment accapare la grosse part du reste de ce marché surtout avec la station CKOI-FM, la troisième station la plus populaire dans ce marché, et ses deux autres stations de langue française, CINF et CKOO-FM. Avec CFGL-FM, Cogeco

possède la cinquième station de radio la plus écoutée par les francophones de la région de Montréal. Enfin, la station de musique classique CJPX-FM obtient 7,6 % de l’écoute des francophones âgés de 12 ans et plus dans ce marché. Toutes les autres stations de radio commerciales de langue française obtiennent de faibles parts d’écoute.

61. Même si quelques concurrents seraient toujours présents dans ce marché, ils ne pourront empêcher Astral d’exercer le pouvoir de marché accru qu’elle obtiendrait à la suite de la conclusion de la Transaction Proposée. Astral possèderait 3 des 5 stations de radio ayant les plus fortes cotes d’écoute dans ce marché. Il serait très onéreux en coûts directs ou en pertes d’efficacité publicitaire pour bon nombre d’annonceurs d’éviter d’acheter du temps publicitaire sur ces trois stations si Astral leur imposait des augmentations de prix significatives. Pour que leurs efforts publicitaires puissent engendrer des retombées positives notables sur leurs ventes, les annonceurs doivent rejoindre une part importante de tous les auditeurs à l’écoute dans un marché donné. C’est ce que l’on appelle la portée d’une campagne publicitaire. Or, ces annonceurs devraient sacrifier beaucoup de portée publicitaire, c’est-à-dire rejoindre beaucoup moins d’auditeurs, s’ils devaient éviter d’utiliser les trois stations de radio que posséderait Astral. Leur pouvoir de négociation avec Astral s’en trouverait d’autant réduit.

62. De plus, il serait très difficile aux stations de radio concurrentes d’augmenter rapidement leur offre d’auditoire pour répondre à une augmentation appréciable de la demande des annonceurs qui voudraient, en réponse à des augmentations de prix imposées par Astral, satisfaire une plus grande partie de leurs besoins publicitaires auprès des stations de radio concurrentes. En effet, une station de radio ne peut augmenter son auditoire instantanément. Elle doit investir considérablement afin de développer une programmation nouvelle ou embaucher des animateurs plus populaires et intensifier ses efforts de promotion. Cela risque de prendre un certain temps avant d’entraîner un accroissement du nombre de ses auditeurs.

63. Les stations de langue anglaise ne sont pas des alternatives et, de fait, ne sont pas utilisées par les annonceurs pour rejoindre les auditeurs francophones de la région de Montréal en raison notamment de leurs faibles cotes d’écoute auprès de ces auditeurs. La station de langue anglaise la plus populaire chez les francophones n’obtient que seulement 3,9 % de leur temps d’écoute.

(f) Dans le marché publicitaire radiophonique de Québec 64. En prenant pour acquis qu’Astral va, tel que promis, se départir de la station CFOM-FM de Lévis, il resterait trois stations de radio commerciales concurrentes à Astral si cette dernière devait conclure la Transaction Proposée. Outre la station CFOM-FM, il y a la station CJMF-FM qui est détenue par Cogeco et la station CHOI-FM de Genex Communications Inc. Genex »).

65. Télémédia détient 20 % des actions votantes de Genex. En vertu de sa participation dans Genex, Télémédia possède un droit de premier refus en regard de toute offre d’achat qu’une tierce partie pourrait faire à l’égard de CHOI-FM. De plus, la convention des actionnaires prévoit que Télémédia, au même titre que les autres actionnaires, a droit de regard sur la rémunération du Directeur actuel de cette station, sur toute modification du capital social de Genex, quant à l’augmentation ou à la réduction du nombre de membres pouvant être nommés sur le conseil d’administration de Genex et sur sa réorganisation par voie notamment d’association ou de fusion avec une autre personne. En vertu de la Transaction Proposée, Télémédia possèderait des intérêts sous la forme de plus de 2,8 millions d’actions sans droit de vote dans Astral. La station CHOI-FM et celles d’Astral ne seraient donc pas sans liens de propriété.

66. Étant donné la part d’écoute élevée qui serait contrôlée par les stations d’Astral suite à la Transaction Proposée, il serait très difficile et onéreux pour un grand nombre d’annonceurs d’éviter d’acheter sur les stations d’Astral pour se soustraire à des augmentations de prix significatives qu’Astral serait en mesure de leur imposer.

67. De plus, pour les raisons évoquées précédemment, les stations de radio concurrentes ne peuvent augmenter rapidement leur offre d’auditoire pour accueillir les annonceurs qui voudraient migrer vers elles pour éviter des augmentations de prix significatives de la part d’Astral.

68. Le CRTC étudie présentement des demandes pour une nouvelle station de radio FM dans la région de Québec et une décision à cet égard n’est pas susceptible d’être émise avant le printemps 2002.

D. Impacts du contrôle des marchés secondaires sur les grands marchés 69. Suite à la Transaction Proposée, Astral obtiendrait le contrôle complet des ventes publicitaires en radio de langue française, tant locales que nationales, dans les marchés de Ottawa/Hull, Trois-Rivières, Sherbrooke et Chicoutimi-Jonquière. Il y a un risque qu’Astral puisse utiliser ce contrôle des marchés secondaires pour tenter d’obtenir une plus grande partie des investissements radio des annonceurs nationaux et locaux multi­marchés à Montréal et à Québec en menaçant d’exercer son pouvoir de monopole dans les marchés secondaires si l’annonceur n’accepte pas d’augmenter sa part de ses achats radio à Montréal et à Québec auprès d’Astral.

E. Les entraves à l'accès et à la croissance 70. Les entraves à la venue de nouvelles stations de radio commerciales qui empêcheraient Astral de pouvoir imposer des augmentations de prix significatives et non-transitoires dans les marchés pertinents à cette affaire sont élevées.

71. Avant qu’une nouvelle station de radio commerciale concurrente puisse faire son entrée

dans un marché, son exploitant éventuel doit d’abord obtenir un certificat du ministère Industrie Canada attestant qu’il y a une fréquence inutilisée qui est acceptable au plan technique. Il n’y a présentement aucune fréquence FM inutilisée qui ne soit disponible dans la région de Montréal et la bande FM est également déjà congestionnée à Sherbrooke. Bien que plusieurs fréquences AM soient disponibles dans toutes les régions pertinentes à cette affaire, il est très improbable qu’une nouvelle station puisse faire son entrée dans un de ces marchés via l’utilisation d’une de ces fréquences AM. Il y a très peu d’intérêt pour la bande AM à travers le Canada. D’ailleurs, le Bureau a relevé que 16 des 17 derniers appels de demandes de licence de radiodiffusion du CRTC depuis 1998 ne portaient que sur l’utilisation éventuelle de fréquences FM, et l’autre appel sollicitait des demandes de licence AM ou FM.

72. Advenant qu’une fréquence de qualité acceptable soit disponible, la personne qui entend l’utiliser doit aussi obtenir une licence de radiodiffusion de la part du CRTC. Cette personne doit en faire la demande officielle au CRTC qui par la suite invite toute autre personne désireuse d’obtenir une licence à lui soumettre une demande. Une analyse de 12 dossiers de cette nature traités par le CRTC depuis le mois de mars 1999 révèle qu’il s’écoule généralement de 10 à 15 mois entre le moment le CRTC lance un appel de demandes pour une nouvelle licence de radiodiffusion et le moment l’organisme réglementaire rend sa décision. À cela il faut ajouter les investissements et le temps requis à un titulaire d’une nouvelle licence pour mettre en exploitation sa nouvelle station de radio.

73. En sus des obstacles techniques et réglementaires que tout exploitant éventuel d’une nouvelle station de radio doit surmonter, il doit ensuite affronter des stations populaires dont l’identité commerciale est déjà bien établie. Des efforts importants en programmation et en promotion doivent être consentis afin d’attirer un nombre significatif d’auditeurs et ainsi développer une clientèle d’annonceurs. L’expérience américaine démontre qu’il est très rare qu’une nouvelle ou petite station puisse atteindre une taille importante au cours des trois premières années d’exploitation. Un examen de l’évolution des parts d’écoute depuis 1995 dans les 20 plus grands marchés radiophoniques au Canada révèle qu’il en est généralement de même au Canada. Les nouvelles et les petites stations peuvent réussir à accroître leurs parts d’écoute, mais en général elles n’y arrivent que lentement et leur écoute n’approche pas celles des stations de radio qui dominent dans les marchés. Il y a quelques exceptions comme le cas de la station CJMF-FM de Québec dont la part d’écoute est passée de 10,5 % à 18 % en l’espace de quelques mois après avoir soutiré à la station CHRC le populaire animateur André Arthur. La nouvelle station de musique classique CJPX-FM de Montréal s’est rapidement taillée une part d’écoute de 8.3% chez les Montréalais francophones de 18 ans et plus à l’automne 1998. Trois ans plus tard, sa part d’écoute était demeurée stable à 8,4 %.

74. Le CRTC a autorisé récemment l’exploitation d’une nouvelle station de radio FM de langue française dans le marché d’Ottawa / Hull et a sollicité et reçu des demandes pour

l’exploitation d’une nouvelle station de radio FM dans la région de Québec. La nouvelle station de radio de langue française qui entrera en ondes l’année prochaine dans la région de la Capitale nationale n’exerçera pas de contrainte significative sur le pouvoir de marché qu’obtiendrait Astral si elle procédait à la conclusion de la Transaction Proposée pour les raisons évoquées précédemment. Le CRTC étudie présentement des demandes pour une nouvelle station de radio FM dans la région de Québec. Il est probable que la nouvelle station de radio qui pourrait être éventuellement autorisée pour le marché de Québec ne puisse exercer de contrainte significative sur le pouvoir de marché d’Astral après la Transaction Proposée, eu égard au fait que lorsqu’il émet de nouvelles licences de station de radio, le CRTC s’assure que les stations de radio existantes n’en soient pas indûment affectées.

75. Dernièrement, Cogeco s’est dite intéressée à obtenir l’autorisation d’exploiter de nouvelles stations de radio à Chicoutimi, Sherbrooke et Trois-Rivières mais le CRTC n’a pas encore annoncé s’il avait l’intention d’étudier de telles demandes relatives à ces marchés. Même si une nouvelle station de radio commerciale devait éventuellement être autorisée dans l’un ou plusieurs de ces marchés, sa présence n’exercerait vraisemblablement pas de contrainte significative à court terme sur le pouvoir de marché de l’entité fusionnée en raison du laps de temps nécessaire pour obtenir les autorisations réglementaires requises, mettre sur pied une nouvelle station de radio et déployer des efforts de promotion importants afin d’attirer un nombre grandissant d’auditeurs et générer ainsi des revenus publicitaires.

F. Contrepoids des acheteurs 76. Au cours des dernières années, il y a eu un mouvement de consolidation au sein des agences de placement média qui négocient les achats publicitaires dans tous les grands médias pour le compte de leurs clients, la plupart des annonceurs nationaux. Malgré la taille importante de leurs achats, ces agences ne seront bien souvent pas en mesure de contraindre Astral à ne pas imposer à leurs clients des augmentations de prix significatives et non-transitoires après la conclusion de la Transaction Proposée.

77. Les agences de placement média n’ont pu faire contrepoids face à la plus grande concentration des forces de ventes en radio engendrée par la création de Radio Plus à l’automne 1994. Une étude de la firme Carat Expert produite au mois de décembre dernier au soutien de la demande de licence de Radio Nord pour la région Ottawa / Hull indiquait que « la concentration des forces de ventes que cette réorganisation a engendrée a permis de soutenir les tarifs, car le niveau de concurrence entre les stations est moins intense que par le passé. » Le pouvoir de négociation des agences de placement média et des autres acheteurs de temps publicitaire à la radio va certes diminuer encore davantage si les stations de Télémédia et de Radiomédia devaient passer sous le contrôle d’Astral.

78. Même si la concurrence est moins intense depuis la création de Radio Plus, les

annonceurs nationaux et leurs agences de placement média ont continué tout de même à bénéficier d’un certain degré de concurrence entre Astral et Télémédia à l’intérieur de Radio Plus et d’une concurrence encore plus vive entre les forces de ventes locales de leurs stations de radio respectives. La Transaction Proposée entraînerait donc une réduction sensible de la concurrence dont souffriront un grand nombre d’annonceurs, et non seulement des annonceurs locaux, mais aussi les annonceurs dits « nationaux ». D’ailleurs, dans une lettre au commissaire et lors d’une présentation faite ultérieurement devant le CRTC pour s’opposer à la Transaction Proposée, le Conseil des directeurs médias du Québec, lequel organisme regroupe des professionnels provenant des plus importantes agences de publicité établies au Québec, décrivait de la façon suivante les incidences négatives sur la concurrence de la Transaction Proposée:

« Au cours des dernières années les stations en cause étaient déjà réunies via un bureau commun de ventes nationales: ce phénomène créait certaines appréhensions et présentait des négociations ardues, mais l’ensemble du marché était conforté par l’appartenance des stations à des groupes distincts et par un climat de concurrence entre les stations au plan plus local. Or l’actuelle transaction Télémédia-Astral élimine de facto ce coupe-feu corporatif ».

G. Changements et innovations 79. Plusieurs licences de radio numérique ont été octroyées à des stations de radio existantes dans les trois plus grandes villes du pays et d’autres licences pourraient être octroyées au cours des prochaines années dans d’autres villes majeures au pays. Cette technologie est encore à l’état embryonnaire en raison notamment des coûts d’installation élevés des récepteurs pour les consommateurs. Des ingénieurs spécialistes à Industrie Canada et au CRTC estiment qu’il s’écoulera probablement encore 5 ans avant que cette technologie puisse être adoptée par un nombre important d’auditeurs.

VII. CONCLUSION 80. L’acquisition par Astral des stations de radio de Télémédia qui sont situées au Québec et de l’intérêt de 50 % que détient Télémédia dans Radiomédia aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans la vente de temps publicitaire à la radio de langue française dans les marchés de Hull/Ottawa, Montréal, Sherbrooke, Trois-Rivières, Québec et Chicoutimi-Jonquière.

VIII. CORRECTIFS DEMANDÉS 81. Le commissaire demande au Tribunal: a) de rendre une ou plusieurs ordonnances en vertu de l’article 92 de la Loi enjoignant aux parties défenderesses de ne pas procéder à la partie de la

Transaction proposée qui concerne l’acquisition par Astral des huit (8) stations de radio de langue française de Télémédia qui sont situées dans la province de Québec et de l’intérêt de 50 % que détient Télémédia dans Radiomédia;

b) de rendre, si nécessaire, une ou plusieurs ordonnances provisoires en vertu de l’article 104 de la Loi enjoignant aux parties défenderesses de ne pas procéder à la Transaction proposée selon les termes et conditions que le commissaire pourrait demander; et

c) de prendre toute autre mesure et de rendre toute autre ordonnance que le Tribunal juge appropriée.

LANGUE OFFICIELLE 82. Le commissaire désire utiliser la langue française dans le cadre de la présente demande.

CT-01/ LE TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE DANS L'AFFAIRE d'une demande présentée par le commissaire de la concurrence sous le régime de l’article 92 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch.C-34 modifiée, en vue de l'obtention d'une ordonnance;

ET DANS L'AFFAIRE de l’acquisition proposée par Astral Média Inc. de toutes les entreprises de radiodiffusion de Télémédia Radio Inc. qui sont situées dans la province de Québec et les provinces Maritimes, et de l’intérêt de 50 % que détient Télémédia dans Radiomédia Inc.

E N T R E : LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE

ASTRAL MÉDIA INC., TÉLÉMÉDIA RADIO

Défenderesse EXPOSÉ DES MOTIFS ET DES FAITS SUBSTANTIELS

Morris Rosenberg Sous-procureur général du Canada

M e Carole Johnson Ministère de la Justice Section du Droit de la concurrence Place du Portage, Phase I, 22 étage 50, rue Victoria Hull (Québec) K1A 0C9 Tél.: (819) 997-3325 Téléc.: (819) 953-9267 Procureurs pour le commissaire de la concurrence

Demandeur et

INC. ET RADIOMÉDIA INC.

M e Réal Forest FASKEN MARTINEAU, DUMOULIN e Tour de la bourse 800, Place Victoria # 3400 Montréal (Québec) H4Z 1E9 Tél.: (514) 397-7645 Téléc.(514) 397-7600

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