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<.000/00( CT-Ollt LE TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE DANS L'A FFAIRE d'une demande presentee par le comrnissaire de la concurrence sous le regime des articles 92 et 105 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c.C-34, en vue de l'obtention d'une ordonnance par consentement;

ET DANS L'A FFAIRE du fusionnement propose entre Quebecor inc. et Le Groupe Videotron Ltee en vertu duquel Quebecor inc. acquerra notamment un contr6le indirect de Groupe TVA inc., filiale de Le Groupe Videotron Ltee;

ENTRE: LE COMMISSAIRE DE LA CONCURREN

f R. et ( 'NOV 1-0 2000 4L ~ D I ___RE GISTRAR - REGJSliAlif T QUEBECOR INC. OTTAWA, ONT. ~172Ji Defenderesse

EXPOSE DES MOTIFS ET DES FAITS SUBSTANTIELS I. INTRODUCTION 1. Le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») depose cette demande d'ordonnance par consentement au motif que !'acquisition de Le Groupe Videotron Ltee Videotron »)par Quebecor Media inc. Quebecor Media»), filiale a part entiere de Quebecor inc. Quebecor ») l'acquisition de Videotron »), aux termes de laquelle Quebecor, qui contr6le deja TQS inc. TQS »), acquerra notamment le contr6le indirect de Groupe TVA inc. («TVA »), aurait vraisemblablement pour effet, en l'absence du dessaisissement prevu par l'ordonnance par consentement proposee, d'empecher ou de diminuer sensiblement la concurrence sur le marche de la vente de temps de publicite televisuelle en langue frani;:aise dans la province de Quebec.

2. Le commissaire, avec l'assentiment de Quebecor, soumet respectueusement pour fins d'approbation un projet d'ordonnance par consentement qui, s'il est mis en place, empechera la manifestation des incidences negatives sur la concurrence qui resulteraient autrement du fusionnement propose au niveau du marcht~ de la vente de temps de publicite televisuelle en langue frani;:aise dans la province de Quebec.

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-2-fusionnement proposé au niveau du marché de la vente de temps de publicité télévisuelle en langue française dans la province de Québec.

3. Cet exposé des motifs et des faits substantiels constitue le fondement de cette demande du commissaire faite avec le consentement de Quebecor. Le commissaire y allègue certains faits substantiels dont la défenderesse n'admet pas l'existence, en tout ou en partie, sans s'opposer pour autant à l'exposé des motifs et des faits substantiels en ce qui a trait à la présente demande. La défenderesse reconnaît par ailleurs la compétence du Tribunal de la concurrence pour les fins de cette demande.

II. LES PARTIES A. Le commissaire 4. Le demandeur est le commissaire de la concurrence, nommé aux termes de l'article 7 de la Loi sur la concurrence (la « Loi »), L.R. (1985), ch. C-34 et en cette qualité, est autorisé à présenter cette demande.

B. Quebecor inc. 1 5. La défenderesse Quebecor est une compagnie qui a été constituée en vertu de la Partie I de la Loi sur les compagnies (Québec) en janvier 1965 et a été continuée sous l'autorité de la Partie IA de la Loi sur les compagnies (Québec) en juin 1983. Le siège social de Quebecor est situé à Montréal (Québec). Par le biais de ses nombreuses filiales, Quebecor est présente dans plusieurs secteurs d'activité dont les principaux sont l'imprimerie, les nouveaux médias (Internet), la publication de journaux, l'édition et la vente au détail de livres et de magazines, la distribution et la vente au détail de disques, et la télédiffusion. Au chapitre de la télédiffusion, Quebecor contrôle indirectement 85,9 % des actions de TQS, la majorité des autres actions de cette entreprise étant détenues par Cogeco Inc.

6. TQS exploite un réseau de télédiffusion généraliste de langue française et est le troisième réseau en importance au Québec en termes de part d'écoute télévisuelle chez les francophones.

7. Quebecor Média était, au moment du lancement des offres pour l'acquisition de Vidéotron le 27 septembre 2000, une filiale en propriété exclusive de Quebecor. Elle a été constituée pour les fins de l'acquisition de Vidéotron et, jusqu'à la date de la clôture du fusionnement proposé, n'exerçait aucune activité importante autre que celles relatives à sa constitution. Aux termes du fusionnement proposé, tous les actifs de Quebecor dans le domaine des communications et des

1 Information tirée du prospectus “Nouvelles offres d’achat au comptant”et de la notice annuelle 1999 de Quebecor inc.

-3-médias sont transférés à Quebecor Média sous laquelle se retrouvent désormais les activités de Quebecor en matière de télédiffusion, les activités de Quebecor dans le secteur des nouveaux médias (soit l'opération de sites Internet et la fourniture de services d'intégration Web), les activités d'édition de Quebecor dans le domaine des journaux hebdomadaires et quotidiens, et les activités de Quebecor dans l'édition et/ou la distribution de livres, de disques et de magazines.

C. Le Groupe Vidéotron Ltée 2 8. Vidéotron est une compagnie publique depuis 1985. Elle est régie par la Partie 1A de la Loi sur les compagnies (Québec). Le siège social de Vidéotron est situé à Montréal (Québec). Vidéotron est une entreprise de communications dont les filiales offrent des services de télédistribution accessibles dans 80 % des foyers québécois, de télécommunications, d'accès Internet, de production télévisuelle et de télédiffusion, de commerce électronique et de télésurveillance. Elle est également impliquée dans la vente et la location de vidéocassettes et de disques vidéonumériques ainsi que dans l'édition de livres et de magazines. Les activités de production télévisuelle et de télédiffusion de Vidéotron sont regroupées sous TVA.

9. TVA exploite, tout comme TQS, un réseau de télévision généraliste de langue française et est la plus importante entreprise de télédiffusion dans la province de Québec, en termes de part d'écoute télévisuelle chez les francophones. Sa programmation est également accessible à travers le Canada, étant incluse dans le service de base des télédistributeurs.

III. LE FUSIONNEMENT PROPOSÉ 10. Aux termes des offres publiques d'achat datées du 27 septembre 2000, Quebecor Média a offert d'acheter la totalité des actions émises et en circulation du capital-actions de Vidéotron, au prix de 45 $ comptant par action.

11. Ces offres publiques d'achat expiraient le 19 octobre 2000 et étaient assujetties à certaines conditions, notamment : (i) l'obtention d'au moins 66 2/3 % de la totalité des actions à vote multiple et de 66 2/3 % des actions subalternes sur une base entièrement diluée; (ii) l'approbation par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes CRTC ») de deux conventions de fiducie et de deux fiduciaires visant les activités de Vidéotron assujetties à la réglementation du CRTC les conventions de fiducie »); et (iii) l'obtention des autres approbations réglementaires pertinentes. Toutes ces conditions ont été rencontrées le 19 octobre 2000, à des termes et conditions que Quebecor Média a jugé satisfaisantes.

2 Information tirée de la notice annuelle 1999 de Vidéotron.

-4-12. Une des approbations réglementaires requises était l'expiration du délai d'attente applicable aux termes de l'article 123 de la Loi. Le 13 octobre 2000, date d'expiration du délai d'attente correspondant au dépôt d'une déclaration abrégée, le commissaire a décidé de ne pas exiger de déclaration détaillée qui aurait eu pour effet de prolonger le délai d'attente, étant donné la mise en place des conventions de fiducie prévues par le CRTC et la signature d'une entente avec Quebecor visant un projet d'ordonnance par consentement pour le dessaisissement de TQS.

13. Le 23 octobre 2000, Quebecor a donc pris possession et procédé au paiement des actions de Vidéotron qui ont été déposées aux termes des offres, sujet toutefois à la mise en place des conventions de fiducie. Avant la clôture de l'acquisition de Vidéotron le 23 octobre, Quebecor Média a été partie à une série d'opérations par suite desquelles Quebecor détient une participation d'environ 54,7 % dans Quebecor Média et Capital Communications CDPQ Inc., une filiale en propriété exclusive de la Caisse de dépôt et placement du Québec, détient une participation d'environ 45,3 %. Quebecor Média procède maintenant à l'intégration, dans sa nouvelle structure, des composantes de Quebecor dans le domaine des communications et des médias et des entreprises provenant de Vidéotron, à l'exception de celles soumises aux conventions de fiducie.

14. Parmi les activités de Vidéotron assujetties aux conventions de fiducie mises en place par le CRTC figurent notamment les activités de TVA.

15. Le commissaire poursuit par ailleurs son étude de l'impact sur la concurrence de l'acquisition par Quebecor des entreprises de Vidéotron autres que celles reliées aux activités de télédiffusion et qui sont visées par le fusionnement proposé, et conserve tous les recours prévus par la Loi.

IV. L'INDUSTRIE DE LA TÉLÉDIFFUSION 16. Les services de télédiffusion de langue française ont vu le jour au Québec en 1952 avec la création de la Société Radio-Canada SRC »). En 1961, un premier télédiffuseur de propriété privée entrait en ondes, soit Télé-Métropole qui exploite aujourd'hui le réseau TVA. Puis se sont ajoutés Radio-Québec (maintenant Télé-Québec), un service de télévision payante appelé Super-Écran et, en 1986, Télévision Quatre-Saisons (soit TQS). Les services spécialisés de télévision ont par la suite fait leur apparition au Québec en 1988 avec l'arrivée de cinq chaînes : Le Réseau des Sports RDS »), TV5, Musique Plus, Canal Famille et Météomédia. Aujourd'hui, le Guide annuel des médias 2001 répertorie pas moins de 18 chaînes de langue française disponibles sur le câble au Québec.

17. Malgré l'ajout de ces nouvelles chaînes de télévision et la réception des nombreux canaux

-5-conventionnels et spécialisés anglophones en provenance du Canada et des États-Unis, les quatre réseaux conventionnels publics et privés de langue française, soit la SRC, TVA, TQS et Télé-Québec, accaparent encore aujourd'hui 73 % des heures d'écoute télévisuelle de la population francophone de la province de Québec 3 . 18. Avant le fusionnement proposé, TVA (propriété de Vidéotron) obtenait la plus grande part de l'écoute télévisuelle de la population francophone au Québec, avec 40 % en 1999, suivi dans l'ordre par la SRC, TQS (propriété de Quebecor) et Télé-Québec et les différents services spécialisés.

19. Tous les participants de l'industrie de la télédiffusion au Canada sont assujettis aux règles et aux politiques du CRTC ainsi qu'aux dispositions de la Loi sur la radiodiffusion. Le CRTC veille, entre autres, à l'octroi des licences de télédiffusion et impose à ses détenteurs des conditions d'exploitation en accord avec les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Cependant, plusieurs activités commerciales des participants de cette industrie ne sont pas régies par le CRTC. C'est le cas, notamment, des prix chargés aux annonceurs pour l'utilisation du temps d'antenne télévisuel aux fins de publicité.

V. ANALYSE D'IMPACT SUR LA CONCURRENCE A. Sommaire 20. Le fusionnement proposé implique l'acquisition par Quebecor de toutes les actions de Vidéotron, et donc des activités de TVA dans le domaine de la télédiffusion, lesquelles chevauchent directement les activités de TQS au niveau de la télédiffusion de langue française au Québec. Après analyse, le commissaire estime que les marchés pertinents affectés par le fusionnement proposé au niveau de la télédiffusion sont les marchés de la vente de temps de publicité télévisuelle en langue française dans la province de Québec et dans ses principales régions.

B. Marché du produit 21. La vente de temps d'antenne à des fins publicitaires génère la plus grande partie des revenus des deux entreprises de télédiffusion de propriété privée qui sont parties au fusionnement proposé, soit TVA et TQS. Les autres produits d'exploitation, tels que la vente de droits sur les productions télévisuelles, le télé-achat et les produits dérivés, ne font pas partie de la présente analyse parce qu'ils ne représentent qu'une faible partie des revenus totaux des entreprises en

3 Guide annuel des médias 2001, p.43.

-6-cause. Qui plus est, ces services sont aussi offerts par un bon nombre d'autres entreprises et peuvent par ailleurs être fournis par les équipes de production internes de chaque télédiffuseur.

22. La vente de temps d'antenne télévisuel à des fins publicitaires représente un produit distinct aux fins d'une analyse de l'impact du fusionnement proposé sur la concurrence même si les autres médias (quotidiens, radio, magazines, hebdomadaires, affichage extérieur et internet) accaparent approximativement 65 % des investissements publicitaires au Québec. En effet, quoique la plupart des annonceurs utilisent plus d'un de ces véhicules publicitaires pour répondre à leurs besoins de promotion, dans l'ensemble, les budgets publicitaires des annonceurs migrent peu d'un média à l'autre. Ainsi, la part de la télévision dans l'ensemble des dépenses publicitaires faites dans les médias au Québec est demeurée stable autour de 34 % depuis 1997 4 . 23. De plus, chaque média a ses caractéristiques propres et le choix d'un média dépend d'une question de stratégie et d'optique pour l'annonceur, et de l'efficacité publicitaire qu'il en tire, soit la capacité de rejoindre la population cible visée par le produit ou le service offert. Les médias ayant des caractéristiques physiques et techniques qui leur sont très particulières, ils servent habituellement des objectifs promotionnels différents et sont généralement utilisés de façon complémentaire par les annonceurs. Les quotidiens par exemple permettent aux annonceurs de présenter des produits et des services avec une information plus détaillée, en mettant davantage l'accent sur le caractère immédiat de la promotion.

24. A l'inverse, la télévision mise plus sur l'image véhiculée par un produit ou un service et permet de rejoindre très rapidement un très grand nombre de personnes. Elle possède un grand pouvoir de persuasion et de rétention, et est un moyen publicitaire particulièrement efficace pour lancer un nouveau produit ou entretenir l'image d'une marque de commerce ou d'une entreprise. En outre, la télévision permet la présentation par les annonceurs de démonstrations audiovisuelles animées de leurs produits et services.

C. Marché géographique 25. Les annonceurs achètent du temps d'antenne à la télévision pour rejoindre des clients potentiels pour leurs produits ou leurs services. Afin que les messages publicitaires puissent être compris par les auditeurs et avoir l'impact commercial visé, il est impératif qu'ils soient véhiculés dans une langue que maîtrisent très bien ces auditeurs. Les données du sondage BBM du printemps 2000 indiquent que la population francophone du Québec n'accorde qu'environ 6 % de son temps d'écoute aux chaînes américaines et canadiennes de langue anglaise et que les francophones adultes de Montréal n'accordent qu'environ 10 % de leur temps d'écoute aux

4 Panorama publicitaire 2000, Carat Expert.

-7-chaînes de langue anglaise. Chez les anglophones de Montréal, la part d'écoute des réseaux francophones est de 4 %. Pour les annonceurs, les populations anglophones et francophones de la région de Montréal constituent donc deux marchés bien distincts en matière de publicité puisqu'un message dans l'une de ces langues a peu d'efficacité pour rejoindre les auditeurs de l'autre langue. Vu les niveaux d'écoute limités dans l'autre langue, les annonceurs ne peuvent donc pas se tourner vers les chaînes de télévision de langue anglaise pour palier à des hausses de prix importantes du temps d'antenne à la télévision de langue française. La définition des marchés pertinents est donc limitée aux télédiffuseurs de langue française du Québec.

26. Par ailleurs, les trois plus grands télédiffuseurs de langue française au Québec exploitent chacun plusieurs stations locales à travers la province. Ils y vendent du temps d'antenne dit « réseau » sur l'ensemble des stations affiliées à leur réseau ainsi que du temps d'antenne diffusé localement par chacune des stations de télévision qui sont détenues et opérées par le télédiffuseur. En général, les annonceurs dits « nationaux » achètent du temps dit réseau avec, pour plusieurs, du temps de diffusion locale en complément. Un autre groupe d'annonceurs composé, entre autres, de commerçants locaux n'achètent que de la publicité télévisuelle locale qui peut alors être vendue par la station locale plutôt que par le télédiffuseur comme tel. Bien qu'il existe des stations de télévision locale dont les propriétaires sont indépendants, les stations locales sont toutes affiliées à l'un des réseaux conventionnels de langue française, soit la SRC, TVA, TQS ou Télé-Québec. Pour ces groupes d'annonceurs locaux, on devrait définir le marché géographique pertinent comme étant limité à chacune des régions de diffusion opèrent les stations locales concernées.

27. La vente par les télédiffuseurs de temps de publicité télévisuelle en langue française dans la province de Québec et dans chacune de ses principales régions, sont donc les marchés pertinents dans cette demande.

D. Incidences sur la concurrence 28. Le commissaire dépose cette demande au motif que l'acquisition de Vidéotron par Quebecor, aux termes de laquelle Quebecor, qui contrôle déjà TQS, acquerra le contrôle indirect de TVA, aurait vraisemblablement pour effet, en l'absence du dessaisissement prévu par l'ordonnance par consentement proposée, d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence sur le marché de la vente de temps de publicité télévisuelle en langue française tant à l’échelle du Québec que dans chacune de ses principales régions. La conclusion du commissaire est fondée sur de nombreux facteurs prévus à l'article 93 de la Loi, incluant la part de marché qui échoirait alors à Quebecor, les entraves à l'accès, la concurrence réelle restante, la disparition d'un concurrent dynamique et efficace, et les changements technologiques et l'innovation.

-8-i) La concentration et les parts de marché 29. Les parts de marché de chacun des télédiffuseurs sur l'ensemble des dépenses publicitaires en télévision de langue française au Québec sont indiquées au tableau ci-dessous pour l'année financière « télé » 1998-1999 (soit de septembre à août), qui est la plus récente année pour laquelle les dépenses publicitaires télévisuelles sont disponibles.

Marché de la vente de temps de publicité télévisuelle en langue française au Québec septembre 1998- août 1999 Réseaux TVA (incluant LCN) conventionnels Stations indé. affiliées à TVA généralistes TQS Stations indé. affiliées à TQS SRC (incluant RDI) Stations indé. affiliées à la SRC Télé-Québec Canaux Canal D(Astral) spécialisés Canal Vie (Astral) Météomédia (Pelmorex) Musimax (Astral 50%, CHUM 50%) Musique+ (Astral 50%, CHUM 50%) RDS (CTV) Télétoon (40% Astral) Total Source: CRTC, Quebecor, Vidéotron, Carat Expert 30. A la suite du fusionnement proposé, et en l'absence de l'ordonnance par consentement proposée, la part de marché de Quebecor, soit l'addition des recettes publicitaires générées par la vente de temps de publicité télévisuelle en langue française sur TVA et sur TQS, serait de [confidentiel] sans compter les stations locales affiliées, et de [confidentiel] si on les inclut. Ainsi, la part de marché de Quebecor passerait de [confidentiel] (TQS) à [confidentiel] (TQS et TVA) avec le fusionnement proposé.

Revenus Part de publicitaires marché Millions $ % [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] [confidentiel] 3.0 0.7% 2.2 0.5% 3.8 0.9% 2.3 0.5% 13 0.3% 7.6 1.7% 13.2 3.0% 2.1 0.5% 447.3 100.0%

-9-31. Par ailleurs, les trois plus grands réseaux soit TVA, la SRC et TQS, accaparaient, avant le fusionnement proposé, 92 % de tous les revenus publicitaires en télévision de langue française au Québec (en incluant les ventes par les stations affiliées). À la suite du fusionnement et de l'intégration de TVA et TQS sous Quebecor, deux entités concurrentes (soit TVA/TQS et la SRC), au lieu de trois, contrôleraient 92 % de l'ensemble de ces revenus publicitaires.

32. Les ventes précises des stations affiliées indépendantes de la SRC, de TVA ou de TQS ne sont pas disponibles. Toutefois, le niveau de concentration des télédiffuseurs dans les marchés locaux est probablement plus élevé qu’à l’échelle provinciale puisque les services spécialisés et Télé-Québec ne diffusent essentiellement que des émissions réseaux et n’offrent pas de programmation locale. Les incidences du fusionnement proposé seraient donc potentiellement similaires sinon plus grandes au niveau local qu’au niveau provincial. Il suffit cependant pour les fins de la présente demande de démontrer que le fusionnement proposé aurait vraisemblablement pour effet, en l’absence du dessaisissement prévu par l’ordonnance par consentement proposée, d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence sur le marché de la vente de temps de publicité télévisuelle en langue française à l’échelle du Québec.

ii) Les entraves à l'accès 33. Les obstacles à la venue d'un nouveau concurrent d'envergure sont élevés dans l'industrie de la télédiffusion francophone au Québec en raison de l’exiguïté du marché et de l'existence d'une réglementation serrée de l'industrie de la télédiffusion au Canada. Toute demande pour l'établissement d'un nouveau réseau de télévision conventionnelle doit en effet passer par un processus de révision réglementaire long et rigoureux au niveau du CRTC. D'ailleurs, aucune autre chaîne de télévision généraliste de langue française n'a vu le jour au Québec depuis TQS en 1986. Bien que le CRTC ait autorisé l'entrée en ondes de plusieurs chaînes spécialisées de langue française depuis et qu'il est probable qu'il en autorise d'autres dans un avenir rapproché, ces nouveaux services spécialisés ne sauraient constituer pour les annonceurs une solution de rechange adéquate à la perte de concurrence qu'entraînerait l'exploitation par une même entité de deux réseaux de télévision généraliste populaires comme TVA et TQS. Les grands réseaux de télévision généralistes n'ont en effet pas leur pareil pour rejoindre rapidement un grand nombre d'auditeurs alors que les canaux spécialisés en atteignent un nombre beaucoup plus limité ayant des profils socio-démographiques beaucoup plus ciblés.

iii) La concurrence réelle restante 34. À la suite du fusionnement proposé, les seuls concurrents de Quebecor qui resteraient en place dans l'industrie de la télévision francophone au Québec seraient, en l'absence du dessaisissement prévu par l'ordonnance par consentement proposée, les services conventionnels publics de la SRC et de Télé-Québec et les services spécialisés.

-10-Les télédiffuseurs de propriété publique: la SRC et Télé-Québec 35. Bien qu'elle soit un joueur d'envergure dans le secteur de la télévision de langue française au Québec, la SRC ne serait vraisemblablement pas en mesure à elle seule d'empêcher une augmentation sensible des prix du temps d’antenne à des fins de publicité télévisuelle en langue française au Québec qui résulterait de l'exploitation des réseaux TVA et TQS par une même entité, en l'occurrence Quebecor. Premièrement, la SRC ne pourrait répondre à une augmentation appréciable de la demande des annonceurs qui voudraient, en réponse à une augmentation de prix provenant de l'entité fusionnée TVA-TQS, satisfaire une plus grande partie de leurs besoins auprès de la SRC. Il existe une rigidité réglementaire et naturelle de l'offre de temps d'antenne à des fins publicitaires. Le CRTC limite en effet le temps alloué à la diffusion de messages publicitaires à 12 minutes par heure. De plus, il n'y a qu'un nombre restreint d'heures de grande écoute dans une journée, et un nombre limité de mois de grande écoute dans une même année, si bien qu'un réseau de télévision peut donc difficilement augmenter son offre de temps d'antenne aux annonceurs. De plus, la capacité d'un réseau d'augmenter son offre de temps d’antenne à des fins de publicité est intrinsèquement liée à une augmentation des cotes d'écoute de sa programmation. Or, la SRC a vu ses cotes d'écoute baisser significativement au cours des dernières années, passant d'environ 26 % en 1995 à environ 22 % en 1999 5 . 36. Par ailleurs, un autre facteur vient limiter la possibilité pour la SRC d'offrir une alternative solide au regroupement TVA-TQS. Dans le cadre de l'examen des demandes de renouvellement des licences de la SRC, le CRTC s'est dit préoccupé par l'influence que les revenus publicitaires ont sur le choix de programmation de ce diffuseur public. La SRC doit respecter des conditions de licence et des engagements particuliers relatifs à son rôle de diffuseur public. L' aptitude de la SRC à remanier sa grille-horaire et sa programmation et à augmenter son offre de temps d'antenne aux annonceurs s'en trouve limitée d'autant.

37. Quant à Télé-Québec, sa faible part de l'écoute (environ 2 %) et sa part encore plus faible de l'assiette publicitaire télévisuelle reflète son mandat de télévision strictement éducative et culturelle, et non-commerciale. Il ne s'agit donc pas d'une alternative adéquate pour les annonceurs face à un regroupement TVA-TQS.

5 BBM - Montréal francophone, automne 1995, automne 1999

-11-Les canaux spécialisés et la télévision payante 38. Bien qu'ils soient plus nombreux que les réseaux de télévision généraliste, les chaînes de télévision spécialisée et payante accaparent moins de 10 % des revenus publicitaires de la télévision de langue française au Québec. De plus, la majorité d'entre elles ne rejoignent qu'un nombre limité de téléspectateurs, leurs auditoires ayant un profil socio-démographique très ciblé. Par exemple, 76 % des auditeurs de RDS sont des hommes. Enfin, ces chaînes ne rejoignent pas l'ensemble de la population puisqu'elles ne

-12-sont pas disponibles sur les ondes hertziennes publiques et ne sont retransmises que par les services de câblodistribution, de voie satellite ou autre technologie de télédistribution. En comparaison des réseaux conventionnels qui sont accessible à la presque totalité de la population, seulement 72 % des foyers québécois sont abonnés à un service de télédistribution par câble. Par conséquent, la grande majorité des annonceurs ne pourraient y transférer une partie importante de leurs achats en télévision en réaction à une augmentation sensible de prix du temps d'antenne de la publicité par le regroupement TVA-TQS.

iv) Disparition d'un concurrent dynamique et efficace 39. Le fusionnement proposé n'aurait probablement pas entraîné la disparition d'une des deux chaînes en tant que telle mais le fusionnement de TQS et de TVA aurait vraisemblablement mis fin à la concurrence que se livraient ces deux chaînes de télévision conventionnelle privées, toutes deux dynamiques et efficaces. TQS connaissait de sérieuses difficultés financières lorsque Quebecor en a fait l'acquisition en 1997. Depuis, bien qu'elle affichait encore une perte d'exploitation avant amortissement de plus de 10 millions de dollars pour l'exercice finissant le 31 décembre 1999 6 , TQS a fait de nombreux efforts pour se positionner comme une télévision différente. Et malgré une certaine fragmentation de l'auditoire avec le développement des chaînes spécialisées, TQS a pu augmenter sa part d'auditoire de la grande région de Montréal de 9,5 % qu'elle était en 1998 à 12,2 % en 1999 7 . Sa part d'écoute au printemps 2000 pour l'ensemble du Québec est estimée à environ 14 % et continue d'augmenter 8 . Du même souffle, ses revenus publicitaires ont augmenté de 6,1 % entre 1998 et 1999 et de 18,2 % au dernier trimestre 6 . 40. Quant à TVA, elle devance de loin tous les autres réseaux au Québec avec une part de marché de l'auditoire chez les francophones âgés de 18 ans et plus estimée à 40 % en 1997 9 (une part qui a toutefois chuté à 37% en 2000). Elle a de plus fait une incursion dans les services spécialisés avec le lancement, en 1997, de la chaîne d'informations continues LCN. Toutefois, au cours des derniers mois, TVA avait perdu des parts de marché, tant en termes de parts d'écoute que de vente de temps d'antenne publicitaire, surtout au profit de TQS. Il est donc indéniable que le regroupement TVA-TQS signifierait la disparition d'un concurrent dynamique et efficace sur le marché de la vente de temps de publicité télévisuelle de langue française.

6 Rapport annuel Quebecor inc. 1999, p. 51. 7 Idem, p. 19. 8 Le guide annuel des médias 2001, p.40. 9 Idem, p. 40

-13-v) Changements technologiques et innovation 41. L'industrie de la télédiffusion a expérimenté, au cours des années récentes, d'importants changements technologiques qui modifient le profil de l'industrie. Dans la deuxième moitié des années 90, de nouvelles technologies de distribution des signaux de télévision ont fait leur apparition, notamment les satellites de radiodiffusion directe (les services Bell ExpressVu et Star Choice) et le système de distribution multipoint (le service de Look TV entre autres). Ces nouveaux services de distribution ont permis aux chaînes spécialisées et payantes d'atteindre des consommateurs qui n'étaient pas desservis par un système de câblodistribution. Le nombre d'abonnés à ces nouveaux services de télédistribution est cependant plus modeste que le nombre de foyers abonnés aux services traditionnels de câblodistribution.

42. La technique de distribution analogique, utilisée par les services de câblodistribution, a toutefois atteint son point de saturation et ne permet plus d'ajouter de nouvelles chaînes de télévision spécialisées. Les systèmes de câblodistribution introduisent graduellement la technique de distribution numérique.

43. Au mois d'avril 2000, le CRTC a reçu pas moins de 456 demandes d'approbation de nouveaux services de télévision spécialisée et payante. Ces demandes ont suivi l'annonce par le CRTC de la Politique relative au cadre de réglementation des nouveaux services de télévision spécialisée et payante numériques et en vertu de laquelle le CRTC annonçait qu'il entendait autoriser une dizaine de nouveaux services spécialisés de catégorie 1, et tous les distributeurs canadiens utilisant la technologie numérique devront distribuer ces services. Une deuxième catégorie de nouveaux services spécialisés pourra voir le jour en nombre presqu'illimité, mais ces services n'auront pas de droits de distribution garantis.

44. Parmi toutes ces demandes, treize portent sur de nouveaux services de télévision spécialisée de langue française de catégorie 1. Cinq d'entre elles ont été déposées par TVA. Au mois d'août 2000, le CRTC a tenu des audiences publiques relativement à l'examen de ces demandes et prévoit rendre ses décisions d'ici la fin de l'année 2000. Tous les nouveaux services de télévision ne seront autorisés que pour diffusion en mode numérique.

45. De l'avis même du CRTC, la plupart des abonnés continueront, au cours des prochaines années, de recevoir leurs signaux de programmation en mode analogique. L'Association canadienne de la télévision par câble prévoit quant à elle que le nombre d'abonnés de langue française qui utilisera la technologie numérique en septembre 2001 oscillera entre 80,905 et 169,367 10 . 10 « Prévisions à long terme relatives aux services numériques pour les entreprises de distribution de câblodistribution »

-14-46. Étant donné que le nombre d'abonnés utilisant la technologie numérique sera au cours des prochaines années significativement moins élevé que le nombre d'abonnés en mode analogique, et que chacun des nouveaux services spécialisés n'atteindra qu'une petite partie de ce nombre réduit d'auditeurs, il apparaît que ces changements technologiques n'auront pas un impact significatif sur le marché de la vente de temps de publicité télévisuelle de langue française au Québec au cours des trois prochaines années.

VI. CONCLUSION 47. Étant donné les parts élevées du marché de la vente de temps de publicité télévisuelle en langue française au Québec qui seraient détenues par Quebecor si elle contrôlait à la fois TVA et TQS, la faible possibilité qu'une nouvelle licence pour un autre réseau de télévision de langue française généraliste ne soit accordée par le CRTC dans un avenir rapproché eu égard au cadre réglementaire en place, la faible part de l'assiette publicitaire qu’accaparent les chaînes de télévision spécialisée, le faible degré de substitution de la télévision vers les autres médias, et après avoir examiné les autres éléments prévus à l'article 93 de la Loi, le commissaire en est venu à la conclusion que, sans l'émission de l'ordonnance par consentement proposée, le fusionnement proposé aurait vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer la concurrence sensiblement dans le marché de la vente de temps de publicité télévisuelle en langue française dans la province de Québec et dans ses principales régions.

48. L'ordonnance par consentement proposée, aux termes de laquelle Quebecor se dessaisira de TQS pour ne conserver que TVA, permettra d'éviter que le fusionnement proposé empêche ou diminue sensiblement la concurrence dans le marché de la vente de temps de publicité télévisuelle en langue française dans la province de Québec. En effet, avec un tel dessaisissement, la situation concurrentielle qui prévalait avant le fusionnement proposé dans l'industrie de la télédiffusion de langue française au Québec demeurera inchangée : le nombre de concurrents restera identique et seule l'identité des propriétaires de TQS et de TVA sera modifiée.

CT-00/ LE TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE DANS L'AFFAIRE d'une demande présentée par le commissaire de la concurrence sous le régime des articles 92 et 105 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c.C-34, en vue de l'obtention d'une ordonnance par consentement;

ET DANS L'AFFAIRE du fusionnement proposé entre Quebecor inc. et Le Groupe Vidéotron Ltée en vertu duquel Quebecor inc. acquerra notamment un contrôle indirect de Groupe TVA inc., filiale de Le Groupe Vidéotron Ltée;

E N T R E : LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE

QUEBECOR INC. Défenderesse EXPOSÉ DES MOTIFS ET DES FAITS SUBSTANTIELS

François Handfield Duane Schippers Avocats pour le commissaire de la concurrence Justice Canada Section du droit de la concurrence Industrie Canada, Services juridiques Place du Portage, tour I, 19e étage 50, rue Victoria Hull (Québec) K1A OC9 Tél.: (819) 997-3325

Demandeur et

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