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Tribunal de la Concurrence

Canada Coat of Arms / Armoiries du Canada

Competition Tribunal

Référence : Le Commissaire de la concurrence c Administration aéroportuaire de Vancouver, 2017 Trib conc 16

No de dossier : CT-2016-015

N° de document du greffe : 228

EU ÉGARD À une demande présentée par le commissaire de la concurrence en vue d’obtenir une ou plusieurs ordonnances en vertu de l’article 79 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, et ses modifications;

ET EU ÉGARD À une requête de l’administration aéroportuaire de Vancouver visant à obliger le commissaire à répondre aux questions auxquelles il a refusé de répondre lors de l’interrogatoire préalable.

ENTRE:

Le commissaire de la concurrence

(demandeur)

et

L’administration aéroportuaire de Vancouver

(défenderesse)

Competition Tribunal Seal / Sceau Tribunal de la Concurrence

Date de l’audience : 13 octobre 2017

Devant le membre judiciaire : M. le juge D. Gascon (président)

Date de l’ordonnance et des motifs de l’ordonnance : 26 octobre 2017

MOTIFS ET ORDONNANCE ACCUEILLANT EN PARTIE LA REQUÊTE DE LA DÉFENDERESSE VISANT À OBLIGER LE COMMISSAIRE À RÉPONDRE AUX QUESTIONS AUXQUELLES IL A REFUSÉ DE RÉPONDRE LORS DE L’INTERROGATOIRE PRÉALABLE


I.  APERÇU

[1]  Le 29 septembre 2017, l’administration aéroportuaire de Vancouver (l’« AAV ») a déposé une requête devant le Tribunal visant à contraindre le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») à répondre à plusieurs questions auxquelles son représentant, M. Kevin Rushton, avait refusé de répondre lors de son interrogatoire préalable (la « requête »). Cette requête de l’AAV s’inscrit dans le contexte d’une demande introduite par le commissaire à l’encontre de l’AAV (la « demande »), en vertu des dispositions de la Loi sur la concurrence, LRC (1985), ch C-34 (la « Loi ») portant sur l’abus de position dominante.

[2]  Dans cette requête, l’AAV demande que soient rendues :

  1. une ordonnance obligeant le commissaire à répondre, dans un délai de quinze jours, aux demandes laissées sans réponse et énoncées à l’annexe A de l’avis de requête de l’AAV (nommément les demandes énoncées dans le mémoire des faits et du droit de l’AAV sous les catégories suivantes : Faits connus du commissaire [« catégorie A »], Questions concernant les résumés des tiers [« catégorie B »] et Divers [« catégorie C »]);
  2. une ordonnance d’adjudication des dépens liés à cette requête en faveur de l’AAV;
  3. toute autre réparation que le Tribunal estime juste.

[3]  Dans son avis de requête, l’AAV a énoncé au total 55 questions qui étaient restées, partiellement ou totalement, sans réponse (les « demandes »). Cette liste initiale de demandes a été réduite durant l’audience, ainsi qu’il est mentionné ci-dessous. Les demandes de la catégorie A visent à recueillir tous les faits connus du commissaire en regard des diverses questions en litige dans la présente demande, y compris les références précises aux résumés des renseignements de tiers préparés par le commissaire ainsi qu’aux documents contenus dans la preuve documentaire produite par le commissaire. Les demandes de la catégorie B visent les renseignements des tiers à l’égard desquels est revendiqué un privilège d’intérêt public. Enfin, les demandes de la catégorie C portent sur des questions diverses.

[4]  Pour les motifs exposés ci-dessous, la requête de l’AAV sera accueillie en partie, mais uniquement en regard de la version « reformulée » de certaines demandes. En effet, après avoir examiné les documents déposés par l’AAV et le commissaire (y compris les transcriptions de l’interrogatoire préalable de M. Rushton), et après avoir entendu les avocats des deux parties, je ne suis pas convaincu qu’il y ait des motifs de contraindre le commissaire à répondre aux demandes des catégories B et C énoncées par l’AAV, ni aux demandes de la catégorie A telles qu’elles ont initialement été formulées durant l’interrogatoire préalable de M. Rushton. Je suis en revanche d’avis que le représentant du commissaire devra répondre à certaines demandes de la catégorie A, dans leur forme réduite et « reformulée » proposée par l’avocat de l’AAV durant l’audience (parfois en réponse à des questions du Tribunal), conformément aux lignes directrices énoncées dans les présents motifs. Et afin de fournir des réponses jugées adéquates et suffisantes à ces demandes « reformulées » de la catégorie A, le commissaire ne pourra se contenter de déclarations génériques ne faisant que renvoyer à l’ensemble des documents déjà présentés à l’AAV. Enfin, le commissaire ne sera en aucun cas tenu de répondre à un sous-ensemble de demandes « reformulées » de la catégorie A, et ce, pour d’autres motifs soulevés par le commissaire.

II.  CONTEXTE

[5]  Le 29 septembre 2016, le commissaire a déposé son avis de demande en vue d’obtenir réparation contre l’AAV en vertu de l’article 79 de la Loi.

[6]  L’AAV est une société sans but lucratif qui a la responsabilité de l’exploitation de l’aéroport international de Vancouver (l’« AIV »). Le commissaire allègue un abus de position dominante de la part de l’AAV, du fait que celle-ci n’a autorisé que deux fournisseurs à offrir des services de restauration à bord à l’AIV et qu’elle prive ainsi le secteur de la restauration à bord des avantages de la concurrence. La demande du commissaire repose entre autres sur des allégations voulant que l’AAV contrôle le marché des services de manutention liés aux cuisines des aéronefs à l’AIV et ait des pratiques anti-concurrentielles, et que sa décision de limiter le nombre de fournisseurs de services de restauration à bord ait eu pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, ce qui a entraîné une hausse des prix, créé un frein à l’innovation et réduit la qualité des services.

[7]  Conformément à l’ordonnance d’établissement du calendrier des travaux rendue par le Tribunal dans cette affaire, le commissaire a signifié son affidavit de documents à l’AAV le 15 février 2017 (l’« affidavit de documents »). L’affidavit de documents du commissaire fait état de tous les documents pertinents à l’examen des questions en litige dans la présente demande qui étaient en la possession, sous l’autorité ou sous la garde du commissaire le 31 décembre 2016. L’affidavit de documents est divisé en trois annexes : (i) l’annexe A qui comprend les documents ne contenant pas de renseignements confidentiels; (ii) l’annexe B contenant les documents qui, de l’avis du commissaire, renferment des renseignements confidentiels mais à l’égard desquels le commissaire n’a revendiqué aucun privilège ou a renoncé au privilège aux fins de la présente demande; et (iii) l’annexe C qui comprend les documents qui, selon le commissaire, contiennent des renseignements confidentiels à l’égard desquels au moins un privilège (c.-à-d. secret professionnel, privilège relatif au litige ou privilège d’intérêt public) est revendiqué. Depuis, le commissaire a modifié et complété l’affidavit de documents original à quelques reprises (collectivement, les « affidavits de documents »).

[8]  Selon le commissaire, tous les documents non protégés pertinents en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde (la « preuve documentaire ») ont été fournis à l’AAV par le truchement de ses affidavits de documents. Le commissaire dit avoir remis au total 14 398 documents à l’AAV. De ce nombre, 11 621 sont des documents sur les prix des services de restauration à bord (c.-à-d. factures, bases de données sur les prix et listes de prix), 1 277 sont des documents que l’AAV avait fournis au commissaire et que ce dernier a simplement reproduits à l’intention de l’AAV, et 342 documents sont des pièces de correspondance par courriel entre l’AAV (ou son avocat) et le Bureau de la concurrence. Si l’on exclut ces trois groupes de documents, la preuve documentaire fournie à l’AAV par le commissaire est donc constituée de 1 158 documents.

[9]  En mars 2017, l’AAV a contesté le privilège d’intérêt public revendiqué par le commissaire à l’égard des documents contenus à l’annexe C de l’affidavit de documents. Cette contestation a donné lieu à la décision rendue par le Tribunal le 24 avril 2017 (Le Commissaire de la concurrence c Administration aéroportuaire de Vancouver, 2017 Trib conc 6) (« décision relative au privilège contesté par l’AAV »). Dans cette décision qui fait actuellement l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale, j’ai confirmé le privilège d’intérêt public revendiqué par le commissaire à l’égard de quelque 1 200 documents.

[10]  Dans le cadre de l’instance, le commissaire a fourni à l’AAV des résumés des faits qu’il a recueillis auprès de tiers durant son enquête ayant mené à la présente demande et qui figurent dans les documents à l’égard desquels il a revendiqué un privilège d’intérêt public (les « résumés »). La première version des résumés a été communiquée le 13 avril 2017. L’AAV n’était toutefois pas satisfaite du niveau de détail de ces résumés et elle a présenté une requête contestant le caractère adéquat et l’exactitude de ceux-ci. Avant l’audition de cette requête, le 6 juin 2017, le commissaire a communiqué à l’AAV des résumés révisés et réorganisés. Ces résumés se divisent en deux documents établis selon le niveau de confidentialité, et ils comptent au total quelque 200 pages.

[11]  Le 4 juillet 2017, le Tribunal a rendu sa décision concernant la requête de l’AAV contestant les résumés (Le Commissaire de la concurrence c. Administration aéroportuaire de Vancouver, 2017 Trib conc 8) (« Décision relative aux résumés présentés à l’AAV »). Dans sa décision, le juge Phelan a rejeté la requête de l’AAV et conclu que l’AAV n’avait pas établi le bien-fondé d’une communication plus précise et plus détaillée des sources d’information, même dans une forme limitée ou selon un accès limité.

[12]  Les 23 et 24 août 2014, le représentant du commissaire, M. Rushton, a été soumis à un interrogatoire préalable de deux journées complètes par l’AAV.

[13]  Dans son avis de requête, l’AAV avait initialement énoncé 55 demandes à l’égard desquelles elle demandait au Tribunal de rendre une ordonnance obligeant le commissaire à y répondre. Cependant, durant l’audition de cette requête devant le Tribunal, les avocats des parties ont indiqué que les demandes 126, 129 et 130 (catégorie B) avaient été retirées et que la demande 114 (catégorie C) avait été résolue. Il reste donc au Tribunal 51 questions à trancher, soit 39 dans la catégorie A, 11 dans la catégorie B et une dans la catégorie C.

III.  ANALYSE

[14]  Chacune des catégories de questions en litige sera examinée séparément, dans l’ordre.

A.  Demandes de la catégorie A

[15]  En ce qui concerne les refus liés aux demandes de la catégorie A, l’AAV demande essentiellement au commissaire de lui indiquer les fondements factuels sur lesquels reposent les diverses allégations qu’il a formulées dans sa demande. Par ces demandes, l’AAV souhaite également obtenir des références précises aux points pertinents des résumés, ainsi qu’aux documents pertinents de la preuve documentaire produite par le commissaire.

[16]  Bien que le libellé exact des 39 demandes de la catégorie A formulées par l’AAV ait varié au cours des deux jours de l’interrogatoire préalable de M. Rushton, l’AAV a formulé toutes ces questions de la même manière dans son mémoire des faits et du droit, sauf pour ce qui est du passage faisant référence à l’allégation ou à la question précise en litige dans chaque question. À titre d’exemple, la demande 21 se lit comme suit : « Présenter tous les faits connus du commissaire ayant trait à la définition du marché excluant les services de restauration comme le laisse entendre le commissaire au paragraphe 11 de sa demande, y compris, sans en exclure d’autres, les renvois aux points précis des résumés révisés des renseignements de tiers et des renseignements confidentiels de niveaux A et B, ainsi que les renvois aux documents précis de la preuve documentaire » [non souligné dans l’original] [traduction]. Les passages soulignés en introduction et en conclusion figurent dans toutes les demandes de la catégorie A. Ces passages sont ce à quoi font référence les avocats des deux parties lorsqu’ils parlent d’« engagement générique » [traduction] durant l’interrogatoire préalable de M. Rushton et lors de l’audience devant le Tribunal.

[17]  Par l’entremise de son avocat, le commissaire a pris les 39 demandes de la catégorie A en délibéré durant l’interrogatoire de M. Rushton. Dans la réponse qu’il a fournie à l’AAV après examen, le commissaire a déclaré que des réponses avaient été fournies à toutes les demandes de la catégorie A, qu’il avait déjà communiqué à l’AAV tous les faits pertinents qui étaient en sa possession au moment où il a produit sa preuve documentaire et ses résumés, et que les réponses aux demandes de la catégorie A se trouvent dans les résumés et la preuve documentaire. Le commissaire prétend donc avoir communiqué à l’AAV, au moyen de ses résumés et de sa preuve documentaire, tous les faits non protégés pertinents qu’il connaît relativement à chacune des questions en litige soulevées dans les demandes de la catégorie A.

[18]  Le commissaire a répété la même réponse à toutes les demandes de catégorie A. La réponse exacte du commissaire se lit comme suit :

Le commissaire a communiqué à l’AAV tous les renseignements non protégés pertinents qui étaient en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde, en plus de lui fournir des résumés des renseignements pertinents qu’il a recueillis auprès de tiers durant l’examen de cette affaire par le Bureau de la concurrence. De plus, le commissaire s’acquittera de ses obligations en vertu des Règles du Tribunal de la concurrence et se conformera aux mécanismes de sauvegarde énoncés très récemment par le juge Gascon dans l’affaire Le commissaire de la concurrence c. Administration aéroportuaire de Vancouver, 2017 Trib conc 6 No de dossier : CT-2016-015. Par conséquent, tous les faits pertinents connus du commissaire au sujet des questions en litige ont déjà été communiqués à l’AAV, sous réserve du respect des privilèges qui s’appliquent et des mécanismes de sauvegarde précités. Ainsi qu’il l’a fait savoir précédemment, le commissaire remettra à l’AAV d’autres documents et un autre résumé des renseignements de tiers le 29 septembre 2017 afin de lui faire part des renseignements qu’il a obtenus depuis la dernière production de documents, conformément à ses obligations continues en matière de communication.

Enfin, comme l’a indiqué l’avocat du commissaire dans une lettre adressée à l’avocat de l’AAV le 30 août 2017, le commissaire refuse de fournir des codes de référence pour les documents et les renseignements qu’il a déjà communiqués à l’AAV. Cette demande est en effet inappropriée et, de toute façon, impose un fardeau disproportionné. [TRADUCTION]

[19]  Pour reprendre la terminologie utilisée par les avocats des parties pour qualifier l’engagement « générique » [traduction], cette réponse est ce que je qualifie de réponse « générique » du commissaire dans les présents motifs. Dans son mémoire des faits et du droit, le commissaire a également invoqué d’autres motifs pour justifier son refus de répondre à 15 des 39 questions de la catégorie A.

[20]  Personne ne conteste le fait que les demandes de la catégorie A de l’AAV se rapportent toutes aux faits connus du commissaire, et non aux faits invoqués par ce dernier. Cette distinction est importante, car il est admis dans la jurisprudence que, lors d’un interrogatoire préalable, une partie est en droit de demander que lui soient présentés les fondements factuels des allégations formulées par la partie adverse, mais non les faits ou les éléments de preuve invoqués à l’appui d’une allégation (Montana Band v Canada, [2000] 1 FCR 267 [C.F. 1re inst.] [« Montana Band »], au paragraphe 27; Can-Air Services Ltd v British Aviation Insurance Company Limited, 1988 ABCA 341, au paragraphe 19). Je suis également convaincu que les demandes de la catégorie A soulèvent des questions qui se rapportent à des sujets et à des éléments pertinents au litige opposant le commissaire et l’AAV dans le cadre de la présente demande. Là encore, la pertinence est un facteur déterminant pour décider s’il faut répondre à une question posée lors d’un interrogatoire préalable (Apotex Inc c Wellcome Foundation Limited, 2007 CF 236, aux paragraphes 16 et 17; Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les « Règles »], au paragraphe 242(1)).

[21]  La principale préoccupation soulevée par le commissaire a trait à la portée des renseignements visés par les demandes de la catégorie A de l’AAV. Le commissaire allègue ainsi que les demandes de la catégorie A, compte tenu du niveau de spécificité demandé, équivalent en fait à demander au Tribunal d’obliger le commissaire à établir des codes de référence pour ses résumés et sa preuve documentaire (c.-à-d. à les classer par question ou point en litige). Or, le commissaire estime que la mesure de redressement demandée est déraisonnable, qu’elle ne trouve aucun appui dans la jurisprudence et qu’elle est sans précédent dans les procédures contestées devant le Tribunal et les tribunaux civils. Le commissaire fait en outre valoir que les demandes de la catégorie A de l’AAV devraient être rejetées en invoquant le motif de la proportionnalité, car ces demandes imposent au commissaire un fardeau démesuré et qu’elles sont incompatibles avec un traitement rapide de la demande dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent.

a.  Questions réellement posées par l’AAV

[22]  Durant l’audience devant le Tribunal, les discussions ont visé essentiellement à déterminer en quoi consistaient réellement les demandes de la catégorie A présentées par l’AAV, le commissaire alléguant que l’AAV lui demandait en fait d’établir des « codes de référence » pour ses résumés et sa preuve documentaire. L’avocat de l’AAV a prétendu pour sa part que l’AAV ne cherchait pas vraiment, au début de l’interrogatoire, à obtenir des renvois précis aux résumés et à la preuve documentaire, mais qu’elle avait fini par les demander à la suite des réponses fournies par M. Rushton qui a déclaré que les « faits connus » du commissaire se trouvaient dans la documentation déjà produite. L’avocat a précisé que l’AAV voulait que le commissaire communique tous les faits qu’il connaissait au sujet d’allégations précises formulées dans les plaidoiries. Il a ajouté qu’il serait acceptable pour l’AAV que le commissaire réponde à ces demandes sans faire référence à des documents ou à des résumés précis.

[23]  En d’autres mots, l’avocat de l’AAV a précisé que l’intention de l’AAV, en présentant ses demandes de la catégorie A, était d’obtenir du commissaire qu’il réponse aux questions concernant les faits à l’appui des allégations ou des questions en litige et que l’AAV ne cherchait pas nécessairement à obtenir des renvois à chaque point précis énoncé dans les résumés ni à chaque document de la preuve documentaire.

[24]  Je reconnais qu’il y a eu une certaine confusion durant l’audience devant le Tribunal au sujet de la portée exacte des demandes de la catégorie A de l’AAV. Cependant, je crois comprendre que l’avocat de l’AAV est finalement revenu sur le libellé des demandes de la catégorie A utilisé dans le mémoire des faits et du droit de l’AAV, et qu’il demande maintenant au Tribunal d’atténuer la portée de ces demandes et de faire abstraction du libellé, « y compris, sans en exclure d’autres, les renvois aux points précis des résumés révisés des renseignements de tiers et des renseignements confidentiels de niveaux A et B, ainsi que les renvois aux documents précis de la preuve documentaire » [traduction] figurant dans les demandes.

[25]  Le problème quant à la position modifiée de l’AAV est que, dans son examen d’une requête visant à obliger une partie à répondre à des questions laissées sans réponse durant l’interrogatoire préalable, le Tribunal doit statuer sur des questions précises qui ont été posées lors de cet interrogatoire et auxquelles, selon la partie requérante, l’auteur de l’affidavit a refusé de répondre ou a répondu de manière inappropriée. Les questions posées sont celles énoncées durant l’interrogatoire préalable et auxquelles l’auteur de l’affidavit a refusé ou a été incapable de répondre, ou a décidé de répondre comme il l’a fait durant l’interrogatoire proprement dit ou après avoir pris les questions en délibéré. Or, comme l’a fait valoir à juste titre l’avocat du commissaire, il s’agit de questions et de réponses qui découlent de témoignages sous serment.

[26]  Après examen des transcriptions de l’interrogatoire préalable de M. Rushton et des questions véritablement posées dans le cadre des diverses demandes de la catégorie A, je conclus que ce que l’AAV cherchait en réalité à obtenir lors de l’interrogatoire était non seulement les faits à l’appui des allégations ou des questions en litige, mais également tous les renvois à des points précis énoncés dans les résumés et à des documents précis de la preuve documentaire. Il s’agit des questions qui ont été posées à M. Rushton et auxquelles le représentant du commissaire a répondu. Je crois comprendre que l’intention initiale de l’AAV n’était peut-être pas de poser des questions d’une portée aussi large, mais c’est néanmoins ce qu’elle a fait en présentant ses demandes de la catégorie A. Je note par ailleurs que la prétendue « question initiale » ne figure pas parmi celles dont le Tribunal a été saisi et qu’elle ne fait pas partie des 39 demandes de la catégorie A présentées par l’AAV.

[27]  Je conviens avec l’AAV que la jurisprudence a établi que les questions visant à connaître les faits sur lesquels reposent les allégations formulées par une partie sont des questions qu’il est légitime de poser durant l’interrogatoire préalable. L’AAV était donc en droit de demander que lui soient communiqués « tous les faits connus de la partie interrogée sur lesquels était fondée une allégation précise de la plaidoirie » [TRADUCTION] (Montana Band, au paragraphe 27). Je suis également prêt à reconnaître que la grande majorité des demandes de la catégorie A de l’AAV se rapportent à des questions et à des points précis et distincts, contrairement à ce que prétend le commissaire, et qu’il ne s’agit pas de questions « passe-partout », génériques ou générales.

[28]  Le problème vient toutefois du niveau de spécificité associé aux demandes de la catégorie A, en ce qui a trait aux renvois précis aux résumés et aux documents de la preuve documentaire. En vertu de l’article 242 des Règles des Cours fédérales, une personne peut s’opposer à des questions exigeant des réponses trop détaillées, au motif que ces questions sont déraisonnables ou inutiles. Le Tribunal a précédemment établi que le commissaire n’a généralement pas à identifier chaque document distinct sur lequel il s’appuie pour étayer une allégation (Canada (Director of Investigation and Research) v Southam Inc, [1991] CCTD no 16 [« Southam »], aux paragraphes 17 et 18; Canada (Director of Investigation and Research) v NutraSweet Co, [1989] CCTD no 54 [« NutraSweet »], au paragraphe 29). S’il est déraisonnable de s’attendre à ce qu’une partie identifie, en tout ou en partie, chaque document sur lequel elle a pu se fonder pour étayer une allégation, je conclus qu’il est tout aussi déraisonnable et inapproprié, lors d’un interrogatoire préalable, de demander à une partie d’identifier chaque document contenant des faits qui sont connus de cette partie et sur lesquels repose une allégation précise (Southam, au paragraphe 18).

[29]  Je reconnais qu’il peut y avoir des cas où le volume et la complexité de la documentation produite sont tels qu’il peut devenir nécessaire d’exiger une identification précise de chaque document (NutraSweet, au paragraphe 29). De fait, certains tribunaux ont statué que, lorsque la preuve documentaire est volumineuse, une partie peut être tenue de préciser quels documents, parmi ceux produits, concernent ou appuient une allégation particulière (Rule-Bilt Ltd v Shenkman Corporation Ltd et al [1977], 18 OR [2d] 276 [ONSC] [« Rule-Bilt »], aux paragraphes 27 et 28; International Minerals & Chemical Corp [Canada] Ltd v Commonwealth Insurance Co, 1991 CanLII 7792 [SKSB] [« International Minerals »], aux paragraphes 6 à 10). Cependant, je ne suis pas convaincu que l’AAV ait établi ou démontré, en l’espèce, l’existence d’une preuve documentaire si volumineuse ou si complexe que le commissaire doive identifier chaque renvoi précis aux documents ou à des portions des résumés. De fait, si l’on exclut les documents produits par l’AAV et les dossiers sur l’établissement des prix des services de restauration, la preuve documentaire du commissaire comprend 1 158 documents, et les résumés totalisent quelque 200 pages. À mon avis et en l’absence d’élément de preuve attestant le contraire, cette preuve documentaire ne peut être qualifiée de trop volumineuse ni d’intrinsèquement complexe, notamment compte tenu du fait que l’AAV a accès à un index électronique et à une fonction de recherche électronique pour la consultation de cette documentation.

[30]  Je conclus donc que les demandes initiales de la catégorie A, telles qu’elles ont été formulées dans le mémoire des faits et du droit de l’AAV et posées durant l’interrogatoire préalable de M. Rushton, sont trop générales et inappropriées et, pour ce motif, le commissaire n’a pas à y répondre. Et je suis d’accord avec le commissaire pour dire que répondre aux demandes telles qu’elles ont été formulées exigerait en fait du commissaire qu’il classe ses résumés et sa preuve documentaire par code. Or, je suis d’avis que l’on ne peut imposer cela au commissaire.

[31]  Cela dit, il ne serait ni utile ni efficace de clore ici mon analyse sur ce point, compte tenu des circonstances en l’espèce. De fait, durant l’audience, l’avocat de l’AAV a demandé au Tribunal de tenir compte également des questions « reformulées » [traduction] de l’AAV, notamment d’une version abrégée des demandes de la catégorie A visant à obtenir « tous les faits connus du commissaire » [traduction], sans nécessairement faire référence à des documents précis ou à des points précis des résumés. L’avocat a fait valoir que le Tribunal pourrait réduire la portée des demandes de la catégorie A et en supprimer la dernière partie, s’il jugeait que ces demandes étaient trop larges, puis déterminer si le commissaire avait fourni des réponses adéquates et suffisantes à ces demandes reformulées.

[32]  Il est vrai, dans le cadre de la présente ordonnance, que je pourrais me contenter d’examiner les demandes de la catégorie A dans leur forme initiale, conclure qu’il n’est pas nécessaire d’y répondre car ces demandes sont déraisonnables et trop générales, et rendre cette décision sans porter atteinte au droit de l’AAV de demander un autre examen des demandes tronquées et reformulées portant sur les mêmes questions. Cependant, dans le contexte en l’espèce et compte tenu du fait que nous en sommes presque aux dernières étapes de la préparation de l’instruction, je suis d’avis que cette option n’offrirait pas une solution pratique, expéditive et juste d’examiner les questions soulevées par la requête de l’AAV. Les questions soulevées par les demandes initiales de la catégorie A de l’AAV sont peut-être trop générales, mais elles demeurent néanmoins pertinentes. Il m’apparaît donc nettement préférable d’examiner immédiatement ces demandes dans leur version « reformulée », et c’est ce que je ferai.

b.  La question de la proportionnalité

[33]  Je ferai une brève parenthèse pour aborder l’argument subsidiaire fondé sur le principe de la proportionnalité qui a été invoqué par le commissaire, car cet argument se rapporte essentiellement aux préoccupations soulevées par le commissaire concernant la demande de l’AAV d’établir des « codes de référence » pour les documents et résumés déjà produits. Comme je viens de conclure que les demandes de la catégorie A de l’AAV sont trop générales et qu’il n’y a pas lieu d’y répondre, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la proportionnalité dans le cadre de la présente ordonnance. Cependant, compte tenu des représentations faites par l’avocat du commissaire lors de l’audience, je formulerai les observations suivantes.

[34]  Le commissaire prétend que, quoi qu’il en soit, le Tribunal ne devrait pas rendre une ordonnance l’obligeant à répondre aux demandes de la catégorie A de l’AAV, car il serait indûment onéreux pour le commissaire d’avoir à présenter ses résumés et sa prevue documentaire selon le niveau de spécificité demandé par l’AAV, et que cela lui imposerait un fardeau trop lourd. Le commissaire n’a pas déposé d’affidavit pour appuyer ses allégations relatives au fardeau démesuré qui lui serait imposé s’il devait répondre aux demandes de l’AAV, mais son avocat fait valoir que le Tribunal, en l’espèce, pourrait trancher la question de la proportionnalité en faveur du commissaire, même en l’absence de témoignage par affidavit. Je ne suis pas d’accord avec la position du commissaire sur cette question.

[35]  Je ne conteste pas le fait que le critère de proportionnalité s’applique aux instances du Tribunal. Plus particulièrement, dans l’examen de questions telles que celles soulevées dans la présente requête, le Tribunal doit toujours tenir compte des questions de proportionnalité (Le commissaire de la concurrence c Reliance Comfort Limited Partnership, 2014 Trib conc 9 [« Reliance »], aux paragraphes 25 à 27). Cependant, la jurisprudence est claire sur ce point : les allégations fondées sur le critère de proportionnalité doivent être étayées par des éléments de preuve (Wesley First Nation [Stoney Nakoda First Nation] v Alberta, 2013 ABQB 344, aux paragraphes 93 et 94; Montana Band, au paragraphe 33). Il ne suffit pas d’indiquer qu’il serait trop onéreux de se conformer à une demande visant à obtenir des réponses à des questions posées lors de l’interrogatoire préalable. Certains éléments de preuve doivent être présentés pour étayer l’allégation et pour établir le caractère démesuré d’une telle demande par rapport à sa valeur.

[36]  De fait, dans la décision du Tribunal invoquée à l’appui par le commissaire, la conclusion du juge Rennie selon laquelle la demande visant à obliger à répondre imposerait un fardeau trop lourd et démesuré était fondée sur de réels éléments de preuve provenant de deux affidavits exposant en détail les coûts, les ressources humaines et le temps qui seraient nécessaires pour se conformer à la demande formulée (Reliance, aux paragraphes 32, 39 et 42). De même, dans The Commissioner of Competition v Air Canada, 2012 Trib conc 20 (« Air Canada »), un témoignage par affidavit a été déposé pour démontrer le fardeau énorme et démesuré qu’imposeraient les questions posées (Air Canada, au paragraphe 24).

[37]  En l’espèce, le commissaire n’a présenté aucune preuve pour étayer son plaidoyer relatif au fardeau lourd et démesuré, et ce seul fait aurait été suffisant pour rejeter ses allégations à cet égard. Je n’exclus pas la possibilité que, dans certaines circonstances, le critère de proportionnalité puisse limiter les exigences en matière de communication qui sont imposées au commissaire ou à un plaideur privé lors d’un interrogatoire préalable. Les faits jouent un rôle prépondérant dans ces questions, qui dépendent des circonstances de chaque affaire. Cependant, dans chaque affaire, toute allégation de fardeau démesuré doit être étayée par une preuve claire et convaincante qui satisfait au critère de la prépondérance des probabilités (F.H. c McDougall, 2008 CSC 53, au paragraphe 46).

c.  Les questions « reformulées » de l’AAV

[38]  J’examinerai maintenant les demandes « reformulées » de la catégorie A de l’AAV, à savoir les demandes visant à obtenir « tous les faits connus du commissaire » [traduction] au sujet d’une question ou d’une allégation particulière sans nécessairement faire référence aux points précis des résumés ou à des documents précis de la preuve documentaire. Certes, je reconnais que ces questions reformulées ne sont pas celles qui ont été posées à M. Rushton lors de son interrogatoire préalable et que ni M. Rushton ni le commissaire n’ont encore eu la possibilité de les examiner et d’y répondre. À cet égard, je reconnais qu’on ne peut présumer que les réponses déjà fournies par le commissaire aux demandes initiales de la catégorie A, y compris sa « réponse générique », reflètent ce que M. Rushton et le commissaire auraient en réalité répondu à la version « reformulée » de ces demandes. De fait, je n’exclus pas la possibilité que la nature trop générale des demandes initiales de la catégorie A de l’AAV et l’engagement « générique » auquel M. Rushton a eu recours durant l’interrogatoire préalable puissent avoir contribué à polariser les réponses du commissaire et l’avoir incité à fournir la réponse « générique » qu’il a donnée. Dans ce contexte, M. Rushton et le commissaire méritent certainement d’avoir la possibilité de répondre vraiment aux demandes « reformulées » de la catégorie A, avant que le Tribunal décide si l’on a ou non répondu de façon adéquate et suffisante à ces questions.

[39]  J’estime toutefois qu’il est également utile et pratique, dans les circonstances de l’espèce, de discuter de ce qui constituerait à mon avis une réponse adéquate et suffisante de la part du commissaire aux demandes « reformulées » de la catégorie A de l’AAV. Comme je l’ai mentionné précédemment, je suis prêt à accepter que l’AAV eût le droit de demander au commissaire « tous les faits connus » [traduction] au sujet d’une question ou d’une allégation particulière (Montana Band, au paragraphe 27). Ce qui reste à déterminer, ce sont les paramètres pouvant aider les parties à définir ce qui constituerait une réponse acceptable de la part du commissaire aux questions visant à obtenir « tous les faits connus » [traduction] de lui.

[40]  À cet égard, la requête de l’AAV soulève quelques questions fondamentales sur l’étendue de l’obligation de divulguer du commissaire dans le contexte d’un interrogatoire préalable, et il convient de prendre un moment pour examiner cette question dans la perspective plus générale de l’interrogatoire préalable dans le cadre des instances du Tribunal.

Interrogatoires préalables

[41]  Il est généralement admis que l’objectif de l’interrogatoire préalable, qu’il soit mené oralement ou par la production de documents, est d’obtenir la reconnaissance de faits afin de faciliter la preuve de toutes les questions qui opposent les parties et de permettre aux parties de se renseigner, avant l’instruction, sur la nature de la position de l’autre partie de façon à pouvoir définir les questions en litige (Canada c Lehigh Cement Limited, 2011 CAF 120 [« Lehigh »], au paragraphe 30; Southam, au paragraphe 3). L’interrogatoire préalable a pour objectif général de promouvoir l’équité et l’efficacité de l’instruction en permettant à chacune des parties de se renseigner sur l’affaire (Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, 2010 CAF 142, au paragraphe 14; Montana, au paragraphe 5).

[42]  Il est également généralement admis que les tribunaux ont adopté une approche libérale à l’égard des questions visant à obtenir « tous les faits connus » [traduction] d’une partie et que, lors de l’interrogatoire préalable, les faits pertinents doivent être exposés d’une manière suffisamment précise pour éviter que les renseignements soient noyés dans une masse de documents ou d’information. Un degré suffisant de spécificité contribue à rendre l’instruction plus juste et plus efficace. À ce titre, une partie a normalement le droit, non seulement de connaître les faits cités dans les actes de procédure, mais également de savoir à quel endroit trouver cette description des faits (Dek-Block Ontario Ltd v Béton Bolduc [1982] Inc. (1998), 81 CPR (3d) 232 (CFDT), aux paragraphes 26 et 27). Certes, l’établissement de renvois adéquats aux faits pertinents et à leur description dans la preuve documentaire peut exiger du travail, du temps et des ressources à la partie à qui ce fardeau est imposé; cependant, dans les affaires larges et complexes, « le fait que le rassemblement des faits et des documents puisse exiger beaucoup de travail est un élément avec lequel les parties doivent apprendre à composer » [traduction] (Montana Band, au paragraphe 33). Il n’en demeure pas moins que les réponses aux questions posées lors de l’interrogatoire préalable dépendent toujours des faits et exigent du juge qu’il exerce un grand pouvoir discrétionnaire.

[43]  D’autres facteurs ont une incidence sur l’interrogatoire préalable dans les affaires devant le Tribunal. Premièrement, le commissaire est l’unique plaideur dans ces instances. Le commissaire n’est pas un intervenant sur le marché et ses représentants ne possèdent aucune connaissance indépendante sur les faits concernant le marché et les comportements en litige. Tous les faits ou renseignements qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde du commissaire découlent plutôt de l’information qu’il a recueillie auprès des intervenants sur le marché dans le cadre de son enquête sur la question en litige. Le commissaire et ses représentants n’ont pas une connaissance directe et importante des faits à l’appui de la demande. Cela signifie qu’il pourrait habituellement être plus difficile pour un représentant du commissaire de décrire de manière exhaustive « tous les faits connus » [traduction] du commissaire.

[44]  Deuxièmement, les critères de célérité et d’équité sont deux éléments fondamentaux de l’approche et des instances du Tribunal. Le paragraphe 9(2) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, LRC 1985, c 19 (2e suppl) prévoit que « [d]ans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent, il appartient au Tribunal d’agir sans formalisme, en procédure expéditive ». L’instruction expéditive de l’instance et la protection adéquate de l’équité procédurale sont donc des exigences de la loi qui sont au coeur des fonctions du Tribunal. Le Tribunal s’efforce de traiter les affaires dont il est saisi de manière rapide et efficace, mais il ne prend jamais à la légère les préoccupations soulevées quant à l’équité procédurale de ses instances. De plus, comme je l’ai indiqué dans la décision relative au privilège contesté par l’AAV, les instances devant le Tribunal sont hautement « judiciarisées » et requièrent par conséquent un niveau élevé d’équité procédurale (Décision relative au privilège contesté par l’AAV, au paragraphe 159). Il est également bien établi que la nature et l’étendue de l’obligation d’équité procédurale varient en fonction du contexte particulier et des différentes situations de fait avec lesquels le Tribunal doit composer, ainsi que de la nature des litiges qu’il doit régler (Baker c Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], [1999] 2 RCS 817, aux paragraphes 25 et 26; Décision relative au privilège contesté par l’AAV, aux paragraphes 165 à 170).

[45]  Les instances devant le Tribunal se déroulent de manière expéditive, et les calendriers des travaux établis par le Tribunal sont généralement beaucoup plus serrés que ceux ayant cours dans les litiges commerciaux habituels, tant pour l’étape de l’interrogatoire préalable que pour la préparation de l’audience proprement dite. De fait, ces délais se mesurent généralement en mois seulement. C’est le cas de la présente demande, l’ordonnance d’établissement du calendrier n’ayant prévu que quelques mois pour la communication préalable des documents et l’interrogatoire préalable. De telles exigences entraînent certaines obligations pour toutes les parties en cause, ainsi que pour le Tribunal. Au moment de déterminer ce qui constitue une communication adéquate et suffisante, il faut toujours soupeser la célérité des procédures en regard de l’équité et de l’efficacité de l’instruction.

[46]  En résumé, les parties et le Tribunal tentent tous deux de parvenir, lors de l’interrogatoire préalable, à un niveau de communication suffisant pour permettre à chaque partie de progresser d’une manière juste, efficace, efficiente et rapide vers l’audience, en ayant une connaissance suffisante de l’affaire. Il n’existe pas de formule magique qui puisse s’appliquer à toutes les situations, et une approche au cas par cas doit en tout temps être privilégiée pour déterminer le niveau approprié de communication lors de l’interrogatoire préalable. La portée de l’interrogatoire préalable autorisé dépend ultimement du « contexte factuel et procédural de l’affaire, en tenant compte des principes juridiques applicables » (Lehigh, au paragraphe 24). Dans ce contexte, la décision quant à savoir si une question donnée est autorisée lors d’un interrogatoire préalable « repose essentiellement sur les faits » (Lehigh, au paragraphe 25).

La réponse « générique » du commissaire

[47]  En l’espèce, dans la première partie de sa réponse aux demandes initiales de la catégorie A de l’AAV, le commissaire a déclaré sommairement qu’il avait fourni à l’AAV tous les renseignements non protégés pertinents qui étaient en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde et qu’il lui avait également fourni des résumés des renseignements pertinents qu’il avait recueillis auprès de tiers durant l’examen de cette affaire par le Bureau de la concurrence. Bien qu’il ait fait référence à ses obligations futures en vertu des Règles du Tribunal de la concurrence (DORS/2008-141) et à la délivrance des déclarations des témoins, le commissaire s’en est tenu essentiellement à une réponse « générique » selon laquelle les faits qui lui étaient connus relativement aux diverses questions soulevées par l’AAV se trouvaient dans les résumés et la preuve documentaire, sans fournir quelque autre précision ou indication.

[48]  À mon avis, ce type de déclaration générique ne peut constituer une réponse adéquate et suffisante de la part du commissaire aux demandes « reformulées » de la catégorie A de l’AAV, dans le contexte de l’interrogatoire préalable par l’AAV [1] . Lors de l’interrogatoire préalable de son représentant, le commissaire ne peut se retrancher derrière ses résumés et sa preuve documentaire pour éviter d’avoir à prendre les mesures nécessaires pour fournir des réponses et des indications plus détaillées en réponse à des questions et à des engagements précis, et se contenter de mentionner simplement l’existence des documents produits. En d’autres mots, la réponse « générique » fournie par le commissaire en l’espèce ne serait pas suffisante pour satisfaire aux critères d’équité, de célérité et d’efficacité de l’instruction qui devraient généralement s’appliquer à l’interrogatoire préalable dans le cadre d’instances devant le Tribunal.

[49]  L’interrogatoire préalable doit signifier quelque chose, y compris lorsque le commissaire y participe (Le commissaire de la concurrence c Union des producteurs de grain limitée, 2002 Trib conc 35 [« UPG »], au paragraphe 92). Je suis d’avis que le commissaire ne peut se cacher derrière une déclaration générique selon laquelle tous les documents et résumés ont été produits, qu’il n’y a rien d’autre à communiquer et que tous les faits pertinents connus de lui se trouvent quelque part dans la preuve documentaire et les résumés des renseignements de tiers, sans fournir plus de détails ou d’indications, et prétendre que cela est suffisant pour s’acquitter de son obligation de communiquer l’information en réponse à des questions pertinentes posées lors d’un interrogatoire préalable. Être un plaideur atypique ne signifie pas que le commissaire peut se soustraire aux principes fondamentaux de la communication orale ni qu’il est au-dessus du processus de l’interrogatoire préalable (NutraSweet, au paragraphe 35). À mon avis, si le Tribunal acceptait qu’une déclaration générique comme la réponse « toute faite » utilisée par le commissaire en l’espèce constitue une réponse adéquate et suffisante aux demandes de la catégorie A de l’AAV, cela n’aurait pour effet que de transformer l’interrogatoire préalable du représentant du commissaire en une mascarade et de le réduire à un processus vide et dénué de sens. Il ne s’agit pas d’une voie acceptable pour le Tribunal, et il ne s’agit certainement pas d’une façon juste, efficace ni même expéditive de se préparer à l’instruction en l’espèce.

[50]  Bien que je reconnaisse qu’exiger du commissaire qu’il présente sa preuve documentaire et ses résumés des renseignements de tiers par sujet ou question et qu’il identifie chaque document ou élément d’information pertinent de sa documentation n’est pas une option généralement appropriée dans le contexte des interrogatoires préalables lors d’instances du Tribunal, j’estime que répondre simplement que tous les faits pertinents se trouvent quelque part dans la preuve documentaire et les résumés, sans fournir quelque autre précision ou indication, constitue une réponse tout aussi inadéquate de la part du commissaire. Aucun de ces deux extrêmes ne constitue une solution acceptable (International Minerals, au paragraphe 7). J’utilise le terme « généralement », car je suis conscient que les exigences en matière de divulgation de la preuve lors d’un interrogatoire préalable varient selon les circonstances de chaque affaire et que les décisions rendues par le Tribunal relativement à des requêtes visant à obliger à répondre exigent toujours l’exercice du pouvoir discrétionnaire du membre judiciaire président ayant à statuer sur les refus.

[51]  Je ferai une parenthèse pour formuler une observation au sujet de l’interrogatoire préalable de M. Rushton en l’espèce. En formulant les commentaires précités au sujet de la réponse du commissaire aux demandes initiales de la catégorie A de l’AAV, je ne veux d’aucune façon laisser entendre que la réponse « générique » du commissaire est représentative de son approche globale durant l’interrogatoire de M. Rushton, ou du témoignage fait par ce dernier. Au contraire, durant les deux jours de l’interrogatoire préalable, la plupart des questions qui ont été posées à M. Rushton n’ont pas mené au dépôt de demandes d’engagement de la part de l’AAV, car M. Rushton a semblé répondre de manière satisfaisante à la grande majorité des questions, notamment en fournissant des renseignements, des exemples et des renvois suffisamment précis aux sections pertinentes des résumés ou de la preuve documentaire, ainsi qu’en citant de nombreux faits qui lui venaient à l’esprit. De fait, d’après mon interprétation de l’interrogatoire préalable, M. Rushton a été un témoin coopératif et ouvert durant les deux jours de l’interrogatoire. Les questions laissées sans réponse ont été l’exception et non la règle et, à la fin des deux jours complets d’interrogatoire, seulement 39 demandes de la catégorie A étaient en suspens. En réponse à la plupart des questions qui lui ont été posées par l’AAV durant l’interrogatoire, M. Rushton a été loin de se contenter de se retrancher derrière les résumés et la preuve documentaire présentés par le commissaire, et il a donné au contraire des réponses et des indications suffisantes.

[52]  Je note qu’environ trois quarts des demandes de la catégorie A laissées sans réponse ont été soulevées durant la deuxième journée de l’interrogatoire de M. Rushton. Après examen des transcriptions, j’ai l’impression que les avocats de l’AAV et du commissaire, à mesure que l’interrogatoire avançait, ont tous deux invoqué de manière assez précipitée « l’engagement générique » [traduction] et « la prise en délibéré de l’engagement générique » [traduction], sans vraiment toujours donner à M. Rushton l’occasion de tenter de répondre à certaines des questions. Cette approche a mené à la réponse « générique » que le commissaire a fini par donner aux demandes de la catégorie A.

Réponse adéquate et suffisante aux questions « reformulées »

[53]  Après avoir commenté la réponse « générique » du commissaire, j’examinerai maintenant comment, en l’espèce, le commissaire pourrait répondre d’une manière adéquate et suffisante aux questions « reformulées » de la catégorie A. Certes, je reconnais que l’évaluation du caractère adéquat d’une réponse à une question précise requiert une enquête fondée sur les faits qui, en dernier ressort, dépend du contexte propre à chaque question. De plus, le Tribunal a toujours le pouvoir discrétionnaire de décider ce qui constitue une réponse satisfaisante et suffisante dans chaque cas. Cependant, à la lumière de ce qui précède, je suis d’avis que certains paramètres généraux peuvent être établis pour guider le Tribunal et les parties dans la prise de cette décision.

[54]  Premièrement, je reconnais qu’il incombe à l’AAV, comme à tout autre plaideur, d’établir et de préparer sa preuve. Ce n’est pas au commissaire de faire le travail de l’AAV. Il incombe à l’AAV d’examiner et d’organiser la documentation produite par l’autre partie, et le commissaire n’a pas à fournir à l’AAV une feuille de route précise lui indiquant où trouver les documents dans les affidavits de documents ou les extraits pertinents dans les résumés. Dans une certaine mesure, il appartient au destinataire d’une preuve documentaire de l’examiner soigneusement et d’y mettre de l’ordre. Le commissaire a reconnu qu’il avait déjà produit tous les documents en sa possession, sous son contrôle ou sous sa garde qui étaient susceptibles de répondre aux demandes de l’AAV, et que l’AAV et le commissaire étaient tous deux en mesure d’identifier les faits et les sources sur lesquels reposent les diverses allégations formulées par le commissaire. Dans une certaine mesure, le commissaire n’est pas mieux placé que l’AAV pour faire ce travail.

[55]  Parallèlement, l’AAV a le droit de demander, lors de l’interrogatoire préalable, qu’on lui présente les renseignements factuels pertinents sur lesquels reposent la demande du commissaire et les allégations qui y sont formulées (NutraSweet, aux paragraphes 9 et 35). Elle a le droit d’être informée des arguments invoqués à son encontre et d’obtenir suffisamment d’information sur les faits pertinents précis (Le commissaire de la concurrence c. Direct Energy Marketing Limited, 2014 Trib conc 17 [« Direct Energy »], au paragraphe 16; NutraSweet, aux paragraphes 30 et 42). Dans l’ensemble, les règles habituelles en matière de communication lors de procédures civiles s’appliquent.

[56]  Un autre élément modérateur en l’espèce, comme c’est habituellement le cas pour la plupart des défendeurs lors d’instances introduites par le commissaire devant le Tribunal, est le fait que l’AAV est un des acteurs sur le marché. L’AAV a une vaste connaissance du secteur, de son fonctionnement, ainsi que des participants réels et potentiels. L’AAV a déjà une bonne idée des renseignements que possède le commissaire sur le marché où, selon ses allégations, il y a eu abus de position dominante de la part de l’AAV. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, 1 619 documents produits par le commissaire provenaient de l’AAV. Pour des raisons pratiques, je dois donc tenir compte des propres capacités et connaissances de l’AAV.

[57]  De fait, je remarque que, si l’on exclut les documents de l’AAV et ceux portant sur l’établissement des prix des services de restauration à bord, le nombre de documents est inférieur à 1 200, ce qu’on ne peut qualifier de volumineux, que les résumés ne font qu’un peu plus de 200 pages et que l’AAV et le commissaire peuvent tous deux interroger intégralement ces documents.

[58]  Je note par ailleurs que le Tribunal a précédemment établi qu’il est « suffisant, lors d’un interrogatoire préalable, d’indiquer les principales sources sur lesquelles une partie a fondé ses allégations » [traduction] (Southam, au paragraphe 18). La jurisprudence a en effet établi que la présentation des principaux faits, des principales sources d’information ou de catégories de documents décrites d’une manière suffisamment détaillée pour permettre de repérer les faits constitue une réponse adéquate et suffisante aux questions soulevées lors d’un interrogatoire préalable (Southam, aux paragraphes 18 et 19; NutraSweet, aux paragraphes 30 à 35; International Minerals, aux paragraphes 8 à 10). Le degré de précision varie en fonction des circonstances et de la complexité de chaque affaire, du volume de documents en cause, ainsi que de la connaissance qu’ont les parties des documents (Rule-Bilt, au paragraphe 25). Bien que certains de ces précédents jurisprudentiels semblent porter sur des situations où les questions posées se rapportaient à des faits invoqués, je conclus que ces observations sur le caractère suffisant des « sources d’information importantes » s’appliquent dans une certaine mesure aux questions visant à obtenir les faits pertinents connus du commissaire.

[59]  Enfin, et il est important d’insister sur ce point, le commissaire a déjà déclaré, et répété, qu’il avait fourni à l’AAV tous les renseignements non protégés pertinents qui étaient en sa possession, sous son autorité et sous sa garde, et que tous les renseignements pertinents qu’il a obtenus des tiers dans le cadre de son enquête, et à l’égard desquels il revendique le privilège d’intérêt public, ont été présentés dans les résumés. En conséquence, personne ne conteste que tous les faits pertinents connus du commissaire figurent déjà dans la documentation qui a été remise à l’AAV.

[60]  Eu égard à ce qui précède, je considère que, pour qu’une réponse aux demandes « reformulées » de la catégorie A visant à obtenir « tous les faits connus » du commissaire sur un sujet donné soit jugée adéquate, il suffirait au commissaire de donner une description des faits importants pertinents qui lui sont connus, en précisant les sections, parties ou séries de pages des résumés et de la preuve documentaire où se trouvent les principales sources d’information sur ces faits pertinents. En d’autres mots, le commissaire n’a pas à fournir à l’AAV une feuille de route complète, mais il doit tout au moins lui fournir des indications lui permettant de déterminer quels sont les principaux faits connus du commissaire et de savoir où trouver cette information dans l’ensemble de la documentation produite par le commissaire. Le tribunal est d’avis que le suivi de ces lignes directrices pour répondre aux questions « reformulées » de la catégorie A favorisera un niveau de communication suffisant qui permettra aux deux parties de progresser d’une manière juste, efficace, efficiente et rapide en vue de l’instruction de cette affaire.

[61]  Il n’existe aucune formule magique permettant de déterminer le niveau précis de description et d’orientation nécessaire, car celui-ci variera évidemment en fonction des faits se rapportant à chaque affaire et question particulière. Si les parties ne peuvent parvenir à une entente sur une question précise malgré les lignes directrices précitées, un membre judiciaire président devra étudier et trancher la question et exercer son pouvoir discrétionnaire. Le tribunal croit toutefois que les parties devraient dans l’ensemble être en mesure de s’entendre sans l’intervention de celui-ci, si l’AAV et le commissaire s’efforcent de bonne foi de poser les bonnes questions et de fournir des réponses adéquates.

[62]  Cela signifie que le commissaire n’aura pas à se plier à la solution extrême préconisée par l’AAV en l’espèce, ni à identifier de façon précise chacun des faits et des documents connus au sujet de chaque question précise soulevée dans les demandes « reformulées » de la catégorie A de l’AAV. Je suis en effet d’avis qu’une telle exigence serait déraisonnable en l’espèce, dans le contexte de l’interrogatoire préalable. En termes plus précis, la description des faits importants pertinents et le renvoi aux principales sources d’information contenant les faits pertinents ne signifieront donc pas nécessairement que ces faits ou ces sources d’informations citées par le représentant du commissaire représentent un compte rendu exhaustif de « tous » les faits connus du commissaire. J’estime encore une fois qu’exiger un tel niveau absolu de divulgation de la preuve ne serait ni juste ni pratique, ni ne favoriserait une instruction expéditive et efficace.

[63]  J’ajouterais qu’exiger du commissaire qu’il donne une indication des faits importants pertinents ou des sources d’information qui lui sont connus ne doit pas être interprété comme un moyen déguisé d’exiger, à cette étape des procédures, que le commissaire indique les faits « invoqués à l’appui » de ses allégations. Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, il est acquis en matière jurisprudentielle que ce n’est pas une chose que l’on peut exiger lors de l’interrogatoire préalable.

Évaluation précise des questions « reformulées »

[64]  Après avoir examiné et analysé les 39 demandes « reformulées » de la catégorie A de l’AAV dans cette optique, je conclus que M. Rushton et le commissaire devront répondre à 24 de ces demandes en suivant l’approche proposée dans les présents motifs. Ils n’auront toutefois pas à répondre aux 15 autres demandes « reformulées » de la catégorie A pour les motifs exposés ci- dessous.

[65]  Je note que ce sous-ensemble de 24 demandes représente différentes situations quant au type de réponses déjà fournies par M. Rushton et le commissaire. De fait, dans son mémoire des faits et du droit, l’AAV a réparti ses demandes de la catégorie A dans deux catégories différentes, la première regroupant celles auxquelles aucune réponse précise n’a été fournie et la deuxième, celles ayant obtenu une réponse partielle. Parmi ces 24 demandes de la catégorie A, il y a des cas où la réponse fournie par M. Rushton ne contenait aucune référence à des faits précis, ni aucune indication quant à l’endroit où trouver l’information pertinente dans les résumés et la preuve documentaire, et où sa réponse s’est résumée à cette mention « il n’y a rien qui me vienne immédiatement à l’esprit » [traduction]. Dans d’autres cas, M. Rushton a fait référence à « certains renseignements » [traduction], « certaines communications » [traduction] ou « certains exemples » [traduction] dans les résumés ou la preuve documentaire, en citant des faits sans toutefois se rappeler où se trouvait l’information, en indiquant ne pas savoir vraiment s’il existait d’autres faits pouvant offrir une réponse, ou en indiquant qu’il pourrait y avoir d’autres faits ou références mais qu’il devait vérifier où se trouvait cette information. Ce dernier ensemble de réponses comportait donc un début d’explication de la part de M. Rushton. Cependant, pour aucune de ces 24 demandes de la catégorie A M. Rushton n’a-t-il présenté des faits « importants » ou dirigé l’AAV vers des sources « importantes » d’information.

[66]  Eu égard à ce qui précède, le commissaire devra répondre aux 24 demandes « reformulées » suivantes de la catégorie A, conformément aux lignes directrices énoncées dans les présents motifs (c.-à-d. en donnant une description des faits importants pertinents qui lui sont connus et en précisant les sections, parties ou séries de pages des résumés et de la preuve documentaire où se trouvent les principales sources d’information sur ces faits pertinents) :

Demande 24 (modifications récentes quant aux services de restauration à bord) [2] ;

Demande 30 (transition de WestJet vers un service de restauration à bord);

Demande 47 (approvisionnement aller-retour);

Demande 49 (facteurs pris en compte par les compagnies aériennes pour décider d’offrir des services dans un aéroport donné);

Demande 50 (capacité de l’AAV de dicter les conditions en vertu desquelles elle autorise l’accès au côté piste);

Demande 57 (rôle de l’AAV dans le marché des services de manutention liés aux cuisines des aéronefs, autre que le partage des revenus);

Demande 58 (intérêt concurrentiel de l’AAV sur le marché des services de manutention liés aux cuisines des aéronefs);

Demande 61 (échanges entre un fournisseur et l’AAV au sujet des exigences de location du fournisseur);

Demande 62 (intérêt concurrentiel de l’AAV sur le marché des services de manutention liés aux cuisines des aéronefs);

Demande 64 (les services de restauration à bord et les services de manutention liés aux cuisines des aéronefs sont-ils situés à l’intérieur ou à l’extérieur des aéroports en Amérique du Nord?);

Demande 67 (l’innovation, la qualité, le niveau de service et les modèles d’entreprises plus efficaces qu’apporteraient de nouveaux venus);

Demande 74 (l’exclusion délibérée de nouveaux venus par l’AAV);

Demande 77 (l’effet d’exclusion négatif délibéré découlant des pratiques de l’AAV);

Demande 78 (louer un terrain ou avoir une cuisine située à l’aéroport);

Demande 82 (événements réels causant l’exclusion ou le refus de nouveaux venus);

Demande 83 (motifs justifiant le refus de délivrer un permis particulier);

Demande 84 (demande visant à savoir si, dans une lettre précise, l’AAV a invoqué les véritables motifs pour refuser la délivrance d’un permis);

Demande 86 (aéroports au Canada et à l’étranger qui limitent le nombre de services de manutention liés aux cuisines des aéronefs dans les aéroports canadiens);

Demande 89 (aliments ayant une importance particulière pour les compagnies aériennes asiatiques);

Demande 91 (importance des aliments pour les passagers voyageant en classe affaires ou en première classe);

Demande 93 (effets des retards de vol dans un aéroport sur la volonté d’une compagnie aérienne de desservir cet aéroport);

Demande 96 (problèmes d’accès soulevés par l’AAV);

Demande 102 (capacité des services de manutention liés aux cuisines des aéronefs déjà en place à l’AIV de répondre à la demande);

Demande 103 (motifs expliquant le départ d’un fournisseur en 2003);

[67]  Après examen des transcriptions de l’interrogatoire de M. Rushton, je suis d’avis que les réponses données par le commissaire aux deux demandes suivantes illustrent des cas où M. Rushton a donné des réponses conformes, du moins en partie, aux lignes directrices énoncées dans les présents motifs. M. Rushton a répondu à la demande 47 concernant l’approvisionnement aller-retour en faisant plusieurs références à d’importants renseignements pertinents ainsi qu’en indiquant une série de pages et même des points précis dans les résumés. De même, en réponse à la demande 64 visant à savoir si, dans les aéroports d’Amérique du Nord, les services de restauration à bord et les services de manutention liés aux cuisines étaient situés à l’intérieur ou à l’extérieur des aéroports, M. Rushton a cité des faits et des renseignements se trouvant pour la plupart à certaines pages et sections des résumés. Ces réponses aux demandes 47 et 64 offrent des exemples de critères minimaux sur lesquels le commissaire pourrait se baser pour fournir des réponses adéquates et suffisantes.

[68]  En ce qui a trait aux 15 autres demandes « reformulées » de la catégorie A, je suis d’avis que, même en supprimant l’obligation de fournir des références précises aux résumés et à la preuve documentaire des demandes, et malgré la réponse « générique » limitée et insuffisante offerte jusqu’à maintenant par le commissaire, divers autres motifs impérieux font en sorte qu’il n’est pas nécessaire que le commissaire y réponde.

[69]  Premièrement, je suis d’accord avec le commissaire pour dire que, quoi qu’il en soit, plusieurs demandes de l’AAV demeurent inappropriées, car elles exigent du commissaire qu’il fasse une analyse économique ou qu’il formule une opinion ou des conclusions sur certaines questions, ou encore qu’il effectue des analyses comparant différents facteurs liés aux prix et d’autres non liés aux prix, plutôt que de se concentre sur les faits en soi (NutraSweet, aux paragraphes 23 et 38; Southam, aux paragraphes 12 et 13). Ces demandes visent essentiellement à déterminer de quelle façon le commissaire a évalué et interprété les faits; il n’y a donc pas lieu d’y répondre. Ces demandes s’énoncent comme suit :

Demande 21 (définition du marché qui exclut les services de restauration);

Demande 25 (définition géographique du marché défini uniquement en tant qu’AIV);

Demande 48 (question visant à savoir si l’AIV est en concurrence avec d’autres aéroports);

Demande 53 (comparaison entre les loyers fonciers imposés aux services de restauration à bord par l’AAV et ceux imposés dans d’autres aéroports nord-américains);

Demande 56 (marge de manoeuvre de l’AAV dans l’établissement des prix et d’autres facteurs non liés aux prix pour la prestation des services de manutention liés aux cuisines des aéronefs à l’AIV);

Demande 66 (la concurrence avec d’autres aéroports limite-t-elle les redevances que l’AAV impose aux commerçants?);

Demande 71 (les activités de certains fournisseurs de services de restauration à l’AIV sont-elles rentables?);

Demande 81 (l’emprise de l’AAV sur le marché des services de manutention liés aux cuisines des aéronefs dépend-elle du couplage de l’accès au côté piste à un bail immobilier à l’aéroport?);

Demande 100 (répercussions à l’AIV, de la réduction du nombre de services de restauration, de deux à un);

Demande 104 (économies d’échelle et de gamme dans les services de restauration et les services de manutention liés aux cuisines des aéronefs, et façon dont ces économies pourraient passer d’un secteur à l’autre);

Demande 105 (concurrence entre certains fournisseurs de services de restauration et de services de manutention liés aux cuisines des aéronefs à l’AIV);

Demande 106 (dans quelle mesure les prix des services de restauration et des services de manutention liés aux cuisines des aéronefs à l’AIV se comparent-ils à ceux en vigueur dans d’autres aéroports qui ne limitent pas le nombre de nouveaux venus).

[70]  Deuxièmement, ainsi que l’a reconnu l’avocat de l’AAV durant l’audience, les quelque 11 000 documents sur les prix des services de restauration à bord fournis par le commissaire ont déjà permis de répondre à la demande 60 visant à obtenir des données sur les prix.

[71]  Troisièmement, il n’est pas nécessaire de répondre aux demandes 72 et 73 portant sur certaines rencontres avec l’AAV, puisque l’AAV a confirmé dans son mémoire des faits et du droit qu’elle était déjà en possession des faits. De plus, ces demandes ne visent pas à obtenir des faits, mais appellent plutôt une interprétation ou une caractérisation de ces faits par le commissaire. Les questions de cette nature ne sont pas indiquées et il n’y a pas lieu d’y répondre.

B.  Demandes de la catégorie B

[72]  Les 11 demandes de la catégorie B présentées par l’AAV portent sur des questions auxquelles M. Rushton a refusé de répondre en invoquant le privilège d’intérêt public revendiqué par le commissaire. Selon l’AAV, lorsque le commissaire revendique un privilège d’intérêt public à l’égard de renseignements demandés lors de l’interrogatoire préalable, il doit établir que ces renseignements sont bel et bien protégés par le privilège revendiqué. Or l’AAV prétend que le commissaire s’est contenté d’invoquer de manière imprécise le privilège d’intérêt public en réponse aux questions contestées, sans examiner la portée du privilège d’intérêt public, ni préciser pourquoi les renseignements demandés étaient protégés par ce privilège.

[73]  Je ne suis pas d’accord.

[74]  Comme l’a récemment confirmé le Tribunal dans sa décision relative au privilège contesté par l’AAV, le privilège d’intérêt public du commissaire est un privilège générique. Ce privilège reconnaît l’existence d’une catégorie de documents et de communications qui, dans le cadre d’une enquête du Bureau de la concurrence, ont été créés ou obtenus par le commissaire à titre de renseignements protégés, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de les communiquer durant la phase de communication de l’instance devant le Tribunal. De cette manière, les personnes qui ont communiqué des renseignements au commissaire ont la garantie que leurs renseignements resteront confidentiels et que leur identité ne sera pas dévoilée à moins que le commissaire ne renonce expressément au privilège au cours de l’instance.

[75]  La revendication du privilège d’intérêt public permet donc au commissaire de refuser, durant le processus de divulgation de la preuve, de communiquer des faits qui révéleraient la source de renseignements protégés par ce privilège (UPG, au paragraphe 93). Je tiens toutefois à souligner que ce privilège d’intérêt public est limité et qu’il ne s’applique que dans la mesure où il est nécessaire pour éviter de révéler l’identité de la source des renseignements recueillis par le commissaire ou de la personne les ayant communiqués. Il va sans dire que le commissaire ne peut revendiquer ce privilège pour se soustraire à ses obligations habituelles en matière de divulgation de la preuve.

[76]  En l’espèce, le commissaire (de même que par l’entremise de M. Rushton lors de l’interrogatoire préalable) a refusé de répondre aux 11 demandes de la catégorie B de l’AAV, précisément pour éviter d’avoir à révéler la source des renseignements demandés. Durant son témoignage sous serment, M. Rushton a indiqué qu’il risquait de dévoiler l’identité de tiers en répondant à ces questions. Ces questions sont donc inadmissibles, car elles empiètent sur le privilège d’intérêt public du commissaire.

[77]  L’AAV prétend que, lorsque le commissaire revendique un privilège d’intérêt public pour refuser de répondre à une question ou à un engagement, il doit fournir des éléments de preuve indiquant de quelle manière le fait d’y répondre risquerait de révéler, ou révélerait, la source d’information. Je ne partage pas ce point de vue. Je suis au contraire d’avis qu’il incombe à la partie qui demande la communication de démontrer pourquoi une communication ou un document protégé par un privilège générique devrait être divulgué. Cela vaut pour le privilège d’intérêt public revendiqué par le commissaire comme pour d’autres privilèges génériques tels que le secret professionnel. Lorsqu’il est établi qu’une relation est protégée par un privilège, les renseignements le sont également à première vue, et il incombe à la partie adverse de prouver le contraire. À titre d’exemple, il appartient à la partie qui demande la divulgation d’une communication d’avocat à client de démontrer que cette communication protégée doit être divulguée en démontrant, par exemple, que l’on a renoncé à ce privilège.

[78]  En d’autres mots, il incombe à l’AAV de démontrer pourquoi le privilège d’intérêt public devrait être levé en l’espèce. Le fait que l’AAV conteste le privilège d’intérêt public n’oblige pas soudainement le commissaire à revendiquer à nouveau ce privilège générique. La présomption de privilège doit être réfutée par la partie qui conteste le privilège. L’approche proposée par l’AAV aurait pour effet de transformer le privilège générique d’intérêt public du commissaire en un privilège au cas par cas. Les privilèges établis au cas par cas font référence aux documents et aux communications qui, à première vue, ne sont pas réputés être protégés par privilège et qui sont en fait admissibles, mais qui peuvent être exclus dans un cas particulier s’ils satisfont à certaines exigences. En pareils cas, il n’existe pas de présomption de privilège, et il appartient alors à la partie qui revendique le privilège au cas par cas de démontrer que les documents et les communications en cause présentent les caractéristiques nécessaires pour être soustraits à la divulgation. Dans le cadre de l’analyse devant être menée pour établir un privilège au cas par cas, les motifs invoqués pour exclure des éléments de preuve par ailleurs pertinents doivent être soupesés dans chaque cas particulier. Cette exigence ne s’applique pas aux privilèges génériques.

[79]  Dans la décision relative au privilège contesté par l’AAV, je mentionne la « manière unique » ayant mené à la revendication du privilège d’intérêt public par le commissaire et je signale deux éléments particuliers à cet égard, soit : « les mécanismes de sauvegarde mis en place par le Tribunal pour atténuer les répercussions négatives d’une communication limitée et le critère élevé (p. ex. circonstances impérieuses ou intérêt divergent impérieux) à respecter pour autoriser la levée de ce privilège » [traduction] (Décision relative au privilège contesté par l’AAV, au paragraphe 81).

[80]  L’AAV mentionne ces mécanismes de sauvegarde dans la présente requête. Ces mécanismes incluent les suivants : (1) l’obligation pour le commissaire de fournir, avant l’interrogatoire préalable, des résumés détaillés de tous les renseignements non communiqués en vertu du privilège d’intérêt public, ces résumés devant faire état à la fois des faits favorables et défavorables à la demande du commissaire; (2) la possibilité pour le défendeur de demander qu’un membre judiciaire du Tribunal, autre que celui qui aura à statuer sur le fond de l’affaire, examine les documents pour s’assurer que les résumés sont exacts et qu’ils présentent un compte rendu fidèle des documents; et (3) le fait que le commissaire devra renoncer au privilège à l’égard des documents et communications pertinents et fournir un sommaire des dépositions avant l’audience s’il veut invoquer les renseignements obtenus de certains témoins durant l’instance devant le Tribunal (Décision relative au privilège contesté par l’AAV, aux paragraphes 61 et 82 à 87). J’aimerais ajouter que les deux premiers mécanismes ont déjà été utilisés en l’espèce et que le troisième sera sans doute appliqué lorsque le commissaire présentera les dépositions de ses témoins.

[81]  Le deuxième élément que j’évoque dans la décision relative au privilège contesté par l’AAV est un autre mécanisme auquel l’AAV peut recourir pour contester le privilège d’intérêt public du commissaire, notamment en démontrant la présence de circonstances « impérieuses » permettant de limiter la portée du privilège d’intérêt public du commissaire (Décision relative au privilège contesté par l’AAV, aux paragraphes 88 à 91). Le privilège d’intérêt public du commissaire n’est pas absolu, et on peut y déroger s’il existe des « circonstances impérieuses » ou des « intérêts divergents impérieux ». Cela exige toutefois la présentation d’éléments de preuve clairs et convaincants confirmant l’existence de circonstances permettant de limiter le privilège d’intérêt public du commissaire, et le critère à remplir est élevé. Comme je l’ai mentionné dans la décision relative au privilège contesté par l’AAV, la juge Dawson a notamment décrit le critère en ces termes : « le privilège d’intérêt public prévaut à moins d’un intérêt divergent plus impérieux, et il doit exister des circonstances assez impérieuses pour l’emporter sur l’élément d’intérêt public » [traduction] (Commissaire de la concurrence c Sears Canada Inc, 2003 Trib conc 19, au paragraphe 40).

[82]  L’AAV avait la possibilité de présenter une requête visant à outrepasser le privilège d’intérêt public et à contester les documents et les renseignements sur lesquels le commissaire s’est fondé pour revendiquer ce privilège, en démontrant l’existence de circonstances impérieuses ou d’intérêts divergents impérieux. Elle ne l’a fait pour aucune de ses 11 demandes de la catégorie B. De même, l’AAV n’a présenté à l’appui de la présente requête aucun élément de preuve suffisant pour permettre au Tribunal de même envisager d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour annuler le privilège d’intérêt public revendiqué par le commissaire, en invoquant des « circonstances impérieuses ». Comme l’a reconnu l’avocat de l’AAV durant l’audience, l’AAV n’a présenté à ce stade aucun élément de preuve attestant l’existence de circonstances impérieuses ou d’intérêts divergents impérieux à l’égard de l’une ou l’autre de ses demandes de la catégorie B. Dans les circonstances, je conclus qu’il n’existe aucun motif d’obliger le commissaire à répondre aux demandes de la catégorie B de l’AAV.

[83]  Je formulerai un dernier commentaire au sujet du privilège d’intérêt public. Je ne suis pas d’accord avec l’allégation selon laquelle, dans sa décision relative aux résumés présentés à l’AAV, le juge Phelan aurait reconnu ou laissé entendre que les questions exigeant le contournement du privilège d’intérêt public sont automatiquement indiquées lors de l’interrogatoire préalable du représentant du commissaire. Le juge Phelan a plutôt déclaré que l’identité des sources « peut être divulguée avant le procès si le commissaire se fonde sur la source comme élément de preuve », faisant ainsi allusion au troisième mécanisme de sauvegarde précité, à savoir l’étape à laquelle le commissaire présente les déclarations de ses témoins (Décision relative aux résumés présentés à l’AAV, au paragraphe 23). Contrairement à ce que fait valoir l’AAV, je n’interprète pas les commentaires du juge Phelan comme laissant entendre que le privilège d’intérêt public, ayant pour effet de refuser d’identifier des sources tierces de renseignements ou de communiquer des renseignements permettant l’identification de ces sources, peut être levé discrètement à l’étape de l’interrogatoire préalable, sans savoir à démontrer l’existence de « circonstances impérieuses » ou d’« intérêts divergents impérieux ».

[84]  Pour ces motifs, il n’est pas nécessaire de répondre aux demandes 32, 39, 43, 117, 121, 122, 123, 124, 125, 127 et 128 de la catégorie B.

[85]  J’ajouterais que je suis d’accord avec le commissaire pour dire qu’un autre motif justifie le fait de ne pas avoir à répondre aux demandes 39 et 43 : celles-ci concernent la conduite de l’enquête du commissaire et elles ne sont donc pas pertinentes à l’examen de la présente demande (Southam, au paragraphe 11).

[86]  Quant à la demande 117, je suis également d’avis que le commissaire n’a pas à y répondre pour un autre motif : il s’agit d’une demande prématurée à ce stade de l’instance. Le commissaire n’a pas à faire connaître l’identité de ses témoins avant de signifier ses documents à l’appui et les déclarations de ses témoins (Southam, au paragraphe 13). Lorsque le commissaire le fera le 15 novembre 2017 (conformément à l’ordonnance rendue par le Tribunal relativement à l’établissement du calendrier des travaux), il devra alors, conformément au troisième mécanisme de sauvegarde, renoncer à son privilège d’intérêt public applicable aux documents pertinents et aux sommaires de déposition des témoins s’il veut invoquer ces renseignements. Le commissaire n’a toutefois pas à identifier ses témoins avant cette date et, si l’AAV estime que le commissaire ne se conforme pas à ses obligations lorsqu’il signifiera ses documents le 15 novembre 2017, il lui sera alors loisible de soulever cette question devant le Tribunal à ce moment.

[87]  Cela dit, même si je conclus que la demande 117 de l’AAV est prématurée, je ne veux pas laisser entendre que, pour s’acquitter de ses obligations à l’étape de la signification des déclarations des témoins, le commissaire pourrait renoncer au privilège revendiqué uniquement à l’égard des documents et communications qu’il invoquera réellement, plutôt que de tous les documents et communications liés aux témoins visés par la levée du privilège. Il s’agit d’une question de fait que le Tribunal examinera s’il y a lieu. J’ajouterais toutefois que, selon les circonstances, les considérations d’équité pourraient bien exiger la levée du privilège revendiqué à l’égard de tous les renseignements pertinents – tant favorables que défavorables au commissaire – fournis par un témoin comparaissant au nom du commissaire, même si certains de ces renseignements n’ont pas été invoqués par le commissaire (Direct Energy, au paragraphe 16). Cela à la condition bien sûr que la divulgation des renseignements qui n’ont pas été expressément invoqués par le commissaire ne risque pas de révéler l’identité d’autres sources protégées et ne menace pas le privilège d’intérêt public revendiqué par le commissaire à l’égard de sources autres que les témoins en question.

C.  Demandes de la catégorie C

[88]  J’examinerai en terminant les demandes de la catégorie C, laquelle se résume en fait à une seule demande, soit la demande 110. Dans sa demande 110, l’AAV demande au commissaire de lui « [f]ournir une liste des exigences particulières que le commissaire demande au Tribunal d’imposer dans chaque catégorie – santé, sécurité, sûreté et rendement – dans le cadre de son ordonnance » [traduction]. Il n’est pas nécessaire de répondre à cette demande. Je reconnais avec le commissaire que ce qui donnera à ces exigences leur caractère « particulier » dépendra des témoins qui seront entendus durant l’audience sur le fond de la demande, et qu’il ne s’agit pas d’une question qu’il convient de poser à M. Rushton à ce stade.

IV.  CONCLUSION

[89]  Pour les motifs exposés ci-dessus, la requête de l’AAV sera accueillie en partie, mais uniquement en regard de la version « reformulée » de certaines demandes. Je ne suis pas convaincu qu’il y ait des motifs de contraindre le commissaire à répondre aux demandes précises des catégories B et C énoncées par l’AAV, ni aux demandes de la catégorie A telles qu’elles ont été initialement formulées durant l’interrogatoire préalable de M. Rushton. Je suis en revanche d’avis que le représentant du commissaire devra répondre à la version « reformulée » de 24 des 39 demandes de la catégorie A formulées par l’AAV, conformément aux lignes directrices énoncées dans les motifs de la présente ordonnance. Enfin, selon les autres motifs exposés dans cette décision, le représentant n’aura pas à répondre aux 15 autres demandes « reformulées » de la catégorie A.

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT, LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT :

[90]  La requête est accueillie en partie.

[91]  Il n’y a pas lieu de répondre aux demandes des catégories B et C de l’AAV, ni aux demandes de la catégorie A tel qu’elles ont été formulées lors de l’interrogatoire préalable de M. Rushton.

[92]  Le commissaire doit en revanche répondre à la version « reformulée » des demandes 24, 30, 47, 49, 50, 57, 58, 61, 62, 64, 67, 74, 77, 78, 82, 83, 84, 86, 89, 91, 93, 96, 102 et 103 de la catégorie A d’ici le 3 novembre 2017, conformément aux lignes directrices énoncées dans les présents motifs de l’ordonnance.

[93]  Enfin, il n’est pas nécessaire de répondre aux questions 21, 25, 48, 53, 56, 60, 66, 71, 72, 73, 81, 100, 104, 105 et 106 « reformulées » de la catégorie A.

[94]  Comme la présente requête est accueillie en partie, les dépens suivront l’issue de la cause.


FAIT à Ottawa, ce 26e jour d’octobre 2017.

SIGNÉ au nom du Tribunal par le président.

(s) Denis Gascon


AVOCATS AU DOSSIER:

Pour le demandeur :

Le commissaire de la concurrence

Antonio Di Domenico

Jonathan Hood

Katherine Rydel

Ryan Caron

Pour la défenderesse :

L’administration aéroportuaire de Vancouver

Calvin S. Goldman, c.r.

Michael Koch

Julie Rosenthal

Ryan Cookson

Rebecca Olscher

 



[1] Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, d’autres motifs font que le commissaire n’a pas à répondre à certaines demandes de la catégorie A de l’AAV, même si celles-ci ont été « reformulées »; la présente discussion sur la réponse générique du commissaire ne s’applique donc pas à ces demandes.

[2] La description réelle des diverses demandes de l’AAV a été légèrement modifiée dans la présente décision pour en supprimer tout renseignement confidentiel et tout renvoi précis à des documents confidentiels.

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