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Tribunal de la Concurrence

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Competition Tribunal

Renvoi : Le commissaire de la concurrence c HarperCollins Publishers LLC et HarperCollins Canada Limited, 2017 Trib conc 5

N° d’affaire : CT-2017-002

N° de document du greffe : 67

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la concurrence, LRC 1985, ch C-34, telle que modifiée;

ET un arrangement entre HarperCollins Publishers LLC, Hachette Book Group Inc, Verlagsgruppe Georg von Holtzbrinck GMBH, Holtzbrinck Publishers, LLC d/b/a Macmillan, Simon & Schuster Inc et Apple Inc;

ET une demande du commissaire de la concurrence faite en application de l’article 90.1 de la Loi sur la concurrence.

ENTRE:

Le commissaire de la concurrence

(demandeur)

et

HarperCollins Publishers LLC et HarperCollins Canada Limited

(défenderesses)

et

Rakuten Kobo Inc.

(demanderesse d’une autorisation d’intervenir)

Competition Tribunal Seal / Sceau Tribunal de la Concurrence

Décision rendue sur le fondement du dossier

Devant le membre judiciaire D. Gascon J. (président)

Date des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance : 18 avril 2017

Ordonnance signée par le juge D. Gascon

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE ACCORDANT À RAKUTEN KOBO INC. L’AUTORISATION D’INTERVENIR


[1]  Rakuten Kobo Inc. (« Kobo ») demande l’autorisation d’intervenir dans la présente instance, instituée par le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») en vertu de l’article 90.1 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, ch C-34 (la « Loi »), contre HarperCollins Publishers LLC et HarperCollins Canada Limited (collectivement « HarperCollins »).

[2]  Dans sa demande d’autorisation d’intervenir datée du 16 mars 2017 (la « demande d’autorisation »), Kobo indique dans les termes suivants les questions sur lesquelles elle souhaite intervenir :

  1. la question de savoir si le recours au modèle de mandat au Canada est né d’une collusion en contravention de l’article 1 de la US Sherman Act qui a été reconnue comme ayant eu lieu par la Cour de district des É.-U. (la « collusion ») et, dans l’affirmative, si le Tribunal est compétent pour trancher une affaire en application de l’article 90.1 de la Loi relativement à la collusion (la « première question »);
  2. les effets bénéfiques pour la concurrence que Kobo, en tant que commerçant au détail, a observés par suite du recours à des modalités de mandat (la « deuxième question »);
  3. l’impact des ordonnances proposées par le commissaire sur les commerçants au détail comme Kobo et sur la concurrence dans le marché du commerce au détail au Canada (la « troisième question »).

[3]  Au paragraphe 25 de sa demande d’autorisation, Kobo énonce en outre la portée proposée de sa participation. Si sa demande d’autorisation est accueillie, Kobo demande de ne pas être redevable des dépens au motif qu’elle ne fera la demande d’aucuns dépens. La demande d’autorisation de Kobo a été appuyée par l’affidavit de Michael Tamblyn, président et chef de la direction de Kobo.

[4]  HarperCollins appuie la demande de Kobo visant à intervenir sur les questions énoncées dans sa demande d’autorisation.

[5]  Le commissaire consent de manière générale à ce que Kobo comparaisse à titre d’intervenante, mais il s’oppose en partie à la première question proposée. En ce qui concerne les deuxième et troisième questions, le commissaire fait valoir que les observations de Kobo devraient être limitées à des éléments relevant de sa connaissance directe et de sa perspective. Enfin, le commissaire soutient qu’il y a lieu de modifier la portée proposée de la participation de Kobo ainsi que la demande de cette dernière relative à sa responsabilité à l’égard des dépens.

[6]  En réponse, Kobo accepte les modifications que le commissaire a proposées à l’égard des deuxième et troisième questions – la portée de sa participation et sa responsabilité à l’égard des dépens – mais elle maintient sa demande initiale relative à la première question.

[7]  Compte tenu de ces consentements du commissaire et de Kobo et des observations de HarperCollins, le reste des présents motifs ne concerne que la portée de la participation de Kobo et traite essentiellement de la première question proposée par Kobo et des observations du commissaire à cet égard.

[8]  Avant de me pencher sur cette question, j’aimerais signaler qu’à mon avis, Kobo a démontré que sa demande d’autorisation d’intervenir satisfait au critère qui s’applique aux fins de l’obtention de la qualité d’intervenant énoncé au paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, LRC 1985, ch 19 (2e suppl), et dans la jurisprudence du Tribunal. Plus particulièrement, je suis convaincu que, sous réserve des modalités de la présente ordonnance, 1) la question qui a prétendument un impact sur Kobo relève effectivement de la portée de l’examen du Tribunal ou est suffisamment pertinente relativement au mandat du Tribunal; 2) Kobo est directement concernée par l’instance instituée par le commissaire; 3) les observations que Kobo se propose de présenter sont pertinentes quant aux questions soulevées par le commissaire; et 4) Kobo offre au Tribunal une perspective unique ou distincte qui aidera ce dernier à trancher les questions dont il est saisi (Le commissaire de la concurrence c Visa Canada Corporation et MasterCard International Incorporated, 2011 Trib conc 2 au para 19; Le commissaire de la concurrence c United Grain Growers Limited, 2002 Trib conc 20 au para 12).

[9]  Le commissaire s’oppose à l’inclusion de la première question soulevée par Kobo sur deux points distincts.

[10]  Premièrement, le commissaire soutient que l’intervention de Kobo devrait être limitée à son interprétation des faits en ce qui concerne son propre recours à des ententes de mandat au Canada (et non pas à celui d’autres commerçants au détail). Il fait valoir que Kobo n’est pas qualifiée pour se prononcer pour le compte d’autres commerçants au détail sur la manière dont ces derniers ont conclu des contrats de mandat au Canada. Le commissaire propose par conséquent de modifier la première question afin de limiter celle-ci à la question de savoir « comment et pourquoi Kobo en est venue à recourir à des ententes de mandat au Canada » [TRADUCTION].

[11]  En réponse à l’observation du commissaire, Kobo soutient qu’elle devrait être autorisée à intervenir sur la première question telle qu’elle a été proposée initialement. Elle explique qu’à la date du recours à des ententes de mandat au Canada, Kobo était le chef de file sur le marché de la vente au détail des livres électroniques et que, pour cette raison, elle devrait avoir la permission de présenter son opinion sur la manière dont, à son avis, le modèle de mandat s’est présenté sur le marché canadien, notamment sa perspective et ses observations sur les activités d’autres participants au marché à cette date.

[12]  Je suis d’accord avec Kobo sur ce premier point, sous réserve de la mise en garde suivante. J’admets qu’étant donné sa position sur le marché de la vente au détail de livres électroniques au Canada, Kobo peut exposer son opinion, ses perspectives et ses observations non seulement sur la manière dont elle-même a recouru à des ententes de mandat au Canada et sur les raisons pour lesquelles elle l’a fait, mais aussi sur les activités d’autres participants au marché et sur ce qui se produisait généralement sur le marché à cet égard. Il est cependant entendu que, par le fait même, les observations de Kobo devraient être limitées à des éléments relevant de sa connaissance directe des activités de ces autres participants au marché et qu’il ne conviendrait pas que Kobo offre son point de vue sur les motivations réelles des autres commerçants au détail ou qu’elle en discute. Pour cette raison, je ne suis pas convaincu qu’il y a lieu de reformuler la première question pour tenir compte de la limite proposée par le commissaire.

[13]  Deuxièmement, le commissaire s’oppose à l’intervention de Kobo sur le dernier volet de la première question, c’est-à-dire la question de savoir si le Tribunal est compétent pour trancher une affaire en application de l’article 90.1 de la Loi relativement à la collusion. Le commissaire soutient que, puisque HarperCollins a déjà indiqué qu’elle présentera des observations sur la compétence du Tribunal, toute observation supplémentaire de Kobo aura pour effet de prolonger inutilement l’instance et sera redondante.

[14]  Sur ce deuxième point, Kobo soutient que les réserves du commissaire sont atténuées par les assurances qu’elle a données, selon lesquelles elle ne présentera que des observations « non redondantes » sur la question de la compétence du Tribunal. Elle signale en outre que HarperCollins ne participe pas à l’instance de contrôle judiciaire instituée en parallèle par Kobo devant la Cour fédérale et que, en tant que requérante dans le cadre de cette instance, Kobo offrirait une perspective unique à la lumière de la nature connexe des deux instances.

[15]  Je suis d’accord avec Kobo sur le deuxième point également. Je retiens l’argument de Kobo selon lequel elle offrira une perspective unique dans le cadre de la présente instance compte tenu de sa participation en tant que requérante à l’instance en contrôle judiciaire qui se déroule en parallèle devant la Cour fédérale. Je suis convaincu en outre que, puisque les modalités de la présente ordonnance préciseront que Kobo est autorisée à ne présenter que des observations « non redondantes » sur les trois questions, et compte tenu des assurances offertes par Kobo elle-même à cet égard, permettre à Kobo de présenter sa perspective sur le volet de la première question qui porte sur la compétence ne prolongera pas inutilement l’instance ni ne donnera lieu à une répétition de la position adoptée par HarperCollins sur la question. Autrement dit, les modalités de la présente ordonnance et les conditions dont sera assortie l’intervention de Kobo offrent des garanties suffisantes que l’intervention de Kobo sur le volet de la première question qui porte sur la compétence se limitera à offrir une perspective unique et distincte de celle qu’offrira HarperCollins.

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT, LE TRIBUNAL REND L’ORDONNANCE SUIVANTE :

[16]  Kobo est autorisée à intervenir sur les trois points suivants :

  1. la question de savoir si le recours au modèle de mandat au Canada est né de la collusion et, dans l’affirmative, si le Tribunal est compétent pour trancher une affaire en application de l’article 90.1 de la Loi relativement à la collusion;
  2. les effets bénéfiques pour la concurrence que Kobo, en tant que commerçant au détail, a observés par suite du recours à des modalités de mandat;
  3. l’impact des ordonnances proposées par le commissaire sur les commerçants au détail comme Kobo et sur la concurrence dans le marché du commerce au détail au Canada.

[17]  Kobo est autorisée à participer à l’instance relativement aux trois questions susmentionnées et est autorisée :

  1. à participer à toute requête en présentant des observations écrites et orales non redondantes et en ayant accès à tout document, dossier ou observation présenté relativement à ces requêtes, y compris en participant à tout contre-interrogatoire sur les affidavits et en posant des questions non redondantes aux auteurs de ces affidavits;
  2. à examiner les transcriptions d’interrogatoires préalables et à avoir accès à des documents des parties qui peuvent être soumis à une communication préalable le cas échéant et à se présenter et à poser des questions non redondantes au cours des interrogatoires préalables tenus de vive voix;
  3. à produire une preuve non redondante aux fins et lors de l’audience de la demande et de toute requête connexe;
  4. à tenir des interrogatoires et des contre-interrogatoires non redondants des témoins;
  5. à produire et à recevoir une preuve d’expert relevant de la portée de son intervention en conformité avec les procédures énoncées dans les Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/2008-141;
  6. à se présenter et à soumettre des observations dans le cadre de toute requête préalable à l’audience, conférence de gestion des cas ou conférence d’établissement du calendrier;
  7. à présenter des arguments écrits et de vive voix, y compris des observations sur toute mesure de réparation proposée.

[18]  Kobo est tenue de :

  1. produire un affidavit de documents dressant une liste des documents pertinents relativement aux trois questions susmentionnées;
  2. produire ces documents dans la mesure où ils ne sont pas protégés par un privilège;
  3. permettre l’accès à un représentant aux fins de la tenue d’un interrogatoire préalable (limité aux trois questions susmentionnées).

[19]  Kobo peut demander les dépens dans la présente instance et pourrait être tenue d’en payer.

[20]  Si elle a l’intention de présenter des observations écrites dans le contexte de la requête de HarperCollins en rejet sommaire, qui doit être entendue par le Tribunal le 3 mai 2017, Kobo doit signifier et déposer son exposé des faits et du droit et tout affidavit à l’appui ou toute preuve complémentaire, limités aux trois questions susmentionnées (dans la mesure où ils sont touchés par la requête en rejet sommaire de HarperCollins), au plus tard le 25 avril 2017.

[21]  L’intitulé de la cause dans la présente affaire est modifié par l’ajout de Rakuten Kobo Inc en tant qu’intervenante.

[22]  Il n’y a aucune ordonnance sur les dépens dans la présente demande d’autorisation d’intervenir.

FAIT à Ottawa, le 18e jour d’avril 2017.

SIGNÉ pour le Tribunal par le président.

(s) Denis Gascon


COMPARUTIONS

Pour le demandeur :

John Syme

Alex Gay

Esther Rossman

Katherine Johnson

Pour les défendeurs :

Katherine Kay

Danielle Royal

Pour la demanderesse d’autorisation d’intervenir :

Nikiforos Iatrou

Scott McGrath

Bronwyn Roe

 

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