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Tribunal de la Concurrence

Canada Coat of Arms / Armoiries du Canada

Competition Tribunal

Référence : Le commissaire de la concurrence c Direct Energy Marketing Limited, 2013 Trib conc 16

N° de dossier : CT-2012-003

N° de document du greffe : 133

AFFAIRE CONCERNANT la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, dans sa version modifiée;

ET une demande présentée par le commissaire de la concurrence en vertu de l’article 79 de la Loi sur la concurrence;

ET certaines politiques et procédures de Direct Energy Marketing Limited.

ENTRE :

Le commissaire de la concurrence

(demandeur)

et

Direct Energy Marketing Limited

(défenderesse)

et

National Energy Corporation

(requérante en intervention)

Competition Tribunal Seal / Sceau Tribunal de la Concurrence

Date de l’audience : Le 17 octobre 2013

Devant le membre judiciaire : Monsieur le juge Rennie J. (président)

Date de l’ordonnance : Le 6 novembre 2013

Ordonnance signée par : Monsieur le juge Donald J. Rennie

ORDONNANCE ACCORDANT À NATIONAL ENERGY CORPORATION L’AUTORISATION D’INTERVENIR


I.  INTRODUCTION

[1]  National Energy (« National »), fournisseur de chauffe-eau au gaz naturel et électriques pour la location aux propriétaires du Québec et de l’Ontario, cherche à obtenir l’autorisation d’intervenir dans la présente procédure intentée par le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») conformément à l’article relatif à l’abus de position dominante (article 79) de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34. La défenderesse, Direct Energy Marketing Limited (« Direct Energy »), s’oppose à la demande de National. Subsidiairement, elle soutient que le champ d’intervention de National devrait être limité.

II.  ANALYSE

A.  La demande d’autorisation d’intervenir

[2]  La demande d’autorisation d’intervenir de National est présentée en vertu du paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, LRC 1985, c 19 (2e suppl), qui précise que toute personne peut, avec l’autorisation du Tribunal, intervenir dans une procédure pour présenter des observations qui sont pertinentes à la procédure ayant trait à toute affaire concernant cette personne.

[3]  Afin de se voir accorder le statut d’intervenant, la personne qui demande l’autorisation d’intervenir doit satisfaire aux exigences suivantes :

  1. La affaire qui porterait atteinte à la personne cherchant à obtenir l’autorisation d’intervenir doit être légitimement dans les limites du champ d’application de la considération du Tribunal ou être une affaire suffisamment pertinente au mandat du Tribunal (Directeur des enquêtes et recherches c Air Canada (1992), 46 CPR (3d) 184 à 187);
  2. La personne qui cherche à obtenir l’autorisation d’intervenir doit être directement touchée. La signification du mot « touchée » a été interprétée dans Air Canada, ibid, et veut dire « directement touchée »;
  3. Toutes les observations faites par une personne cherchant à obtenir lautorisation dintervenir doivent être pertinentes à une question expressément invoquée par le commissaire (Directeur des enquêtes et des recherches c Télé-Direct (Publications) Inc, 61 CPR (3d)528);
  4. Enfin, la personne qui cherche à obtenir l’autorisation d’intervenir doit présenter au Tribunal un point de vue unique ou distinct qui aidera le Tribunal à prendre des décisions sur des questions qui lui sont soumises (Washington c Directeur des enquêtes et des recherches, [1998] DTCC no 4 (QL) (Trib conc)).
  5. (Commissaire de la concurrence c Visa Canada Corporation et MasterCard International Incorporated, 2011 Trib conc 2; commissaire de la concurrence c Canadian Waste Services Holdings, 2000 Trib conc 9)

[4]  Direct Energy a concédé, lors de l’audience, que la requête de National était directement touchée par la procédure, mais a soutenu que National n’apporterait pas un point de vue unique ou distinct qui aiderait le Tribunal à prendre des décisions sur les questions qui lui sont soumises. National, s’appuyant plus particulièrement sur l’affidavit de M. Gord Potter, chef de l’exploitation de National, a fait valoir qu’il a un point de vue du genre.

[5]  M. Potter a expliqué dans son affidavit que National est un fournisseur de services à domicile, parmi lesquels figurent la location de chauffe-eau à faible consommation d’énergie et la fourniture d’équipement de CVC à des propriétaires existants et nouveaux, en Ontario et au Québec. Il ajoute que National est un des plus importants concurrents de Direct Energy en matière de prestation de services de location de chauffe-eau dans le marché pertinent, mais que ses tentatives de faire concurrence efficacement et de prendre de l’expansion dans le marché ont été limitées par la conduite de Direct Energy. Il n’est pas contesté que National a déposé une plainte auprès du Bureau de la concurrence qui a donné lieu à l’enquête sur la conduite de Direct Energy par le Bureau.

[6]  Direct Energy soutient que le Tribunal ne doit pas donner à National l’autorisation d’intervenir, car les éléments de preuve de National peuvent être présentés par l’entremise du commissaire, ce qui rend la participation de National non nécessaire. Par conséquent, National ne présentera pas un point de vue unique ou distinct à la procédure du commissaire.

[7]  Le litige des parties provient de leurs interprétations divergentes des exigences (d) du critère susmentionné. Direct Energy soutient que cet élément oblige National à établir qu’elle a quelque chose « à ajouter en tant qu’intervenant qui ne peut être présenté par le commissaire en appelant un représentant de National comme témoin » [TRADUCTION]. National s’oppose à ce point de vue et soutient que la jurisprudence n’appuie pas une interprétation si restrictive, et que Direct Energy confond l’exigence d’un point de vue unique ou distinct avec l’adoption d’une position juridique différente.

[8]  Ni le paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence ni la jurisprudence ne prévoient que le statut d’intervenant ne peut être accordé qu’aux personnes qui ont établi que leur élément de preuve et leur argument ne peuvent pas être présentés par la partie ayant adopté la position juridique qu’elles soutiennent. Direct Energy met le critère à un niveau trop élevé lorsqu’elle soutient que National doit établir que ses éléments de preuve proposés ne peuvent pas être présentés par le commissaire. Accepter l’argument mettrait la barre tellement haut que l’on peut se demander si l’on pourrait atteindre ce niveau, et cela empêcherait, vraisemblablement, toute personne qui a déposé une plainte auprès du Bureau de pouvoir un jour jouer le rôle d’intervenant dans une instance du Tribunal.

[9]  Aucune décision du Tribunal de la Concurrence ne soutient qu’une telle exigence soit nécessaire, et cela ne peut certainement pas être extrapolé de la décision du Tribunal dans Directeur des enquêtes et des recherches c SouthamInc (1997), 78 C.P.R. (3d) 315, dans laquelle le Tribunal maintient que les intervenants, lorsqu’ils présentent leur propre point de vue distinct, « …complètent le cas d’une partie… » [TRADUCTION]. Le Tribunal a souvent accordé à des plaignants et à des concurrents l’autorisation d’intervenir dans une procédure présentée par le commissaire.

[10]  L’interprétation de Direct Energy irait aussi à l’encontre des principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans American Airlines, Inc c Air Canada, [1989] 2 FC 88 (conf, [1989] 1 RCS 236):

Dans ces affaires, le Parlement a prévu que le directeur servirait de gardien de l’éthique de la concurrence et d’initiateur de l’instance du Tribunal en vertu de la Partie VII de la Loi sur la concurrence; mais le Parlement a également fourni un moyen de s’assurer que ceux qui pourraient être touchés puissent participer à l’instance afin d’informer le Tribunal des façons par lesquelles les motifs de plainte ont une incidence sur eux. J’accorderais au Parlement l’intention d’autoriser ces intervenants non seulement à participer, mais également à le faire de façon efficace. Une interprétation restrictive du paragraphe 9(3) pourrait, dans certains cas, aller à l’encontre d’un traitement efficace des litiges présentés au Tribunal.

[Non souligné dans l’original.]

[11]  La Cour d’appel fédérale a également soutenu, à la page 99, que le paragraphe 9(3) devait être examiné à la lumière du paragraphe 9(2) :

L’équité est une considération pertinente, car l’article 9(2) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence exige expressément que l’instance du Tribunal soit traitée de façon aussi informelle et expéditive que les circonstances et l’équité le permettent.

[TRADUCTION]

[12]  Dans l’espèce, figurent dans l’affidavit de M. Potter des éléments de preuve détaillés expliquant pourquoi National apporte un point de vue unique ou distinct. Je reconnais que National a des connaissances et une expertise particulières qui peuvent s’avérer utiles pour le Tribunal et que, bien qu’elle soutienne la position du commissaire de façon générale, ses intérêts commerciaux sont différents du mandat d’intérêt public du commissaire (Directeur des enquêtes et des recherches c Télé-Direct (Publications) Inc, 61 CPR (3d) 528).

[13]  L’observation de Direct Energy selon laquelle National chercher à se servir du Tribunal comme forum pour faire valoir ses cas de litige privé contre Direct Energy devrait être rejetée. Direct Energy n’a pas établi que National cherche à intervenir à des fins illégitimes; le Tribunal fait remarquer que certaines mesures de protection existent pour répondre aux préoccupations de Direct Energy (voir par exemple l’article 62 des Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/2008-141) et que d’autres mesures de protection peuvent être mises en place, si cela s’avère nécessaire. Au mieux, cette affirmation est prématurée et demeure hypothétique.

[14]  Le paragraphe 9(3) prévoit que l’intervenant ne peut présenter que des observations qui sont pertinentes à l’instance, ce qui veut dire que ces observations doivent être pertinentes à l’instance telle qu’elle a été définie par les actes de procédure (voir Directeur des enquêtes et des recherches c Télé- Direct (Publications) Inc, 61 CPR (3d) 528). L’observation de Direct Energy selon laquelle National cherche à élargir les enjeux soulevés dans la demande du commissaire doit être traitée ci-dessous, lors de l’examen des questions pour lesquelles National cherche à obtenir l’autorisation d’intervenir.

[15]  Dans les circonstances, National a établi qu’il s’agit d’une affaire dans laquelle l’autorisation d’intervenir devrait être accordée.

B.  La portée de l’intervention

[16]  Tant le commissaire que Direct Energy s’opposent à certaines modalités de la portée de l’intervention proposée par National.

[17]  Notons que la requête d’autorisation d’intervenir de National a été entendue le jour même où le Tribunal a entendu la requête d’autorisation d’intervenir de National dans l’instance présentée par le commissaire contre Reliance Comfort Limited Partnership (« Reliance ») (CT-2012-002).  Les deux instances, qui ont été déposées le même jour, sont semblables, et les questions proposées par National ainsi que les modalités de participation sont identiques dans les deux instances. La position du commissaire en ce qui touche la demande de National est elle aussi identique à celles prises dans les deux instances. Même si Reliance ne s’est pas opposée à l’intervention de National, elle s’est opposée à certaines modalités de la portée de son intervention proposée.

[18]  Dans les circonstances, il est raisonnable que le Tribunal examine les objections de Reliance ainsi que celles formulées par Direct Energy.

[19]  Lors de l’audience des requêtes, l’avocat de National a présenté au Tribunal un tableau exposant les questions à propos desquelles elle cherchait l’obtention d’une autorisation à intervenir et les positions respectives des parties à propos de chacune des questions

 

Question proposée

commissaire

Reliance

Direct Energy

A

Lélargissement du secteur de la location de chauffe-eau en Ontario, en ce qui a trait à National.

Donne son consentement

Donne son consentement

Soppose

B

La question des agissements anticoncurrentiels de Reliance ou Direct Energy, lorsqu’ils se rapportent à National, y compris l’incidence de l’exclusion en matière de politiques et procédures des retours de chauffe-eau et d’autres comportements anticoncurrentiels de Reliance ou Direct Energy allégués dans la demande du commissaire, sur la capacité de National à pouvoir se montrer concurrentielle et à prospérer de façon efficace dans le marché pertinent.

Donne son consentement

Demande une modification

Donne son consentement

C

L’incidence des agissements anticoncurrentiels de Reliance et de Direct Energy sur les clients ou les clients proposés par National.

Donne son consentement

Demande une modification

Soppose

D

Les interactions de National avec Reliance ou Direct Energy en ce qui concerne les sujets en question dans la procédure, y compris les échanges commerciaux avec Reliance ou Direct Energy en ce qui a trait aux processus de retrait et de retour de chauffe-eau.

Donne son consentement

Donne son consentement

Donne son consentement

E

Le point de vue de National en tant que participante dans le secteur sur la définition appropriée du produit et des marchés géographiques.

Demande une modification

Soppose

Soppose

F

La question de la position dominante de Reliance ou Direct Energy, dans la mesure où elle a des répercussions sur le marché pertinent de façon générale.

Demande une modification

Soppose

Soppose

G

La question de lempêchement ou de la diminution sensible de la concurrence, dans la mesure où ils touchent National et la concurrence sur le marché pertinent de façon générale.

Demande une modification

Soppose

Soppose

H

Les obstacles à l’entrée ou à la facilité d’entrer sur le marché pertinent, selon l’expérience de National, notamment la question de savoir si le comportement de Reliance ou Direct Energy crée des obstacles artificiels à l’entrée et à l’expansion de National ou fait augmenter ses coûts.

Donne son consentement

Demande une modification

Soppose

I

Les déclarations faites par Reliance ou Direct Energy et les conclusions quelles ont tirées au sujet du comportement de National dans la réponse que Reliance ou Direct Energy ont déposée dans la présente procédure.

Demande une modification

Donne son consentement

Donne son consentement

J

L’incidence des mesures de réparation proposées par le commissaire sur National et la concurrence dans le marché pertinent.

Demande une modification

Demande une modification

Demande une modification

[20]  En ce qui concerne la Question A, je suis d’avis qu’elle est pertinente et que National, vu la formulation de la question, apportera son propre point de vue distinct ou unique. Dans les circonstances, National doit être autorisée à intervenir sur cette question.

[21]  Direct Energy ne s’oppose pas à la Question B, tandis que Reliance cherche à la modifier afin de la limiter à l’« incidence » sur National et aux agissements anticoncurrentiels allégués figurant dans la demande du commissaire. Compte tenu de la reconnaissance explicite de l’avocat de National, lors de l’audience, selon laquelle le « …comportement anticoncurrentiel, sur lequel devrait principalement porter notre intervention, doit être le comportement anticoncurrentiel qui est en cause dans l’instance et qui a précisément été plaidé par le commissaire » [TRADUCTION], la formulation de la Question B est acceptable. Elle ne peut pas être interprétée plus tard en vue d’élargir la portée des allégations du commissaire énoncées dans ses actes de procédure. Il n’est pas nécessaire de remplacer le mot « question » par le mot « incidence », comme l’a suggéré Reliance.

[22]  À la Question C, Direct Energy est en opposition, et bien que Reliance le soit également, dans ses observations écrites, elle a indiqué lors de l’audience que la Question C n’était pas nécessaire, car elle autorise déjà à National à présenter une preuve directe en ce qui a trait aux clients. Direct Energy a fait observer que National cherchait à parler au nom des clients concernés par cette question et qu’elle n’avait pas le droit de le faire.

[23]  À l’audience, l’avocat de National a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de parler au nom de tous les clients, de façon générale. Dans cette question proposée, National cherche plutôt à décrire sa connaissance directe de la façon dont le comportement allégué de Direct Energy influe sur les clients ou des efforts qu’elle déploie pour attirer les clients potentiels, notamment la capacité de National à inciter les clients à changer de fournisseur. Vu ces clarifications apportées par l’avocat, cette Question est acceptable et appropriée.

[24]  En ce qui concerne la Question E, Reliance et Direct Energy font valoir que National cherche à redéfinir les questions de marché de produits et de marché géographique d’une façon qui diffère de la définition proposée par le commissaire dans ses actes de procédure. National, en tant que participant au marché, apporte son propre point de vue sur les marchés des produits et géographiques pertinents, en fonction de son expérience. Il y a de fortes chances que son point de vue et celui du commissaire ne soient pas identiques, malgré les chevauchements probables.

[25]  Direct Energy et Reliance s’opposent à ce que National ait une appréciation du marché de produits ou du marché géographique. Ils fondent leur objection sur l’équité, et signalent qu’elles connaissent les arguments auxquels elles devront faire face, à savoir ceux définis par le commissaire. Je suis d’accord avec cela. Les arguments sont définis par le commissaire et ne peuvent être reformulés par un intervenant. Cela dit, il est possible qu’un intervenant ait de l’information pertinente et un point de vue utile sur ces questions délimitées par le commissaire. Si l’on empêche l’intervenant d’avoir un rôle à jouer en ce qui a trait aux nuances et aux contours précis de ces deux questions telles qu’elles ont été délimitées par le commissaire, on obtiendra le droit d’intervention caduque. National peut présenter son point de vue en tant que participant du secteur sur la définition des marchés de produits et géographique, tels qu’ils ont été délimités par le commissaire.

[26]  Reliance et Direct Energy s’opposent aux Questions F et G et font remarquer que National n’apporte pas un point de vue unique ou distinct lorsqu’elle souhaite parler au nom de la concurrence sur le marché pertinent, de façon générale. Elles font également remarquer que ces Questions touchent au coeur de la pratique restrictive du commerce alléguée et qu’il revient au commissaire d’établir les éléments constitutifs de la pratique. Lors de l’audience, l’avocat de Reliance a indiqué que Reliance ne s’opposerait pas à ces Questions si on les avait limitées à l’incidence sur National. Le commissaire fait également valoir que les Questions devraient se limiter à National.

[27]  Dans les circonstances, je trouve que ces questions sont appropriées à l’égard du point de vue distinct de National, considérant son expérience dans le marché. Tout élément de preuve présenté par National à ce sujet devrait se limiter à ce qui touche National elle-même.

[28]  Direct Energy s’oppose à la Question H proposée par National, et Reliance propose une autre formulation. Puisque l’on a déjà donné suite aux préoccupations initiales de Reliance, je ne vois pas pourquoi l’on devrait empêcher National de présenter des observations sur cette Question, étant donné la référence expresse et les limites de l’expérience de National. National apporte un point de vue unique ou distinct à ce sujet.

[29]  Direct Energy et Reliance ne s’opposent pas à la Question I, mais le commissaire a demandé que la Question soit explicitement limitée au « comportement » de National dans les réponses déposées. L’ajout de la limite s’avère une précision utile qui, par conséquent, sera conservée.

[30]  En ce qui a trait à la Question J, Reliance, Direct Energy et le commissaire cherchent à éliminer la référence à la « concurrence sur le marché pertinent ». Le Tribunal, dans des décisions antérieures, a autorisé des intervenants à donner un aperçu de l’incidence de la mesure de réparation proposée (voir par exemple Le commissaire de la concurrence c Visa Canada Corporation et MasterCard International Incorporated, 2011 Trib conc 2, où le Tribunal a autorisé une banque à présenter des observations sur l’incidence de la mesure de réparation proposée sur le système des paiements). National apporte bel et bien un point de vue unique ou distinct sur l’incidence des mesures de réparation proposées en ce qui touche la concurrence dans le marché auquel elle prend part.

C.  Modalités de participation et coûts

[31]  National cherche à intervenir de la façon suivante :

A

Examiner toute transcription de communication préalable et accéder à tout document produit par les parties sur la communication préalable (assujettie à toute ordonnance de confidentialité émise par le Tribunal), mais sans participation directe au processus de communication préalable.

B

Produire un affidavit de documents pertinents et mettre un représentant à la disposition de National pour linterrogatoire dans le cadre de la communication préalable sur les questions pour lesquelles National a obtenu lautorisation dintervenir.

C

Présenter un témoignage de vive voix lors de laudience de la demande du commissaire sur les questions pour lesquelles National a obtenu lautorisation dintervenir.

D

Réaliser des interrogatoires et des contre-interrogatoires non répétitifs des témoins sur les questions pour lesquelles National a obtenu lautorisation dintervenir.

E

Présenter des témoignages dexpert sur les questions pour lesquelles National a obtenu lautorisation dintervenir dans les limites de la procédure énoncée dans les Règles du Tribunal de la concurrence.

F

Assister à toute requête préliminaire, conférence préparatoire ou conférence de mise au rôle et y faire des observations.

G

Faire des plaidoyers écrits ou oraux sur les questions pour lesquelles National a obtenu lautorisation dintervenir, y compris des observations sur toute mesure de réparation proposée.

[32]  À l’audience, l’avocat du commissaire s’est dit d’accord avec les modalités proposées ci-dessus. Tant Reliance que Direct Energy se sont opposés à la formulation d’une partie ou de la totalité de ces modalités.

[33]  En ce qui a trait à la première modalité, voici ce que Direct Energy a mentionné dans ses observations écrites :

On ne devrait pas autoriser National à inspecter tout document produit par les parties ni d’examiner les transcriptions de communications préalables ou toute pièce s’y rapportant, sauf conformément à une ordonnance de confidentialité émise par le Tribunal qui limite la divulgation de tels documents et de telles transcriptions : (i) aux questions pour lesquelles National a obtenu l’autorisation d’intervenir; et (ii) à l’avocat externe de National, après signature d’une entente confidentielle bien formulée, dans la mesure où la partie produisant les documents a jugé que l’information divulguée était délicate sur le plan de la concurrence ou qu’elle en était la propriétaire;

[TRADUCTION]

[34]  Je conviens que l’examen des transcriptions et des documents devrait se limiter aux questions pour lesquelles National a obtenu l’autorisation d’intervenir. National n’a pas démontré pourquoi un examen de toutes les transcriptions de communications préalables et sont nécessaires aux fins de son intervention. Si des difficultés pratiques se présentent, les parties peuvent collaborer afin de s’attaquer à ces difficultés, à défaut de quoi l’on peut aborder la question lors d’une conférence de gestion de l’instance.

[35]  Contrairement aux observations présentées par Direct Energy et Reliance, il n’est pas nécessaire d’inclure une référence à toutes les correspondances entre National et le commissaire dans la Modalité B. Tout désaccord entre les parties en ce qui concerne la pertinence et le privilège peut être traité plus tard, conformément à la procédure normale du Tribunal et aux Règles 60 et 61 des Règles du Tribunal de la concurrence.

[36]  Dans les circonstances, il convient également de limiter à trois heures la durée de l’examen de la communication préalable pour les représentants de National. Il n’est pas nécessaire de préciser que les questions posées sont non répétitives. Le Tribunal part de l’hypothèse que tous les avocats connaissent les règles de pratique existantes et les respecteront.

[37]  En ce qui concerne la Modalité C, Direct Energy demande que National n’ait l’autorisation de présenter le témoignage pertinent et non répétitif que d’un seul témoin. Il est trop tôt pour limiter le nombre de témoins ordinaires de façon arbitraire. Toutefois, le Tribunal se réserve le droit, dans le cadre d’une prochaine procédure de gestion de l’instance, de limiter le nombre de témoins appelés à témoigner par National.

[38]  Le Tribunal conclut que la Modalité D est appropriée, et rejette les observations de Direct Energy selon lesquelles on ne devrait pas autoriser National à contre-interroger les témoins lors de l’audience de la demande principale. Il se peut que les intervenants aient le droit de contre-interroger les témoins lors de l’audience, et Direct Energy n’a pas donné de raison convaincante pour laquelle l’on devrait empêcher National d’exercer ce droit (voir, par exemple, American Airlines).

[39]  Direct Energy soutient également que l’on ne devrait pas autoriser National à présenter un témoignage d’expert en partant du principe que l’opinion de l’expert ne reflète pas le point de vue unique ou distinct de National. Reliance soutient que les rapports d’expert de National devraient se limiter au point de vue unique de National (par exemple, des substituts pratiques qui peuvent remplacer des chauffe-eau à gaz ou électriques). Les avocats des deux parties ont fait valoir, lors de l’audience, qu’il serait inapproprié que National présente un témoignage d’expert en ce qui touche des sujets plus généraux comme les marchés pertinents et l’effet d’un comportement allégué sur le marché de façon générale.

[40]  Direct Energy na présenté aucune décision pour appuyer sa position selon laquelle on ne devrait pas autoriser les intervenants à présenter un témoignage dexpert. Au contraire, dans différentes décisions des vingt dernières années, le Tribunal a autorisé les intervenants à faire précisément ce à quoi soppose Direct Energy (voir par exemple, Commissaire de la concurrence c Visa Canada Corporation et MasterCard International Incorporated, 2011 Trib conc 2; Commissaire de la concurrence c Toronto Real Estate Board, 2011 Trib conc 22; Commissaire de la concurrence c Air Canada, 2011 Trib conc 21; Commissaire de la concurrence c Air Canada, 2001 Trib conc 4; Directeur des enquêtes et recherches c Canadian Pacific Ltd, (1997), 74 RPC (3d) 37; Directeur des enquêtes et recherches c Télé-Direct (Publications) Inc, (1995), 61 CPR (3d) 528).

[41]  Encore une fois, il serait prématuré d’imposer une limite arbitraire quant au type et au nombre de témoins experts que National peut présenter. L’avocat de National reconnaît à l’audience qu’il ne sait toujours pas quel type de témoignage d’expert il souhaiterait présenter, le cas échéant. Toutefois, je remarque qu’en ce qui touche la présentation d’un tel témoignage, National devrait se guider sur les principes énoncés dans le paragraphe 9(2) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence.

[42]  En ce qui concerne la Modalité F, Reliance soutient que l’on devrait la limiter aux cas où les intérêts de National sont en jeu, alors que Direct Energy adopte la position selon laquelle les observations de National devraient être autorisées, mais seulement dans la mesure où elles concernent des questions au sujet desquelles il est permis d’intervenir et où elles ne font pas double emploi avec les observations du commissaire.

[43]  Pour des raisons d’ordre pratique, et compte tenu des directives du paragraphe 9(2) et de l’accord des avocats sur la collaboration lors de l’audience, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire, en ce moment, d’imposer d’autres limites à la Modalité F.

[44]  L’avocat de National a indiqué à l’audience qu’il était prêt à inclure une référence à la Modalité G, afin de la limiter aux argumentations non répétitives, dans la mesure où l’on donne à National la chance d’examiner à l’avance le dépôt du commissaire. L’avocat du commissaire n’a pas insisté, à l’audience, sur l’ajout du mot « non répétitif », mais Direct Energy a demandé dans ses observations écrites que l’argumentation de National ne fasse pas double emploi avec celle du commissaire.

[45]  Le Tribunal ne se lancera pas dans la microgestion du contenu du mémoire de National. En pratique, il y a lieu d’inclure une certaine répétition afin que l’intervenant puisse formuler son point de vue distinct ou unique.

[46]  Enfin, National a indiqué que si l’on garantit l’autorisation d’intervenir, elle ne chercherait pas à obtenir de dépens, et elle demande de ne pas être tenue responsable des dépens de toute autre partie ou de tout autre intervenant.

[47]  Direct Energy soutient que National devrait être assujettie aux dispositions sur les dépens de l’article 8.1 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, et Reliance fait valoir qu’il serait prématuré d’ordonner que National ne soit pas tenue responsable des dépens, car il s’agit d’une décision qui devrait être entendue par le tribunal chargé d’entendre cette affaire. Je suis d’accord avec cela. Je n’entraverai pas le pouvoir discrétionnaire du tribunal chargé d’entendre cette affaire pour adjuger les dépens comme il le juge approprié : commissaire de la concurrence c Toronto Real Estate Board, 2011 Trib Trib 22, paragraphe 43.

PAR CONSÉQUENT, LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT :

[48]  National l’autorisation est autorisée à intervenir sur les questions suivantes (ci-après, les « Questions relatives à National Energy ») :

  1. L’élargissement du secteur de la location de chauffe-eau en Ontario, en ce qui a trait à National.
  2. La question des agissements anticoncurrentiels de Direct Energy, lorsqu’ils se rapportent à National, y compris l’incidence de l’exclusion en matière de politiques et procédures des retours de chauffe-eau et d’autres comportements anticoncurrentiels de Direct Energy allégués dans la demande du commissaire, sur la capacité de National à pouvoir se montrer concurrentielle et à prospérer de façon efficace dans le marché pertinent.
  3. L’incidence des agissements anticoncurrentiels de Direct Energy sur les clients ou les clients proposés par National.
  4. Les interactions de National avec Direct Energy en ce qui concerne les sujets en question dans la procédure, y compris les échanges commerciaux avec Direct Energy relativement aux processus de retrait et de retour de chauffe-eau
  5. Le point de vue de National en tant que participant du secteur sur la définition appropriée du produit et des marchés géographiques.
  6. La question de la position dominante de Direct Energy, dans la mesure où elle a des répercussions sur National.
  7. La question de l’empêchement ou de la diminution sensible de la concurrence, dans la mesure où ils touchent National et la concurrence sur le marché pertinent de façon générale.
  8. Les obstacles à l’entrée ou à la facilité d’entrer sur le marché pertinent, selon l’expérience de National, notamment la question de savoir si le comportement de Direct Energy crée des obstacles artificiels à l’entrée et à l’expansion de National ou fait augmenter ses coûts.
  9. Les déclarations faites par Direct Energy et les conclusions qu’elle a tirées au sujet du comportement de National dans la réponse que Direct Energy a déposée dans la présente procédure.
  10. L’incidence des mesures de réparation proposées par le commissaire sur National et la concurrence dans le marché pertinent.

[49]  National devrait être autorisée à participer à la procédure et :

  1. À examiner toute transcription de communication préalable et à accéder à tout document produit par les parties à ce sujet (assujetti à toute ordonnance de confidentialité émise par le Tribunal), mais sans participation directe au processus de communication préalable.
  2. À produire un affidavit de documents pertinents et à mettre un représentant à la disposition de National pour l’interrogatoire dans le cadre de la communication préalable sur les Questions relatives à National Energy. La communication préalable devrait se limiter à trois (3) heures, dans le cas de Direct Energy.
  3. À présenter un témoignage de vive voix lors de l’audience de la demande du commissaire sur les questions relatives à National Energy.
  4. À procéder à des interrogatoires et à des contre-interrogatoires des témoins sur les Questions relatives à National Energy.
  5. À présenter des témoignages dexpert sur les Questions relatives à National Energy dans les limites de la procédure énoncée dans les Règles du Tribunal de la concurrence.
  6. À assister à toute requête préliminaire, conférence préparatoire ou conférence de mise au rôle et à y faire des observations.
  7. À faire des plaidoyers écrits ou oraux sur les Questions relatives à National Energy, y compris des observations sur toute mesure de réparation proposée.

[50]  Dans lexercice des droits ci-dessus, National devra suivre les directives figurant dans le paragraphe 9(2) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence.

[51]  Il est possible que l’on fixe une limite au nombre de témoins ordinaires et experts appelés à témoigner par National lors d’une prochaine procédure de gestion d’instance.

[52]  Les parties doivent déposer un projet de calendrier en vue du règlement de la demande au plus tard le mercredi 13 novembre 2013. Si les parties ne parviennent pas à un accord sur le calendrier, elles doivent signifier et déposer un projet de calendrier le ou avant le 13 novembre 2013. Les parties doivent consulter National pour l’établissement des calendriers.

FAIT à Ottawa, ce 6e jour de novembre 2013.

SIGNÉ au nom du Tribunal par le président.

(s) Donald J. Rennie


COMPARUTIONS :

Pour le demandeur :

Le commissaire de la concurrence

Jonathan Hood

Pour la demanderesse :

Direct Energy Marketing Limited

Donald B. Houston

Helen Burnett

Justin H. Nasseri

Pour la requérante en intervention :

National Energy Corporation

Adam Fanaki

Derek D. Ricci

 

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