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Tribunal de la Concurrence

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Competition Tribunal

TRADUCTION OFFICIELLE

 

Référence : Commissaire de la concurrence c. Toronto Real Estate Board, 2011 Trib. conc. 22

No de dossier : CT-2011-003

No de document du greffe : 441

 

DANS LAFFAIRE de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, dans sa version modifiée;

 

ET DANS L’AFFAIRE d’une demande du commissaire de la concurrence fondée sur l’article 79 de la Loi sur la concurrence;

 

ET DANS L’AFFAIRE de certaines règles, politiques et ententes relatives à la prestation de services de courtage immobilier résidentiel du système interagences du Toronto Real Estate Board.

 

 

E N T R E :

 

Competition Tribunal Seal / Sceau du Tribunal de la concurrence Le commissaire de la concurrence

(demandeur)

et

Le Toronto Real Estate Board

(défendeur)

 

 

et

 

L’Association canadienne de l’immeuble et Realtysellers Real Estate Inc.

(parties requérantes)

 

 

Date de l’audience : le 18 octobre 2011

Juge présidant : Mme la juge Simpson (présidente)

Date des motifs et de l’ordonnance : le 2 novembre 2011

Motifs et ordonnance signés : Mme la juge Sandra J. Simpson

 

 

MOTIFS ET ORDONNANCE CONCERNANT LES REQUÊTES EN AUTORISATION D’INTERVENIR PRÉSENTÉES PAR REALTYSELLERS REAL ESTATE INC. ET PAR L’ASSOCIATION CANADIENNE DE L’IMMEUBLE

 

 

 

 

 


  1. INTRODUCTION

 

[1] L’Association canadienne de l’immeuble (l’« ACI ») et Realtysellers Real Estate Inc. sollicitent l’autorisation d’intervenir dans l’instance introduite par le commissaire de la concurrence contre le Toronto Real Estate Board sur le fondement de l’article 79 (la disposition sur l’abus de position dominante) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, et ses modifications (la « Loi »). Le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») a instruit les deux requêtes en autorisation d’intervenir le 18 octobre 2011 à Toronto.

 

II. LES PARTIES

 

[2] Le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») est chargé d’assurer et de contrôler l’application de la Loi.

 

[3] Le défendeur, le Toronto Real Estate Board (le « TREB »), est une société ontarienne sans capital-actions. Il compte environ 32 000 membres, notamment des courtiers et des agents. Le TREB a pour mission de promouvoir et de défendre les intérêts des personnes œuvrant dans le domaine immobilier, et de mettre en place, de promouvoir et de gérer des systèmes d’inscription immobilière. Le TREB est membre de l’ACI et il est titulaire de licences de certaines marques de commerce appartenant à l’ACI qui sont décrites plus loin.

 

[4] Le TREB est propriétaire du système interagences [en anglais : Multiple Listing System ou MLS] du TREB (le « système MLS du TREB »). Ce système compile les inscriptions de propriétés résidentielles à vendre dans la région du Grand Toronto faites par les membres du TREB et renferme des données historiques sur les ventes de propriétés résidentielles (ci-après désignées collectivement sous le nom de « données du MLS »).

 

III. LA DEMANDE DU COMMISSAIRE

 

[5] Le 27 mai 2011, le commissaire a saisi le Tribunal d’une demande (la « demande initiale ») dans laquelle il alléguait que le TREB se servait de son contrôle du MLS du TREB pour établir et interpréter des règles, politiques et ententes ayant des effets restrictifs ou des effets tendant à exclure (les « restrictions du MLS ») sur l’accès des courtiers au système MLS du TREB et l’emploi qu’ils en font. En particulier, il alléguait que les restrictions du MLS du TREB empêchaient des courtiers novateurs d’utiliser un [traduction] « bureau virtuel » (« BV ») protégé par mot de passe afin d’offrir des services de courtage immobilier à leurs clients par Internet.

 

[6] À la fin du mois de juin 2011, le TREB a avisé ses membres qu’il avait publié un projet de politiques et de règles applicables au BV (le « projet de règles du BV »). En réponse, le 7 juillet 2011, le commissaire a déposé un avis de demande modifiée (la « demande modifiée ») afin de contester les nouvelles règles du TREB que le commissaire avait incluses dans sa définition des restrictions du MLS du TREB. D’après la demande modifiée, le projet de règles du BV est le moyen que le TREB utilise maintenant pour gérer les BV. Ces règles ont été approuvées par le TREB, mais ne sont pas encore en vigueur.

 

[7] Dans sa demande modifiée, le commissaire allègue que le projet de règles du BV constituera une nouvelle mesure anticoncurrentielle. Il affirme que ces règles imposeront aux courtiers-membres qui souhaitent exploiter des BV des obligations et restrictions auxquelles les courtiers traditionnels ne sont pas assujettis. Le paragraphe 35 de la demande modifiée décrit le projet de règles du BV comme suit :

[traduction] Plus précisément, selon le projet de règles du TREB, le TREB fournira, à certaines conditions, un flux de données aux courtiers-membres qui souhaitent créer un site Web afin d’afficher les fiches descriptives des propriétés résidentielles actuellement à vendre. Toutefois, d’après le projet de règles du TREB, les fonctions de recherche et d’affichage des BV des courtiers-membres ne doivent pas permettre d’obtenir les renseignements suivants (lesquels sont tous disponibles dans le système MLS du TREB et que les membres transmettent actuellement à leurs clients en mains propres, par courriel ou par télécopieur) :

 

  • a) les données du MLS sur les ventes en instance, y compris les inscriptions où les vendeurs et les acheteurs ont conclu une entente, mais dont l’acte n’est pas encore définitif;

  • b) les données du MLS sur les propriétés vendues, sauf si la méthode d’utilisation des prix de vente réels pour les transactions terminées est conforme aux règles du Conseil ontarien de l’immobilier (le « COI ») et aux lois applicables en matière de protection des renseignements personnels;

  • c) la rémunération offerte par le courtier du vendeur au courtier de l’acheteur.

 

De plus – et vu la valeur que les clients éventuels accordent à ces renseignements, la précision qui suit est importante –, le flux de données fourni aux courtiers-membres pour les BV n’inclura pas de données du MLS se rapportant aux propriétés vendues, sauf si ces données sont [traduction] « facilement accessibles au public ». Cette restriction ne s’appliquant pas aux bureaux traditionnels, le projet de règles du TREB établit donc une discrimination et contrevient à la Loi.

 

[8] Le commissaire allègue que le projet de règles du TREB visant les BV, du fait qu’il limite les sites Web des courtiers-membres à l’affichage des inscriptions actuelles, privera les courtiers-membres et leurs clients des avantages de ce modèle efficace et novateur de prestation de services de courtage.

 

IV. LES INTERVENANTES PROPOSÉES

 

[9] L’ACI et Realtysellers Real Estate Inc. (« RS ») demandent l’autorisation d’intervenir. Je les présenterai à tour de rôle.

 

(i) L’ACI

 

[10] L’ACI représente plus de 100 000 courtiers et agents immobiliers associés à une centaine de chambres et associations immobilières, y compris des associations provinciales et territoriales à l’échelle du Canada. Elle est propriétaire de la marque de commerce Multiple Listing Service [Service interagences], de la marque de commerce MLS et des logos connexes; elle est également copropriétaire des marques de commerce REALTOR et REALTORS et des logos connexes.

 

[11] L’affidavit de Gary Simonsen (l’« affidavit de M. Simonsen »), souscrit le 31 août 2011, a été déposé à l’appui de la requête en autorisation d’intervenir. Monsieur Simonsen est chef de la direction de l’ACI.

 

[12] Si l’autorisation d’intervenir lui est accordée, l’ACI entend appuyer la position du TREB, mais le fera en tant que représentante nationale du secteur canadien de l’immobilier. Le TREB appuie la requête en autorisation d’intervenir de l’ACI. Le commissaire s’oppose cependant à la requête de l’ACI.

 

(ii) Realtysellers Real Estate Inc.

 

[13] RS est une société de courtage immobilier se spécialisant dans la revente de propriétés résidentielles; elle est membre du TREB et de l’ACI. L’affidavit de Lawrence Mark Dale, souscrit le 1er septembre 2011, a été déposé à l’appui de la requête en autorisation d’intervenir présentée par RS. Monsieur Dale est le fondateur, président et directeur général de RS. Au paragraphe 10 de son affidavit, il explique qu’il est revenu dans le marché du courtage immobilier résidentiel à la suite de la décision du commissaire d’introduire la présente instance. Selon M. Dale, même si RS est en activité depuis moins de deux mois, elle s’est imposée comme étant la société de courtage non traditionnelle la plus importante au sein du TREB.

 

[14] RS affirme que, si elle peut recevoir les données du MLS par Internet à un bureau virtuel, elle sera en mesure d’offrir des services novateurs et économiques aux acheteurs et aux vendeurs de propriétés immobilières.

 

[15] RS explique que, si le tribunal lui accorde l’autorisation d’intervenir, elle prévoit appuyer de manière générale la position du commissaire. Le commissaire ne s’oppose pas à la requête en autorisation d’intervenir de RS, mais s’oppose à celle du TREB.

 

V. LES ÉLÉMENTS DE PREUVE IRRÉGULIERS

 

Présentés par RS

 

[16] Le vendredi 14 octobre 2011, RS a déposé une réplique conformément à la décision du Tribunal datée du 3 octobre 2011 (voir Commissaire de la concurrence c. Toronto Real Estate Board, 2011 Trib. conc. 15). L’affidavit d’Allan M. Spivak, vice-président et courtier dûment mandaté de RS, était joint à cette réplique. Avant que l’affidavit et la réplique ne soient déposés, RS avait changé d’avocat, de sorte que c’était son nouvel avocat qui avait rédigé l’affidavit.

 

[17] À l’audience sur les requêtes en autorisation d’intervenir, le Tribunal a avisé l’avocat de RS que, malgré sa solide argumentation, le Tribunal ne tiendrait pas compte de l’affidavit de M. Spivak. Les Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/2008-141, qui régissent les requêtes en autorisation d’intervenir, ne permettent pas à une partie requérante de déposer une contre-preuve et cette règle s’applique même si la partie requérante embauche un nouvel avocat. Les éléments de preuve des parties requérantes doivent être joints à la requête en autorisation d’intervenir au moment de son dépôt (voir l’article 43 des Règles).

Présentés par le TREB

 

[18] Le TREB n’a pas tenu compte de l’article 44 des Règles, qui permet à une partie de déposer une réponse à une requête en autorisation d’intervenir. Cette réponse est essentiellement une critique de la requête. La présentation d’éléments de preuve n’est pas permise. Le TREB a joint deux annexes à sa réponse et le Tribunal ne tiendra pas compte de ces annexes.

 

Présentés par l’ACI

 

[19] L’ACI a déposé un affidavit complémentaire souscrit par Gary Simonsen le 20 septembre 2011. Là encore, malgré la solide argumentation des avocats de l’ACI, le Tribunal ne tiendra pas compte de l’affidavit complémentaire, étant donné que les règles ne permettent pas aux intervenants de déposer deux affidavits.

 

VI. LE CRITÈRE APPLICABLE AUX REQUÊTES EN AUTORISATION D’INTERVENIR

 

[20] Le paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. 1985, ch. 19 (2e suppl.) dispose :

 

  • (3) Toute personne peut, avec l’autorisation du Tribunal, intervenir dans les procédures se déroulant devant celui-ci, sauf celles intentées en vertu de la partie VII.1 de la Loi sur la concurrence, afin de présenter toutes observations la concernant à l’égard de ces procédures.

 

[21] Dans la décision Commissioner of Competition c. Canadian Waste Services Holdings Inc., 2000 Trib. conc. 10, le Tribunal a conclu que pour obtenir le statut d’intervenant, l’ensemble des conditions suivantes doivent être réunies :

[traduction]

  • 1) La personne demandant l’autorisation d’intervenir doit être directement touchée.

  • 2) La question censée toucher la personne demandant l’autorisation d’intervenir doit être une question sur laquelle l’examen du Tribunal peut légitimement porter ou être une question suffisamment pertinente relevant du mandat du Tribunal.

  • 3) Toutes les observations présentées par une personne demandant l’autorisation d’intervenir doivent être liées à une question soulevée expressément par le commissaire.

  • 4) Enfin, la personne qui demande l’autorisation d’intervenir doit apporter une perspective particulière qui aidera le Tribunal à trancher les questions dont il est saisi.

 

VII. LA PORTÉE DE LA DEMANDE DU COMMISSAIRE

 

[22] L’avocat du commissaire affirme que la demande modifiée a pour effet de réduire considérablement la portée de l’enquête, de sorte qu’elle ne vise plus que les BV et le projet de règles visant les BV. Voici ce qu’il a précisé lors de l’audience sur les requêtes :

 

[traduction] La question précise dont le Tribunal est saisi est simple : les restrictions permanentes sont-elles appropriées ou contreviennent-elles, comme le soutient le commissaire, à l’article 79 de la Loi sur la concurrence? Voilà la question.

 

Les restrictions permanentes sont le projet de règles visant les BV décrit ci-dessus et exposé au paragraphe 35 de la demande modifiée.

 

[23] Toutefois, l’avocate de l’ACI ne souscrit pas à l’argument selon lequel la portée de la demande modifiée est désormais très étroite. Elle souligne que, lors de la rédaction de la demande modifiée, la même formulation générale que celle que l’on trouvait dans la demande initiale visant l’ordonnance sollicitée a été employée. En particulier, l’avocate de l’ACI cite le passage liminaire et les paragraphes 10 et 66 (a et b) de la demande modifiée pour démontrer que cette demande vise des modes de communication et des appareils autres que les BV pour la diffusion des données du MLS sur Internet et pour démontrer que la demande vise des restrictions autres que le projet de règles visant les BV. Voici les passages en question :

 

[traduction] SACHEZ QUE le demandeur présentera, en vertu de l’article 79 de Loi sur la concurrence (la « Loi »), une demande au Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») en vue d’obtenir, en application des paragraphes 79(1) et (2) de la Loi, une ordonnance interdisant au défendeur d’adopter, d’interpréter ou d’appliquer des règles, politiques et ententes de manière à empêcher ou entraver l’entrée de modèles d’entreprise novateurs, ou de manière à imposer des restrictions aux courtiers immobiliers qui souhaitent utiliser l’Internet afin de servir plus efficacement les acheteurs et vendeurs de résidences. Les détails de l’ordonnance demandée se trouvent au paragraphe 66.

 

10. Par conséquent, le commissaire sollicite une ordonnance interdisant au TREB d’adopter, d’interpréter ou d’appliquer, directement ou indirectement, des restrictions, y compris les restrictions du MLS du TREB, ayant pour effet d’exclure ou d’entraver les courtiers membres du TREB qui souhaitent utiliser les renseignements du MLS du TREB pour offrir des services sur l’Internet, par exemple au moyen d’un BV défini dans la présente demande, ou ayant pour effet d’exercer de la discrimination contre ses courtiers membres; […]

 

66. Par conséquent, le commissaire sollicite en vertu des paragraphes 79(1) et (2) une ordonnance :

 

  • a) interdisant au TREB d’adopter, d’interpréter ou d’appliquer, directement ou indirectement, des restrictions, y compris les restrictions du MLS du TREB, ayant pour effet d’exclure ou d’entraver les courtiers membres du TREB qui souhaitent utiliser les renseignements du MLS du TREB pour offrir des services sur l’Internet, par exemple au moyen d’un BV défini dans la présente demande, ou ayant pour effet d’exercer de la discrimination contre ces courtiers membres;

 

  • b) enjoignant au TREB de mettre en place les ressources et le matériel qui, de l’avis du Tribunal, sont nécessaires pour assurer que les courtiers-membres ou leurs intermédiaires puissent exploiter des BV ou des services similaires.

 

[24] Je constate que les paragraphes 10 et 66a) renferment la formulation [traduction] « par exemple au moyen d’un BV ». Cette formulation tend à indiquer que l’ordonnance sollicitée vise à être appliquée aux modes de communication des données du MLS par Internet autres que les BV. Cette conclusion est renforcée par la formulation utilisée au paragraphe 66b), qui mentionne [traduction] « des BV ou des services similaires ». Dans ce contexte, on entend par « services » d’autres modes d’utilisation d’Internet en vue de transmettre les données du MLS aux clients. Par conséquent, je souscris à l’argument de l’ACI selon lequel l’ordonnance sollicitée ne se limite pas aux BV.

 

[25] L’ACI soutient également – et j’abonde dans son sens – que l’ordonnance demandée ne se limite pas au projet de règles visant les BV parce que la formulation utilisée aux paragraphes 10 et 66a) s’applique aux restrictions [traduction] « y compris » les restrictions du MLS du TREB. Cela veut dire que d’autres restrictions éventuelles du TREB pourraient être visées par l’ordonnance.

 

[26] Après avoir tiré des conclusions sur les observations opposées, j’ai également examiné la demande modifiée du commissaire dans son ensemble et j’estime que les paragraphes 56, 58 et 59 portent tous sur les mesures prises par le TREB en vue de faire obstacle aux BV et à d’autres modèles d’entreprise novateurs misant sur Internet.

 

[27] Ces paragraphes confortent ma conclusion précédente selon laquelle la demande modifiée du commissaire vise non seulement les BV, mais aussi d’autres modes de communication des données du MLS aux clients des courtiers par Internet.

 

[28] Je suis également d’avis, après avoir examiné la demande modifiée, que toutes les restrictions du MLS, et non seulement le projet de règles visant les BV, sont en cause.

 

[29] C’est dans ce contexte que j’aborderai maintenant les requêtes en autorisation d’intervenir.

 

VIII. LA REQUÊTE EN AUTORISATION D’INTERVENIR D’ACI

 

[30] L’ACI demande l’autorisation d’intervenir afin de soulever les points suivants :

 

  • a) la définition appropriée du marché de produits et du marché géographique;

  • b) le développement, l’utilisation et l’impact concurrentiel des BV et d’autres modèles de partage de données par Internet au Canada;

  • c) les conditions d’utilisation, modalités ou exigences qu’il convient d’inclure dans une politique ou règle visant un BV ou d’autres modèles de partage de données par Internet;

  • d) l’impact de toute réparation proposée sur l’ACI et ses membres, y compris sur les marques de commerce MLS® et REALTOR®;

  • e) le caractère convenable et approprié de toute réparation proposée, y compris ses effets sur l’innovation et les frais imposés aux consommateurs.

 

a) La définition appropriée du marché de produits et du marché géographique

 

[31] Dans sa réponse à la demande modifiée, le TREB n’admet pas qu’il souscrit aux définitions du marché de produits et du marché géographique avancées par le commissaire. Pourtant, au paragraphe 30, le TREB fait siennes ces définitions et il se fonde sur elles. Cela semble indiquer, comme l’a fait valoir l’avocate de l’ACI, qu’il n’y a pas de véritable contestation. Or, l’exposé concis de la théorie économique du TREB indique que la définition du marché de produits est, à tout le moins, un point litigieux. Pour ce motif, j’estime qu’on peut s’attendre à ce que le TREB soulève la question de la définition du marché de produits.

 

[32] S’agissant du marché géographique, rien dans l’affidavit de M. Simonsen ne permet de croire que l’ACI se trouve dans une position unique ou apporte une perspective particulière, et il convient de garder à l’esprit que la prestation de services de courtage à l’échelle du Canada n’est pas en cause dans la présente affaire.

 

b) Le développement, l’utilisation et l’impact concurrentiel des BV et d’autres modèles de partage de données par Internet au Canada

 

[33] Monsieur Simonsen indique dans son affidavit que l’ACI possède une expérience des modèles de partage par Internet des données du MLS autres que les BV. À mon avis, l’ACI se trouve dans une position unique grâce à cette expérience. De plus, elle est directement touchée parce que les ordonnances sollicitées par le commissaire pourraient avoir une incidence sur les règles qu’elle pourrait imposer lorsqu’elle proposera ces modèles à ses membres.

 

[34] Par conséquent, l’ACI sera autorisée à intervenir sur ce point relativement aux autres modes de partage de données par Internet au Canada. Je ne lui ai pas accordé l’autorisation d’intervenir sur ce point relativement aux BV, car l’ACI ne se trouve pas dans une position unique à cet égard. Je suis certaine que si le TREB estime que des renseignements sur le développement, l’utilisation et l’impact concurrentiel des BV seraient utiles au Tribunal, le TREB lui soumettra ces renseignements.

 

c) Les conditions d’utilisation, les modalités ou exigences qu’il convient d’inclure dans une politique ou règle visant les BV ou d’autres modèles de partage de données par Internet

 

[35] S’agissant des BV, rien ne permet de croire que l’ACI apporte une perspective unique sur les politiques et les règles. Bien que l’ACI ait élaboré des règles et des lignes directrices que ses membres peuvent mettre en application, il ressort clairement de l’affidavit de M. Simonsen que le TREB est libre d’établir ses propres règles en matière de BV. Étant donné que le TREB a élaboré de telles règles et que le projet de règles du TREB visant les BV est l’objet principal de la présente demande, je ne peux conclure que l’ACI possède une perspective particulière.

 

[36] Toutefois, l’ACI apporte une perspective particulière sur ce point pour ce qui est des autres modèles de partage de données par Internet et, étant donné qu’une ordonnance rendue par le Tribunal pourrait avoir une incidence sur les règles que l’ACI peut imposer à ses membres relativement à l’utilisation de ces modèles, l’ACI est directement touchée. Par conséquent, l’autorisation d’intervenir sera accordée sur ce point, mais seulement en ce qui concerne les autres modèles de partage de données par Internet.

 

d) L’impact de toute réparation proposée sur l’ACI et ses membres, y compris sur les marques de commerce MLS® and REALTOR®

 

[37] Je suis convaincue que l’ACI sera directement touchée par une ordonnance quant au caractère régulier du projet de règles du TREB visant les BV parce que, selon l’affidavit M. Simonsen, l’ACI tente – en vain, jusqu’à présent – de s’entendre avec le commissaire sur les règles que l’ACI peut imposer lorsqu’elle fournit des données du MLS pour les BV directement à ses membres. Pour ce motif, la décision du Tribunal sur le caractère régulier des restrictions du MLS du TREB aura probablement une incidence de la nature d’un précédent sur les règles que l’ACI pourra établir. En outre, seule l’ACI peut nous renseigner sur l’incidence que les réparations proposées auront sur elle.

 

[38] L’ACI soutient également qu’elle est directement touchée à titre de propriétaire et copropriétaire des marques de commerce MLS et REALTOR, étant donné que les questions en litige dans la présente instance auront une incidence sur les droits que lui confèrent ces marques de commerce. Elle affirme avoir fait preuve de diligence pour s’assurer que ces marques de commerce demeurent associées à des normes de professionnalisme et à la fourniture de renseignements exacts et à jour. Par conséquent, l’ACI soutient avoir un intérêt direct à veiller à ce que toute utilisation de données du MLS par Internet soit assujettie à des règles et politiques qui protègent ces normes, et soutient avoir une perspective particulière sur ces questions. Pour ces motifs, l’ACI sera autorisée à intervenir sur ce point.

 

e) Le caractère convenable et approprié de toute réparation proposée, y compris ses effets sur l’innovation et les frais imposés aux consommateurs

 

[39] Selon moi, ce point signifie que l’ACI souhaite présenter des éléments de preuve permettant de déterminer si les restrictions du MLS auront une incidence sur l’innovation et les frais payés par les consommateurs. Je constate que le TREB a fait cause commune avec le commissaire sur ces questions. À mon avis, le TREB est le mieux placé pour se prononcer sur ces points et, étant donné que je ne suis pas convaincue que l’ACI a une perspective particulière, je n’autoriserai pas d’intervention sur ces points.

 

[40] En résumé, l’ACI est autorisée à intervenir sur les points suivants :

 

  • (i) le développement, l’utilisation et l’impact concurrentiel des BV et d’autres modèles de partage de données par Internet au Canada;

  • (ii) les conditions d’utilisation, les modalités ou exigences qu’il convient d’inclure dans une politique ou règle sur le partage de données par Internet (autre que par les BV);

  • (iii) l’impact de toute réparation proposée sur l’ACI et ses membres, y compris sur les marques de commerce MLS et REALTOR.

 

  1. LA PORTÉE DE L’INTERVENTION DE L’ACI

 

[41] À titre d’intervenante, l’ACI doit :

 

· rédiger un affidavit dressant la liste des documents pertinents pour ce qui est des points autorisés;

· produire ces documents, dans la mesure où ils ne sont pas confidentiels;

  • désigner un représentant qui sera interrogé au préalable sur les points en question par l’avocat du commissaire, qui disposera de huit heures pour l’interroger;

· respecter les modalités de toute ordonnance de confidentialité rendue par le Tribunal.

 

[42] À titre d’intervenante, l’ACI peut :

 

  • examiner les transcriptions d’interrogatoire préalable et les documents produits;

  • faire entendre deux témoins (des faits ou experts) à l’audience pour témoigner sur les points autorisés, pourvu que les témoins ne reprennent pas des éléments déjà présentés par le TREB;

  • contre-interroger les témoins du commissaire sur les points autorisés, pourvu qu’elle ne pose pas les mêmes questions que les avocats du TREB auront posées;

· participer aux étapes préparatoires;

· présenter des observations de vive voix et écrites se rapportant aux points autorisés.

 

[43] L’ACI a demandé d’intervenir à la condition d’être exclue de l’adjudication des dépens, soit en n’étant pas redevable des dépens et en s’abstenant d’en demander. J’accepte sa proposition de n’en solliciter aucuns, mais j’estime qu’une ordonnance déclarant que l’ACI n’est pas redevable des dépens, si elle était rendue maintenant, serait prématurée. Bien que je n’aie aucun doute que l’ACI se comportera de manière responsable et respectera les conditions rattachées à l’autorisation de son intervention, je ne veux pas priver la formation qui instruira la présente affaire de son pouvoir discrétionnaire d’adjuger des dépens à la suite de circonstances imprévues.

 

  1. LA DEMANDE D’AUTORISATION D’INTERVENIR DE RS

 

[44] À mon avis, même s’il s’agit d’une nouvelle entreprise qui, pour le moment, exerce des activités de vente dans le domaine du courtage immobilier, RS a une perspective particulière et est directement touchée par les restrictions du MLS du TREB, notamment par le projet de règles visant les BV. D’après l’affidavit de M. Dale, ce sont ces règles qui empêchent RS d’élargir ses activités pour y inclure les achats au moyen d’un BV. RS est le seul courtier ayant indiqué au Tribunal qu’il avait de tels projets.

 

[45] La prochaine étape consiste à déterminer si les points sur lesquels RS souhaite intervenir sont pertinents quant aux questions soumises au Tribunal.

 

[46] RS a indiqué qu’elle souhaitait intervenir relativement aux points suivants :

 

  1. comment une société de courtage immobilier comme Realtysellers pourrait exploiter un bureau virtuel et offrir des renseignements du MLS à sa clientèle par Internet, au lieu d’un bureau traditionnel où les renseignements sont communiqués en personne;

  2. les économies de coûts et les gains d’efficience opérationnelle qui découlent de l’exploitation d’un bureau virtuel, et les économies qui peuvent être transférées aux consommateurs;

  3. l’impact des règles et politiques actuelles du TREB, y compris sa récente politique sur les BV, sur les sociétés de courtage non traditionnelles comme Realtysellers qui souhaitent offrir aux consommateurs des renseignements du MLS dans un environnement virtuel par Internet, plutôt que dans un bureau traditionnel où les renseignements sont communiqués en personne;

  4. l’absence de préoccupation en matière de protection des renseignements personnels ou d’autres problèmes pouvant constituer des obstacles à l’exploitation de bureaux virtuels tels que ceux décrits par RS;

  5. l’ordonnance proposée et l’impact qu’elle aura sur les sociétés de courtage non traditionnelles qui souhaitent offrir aux consommateurs des renseignements du SIA dans un environnement virtuel par Internet, plutôt que dans un bureau traditionnel où les renseignements sont communiqués en mains propres.

 

[47] Selon les observations formulées par son avocat, RS craint que la portée de la demande présentée par le commissaire, qui vise la prestation virtuelle de services de courtage sur l’Internet au moyen d’un BV, soit trop restreinte. D’après RS, toute ordonnance rendue par le Tribunal devrait viser, en plus des BV, d’autres modèles de partage de données par Internet. Se tournant aussi vers l’avenir, RS demande au Tribunal de tenir compte de l’évolution future d’Internet.

 

[48] Tous les points proposés par RS sont axés sur son modèle de bureau virtuel et sur sa vision des règles requises pour permettre à un tel bureau de fonctionner avec Internet ou tout autre moyen que RS pourrait vouloir utiliser pour offrir à sa clientèle des données du MLS.

 

[49] Dans cette optique, l’avocat de RS affirme ce qui suit :

 

[traduction] […] Realtysellers croit que l’objet de la demande – soit les BV et l’Internet – est plus restreint qu’il ne devrait l’être, ou qu’il faudrait envisager l’évolution future du secteur sans s’en tenir uniquement aux BV et s’assurer que le Tribunal comprend la direction dans laquelle le secteur est engagé et que les règles du TREB nuisent à l’innovation au détriment des consommateurs.

 

Là encore, la préoccupation que nous soulevons diffère légèrement de celle que soulève le commissaire parce que notre position, celle de Realtyseller, est très, très simple : tout ce qui, selon les règles du TREB, peut être transmis en personne devrait également pouvoir être transmis de toute autre manière qui, de l’avis de la société de courtage, assure le meilleur service à sa clientèle.

 

Essentiellement, nous sommes à l’orée d’un monde nouveau où les clients veulent que les renseignements leur soient communiqués à l’endroit, au moment et de la façon qu’ils préfèrent, et ils ne veulent pas être obligés de se déplacer – ils ne veulent pas être obligés de se rendre à un bureau de courtage immobilier. Ils ne veulent pas avoir affaire à un courtier immobilier et ils ne veulent pas que leurs choix se limitent à des BV.

 

Par exemple, il pourrait y avoir, vous savez, des applications pour iPhone. Il pourrait y avoir toutes sortes d’autres moyens qui sortent du cadre des BV ou de l’Internet au sujet desquels Realtysellers est idéalement placée pour conseiller le Tribunal et l’aider à examiner la portée de l’impact des règles et le type de mesures correctives qui sont requises.

 

En ce qui concerne les questions précises sur lesquelles Realtysellers aimerait intervenir, la première a trait à la façon dont Realtysellers exploiterait un bureau virtuel. En outre, la façon dont Realtysellers entend fonctionner se démarque nécessairement de la façon dont le commissaire conçoit le marché.

 

Là encore, la demande du commissaire vise une forme particulière de BV et l’utilisation de l’Internet. La perspective de Realtysellers est plus large. Et […]

 

[50] Selon ces observations et les termes employés par RS pour formuler les points proposés, il est clair qu’elle veut décrire au Tribunal son concept d’un bureau virtuel qui utilisera des appareils ou des modes de communication autres que les sites Web pour diffuser les données du MLS. Elle veut ensuite que le Tribunal examine le projet de règles du TREB visant les BV en tenant compte de leur impact sur l’utilisation par RS de tels appareils, afin de garantir que toute ordonnance rendue par le Tribunal écarte le risque d’une mésentente au sujet de ce qui constitue la fourniture de données du MLS sur Internet.

 

[51] Voici ce que l’avocat de RS affirme à cet égard :

 

[traduction] Et je pense que le fait d’écouter ce que Realtysellers a à dire sur ce point peut aider le Tribunal à concevoir une réparation — s’il décide qu’une telle mesure est appropriée — qui permettrait d’éviter de débattre la question de savoir ce que fournir des données du MLS par Internet signifie.

Nous pouvons donc faire connaître nos points de vue sur les paramètres à fixer aux technologies ou aux réparations, de manière à ne pas créer indûment une réparation de portée trop étroite qui puisse ensuite être interprétée de manière à limiter vigoureusement l’innovation à la façon dont certains conçoivent l’Internet, tel qu’il est aujourd’hui ou qu’il pourrait être à l’avenir.

[52] Le Tribunal n’entendra pas d’hypothèses et n’entreprendra pas d’enquête approfondie pour savoir à quoi pourrait ressembler l’Internet dans l’avenir et quels modes de partage des données pourraient exister, qui ne fonctionnent pas au moyen de la technologie actuelle d’Internet. Aller au-delà de l’Internet actuel équivaudrait à excéder la portée de la demande modifiée du commissaire. Par conséquent, le Tribunal examinera uniquement les modèles de partage de données fonctionnant à l’aide de la technologie actuelle d’Internet. Sous réserve de cette limite, qui sera appliquée de façon stricte, j’ai décidé d’autoriser RS à intervenir relativement à ses points b), c) et e) (les « points autorisés en faveur de RS ») car, ainsi que je l’ai déjà mentionné, elle est directement touchée, elle possède une perspective particulière et ces points s’avèrent pertinents dans le contexte de la demande modifiée.

 

[53] Je dois faire une autre mise en garde. En raison de ce contentieux qui dure depuis des années et des poursuites actuelles entre les cadres supérieurs de RS et du TREB dans lesquelles sont réclamés des dommages-intérêts totalisant au-delà d’un demi-milliard de dollars, l’avocat de RS a décidé de ne pas faire entendre Lawrence Dale sur les points autorisés en faveur de RS. À mon avis, il faudrait aussi exclure le témoignage de Fraser Beach; je lui interdis donc de témoigner sur les points autorisés en faveur de RS.

 

[54] Je n’ai pas autorisé le point a) puisqu’il est semblable au point c). En ce qui a trait au point c), le Tribunal entendra les témoignages concernant le point de vue de RS sur la manière dont elle exploitera un bureau virtuel sur l’Internet actuel et concernant les difficultés causées par les restrictions du MLS.

 

[55] Je n’ai pas non plus autorisé le point d) puisqu’il s’agit de l’unique point proposé par RS sur lequel elle n’apporte pas de perspective particulière. Le commissaire peut s’occuper de ces questions.

 

XI. LA PORTÉE DES INTERVENTIONS DE RS

 

[56] À titre d’intervenante, RS doit respecter les modalités de toute ordonnance de confidentialité rendue par le Tribunal.

 

[57] Je tiens à souligner que je n’ai pas ordonné à RS de produire des documents ou de désigner un représentant aux fins d’un interrogatoire préalable puisque l’avocat du TREB a clairement indiqué que le TREB n’a aucun intérêt à ce que RS participe de cette façon.

 

[58] À titre d’intervenante, RS peut :

 

  • examiner les transcriptions des interrogatoires préalables des parties et les documents produits par celles-ci, se rapportant aux points autorisés en faveur de RS. L’avocat du commissaire et l’avocat du TREB travailleront ensemble en vue de décider quelles parties des transcriptions et des documents produits doivent être fournies à RS;

  • faire entendre un témoin des faits à l’audience qui témoignera au sujet des points autorisés en faveur de RS dans la mesure où ce témoignage ne reprend pas des éléments présentés par le commissaire;

  • présenter des observations de vive voix et écrites se rapportant aux points autorisés en faveur de RS;

  • participer aux procédures préparatoires;

  • mener un contre-interrogatoire sur les points autorisés en faveur de RS dans la mesure où ses questions ne sont pas répétitives.

 

 

ORDONNANCE

 

[59] Pour ces motifs, le Tribunal autorise l’ACI à intervenir relativement aux points autorisés et de la façon décrite ci-dessus, et il autorise RS à intervenir relativement aux points autorisés en faveur de RS, conformément à la mise en garde susmentionnée et selon les modalités ci-dessus précisées.

 

 

FAIT à Ottawa, ce 2e jour de novembre 2011.

SIGNÉ au nom du Tribunal par la présidente.

 

(s) Sandra J. Simpson

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COMPARUTIONS :

 

Pour le demandeur :

 

Le commissaire de la concurrence

 

John F. Rook

Andrew D. Little

 

Pour le défendeur :

 

Le Toronto Real Estate Board

 

Donald S. Affleck Renai E. Williams

 

 

Pour les intervenantes proposées :

Realtysellers Real Estate Inc.

Chris Hersh

L’Association canadienne de l’immeuble

 

Sandra A. Forbes

James Dinning

 

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