Documentation

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Competition Tribunal Tribunal de la concurrence Référence : La commissaire de la concurrence c Visa Canada Corporation et MasterCard International Incorporated, 2011 Trib conc 19 N o de dossier : CT-2010-10 N o de document du greffe : 346 AFFAIRE CONCERNANT la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, dans sa version modifiée;

ET AFFAIRE CONCERNANT une demande présentée par la commissaire de la concurrence aux termes de l’article 76 de la Loi sur la concurrence;

ET AFFAIRE CONCERNANT certains accords ou ententes mis en œuvre ou exécutés par Visa Canada Corporation et MasterCard International Incorporated.

ENTRE : La commissaire de la concurrence (demanderesse)

et Visa Canada Corporation MasterCard International Incorporated (défenderesses)

et La Banque Toronto-Dominion L’Association des banquiers canadiens (intervenantes)

Date de l’audience : Le 4 octobre 2011 Devant la membre judiciaire : Madame la juge Simpson (présidente) Date des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance : 12 octobre 2011 Motifs de l’ordonnance et ordonnance signés par : Madame la juge Sandra J. Simpson

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE CONCERNANT LA REQUÊTE DE LA COMMISSAIRE PORTANT SUR LE CAVIARDAGE DE RENSEIGNEMENTS DES PRODUCTIONS DE LA BANQUE TD ET SON REFUS DE PRODUIRE CERTAINS DOCUMENTS

[1] La commissaire de la concurrence (la « commissaire ») allègue que l’affidavit de documents plus complet de la Banque Toronto-Dominion (la « Banque TD »), daté du 9 septembre 2011 (l’« affidavit de TD »), est déficient pour les raisons suivantes :

(i) On a eu recours au caviardage dans les documents suivants : a) Environ 50 % ou 750 des documents mentionnés dans l’affidavit de TD ont été expurgés pour supprimer des références à l’identité des commerçants clients de la Banque TD. Ces références peuvent comprendre les noms, adresses et numéros de téléphone des commerçants. Des échantillons de ces documents figurent aux pièces 60, 61 et 62 à l’affidavit de Richard Bilodeau, du Bureau de la commissaire, daté du 19 septembre 2011 (l’« affidavit de M. Bilodeau »).

b) L’état des résultats pour les Services aux commerçants de la Banque TD qui figure à la pièce 63 de l’affidavit de M. Bilodeau a été expurgé pour supprimer des renseignements détaillés à propos des revenus associés à trois sociétés de débit ainsi que des renseignements linéaires à propos des dépenses globales.

c) Six documents concernant les relations gouvernementales de la Banque TD ont été expurgés afin de supprimer des renseignements sur des sujets autres que les cartes de crédit. Ces documents figurent à la pièce C à l’affidavit de Dera Nevin, de McCarthy Tétrault, daté du 26 septembre 2011 (l’« affidavit de Mme Nevin »). Cinq de ces documents sont brefs. Cependant, un de ces documents compte environ soixante pages.

(ii) La Banque TD a refusé de produire des documents montrant le contenu des négociations précontractuelles entre la Banque TD et Visa Canada Corporation Visa ») et MasterCard International Incorporated MasterCard »).

LE CONTEXTE [2] En termes généraux, la demande principale de la commissaire à l’encontre de Visa et de MasterCard (la « demande ») porte sur certaines restrictions imposées aux commerçants qui ont conclu des accords pour accepter les cartes de crédit Visa et MasterCard. La commissaire allègue que l’abolition de ces restrictions encouragera les titulaires de carte à avoir recours à des formes de paiement à coût moindre, en plus de promouvoir la concurrence dans l’établissement des frais payés par les commerçants pour des services de réseaux de cartes de crédit.

[3] Lorsque des institutions financières comme des banques émettent des cartes de crédit à des consommateurs, elles sont décrites comme des « émettrices ». Certaines banques fonctionnent également comme « acquéreuses ». Dans ce rôle, elles fournissent des services aux commerçants qui leur permettent de traiter les paiements effectués au moyen de cartes de crédit.

La Banque TD fonctionne à la fois comme une émettrice et une acquéreuse en ce qui concerne les cartes de crédit Visa et MasterCard.

[4] La Banque TD est une intervenante dans la demande. Elle a un point de vue unique, car, contrairement à Visa et à MasterCard, la Banque TD fait directement affaire avec les commerçants qui utilisent les réseaux de cartes de crédit Visa et MasterCard.

[5] Par ordonnance du Tribunal, datée du 5 avril 2011, la Banque TD a obtenu l’autorisation d’intervenir sur cinq questions. Les quatre questions suivantes sont pertinentes aux fins des présentes :

(i) Les interactions de la Banque TD avec les commerçants en qualité d’acquéreuse.

(ii) Les interactions de la Banque TD avec Visa et MasterCard en tant qu’acquéreuse.

(iii) Les interactions de la Banque TD avec Visa et MasterCard en qualité d’émettrice, dans la mesure ces interactions concernent les frais d’interchange.

(iv) L’incidence de l’ordonnance proposée [dans la demande] sur les activités de la Banque TD en qualité d’émettrice et d’acquéreuse, dans la mesure il n’y aucun chevauchement avec la preuve et les observations de l’autre intervenante.

[6] L’ordonnance du Tribunal du 5 avril 2011 exigeait également que la Banque TD produise les documents pertinents, inter alia, aux sujets susmentionnés.

[7] La Banque TD est une partie à l’ordonnance de confidentialité (préventive) datée du 5 octobre 2011 (l’« ordonnance de confidentialité »). Sur consentement, tous les documents en question ont été produits avec la désignation Confidentiel Niveau A. Les documents ainsi désignés peuvent être communiqués uniquement à la commissaire, à l’avocat externe des parties et aux intervenants directement concernés par la demande, aux membres du personnel de l’avocat externe, aux fournisseurs de services d’examen des documents retenus par l’une des parties pour les intervenantes et, lorsque la communication est requise pour exécuter leur mandat, aux experts retenus par les parties ou les intervenantes ainsi que les membres du personnel des experts directement concernés par la demande.

LE DROIT [8] La Banque TD affirme que le droit est que, même si les productions ne sont généralement pas expurgées, le caviardage est autorisé si les renseignements expurgés ne sont pas pertinents et sont confidentiels, ou si un long document comprend des éléments segmentés non pertinents.

[9] Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincu qu’il s’agit d’un énoncé exact du droit applicable. J’ai plutôt conclu que la règle générale proposée par la commissaire et qui est exposée ci-après correspond à l’état du droit à l’égard de la propriété d’expurger des renseignements de productions non privilégiées.

[10] Dans leurs observations, les parties ont mentionné les affaires suivantes :(i) Glaxo Group Ltd c Novopharm Ltd (1996), 122 FTR 192, 1996 CarswellNat 1907 (CF 1 re inst); (ii) Horn c Canada, 2006 CF 280, confirmée en appel dans Horn c Canada; Williams c Canada, [2006] ACF n o 1029 (CA), (sub nom Obonsawin et al c la Reine et al) 2006 CAF 234, 2006 DTC 6497; (iii) Eli Lily Canada Inc c Sandoz Canada Inc, 2009 CF 345; et (iv) Eli Lilly Canada Inc c Hospira Healthcare Corp, 2009 CarswellNat 5477. Je décrirai les points saillants de chaque décision :

(i) Glaxo Group Ltd c Novopharm Ltd [11] Il s’agit d’une décision de M. le juge Lufty, de la Cour fédérale, datée du 1 er novembre 1996. Il a déclaré au paragraphe 16 que « [s]i un document est partiellement pertinent, il faut le communiquer et en permettre la consultation dans sa version non révisée [...] » (la « règle générale »). La demanderesse avait déposé un affidavit de documents qui énumérait plusieurs documents comprenant des passages expurgés. La défenderesse a présenté une requête portant sur la production d’une version non expurgée de tous les documents. M. le juge Lufty s’inquiétait que les tribunaux seraient surchargés par des requêtes de divulgation plus détaillées si les parties étaient autorisées à produire des versions expurgées de leurs documents. Il a ordonné la production de versions non expurgées. Bien que la Cour ait reconnu qu’une partie peut s’écarter de la règle générale dans des « situations exceptionnelles », il a jugé que de telles circonstances n’existaient pas.

(ii) Horn c Canada a) Cour fédérale [12] La décision du juge en chef Lufty dans Horn c Canada, du 2 mars 2006, a réaffirmé la règle générale. Le juge responsable de la gestion de l’instance a enjoint aux demandeurs dans Horn de demander à une personne non partie à l’instance de produire certains documents. Ces documents ont finalement été produits, mais les noms d’organisations clientes particulières avaient été expurgés. Comme dans Glaxo, le juge en chef Lufty a conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à faire relever les documents expurgés d’une exception quelconque à la règle générale. Il a ordonné la production de versions non expurgées des documents. Le juge en chef a également examiné séparément les allégations selon lesquelles la personne non partie à l’instance avait une obligation de confidentialité envers ses clients d’expurger les renseignements des documents produits, mais il a conclu qu’on n’avait pas démontré qu’une telle obligation implicite ou explicite existait.

b) Cour d’appel fédérale [13] En appel, les appelants ont fait valoir que le juge en chef Lufty avait commis une erreur en omettant de se pencher sur la pertinence des renseignements expurgés. Dans un jugement unanime de la Cour d’appel le 28 juin 2006, M. le juge Noël a confirmé la décision du juge en chef Lufty qui exigeait la production des documents non expurgés. La Cour d’appel a tiré cette conclusion, même si le juge en chef ne s’était pas penché sur la question de savoir si les renseignements expurgés étaient non pertinents. La Cour a examiné ensuite, en l’apparence dans une remarque incidente, la pertinence et a conclu qu’il n’y avait aucun fondement à l’allégation de l’appelant selon laquelle les renseignements expurgés étaient non pertinents.

[14] Au paragraphe 22, le juge Noël a répété la règle générale selon laquelle les documents pertinents doivent être produits dans leur intégralité, même s’ils comprennent des renseignements non pertinents et il a refusé de modifier la conclusion factuelle du tribunal inférieur selon laquelle des préoccupations en matière de confidentialité ne se posaient pas. Toutefois, la Cour a également déclaré, en se fondant sur une décision du protonotaire Keighley de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Lewis and Petryk, 2005 BSCS 77, [2005] BCJ n o 129, au paragraphe 15, qu’il existe des exceptions à la règle générale et que des passages « manifestement non pertinents » des documents pertinents peuvent être expurgés.

[15] La difficulté est que la décision du protonotaire Keighley n’emploie pas les mots « manifestement non pertinents ». Il cite plutôt, au paragraphe 15, la décision du juge Lowry, tel était alors son titre, dans North American Trust Co v Mercer International Inc, [1999] 71 BCLR (3d) 72 (SC), il a énoncé la règle générale lorsqu’il a affirmé qu’un plaideur ne peut éviter de produire un document dans son intégralité simplement parce que certains passages de ce document peuvent être non pertinents. Le juge Lowry a ensuite ajouté : Le document peut être produit dans son intégralité si une partie de celui-ci se rapporte à une question en litige. Toutefois, lorsqu’un passage est manifestement non pertinent de par sa nature, de sorte qu’il existe une bonne raison pour laquelle il ne devrait pas être divulgué, un plaideur peut être exempté d’avoir à effectuer une divulgation qui ne servira aucunement à trancher les questions. En contrôlant son processus, le tribunal ne permettra pas à une partie d’en profiter ou de créer un embarras indu en exigeant à une autre partie de divulguer une partie d’un document qui pourrait causer un préjudice considérable, mais qui ne servirait aucune fin légitime en vue de trancher les questions.

[TRADUCTION] [16] À mon avis, le juge Lowry reconnaissait qu’une exception à la règle générale pouvait être prise si des documents manifestement non pertinents pouvaient causer un embarras ou un préjudice. On n’a pas laissé entendre que la production pouvait être évitée uniquement parce que les renseignements étaient manifestement non pertinents. D’autres éléments de preuve seraient nécessaires pour montrer l’existence de circonstances exceptionnelles.

[17] L’affaire dont était saisi le protonotaire Keighley portait sur la demande de dommages-intérêts d’une demanderesse découlant de blessures, physiques et psychologiques, causées par un accident de véhicule à moteur. La demanderesse a produit les dossiers de sa médecin, mais a expurgé les remarques antérieures à l’accident qui portaient sur ses problèmes obstétriques et gynécologiques antérieurs, affirmant que ces renseignements étaient non pertinents et confidentiels. Les défendeurs ont affirmé que ces renseignements devraient être inclus, car les problèmes antérieurs de ce type auraient pu avoir une incidence sur son état psychologique au moment de l’accident. Le protonotaire Keighley a décidé qu’il ne pouvait pas trancher l’affaire sans affidavit et il a ajourné l’audience à cette fin.

(iii) Eli Lilly Canada Inc c Sandoz Canada Inc [18] Dans cette affaire, Sandoz a produit un certain nombre de documents expurgés non privilégiés. Dans le cadre d’une requête en production de documents complets, la protonotaire

Tabib a observé, dans une remarque incidente, que les documents très volumineux composés de sections identifiables et relativement indépendantes peuvent se prêter très bien à une production partielle des sections pertinentes seulement. La protonotaire a également observé que le caviardage des parties du texte dans une section divulguée d’un document peut être permis lorsque (1) les portions expurgées n’ont aucun rapport avec les questions en litige et n’aideraient pas à bien comprendre les parties pertinentes du document; et (2) il existe d’importantes préoccupations sur le plan de la confidentialité. Voici ce qu’elle a déclaré au paragraphe 14 :

En ce qui concerne le caviardage de parties de texte dans une section ou partie divulguée d’un document, cette pratique est également permise, mais les facteurs suivants doivent être pris en compte : il doit être clairement établi que la portion expurgée n’a aucun rapport avec les questions en litige et qu’elle n’aiderait pas à bien comprendre les parties pertinentes des documents. Le recours au caviardage ne devrait être autorisé que s’il existe d’importantes préoccupations sur le plan de la confidentialité.

[19] À mon avis, ce passage décrit une circonstance particulière et je conviens que s’il existe une question convaincante sur le plan de la confidentialité, la non-pertinence doit être prise en considération et doit être établie avant que le recours au caviardage soit autorisé. Je ne tire aucune conclusion de l’utilisation par la protonotaire de l’expression « aucun rapport » dans le passage susmentionné, car j’ai conclu qu’il n’existe aucune autorité pour l’utiliser dans le contexte en l’espèce.

[20] Si un tribunal est persuadé qu’il existe des circonstances exceptionnelles (par exemple, le volume de documents expurgés est énorme ou les documents expurgés sont embarrassants ou confidentiels), ce n’est qu’alors que la pertinence doit être examinée avant de permettre le recours au caviardage.

[21] La protonotaire a également observé dans Sandoz que, même s’il existe des circonstances particulières, la position en faveur du caviardage s’affaiblit si des modalités de protection accrues sont en place.

(iv) Eli Lilly Canada Inc c Hospira Healthcare Corp [22] Hospira a produit un lot de documents expurgés. Hospira a soutenu que les passages expurgés n’étaient pas strictement visés par les demandes de brevet et que, par conséquent, ils étaient non pertinents. Hospira a également présenté des arguments portant sur la confidentialité, mais n’a présenté aucun élément de preuve sur cette question. La protonotaire Tabib a conclu, au paragraphe 17, que « [...] on devrait éviter la pratique qui consiste pour les parties à caviarder des parties de documents sans justification autre que le manque de pertinence [...] » [TRADUCTION]. Les productions partielles et les caviardages ne devaient pas être autorisés sauf pour des raisons de proportionnalité, de caractères onéreux ou de commodité, ou lorsque des questions de confidentialité légitimes sont soulevées. » Elle a donc ordonné la production de versions non expurgées des documents.

[23] Une fois de plus, à mon avis, la protonotaire décrit des circonstances particulières lorsqu’elle mentionne la proportionnalité, les caractères onéreux, la commodité et des questions de confidentialité légitimes. La règle générale demeure que, en l’absence de circonstances

exceptionnelles, les documents pertinents non privilégiés doivent être produits dans leur intégralité. En d’autres mots, le caviardage de documents pertinents n’est pas autorisé.

[24] En vertu de la règle générale, il n’est pas nécessaire d’examiner si les renseignements expurgés par la Banque TD dans ses productions sont pertinents ou non. Le droit est clair que même les renseignements non pertinents doivent être communiqués, sauf en cas de circonstances exceptionnelles. Toutefois, si des circonstances exceptionnelles existent, on examinera la pertinence des documents et seul le caviardage des documents non pertinents sera autorisé.

LES LACUNES [25] Dans ce contexte, je passe maintenant à l’examen des lacunes alléguées dans l’affidavit de TD :

(i) Les passages expurgés

a) Les noms et autres renseignements d’identification des commerçants [26] À mon avis, rien ne justifie le caviardage de ces éléments. Ils ne sont pas assujettis à un privilège et ils font partie d’un document qui a été produit. La règle générale s’applique donc pour interdire la suppression des éléments non pertinents.

[27] Cependant, la Banque TD laisse entendre qu’elle a eu recours au caviardage en partie en raison de ses obligations contractuelles de confidentialité envers les commerçants qui sont ses clients. Mais, comme il est indiqué ci-dessous, les accords de confidentialité prévoient que les renseignements seront rendus publics dans le contexte d’un litige.

[28] Trois des quatre accords produits par la Banque TD comprennent le passage suivant : 16.4 En outre, les obligations de confidentialité et les restrictions concernant l’utilisation n’empêchent renseignements confidentiels dans les circonstances suivantes :

a) Celle-ci est requise dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative après avoir donné à la partie qui divulgue les renseignements le plus long préavis possible de la possibilité d’une telle divulgation, de façon à ce que la partie qui divulgue les renseignements puisse tenter d’empêcher une telle divulgation ou d’obtenir une ordonnance conservatoire à l’égard d’une telle divulgation.

[TRADUCTION] [29] Le quatrième accord produit par la Banque TD dispose ce qui suit : 19.2 Sont exclus des renseignements confidentiels les renseignements qui : c) doivent être divulgués en vertu d’une loi applicable, mais avant une telle divulgation et dans la mesure du possible, le [EXPURGÉ] doit être consulté quant à la forme et la nature proposées de la

pas la divulgation de

divulgation. [notre traduction] [30] À la lumière de ces passages, je conclus qu’il n’existe aucune circonstance particulière liée à la confidentialité en l’espèce. Je ne vois donc aucune raison de déroger à la règle générale selon laquelle des versions non expurgées de ces documents doivent être produites dans leur intégralité.

[31] La Banque TD affirme également que le caviardage de l’identité des commerçants a soulevé la question de la corrélation entre les questions auxquelles la Banque TD a été autorisée à donner suite dans son rôle en qualité d’intervenante et les questions soulevées dans la demande. La Banque TD fait valoir que les renseignements dans ses productions qui ne sont pas pertinents aux questions à l’égard desquelles elle a été autorisée à intervenir peuvent être supprimés de ses documents, même si ces renseignements sont pertinents aux questions soulevées dans la demande.

[32] À mon avis, cet argument rate la cible. Étant donné qu’il n’y a aucune circonstance particulière, la règle générale s’applique et ne confère pas le droit à la Banque TD d’expurger des renseignements quelconques dans un document produit. Par conséquent, la question de la pertinence ou de la non-pertinence de l’identité des commerçants dans le contexte de l’intervention de la Banque TD ou de la demande ne se pose pas.

a) État des résultats [33] À mon avis, la règle générale s’applique également à ce document. Rien ne justifie la suppression des éléments qui, selon les allégations de la Banque TD, ne sont pas pertinents dans un document qu’elle reconnaît comme une production pertinente. Je dois souligner que, même si la Banque TD a invoqué la confidentialité des renseignements expurgés dans ses observations, cette allégation n’a pas été appuyée par la preuve présentée dans l’affidavit de Mme Nevin.

b) Documents sur les relations gouvernementales [34] La Banque TD laisse entendre que des circonstances exceptionnelles justifient le caviardage des passages non pertinents de ces documents. Elle affirme qu’ils sont confidentiels et de nature très délicate. En outre, dans le cas du document unique de soixante pages, son argument est que des considérations pratiques laissent entendre que les éléments non pertinents ne devraient pas indûment alourdir le processus.

[35] À mon avis, les documents sont sévèrement expurgés au point qu’il est impossible de déterminer qu’ils sont organisés par sujet en sections indépendantes et identifiables. Il n’y a ni table des matières ni titres pour les renseignements expurgés. Cela étant et étant donné qu’aucun des documents n’indique qu’ils sont confidentiels, et étant donné que l’affidavit Mme Nevin ne les désigne pas comme confidentiels ou de nature délicate, l’argument de la Banque TD voulant que les éléments non pertinents puissent être expurgés en raison de circonstances particulières ne saurait retenu.

[36] Enfin, je ferai remarque que, même si les allégations de confidentialité de la Banque TD avaient eu un fondement probant, il est peu probable que j’aurais autorisé le caviardage en raison de la confidentialité conférée à ces productions par l’ordonnance de confidentialité.

(ii) Documents précontractuels

[37] La question qui se pose en l’espèce est la pertinence. La Banque TD affirme qu’elle a produit ses contrats avec Visa et MasterCard dans ses rôles en qualité d’émettrice et d’acquéreuse (les « contrats ») et que les positions adoptées par les parties pendant les négociations des contrats ne sont pas pertinentes. Cependant, comme je l’ai indiqué plus tôt, la Banque TD a demandé la permission d’intervenir pour traiter de ses « interactions » avec Visa et MasterCard et elle a produit les contrats en guide d’éléments de preuve de celles-ci.

[38] La demande de la commissaire ne vise pas l’ensemble des interactions. Elle porte uniquement sur les documents concernant les négociations qui ont mené aux contrats et se limite aux documents utilisés au niveau de la haute direction et du conseil d’administration.

[39] Selon moi, ces documents sont manifestement pertinents à un sujet à l’égard duquel la Banque TD a obtenu la permission d’intervenir et, par conséquent, ils doivent être produits.

DÉPENS [40] La commissaire a droit à ses dépens. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un montant, un mémoire de dépens doit être préparé, échangé et déposé, et je fixerai un montant dans le cadre d’une audience par téléconférence.

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT, LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT : [41] La Banque TD doit produire immédiatement à la commissaire des versions non expurgées de tous les documents énumérés dans l’affidavit de TD dont des versions expurgées avaient déjà été produites et qui ne sont pas assujettis à un privilège. Le cas échéant, ces documents doivent être produits dans leur format d’origine.

[42] La Banque TD doit immédiatement produire à la commissaire tous les documents, datés de 2007 et des années suivantes, envoyés ou reçus au niveau de la haute direction ou du conseil d’administration qui décrivent, inter alia, les questions et les positions adoptées par la Banque TD, Visa et MasterCard ainsi que les progrès des négociations de la Banque TD avec Visa et MasterCard liées aux contrats de la Banque TD en sa qualité d’émettrice et d’acquéreuse.

[43] Pour les motifs qui précèdent, la question des dépens est toujours en délibéré. FAIT à Ottawa, ce 12 e jour d’octobre 2011. SIGNÉ au nom du Tribunal par la présidente.

(s) Sandra J. Simpson

COMPARUTIONS : Pour la demanderesse : La commissaire de la concurrence Adam Fanaki Davit Akman (Davies Ward Phillips & Vineberg LLP) Pour les défenderesses : MasterCard International Incorporated Brett Harrisson (McMillan LLP) Visa Canada Corporation

(absente) (Blake, Cassels & Graydon LLP) Pour les intervenantes : Association des banquiers canadiens

(absente) (Osler, Hoskin & Harcourt LLP) Banque Toronto-Dominion F. Paul Morrison Christine Lonsdale (McCarthy Tétrault LLP)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.