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Tribunal de la Concurrence

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Competition Tribunal

TRADUCTION OFFICIELLE

 

Référence : Commissaire de la concurrence c. Air Canada et autres, 2011 Trib. conc. 13

No de dossier : CT-2011-004

No de document du greffe : 175

DANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, dans sa version modifiée;

ET DANS L’AFFAIRE du projet de coentreprise transfrontalière entre Air Canada et United Continental Holdings, Inc.;

ET DANS L’AFFAIRE de l’« Accord de coopération en matière de commercialisation » entre Air Canada et United Air Lines, Inc.;

ET DANS L’AFFAIRE de l’« Accord en vue de l’expansion de l’alliance stratégique entre Air Canada et United Air Lines, Inc. »;

ET DANS L’AFFAIRE de l’« Accord d’alliance stratégique Air Canada/Continental » entre Air Canada et Continental Airlines Inc.;

ET DANS L’AFFAIRE d’une demande du commissaire de la concurrence en vue d’obtenir une ou plusieurs ordonnances fondées sur les articles 90.1 et 92 de la Loi sur la concurrence

E N T R E :

 

Competition Tribunal Seal / Sceau du Tribunal de la concurrence Le commissaire de la concurrence

(demandeur)

et

Air Canada, United Continental Holdings Inc.,

United Airlines Inc. et Continental Airlines Inc.

(défenderesses)

 

 

Décision rendue sur dossier

Juge présidant : M. le juge Phelan

Date des motifs et de l’ordonnance : le 20 septembre 2011

Motifs et ordonnance signés par : M. le juge Phelan

 

MOTIFS ET ORDONNANCE CONCERNANT UNE REQUÊTE EN PROROGATION DU DÉLAI PRÉVU RELATIVEMENT À UNE DEMANDE EN AUTORISATION D’INTERVENIR, ET EN AUTORISATION D’INTERVENIR


  1. INTRODUCTION

 

[1] Hubert Horan (« M. Horan ») est un résident de Phoenix, en Arizona. Il demande une prorogation du délai prescrit pour le dépôt de sa requête en autorisation d’intervenir. Il a également déposé les documents à l’appui de sa requête en autorisation d’intervenir.

 

[2] Le Tribunal est saisi d’une demande présentée par le commissaire de la concurrence en vue d’empêcher le « fusionnement » des compagnies aériennes visées qui découle de leur projet de coentreprise transfrontalière et de leur interdire de mettre en œuvre certaines dispositions prévues dans des accords.

 

II. LE CONTEXTE

 

[3] Monsieur Horan affirme qu’il a fourni, au cours de sa carrière d’une trentaine d’années dans l’aviation, des services de consultation pour trente compagnies aériennes et qu’il a occupé des postes de gestionnaire au sein de quatre compagnies aériennes.

 

[4] Dans sa demande, qui n’est appuyée par aucun affidavit dans lequel il explique comment la demande de fusion pourrait le concerner, il met en valeur son expérience en matière de concurrence entre les compagnies aériennes ainsi que ses propres études, articles et exposés qui sont axés sur sa crainte que les autorités de réglementation de la concurrence (ou des compagnies aériennes) ne tiennent pas adéquatement compte des gains d’efficacité découlant des fusionnements qui pourraient procurer des avantages aux consommateurs.

 

[5] Monsieur Horan explique que son retard à déposer sa demande est attribuable au fait qu’à son avis le commissaire n’a pas pleinement tenu compte des avantages pour les consommateurs qu’évoquent les compagnies aériennes. Il ne se serait rendu compte de cette lacune que le 29 août, date de la réplique du commissaire. M. Horan serait préoccupé par le fait que les concepts de « marge double » et de « neutralité du métal » n’ont pas été abordés. Il craint aussi que d’autres parties ne les abordent pas, faute de ressources ou d’expertise.

 

III. L’ANALYSE

 

[6] Le Tribunal dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire lui permettant de modifier ou de proroger les délais (voir les articles 2 et 5 des Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/2008-141). Toutefois, les règles habituelles de la Cour fédérale en matière de prorogation de délai sont des guides utiles qui peuvent, dans certains cas, influer sur l’exercice, par le Tribunal, de son pouvoir discrétionnaire.

 

[7] Habituellement, pour pouvoir obtenir une prorogation de délai, il faut : (1) avoir un motif raisonnable de retard et (2) démontrer l’existence d’une cause défendable quant au fond (voir Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263, 63 N.R.106, et Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 670). À ces facteurs se sont ajoutés d’autres critères, comme l’intention constante de poursuivre la demande et la pondération du préjudice relatif.

 

[8] Le Tribunal a tenu compte de facteurs semblables (voir, par exemple, The Director of Investigation and Research c. Tele-Direct (Publications) Inc., 64 C.P.R. (3d) 509)).

 

[9] La raison invoquée par M. Horan pour justifier son retard repose sur une interprétation erronée du rôle de l’intervenant. Il explique qu’avant de déposer sa requête en autorisation d’intervenir, il a attendu de savoir si le commissaire traitait l’affaire comme elle devait l’être selon lui. Il voulait s’assurer que le commissaire démontre une compréhension approfondie du fondement sur lequel reposent les arguments relatifs aux avantages pour les consommateurs.

 

[10] Il n’appartient pas à l’intervenant de prendre la place du commissaire et de combler des « lacunes » dont le commissaire est en mesure de s’occuper s’il le souhaite (voir, par exemple, Washington v. Canada (Director of Investigation and Research), 78 C.P.R. (3d) 479).

 

[11] La raison invoquée par M. Horan pour expliquer son retard ne constitue pas un motif de prorogation valable, parce qu’elle repose sur une fausse prémisse quant au rôle qu’il pourrait jouer dans l’instance.

 

[12] Monsieur Horan n’a par ailleurs pas démontré qu’il avait une cause défendable quant au fond. Le critère applicable à la qualité d’intervenant est bien résumé dans la décision Commissioner of Competition c. Visa Canada Corporation and MasterCard International Incorporated, 2011 Trib. conc. 2 :

 

[19] Dans la décision Commissioner of Competition v. Canadian Waste Services Holdings, 2000 Comp. Trib. 9, le juge McKeown a examiné la jurisprudence précitée et a dressé comme suit la liste des conditions à remplir pour obtenir la qualité d’intervenant :

 

[traduction]

a) La question censée concerner la personne qui demande l’autorisation d’intervenir doit être une question qui peut légitimement être soumise à l’examen du Tribunal ou être suffisamment pertinente pour rejoindre sa mission (voir la décision Director of Investigation and Research v. Air Canada (1992), 46 C.P.R. (3d) 184, à la page 187, [1992] C.C.T.D. no 24 (QL)).

b) La personne qui demande l’autorisation d’intervenir doit être directement concernée. Selon la décision Air Canada, précitée, le terme « concernant » signifie « concernant directement ».

c) Toutes les observations présentées par la personne qui demande l’autorisation d’intervenir doivent être liées à une question soulevée expressément par le commissaire (voir la décision Tele-Direct).

d) Enfin, la personne qui demande l’autorisation d’intervenir doit apporter un point de vue unique ou particulier qui aidera le Tribunal à trancher les questions qui lui sont soumises (voir la décision Washington v. Director of Investigation and Research, [1998] C.C.T.D. no 4 (QL) (Trib. conc.)).

 

[13] Monsieur Horan n’a pas démontré comment, à supposer qu’il puisse d’abord justifier son retard, il est « directement concerné » par la demande du commissaire. Voici en quels termes il explique les répercussions de la demande du commissaire, dans sa requête en autorisation d’intervenir :

 

[traduction] La décision que rendra le Tribunal de la concurrence en l’espèce concernera directement mes efforts constants pour garantir que la preuve, exigée par la loi, démontrant les avantages pour les consommateurs constitue une justification adéquate de la fusion de transporteurs aériens, et pour garantir que la fusion de transporteurs aériens ne nuit pas aux consommateurs ou à l’efficacité à long terme du secteur en créant une puissance commerciale anti-concurrentielle.

 

[14] Cette affirmation, qu’on ne trouve pas dans son affidavit, ne permet pas au Tribunal de conclure qu’il est directement concerné par la demande du commissaire. Le Tribunal a souligné dans la décision Canada (Director of Investigation and Research) v. A.C. Nielsen Company of Canada, [1994] C.C.T.D. no 9 (QL), qu’un intérêt particulier pour le droit de la concurrence ne constitue pas en soi un motif permettant d’accorder l’autorisation d’intervenir.

 

[15] En l’espèce, rien dans la preuve ne permet de conclure que M. Horan est directement concerné.

 

[16] Monsieur Horan n’a pas démontré comment il pouvait apporter un point de vue unique ou particulier, sauf au moyen de son propre témoignage d’expert, ce que toute partie pourrait faire si elle le souhaitait.

 

[17] Monsieur Horan n’a donc pas démontré qu’il avait une cause défendable quant au fond.

 

[18] La question de son intention constante constitue à tout le moins un facteur neutre, car il semble que M. Horan ait été quelque peu équivoque à ce propos.

 

[19] Accorder un court délai permettant de faire droit à la requête en intervention ne causerait pas en soi un préjudice, mais accueillir la requête en prorogation de délai pour les motifs invoqués en créerait un. L’intervention serait autorisée pour des motifs injustifiables.

 

[20] Le Tribunal n’a pas besoin d’expliquer davantage en quoi le témoignage de M. Horan pourrait être pertinent ou lui être utile.

 

PAR CONSÉQUENT, POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT :

 

[21] La demande présentée par M. Horan en prorogation du délai applicable au dépôt d’une requête en autorisation d’intervenir, et en autorisation d’intervenir est rejetée.

 

FAIT à Ottawa, ce 20e jour de septembre 2011.

SIGNÉ au nom du Tribunal par le président par intérim.

 

(s) Michael L. Phelan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


AVOCATS :

 

Pour le demandeur :

 

Le commissaire de la concurrence Cynthia L. Spry

Pour les défenderesses :

 

Air Canada

 

Katherine L. Kay Eliot N. Kolers Mark E. Wallli

 

United Continental Holdings, Inc., United Air Lines, Inc.,

et Continental Airlines, Inc.

 

Ryder Gilliland Jason Gudofsky Randall Hofley Micah Wood

 

 

Pour Hubert Horan :

 

Lui-même, pour son propre compte

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