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Tribunal de la Concurrence

Canada Coat of Arms / Armoiries du Canada

Competition Tribunal

TRADUCTION OFFICIELLE

Référence: The Used Car Dealers Association of Ontario c. Bureau d’assurance du Canada,, 2011 Comp Trib 10

N° de dossier: CT-2011-006

N° de document du greffe: 31

DANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, et ses modifications;

ET DANS L’AFFAIRE d’une demande de Used Car Dealers Association of Ontario en vue d’obtenir une ordonnance fondée sur l’article 103.1 l’autorisant à déposer des demandes en vertu des articles 75 et 76 de la Loi sur la concurrence.

ENTRE :

Used Car Dealers Association of Ontario

(demanderesse)

et

Bureau d’assurance du Canada

(défendeur)

 

Competition Tribunal Seal / Sceau Tribunal de la Concurrence

Rendue sur dossier

Membre : La juge Simpson (présidente)

Date des motifs et de l’ordonnance : 9 septembre 2011

Motifs et ordonnance signés par : madame la juge Sandra J. Simpson

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE PERMETTANT À LA DEMANDERESSE DE DÉPOSER UNE DEMANDE EN VERTU DE L’ARTICLE 75 DE LA LOI SUR LA CONCURRENCE


I.  LA DEMANDE

[1]  La Used Car Dealers Association of Ontario (l’« UCDA ») sollicite la permission du Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») de présenter une demande en vertu de l’article 75 et du sous-alinéa 76(1)a)(ii) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34 (la « Loi »). Dans la demande projetée, le Bureau d’assurance du Canada est le défendeur.

II.  LA DÉCISION

[2]  Pour les raisons qui suivent, le Tribunal autorise la demanderesse à présenter une demande en vertu de l’article 75 de la Loi. Par contre, la permission de présenter une demande en vertu de l’article 76 a été refusée.

III.  LA DEMANDERESSE

[3]  L’UCDA a été créée en 1984. Il s’agit d’une association à but non lucratif qui représente plus de 4 500 commerçants de véhicules automobiles en Ontario. L’UCDA offre une gamme de services à ses membres, dont Auto Check™ (« Auto Check »), qui permet aux commerçants qui vendent des véhicules usagés d’obtenir des renseignements au sujet du dossier d’accidents des véhicules qu’ils souhaitent vendre. En utilisant le numéro d’identification du véhicule (VIN), le commerçant qui est membre de l’UCDA peut effectuer une recherche Auto Check moyennant des frais de 7 $ (avant taxes).

[4]  La preuve fournie par l’UCDA dans le cadre de la présente demande consiste en un affidavit souscrit par Robert G. Beattie le 29 juin 2011 (l’« affidavit de M. Beattie »). M. Beattie est le directeur exécutif de l’UCDA.

IV.  LE DÉFENDEUR ET SES BASES DE DONNÉES

[5]  Le Bureau d’assurance du Canada (le « BAC ») est une association industrielle nationale sans but lucratif qui représente les assureurs habitation, véhicule et entreprise. Le BAC est, selon l’UCDA, la seule source de données intégrées, concernant l’ensemble de l’industrie, obtenues auprès de tous les assureurs qui vendent de l’assurance automobile ainsi qu’auprès des enquêteurs et des experts en sinistre indépendants. Les données se trouvent dans une base de données que le BAC appelle l’application Recherche Web sur les sinistres. Toutefois, cette base de données ne comprend pas de renseignements sur les montants réclamés lorsque des véhicules sont impliqués dans un accident. Ces renseignements d’ordre financier se trouvent dans les renseignements que le BAC reçoit de ses membres et sont réunis dans une deuxième base de données du BAC appelée le Plan statistique automobile (base de données PSA).

V.  LE CONTEXTE

[6]  En 1998, l’UCDA est devenue un membre associé du BAC principalement pour avoir accès à l’information contenue dans l’application Recherche Web sur les sinistres du BAC. Il s’agit d’un renseignement dont elle doit disposer pour fournir le service Auto Check.

VI.  AUTRES FOURNISSEURS DE SERVICES DE RECHERCHE CONCERNANT LES ACCIDENTS AUTOMOBILES

[7]  3823202 Canada Inc., qui fait affaires sous le nom de CarProof (« CarProof »), a commencé en 2005 à fournir des services de recherche de dossiers d’accidents automobiles. C’est maintenant le chef de file dans ce marché et ses recherches coûtent 34,95 $ (CAN) avant taxes.

[8]  En 2008, CARFAX, Inc. (« Carfax »), un fournisseur de dossiers d’accidents automobiles basé aux États-Unis, a commencé à vendre ses renseignements en Ontario. Cette société fournit ce service moyennant 34,99 $ (U.S.) avant taxes.

[9]  CarProof et Carfax achètent les données du BAC pour s’en servir dans leurs recherches sur les dossiers d’accidents et, selon l’affidavit de M. Beattie, les deux sociétés sont en mesure d’inclure dans le résultat de leur recherche le montant des réclamations.

[10]  La relation entre Auto Check et CarProof a été, du point de vue de l’UCDA, difficile. L’UCDA a poursuivi CarProof pour l’empêcher de représenter de façon trompeuse le service Auto Check. Finalement, un règlement à l’amiable favorable à Auto Check a été conclu. CarProof a également essayé à deux reprises (en 2009 et 2010) de persuader l’UCDA de conclure un partenariat aux termes duquel le service Auto Check serait supprimé et CarProof fournirait les dossiers d’accidents automobiles à tous les membres de l’UCDA. L’UCDA a refusé de donner suite à ces propositions parce qu’elle estime que ses membres apprécient grandement de pouvoir acheter des renseignements sur les dossiers d’accidents automobiles à peu de frais en recourant à Auto Check.

VII.  MODIFICATIONS RÉGLEMENTAIRES

[11]  Le 1er janvier 2010, les changements apportés au règlement d’application de la Loi de 2002 sur le commerce de véhicules automobiles, L.O. 2002, ch. 30, annexe B, ont obligé les commerçants de véhicule automobile à divulguer aux acheteurs éventuels le fait, le cas échéant, qu’un véhicule d’occasion a déjà subi des dommages ayant nécessité des réparations supérieures à 3 000 $.

[12]  Pour aider ses membres à répondre à cette nouvelle exigence, l’UCDA a décidé d’essayer d’obtenir des renseignements supplémentaires auprès du BAC au sujet de la valeur en dollars des réclamations d’assurance. Le BAC dispose de ces renseignements dans sa base de données PSA. M. Beattie décrit aux paragraphes 21 et 25-28 de son affidavit les premières démarches que l’UCDA a effectuées pour entrer en possession de ces renseignements :

[TRADUCTION]

Au début de juin 2009, en prévision de ces changements [réglementaires], Robert Pierce, le directeur des Services aux membres de l’UCDA, a communiqué avec Marti Pehar, directeur des Relations commerciales du BAC, par téléphone et a demandé que le BAC élargisse la gamme des renseignements fournis à Auto Check™ de façon à ce que les renseignements concernant la valeur en dollars des réclamations y soient inclus.

M. Pierce m’a fait savoir qu’il a rencontré Mme Pehar le 16 juin 2009 pour parler de la demande visant à obtenir des renseignements sur la valeur en dollars des réclamations pour Auto Check™. L’UCDA avait indiqué qu’elle était disposée à indemniser le BAC pour qu’il lui fournisse ces renseignements supplémentaires, mais Mme Pehar a néanmoins informé M. Pierce le 24 juin 2009 que le BAC avait refusé la demande de l’UCDA. Je crois savoir et j’estime qu’à ce moment-là, le BAC fournissait, et continue à fournir, des renseignements semblables, directement ou indirectement, à CarProof.

Le 17 mai 2010, Warren Barnard, le directeur du Service du contentieux de l’UCDA, a rencontré avec moi Ralph Palumbo, le vice-président du BAC pour la région de l’Ontario et Randall Bundus, vice-président des Opérations et avocat général du BAC, et nous avons renouvelé la demande présentée visant à obtenir des renseignements sur la valeur en dollars des réclamations pour Auto Check™. M. Palumbo a indiqué qu’il ne voyait pas pourquoi le BAC ne fournirait pas cette information à l’UCDA. M. Bundus a pour sa part mentionné qu’il faudrait que le BAC obtienne l’autorisation des compagnies d’assurance membres pour pouvoir fournir les renseignements PSA à l’UCDA.

L’exigence d’obtenir le consentement des compagnies d’assurance à l’égard des données relatives au montant des réclamations a surpris l’UCDA parce qu’il n’en avait jamais été question en ce qui concerne l’application Recherche Web sur les sinistres. Néanmoins, le 20 mai 2010, j’ai écrit à M. Palumbo et j’ai officiellement demandé que le BAC sollicite les autorisations nécessaires de ses assureurs membres pour pouvoir fournir à Auto Check™ les renseignements PSA relatifs à la valeur en dollars des réclamations.

Par lettre datée du 26 mai 2010, M. Bundus m’a informé que le BAC ne solliciterait pas l’autorisation que l’UCDA avait demandée en ce qui concerne la fourniture de données relatives à la valeur en dollars des réclamations provenant de ses membres assureurs. En fait, M. Bundus mentionnait qu’il revenait à l’UCDA de communiquer avec chaque compagnie d’assurance membre du BAC pour que chacune d’elles consente à la fourniture des renseignements relatifs à la valeur en dollars des réclamations.

[Non souligné dans l’original.]

VIII.  LA SUPPRESSION DE L’ACCÈS QU’AVAIT L’UCDA À L’APPLICATION RECHERCHE WEB SUR LES SINISTRES

[13]  M. Beattie traite de cet aspect et des efforts que l’UCDA déploie pour obtenir les consentements aux paragraphes 28 à 37 de son affidavit. Voici ce qu’il y affirme :

[TRADUCTION]

[Dans une lettre datée du 26 mai 2010] […], sans avertissement préalable, M. Bundus m’a informé que le BAC révoquait le statut de membre associé de l’UCDA, ce qui mettait fin à une relation d’une durée de 12 ans et empêchait Auto Check™ de continuer à obtenir des données relatives aux réclamations à partir de l’application Recherche Web sur les sinistres.

Le 2 juin 2010, mon collègue, Warren Barnard, a écrit à M. Bundus pour lui faire part du choc qu’avait éprouvé l’UCDA en apprenant la révocation inexpliquée et imprévue de son statut de membre associé, et demandait au BAC de revoir sa décision. À titre subsidiaire, M. Barnard demandait un préavis de six mois (c.-à-d. que la décision prenne effet le 26 novembre 2010) pour (i) donner à l’UCDA la possibilité de communiquer individuellement avec les assureurs, dont l’autorisation était nécessaire pour que l’UCDA puisse obtenir des renseignements PSA auprès du BAC, et (ii) qu’elle puisse continuer à utiliser l’application Recherche Web sur les sinistres.

Faute de réponse à la lettre de M. Barnard, McMillan, s.r.l., le cabinet-conseil externe de l’UCDA, a écrit à M. Bundus, le 9 juin 2010 pour faire part des préoccupations que suscitait chez l’UCDA le comportement du BAC en ce qui concerne la Loi sur la concurrence et renouveler la demande de l’UCDA pour que le BAC révise sa position quant au statut de membre de l’UCDA et à sa capacité à obtenir des données sur les réclamations relatives aux véhicules (ou, à titre subsidiaire, porter à six mois la période d’avis).

Le 23 juin 2010, McMillan, s.r.l., a écrit à nouveau à M. Bundus, pour lui demander que le BAC accorde la prorogation de six mois et, entre-temps, qu’il fournisse à l’UCDA des précisions sur la forme et le contenu des autorisations que le BAC exigeait qu’elle obtienne auprès des assureurs pour que les renseignements PSA soient communiqués à Auto Check™. M. Bundus a répondu le 28 juin 2010 en fournissant des renseignements sur le format de l’autorisation exigée, mais il a refusé de revenir sur la révocation du statut de membre de l’UCDA, et maintenu le refus du BAC de lui donner accès à l’application Recherche Web sur les sinistres et de prolonger la période d’avis.

Après d’autres discussions et échange de courriels, le BAC a redonné à l’UCDA son statut de membre associé et l’autorisation d’utiliser l’application Recherche Web sur les sinistres jusqu’au 26 novembre 2010. L’UCDA a également commencé à communiquer avec de nombreux assureurs pour obtenir leur consentement à ce que le BAC fournisse à l’UCDA les renseignements PSA, ce qui n’avait jamais été exigé d’elle pour accéder à l’application Recherche Web sur les sinistres.

Entre juillet 2010 et mai 2011, l’UCDA a obtenu le consentement des assureurs en ce qui concerne les renseignements PSA, et était en discussion avec le BAC au sujet de toute une gamme de questions contractuelles, techniques et logistiques touchant les renseignements PSA. Le statut de membre associé de l’UCDA a été renouvelé de mois en mois, et du même coup sa capacité d’utiliser l’application Recherche Web sur les sinistres.

Le 18 avril 2011, l’UCDA a signé une Entente de fournisseur de service avec le BAC quant à l’accès aux renseignements PSA provenant d’assureurs ayant donné leur consentement. L’UCDA a alors été en mesure de solliciter le consentement de trois assureurs qui semble-t-il avaient retiré leur consentement donné antérieurement. Enfin, ce n’est que le 30 mai que l’UCDA a été informée, dans un courriel de James Fordham, directeur du Service à la clientèle du BAC, envoyé à Neil Elgar, directeur des Services administratifs de l’UCDA, que plusieurs autres assureurs avaient retiré leur consentement entre janvier et mars 2011. M. Fordham n’a pas expliqué comment les retraits de consentement s’étaient produits, ni pourquoi l’UCDA n’en avait pas été informée plusieurs mois auparavant, au moment où ces retraits ont eu lieu.

Le 7 juin 2011, M. Fordham a informé M. Elgar par courriel que le BAC n’autoriserait plus les demandes de Recherche Web sur les sinistres. Le BAC l’informait que cette décision prendrait effet le 10 juin 2011, mais après plusieurs échanges de courrier entre M. Elgar et Fordham, la date de prise d’effet a été reportée au 17 juin 2011. M. Fordham n’a pas expliqué ce qui avait motivé la suppression des services et le court préavis.

Le 9 juin 2011, M. Barnard a communiqué avec M. Bundus et lui a demandé de maintenir l’accès à l’application Recherche Web sur les sinistres, service pour lequel le consentement des assureurs n’avait jamais été exigé auparavant, pendant que l’UCDA sollicitait le consentement des assureurs en ce qui concerne les renseignements PSA. Le 16 juin 2011, McMillan, s.r.l., a renouvelé la demande de M. Barnard dans des messages téléphoniques et électroniques envoyés à M. Bundus.

Le 16 juin 2011, l’UCDA a informé ses membres que les recherches Auto Check™ seraient suspendues à partir du 17 juin 2011 jusqu’à nouvel ordre parce qu’il n’était pas possible d’avoir accès à des données suffisantes pour permettre que soient effectuées des recherches dans les dossiers d’accidents automobiles. Le 17 juin 2011 à 17 h, le BAC a cessé de donner à l’UCDA accès à l’application Recherche Web sur les sinistres.

[Non souligné dans l’original.]

IX.  LES EFFETS DE LA SUPPRESSION DU SERVICE

[14]  La suppression du service en date du 17 juin 2011 (la « suppression du service ») mettait fin à une entente qui avait duré 13 ans et qui avait coûté à l’UCDA 65 000 $ en frais annuels plus 16 000 $ que l’UCDA avait versés au BAC en juin 2007 pour l’aider à financer une mise à niveau de la base de données du BAC. En outre, en 2010, le BAC avait facturé des frais pour l’information fournie à l’UCDA à l’aide de l’application Recherche Web sur les sinistres. L’UCDA a toujours payé le BAC, comme celui-ci l’exigeait.

[15]  La suppression du service a également obligé l’UCDA à suspendre ses activités reliées à Auto Check.

X.  L’AVENIR D’AUTO CHECK

[16]  L’UCDA estime que son service Auto Check serait à nouveau viable si les données provenant de l’application Recherche Web sur les sinistres lui étaient accessibles. Autrement dit, même s’ils pourraient leur être utiles, les membres de l’UCDA n’ont pas besoin des renseignements concernant la valeur en dollars des réclamations provenant de la base de données PSA parce que, comme il ressort de l’affidavit de M. Beattie, près des 2/3 des recherches montrent que les véhicules en question n’ont pas été accidentés. En outre, lorsqu’ils l’ont été, les commerçants membres de l’UCDA sont en mesure d’exercer leur jugement pour déterminer si les dommages auraient entraîné des coûts de réparation inférieurs ou supérieurs à 3 000 $. Cela signifie que les commençants n’ont pas habituellement besoin de connaître la valeur en dollars des réclamations. M. Beattie reconnaît toutefois dans son affidavit que, dans les petits nombres de cas dans lesquels il est nécessaire d’obtenir une valeur en dollars précise, les commerçants peuvent effectuer des recherches plus coûteuses auprès de CarProof ou Carfax qui leur permettront de connaître la valeur en dollars des sinistres.

XI.  PARTIE I – ARTICLE 75 – REFUS DE FOURNIR

[17]  Le paragraphe 103.1(7) énonce le critère à appliquer pour décider s’il y a lieu d’autoriser le dépôt d’une demande en vertu de l’article 75 de la Loi. Il se lit ainsi :

103.1 (7) Le Tribunal peut faire droit à une demande de permission de présenter une demande en vertu des articles 75 ou 77 s’il a des raisons de croire que l’auteur de la demande est directement et sensiblement gene dans son entreprise en raison de l’existence de l’une ou l’autre des pratiques qui pourraient faire l’objet d’une ordonnance en vertu de ces articles.

103.1 (7) The Tribunal may grant leave to make an application under section 75 or 77 if it has reason to believe that the applicant is directly and substantially affected in the applicants’ business by any practice referred to in one of those sections that could be subject to an order under that section.

[18]  La Loi exige donc qu’il y ait des éléments de preuve crédibles suffisants pour qu’on puisse croire de bonne foi (i) que l’auteur de la demande est directement et sensiblement gêné par le refus de vendre et (ii) qu’une ordonnance peut être rendue aux termes des alinéas 75(1)a) à e) de la Loi (Symbol Technologies Canada ULC c. Barcode Systems Inc., 2004 C.A.F. 339, au paragraphe 16, et National Capital News Canada c. Milliken, 2002 Trib. conc. 41, aux paragraphes 14 et 15).

XII.  LE PRODUIT

[19]  L’UCDA prétend que le produit est l’application Recherche Web sur les sinistres du BAC, qui comporte les éléments distinctifs suivants :

  • L’UCDA a accès aux données sans que celle-ci ait à obtenir le consentement des parties les ayant fournies.
  • Il donne accès à des données intégrées relatives aux sinistres provenant de l’ensemble de l’industrie.
  • Le produit est offert à partir du portail Web du BAC.
  • Il ne donne pas accès à des renseignements sur la valeur en dollars des sinistres.

[20]  L’UCDA affirme que l’application Recherche Web sur les sinistres est le produit qui lui a été refusé et que, pour les raisons décrites ci-dessus au paragraphe 16, il s’agit d’un produit viable qui répond presque en tout temps aux besoins des membres de l’UCDA.

[21]  Le BAC adopte un point de vue différent et affirme que le produit en question est un droit d’accès à l’application Recherche Web sur les sinistres du BAC et que le produit est par conséquent correctement qualifié comme étant une licence. Le BAC affirme que, étant donné que le Tribunal a jugé, dans Canada (Directeur des enquêtes et de la recherche) c. Warner Music Canada Ltd., 78 C.P.R. (3d) 321, que les licences n’étaient pas des produits au sens de l’article 75 de la Loi, il n’est pas possible de rendre en l’espèce l’ordonnance sollicitée.

[22]  Je n’ai toutefois pas été convaincue par cet argument. Il n’existe aucun élément de preuve indiquant que le BAC ait jamais qualifié de licence les ententes conclues avec l’UCDA. La preuve montre que l’accès aux données disponibles à partir de l’application Recherche Web sur les sinistres était un service fourni à l’UCDA à titre de membre associé du BAC.

[23]  À titre subsidiaire, le BAC soutient que le marché de produit en cause est celui des « données relatives aux sinistres automobiles » et qu’il est possible de se procurer des données de ce genre tant à partir de l’application Recherche Web sur les sinistres du BAC qu’à partir de sa base de données PSA.

[24]  Il existe peu d’éléments de preuve au sujet du contenu et des caractéristiques de la base de données PSA, mais il semble que l’UCDA pourrait utiliser les données PSA pour exploiter Auto Check si elles étaient accessibles. Voici ce que dit M. Beattie à ce sujet au paragraphe 40 de son affidavit :

[TRADUCTION]

L’application Recherche Web sur les sinistres demeurera essentielle pour Auto Check™ tant que l’UCDA n’aura pas obtenu le consentement des différents assureurs pour avoir accès à suffisamment de renseignements PSA lui permettant d’offrir un service viable de recherche sur le dossier d’accidents d’un véhicule.

[25]  Comme il a déjà été signalé, l’affidavit de M. Beattie indique qu’au départ les démarches de l’UCDA auprès du BAC ne visaient qu’à obtenir l’accès à la valeur en dollars des réclamations à partir de la base de données PSA, ce que le BAC lui avait refusé. Il semble toutefois que la demande présentée par l’UCDA ait évolué et ait inclus une demande d’accès à toutes les données PSA. Il est possible que ce changement soit à l’origine de la première décision du BAC de supprimer l’accès de l’UCDA à l’application Recherche Web sur les sinistres en mai 2010. Quoi qu’il en soit, le BAC a par la suite accepté de donner à l’UCDA accès à la base de données PSA, mais exigé qu’elle obtienne le consentement des compagnies d’assurance dont les données se trouvaient dans cette base (les « consentements »). Au tout début, le BAC avait offert d’obtenir ces consentements de ses membres.

[26]  Le BAC a toutefois changé d’idée et au lieu de fournir lui-même les consentements, il a exigé que l’UCDA communique avec chacune des compagnies d’assurance pour obtenir son consentement. L’UCDA a entrepris de le faire et sur une période de près d’un an, de juillet 2010 à mai 2011, a obtenu de nombreux consentements. Le 18 avril 2011, l’UCDA a signé une Entente de fournisseur de service avec le BAC pour que lui soient fournis les renseignements PSA provenant des assureurs ayant donné leur consentement. Lorsque l’entente a été conclue, l’UCDA savait que trois assureurs qui avaient donné leur consentement l’avaient retiré par la suite. Ce n’est toutefois qu’à la fin du mois de mai 2011 que le BAC a informé l’UCDA que plusieurs autres consentements avaient également été retirés au début de l’année. Aucun motif n’a été fourni. Sans ces consentements, l’UCDA n’a pas accès à suffisamment de données PSA pour faire de la base de données PSA une alternative viable à l’application Recherche Web sur les sinistres du BAC.

[27]  Compte tenu de ces faits, j’estime que le Tribunal pourrait conclure qu’en raison du fait que l’accès à la base de données PSA exige l’obtention de consentements, qui ne sont pas faciles à obtenir, cette base de données ne se trouve pas dans le même marché de produit que l’application Recherche Web sur les sinistres qui n’exige pas l’obtention de consentements.

[28]  Pour ce motif, j’arrive à la conclusion que le Tribunal pourrait conclure que les données relatives aux réclamations d’assurance automobile accessibles à partir de l’application Recherche Web sur les sinistres du BAC est le produit en litige dans la présente demande.

[29]  Le BAC affirme également que, même si les données accessibles à partir de l’application Recherche Web sur les sinistres constituent le produit, l’autorisation devrait être refusée parce que l’UCDA n’a pas toujours décrit de façon uniforme le produit qu’elle affirme être en litige. Le BAC relève que les données que l’UCDA a reçues avant la suppression du service ont été décrites de diverses façons :

[TRADUCTION]

  • Données de la Recherche Web sur les sinistres
  • Données relatives aux sinistres automobiles
  • Données obtenues à partir de l’application Recherche Web sur les sinistres du BAC
  • Données relatives aux Sinistres automobiles

[30]  À mon avis, il n’y a pas d’imprécision. Malgré les diverses appellations fournies, il est clair que l’UCDA parle des données qu’elle recevait depuis 1998 en utilisant l’application Recherche Web sur les sinistres du BAC.

XIII.  DIRECTEMENT ET SENSIBLEMENT GÊNÉE – PARAGRAPHE 103.1(7)

[31]  Il ressort de l’affidavit de M. Beattie que les activités Auto Check représentent plus de 50 % du revenu net de l’UCDA pour l’année se terminant le 31 décembre 2010. En outre, M. Beattie affirme qu’Auto Check est un service que les membres de l’UCDA estimaient « essentiel » et qu’il a été suspendu en raison de la suppression du service. À mon avis, cette preuve démontre que, à la suite de la suppression du service, l’UCDA a été directement et sensiblement gênée dans ses activités commerciales. Certes, il peut être utile d’examiner les revenus réalisés sur une certaine période de temps, comme le Tribunal l’a suggéré dans Nadeau Poultry Farm Ltd c. Groupe Westco Inc., 2009 Trib. conc. 6, conf. 2011 C.A.F. 188, mais cela ne signifie pas, comme le soutient le BAC, que ces données doivent être fournies dans tous les cas. En outre, il est utile de souligner que le paragraphe 103.1(7) utilise le présent et que l’UCDA a fourni des renseignements récents.

XIV.  LE SENS DU MOT « POURRAIT »

[32]  J’examine maintenant la question de savoir si une ordonnance pourrait être rendue en vertu de l’article 75, et je pense qu’il est utile à ce stade de s’attarder au sens qu’il faut donner au mot « pourrait ». Le contexte est important. La question de savoir si une ordonnance « pourrait » être rendue se pose dans le cadre d’une demande de permission qui ne repose pas sur un dossier de preuve complet. La Loi prévoit le dépôt d’un affidavit par l’auteur de la demande et le dépôt d’observations par le défendeur. Il s’ensuit qu’à certains égards les renseignements seront inévitablement incomplets. En outre, la procédure doit être expéditive et le fardeau de la preuve est moins exigeant que le fardeau de la preuve civile habituellement applicable, à savoir la « prépondérance des probabilités ».

[33]  À mon avis, ce seuil peu exigeant veut dire que la question consiste à se demander s’il est « possible » de rendre une ordonnance, et que le mot « pourrait » est utilisé dans ce sens.

[34]  Pour décider si une ordonnance est possible, le Tribunal doit déterminer s’il existe des éléments de preuve crédibles suffisants pour qu’on puisse croire de bonne foi qu’une ordonnance est possible. Cependant, dans le contexte décrit ci-dessus, il n’est pas raisonnable de conclure qu’il faut présenter des preuves concluantes sur chaque point en litige. À mon avis, il est possible de tirer des déductions raisonnables lorsque les motifs qui les étayent sont mis de l’avant, et en s’appuyant sur des preuves circonstancielles.

XV.  L’INCAPACITÉ DE L’UCDA DE SE PROCURER UN PRODUIT DE FAÇON SUFFISANTE OÙ QUE CE SOIT SUR UN MARCHÉ, AUX CONDITIONS DE COMMERCE NORMALES, ALINÉA 75(1)a)

[35]  L’UCDA affirme que le BAC est le seul fournisseur de données intégrées relatives aux sinistres. Le BAC conteste cette affirmation en disant que l’UCDA pourrait obtenir l’information dont elle a besoin pour ses activités Auto Check de CarProof et Carfax. Néanmoins, à mon avis, le Tribunal ne peut pas conclure que les termes « où que ce soit sur un marché » ont pour but d’obliger l’UCDA à acheter les données dont elle a besoin aux concurrents d’Auto Check.

[36]  Le BAC affirme également que l’UCDA a omis de définir le marché géographique. Cependant, étant donné que les membres de l’UCDA se trouvent en Ontario et, que ceux-ci cherchent à obtenir les dossiers d’accidents des véhicules d’occasion pour leur propre usage, il est raisonnable de conclure que l’Ontario est le marché géographique, et qu’une ordonnance pourrait donc être rendue.

[37]  Enfin, pour ce qui est des conditions de commerce normales, la preuve indique que l’UCDA est prête à continuer à payer pour les services que lui offre le BAC, et étant donné que les données provenant de l’application Recherche Web sur les sinistres ne sont offertes que par le BAC, la condition susmentionnée est respectée et une ordonnance pourrait être rendue.

XVI.  L’INSUFFISANCE DE LA CONCURRENCE ENTRE LES FOURNISSEURS – ALINÉA 75(1)b)

[38]  À mon avis, étant donné que le BAC est un fournisseur unique, le Tribunal pourrait conclure que l’incapacité de l’UCDA à se procurer les données accessibles à partir de l’application Recherche Web sur les sinistres du BAC est due à une insuffisance de la concurrence.

XVII.  LA PERSONNE MENTIONNÉE À L’ALINÉA A) ACCEPTE ET EST EN MESURE DE RESPECTER LES CONDITIONS DE COMMERCE NORMALES IMPOSÉES PAR LE OU LES FOURNISSEURS DE CE PRODUIT – ALINÉA 75(1)c)

[39]  Il est admis que l’UCDA est disposée à continuer de payer pour obtenir les données de l’application Recherche Web sur les sinistres. Dans ces circonstances, j’estime que le Tribunal pourrait conclure que la condition susmentionnée est remplie.

XVIII. LE PRODUIT EST DISPONIBLE EN QUANTITÉ AMPLEMENT SUFFISANTE – ALINÉA 75(1)d)

[40]  L’affidavit de M. Beattie montre que BAC a été en mesure de rétablir le statut de membre associé de l’UCDA et de lui donner accès à l’application Recherche Web sur les sinistres après la révocation initiale le 26 mai 2010. Par la suite, le BAC a continué à lui fournir des données sur une base mensuelle jusqu’à la suppression du service. Compte tenu de cette preuve, le Tribunal pourrait conclure que le produit est disponible en quantité amplement suffisante.

XIX.  LE REFUS DE VENDRE A OU AURA VRAISEMBLABLEMENT POUR EFFET DE NUIRE À LA CONCURRENCE DANS UN MARCHÉ – ALINÉA 75(1)e)

[41]  À mon avis, le Tribunal pourrait conclure que le refus du BAC de fournir l’accès à l’application Recherche Web sur les sinistres est à l’origine du retrait de Auto Check du marché. Étant donné qu’Auto Check était un service peu coûteux de recherche sur les réclamations pour accidents utilisé par environ 4 500 commerçants de voiture d’occasion, et étant donné qu’il est raisonnable de conclure que ces commerçants seront maintenant obligés d’effectuer des recherches à un coût supérieur auprès de CarProof ou Carfax, le Tribunal pourrait conclure que la condition susmentionnée est respectée.

XX.  PARTIE II – MAINTIEN DES PRIX – SOUS-ALINÉA 76(1)a)(ii)

[42]  Le critère applicable aux demandes de permission de présenter une demande en vertu de l’article 76 de la Loi se trouve au paragraphe 103.1(7.1). Il y est énoncé que le Tribunal doit avoir des raisons de croire que l’auteur de la demande est directement gêné en raison d’un comportement qui pourrait faire l’objet d’une ordonnance.

[43]  Pour les motifs exposés au paragraphe 31 ci-dessus, j’ai conclu que l’UCDA est directement gênée par la cessation de ses activités Auto Check.

[44]  Il est par contre plus difficile de savoir si je peux conclure qu’une ordonnance « pourrait » être rendue sur le fondement du sous-alinéa 76(1)a)(ii) en l’absence de toute preuve directe dans l’affidavit de M. Beattie démontrant que le refus du BAC de fournir les données de l’application Recherche Web sur les sinistres à l’UCDA découle des bas prix pratiqués par Auto Check. Les seuls éléments de preuve dont dispose le Tribunal à ce sujet sont de nature circonstancielle.

[45]  Une partie des preuves circonstancielles décrites ci-dessous concernent les actions et les affiliations de deux sociétés appelées CGI Group Inc. (« CGI ») et i2iQ Inc. (« i2iQ »).

[46]  Dans ses observations, l’UCDA déclare au paragraphe 25 :

[TRADUCTION]

L’UCDA n’est pas en mesure de démontrer de façon définitive, sans une communication préalable des preuves suivant les règles du Tribunal, si le refus du BAC de fournir le produit découle de préoccupations au sujet de la politique de bas prix appliquée en ce qui concerne Auto Check™. Il existe toutefois des preuves circonstancielles importantes concernant les grandes différences qui existent entre les prix pratiqués pour Auto Check™ et les prix pratiqués par CarProof, ainsi qu’en ce qui concerne certaines actions de CarProof, les liens entre CarProof et i2iQ et des communications entre i2iQ et le BAC, qui donnent des raisons de croire que le refus du BAC de fournir le produit découle de la politique de bas prix pratiquée pour Auto Check™.

[47]  En outre, dans les observations qu’elle fournit en réponse, l’UCDA déclare au paragraphe 39

[TRADUCTION]

Dans cette situation, les preuves circonstancielles selon lesquelles le BAC a agi pour avantager CGI, avec qui il entretient une relation commerciale privilégiée, et qui à son tour, entretient des relations commerciales étroites avec i2iQ et CarProof, est la seule preuve au dossier concernant les motifs à l’origine du refus du BAC de fournir le produit. Il importe de souligner, comme M. Beattie l’a déclaré dans son affidavit, que le BAC n’a pas fourni de motifs lorsqu’il a mis un terme à la fourniture du produit à l’UCDA, et qu’encore une fois dans ses observations, le BAC n’a donné aucune autre raison en vue de justifier la suppression du service. L’UCDA soutient que dans ces circonstances, il y a lieu de tirer de son silence des conclusions défavorables au BAC ou d’appliquer le critère « des preuves crédibles et suffisantes » de façon à permettre que des demandes potentiellement viables soient examinées sur le fond plutôt que d’empêcher leur examen parce que le demandeur n’a pas accès, à l’étape de la demande de permission, à des preuves pertinentes qui sont en la possession du défendeur.

[48]  Je reconnais qu’il est possible de se fonder sur des preuves circonstancielles et des inférences raisonnables, mais en l’espèce il s’agit de savoir si les preuves circonstancielles constituent des preuves crédibles suffisantes pour qu’on puisse croire de bonne foi que la pratique en question pourrait faire l’objet d’une ordonnance.

[49]  L’UCDA s’appuie sur quatre éléments de preuve circonstancielle pour démontrer que la suppression du service vient de l’écart entre le prix de 7 $ pratiqué par l’UCDA et le prix de 34,95 $ pratiqué par CarProof. Je vais examiner tour à tour chacun de ces éléments.

A.  La différence de prix

[50]  Il ressort de la preuve que CarProof a à deux reprises entrepris des démarches auprès de l’UCDA dans le but d’acquérir sa clientèle. Ces démarches n’ont pas eu de suite parce que l’UCDA estime que ses membres préfèrent les recherches Auto Check effectuées à faible prix. Par conséquent, les recherches qu’effectue CarProof n’intéresseront les membres de l’UCDA que s’ils n’ont plus accès aux recherches Auto Check peu coûteuses.

[51]  Les preuves qui, affirme-t-on, démontrent que la suppression du service s’explique par les faibles prix pratiqués pour Auto Check, sont les suivantes :

  • CarProof ne traite pas directement avec le BAC pour obtenir les données PSA. Elle passe par une société intermédiaire. M. Beattie a émis l’hypothèse que soit i2iQ, soit CGI ou peut-être les deux agissent à ce titre. CGI est liée contractuellement au BAC parce que CGI exploite la base de données PSA pour le BAC et fournit d’autres services de recherche aux membres du BAC. Un de ces services s’appelle Auto Plus et fournit des renseignements destinés à aider les assureurs à prendre des décisions au sujet des couvertures et des primes. Un autre service est Enhanced Auto Plus. Il comprend l’historique des réclamations relatives à un véhicule fourni par CarProof.
  • Les historiques des réclamations relatives à un véhicule de CarProof sont aussi accessibles à partir du site Web d’i2iQ. i2iQ y indique qu’elle a conclu des partenariats ou des alliances stratégiques avec CarProof et avec la division de CGI, connue sous le nom de CGI Services d’information d’assurance. Il n’existe toutefois aucune preuve indiquant si i2iQ entretient une relation contractuelle avec le BAC.

[52]  Si CGI est l’intermédiaire entre CarProof et le BAC, le Tribunal est invité à se fonder sur l’hypothèse qu’étant donné que CGI fournit des services de données importants au BAC, le BAC aura tendance à favoriser CGI en aidant son client CarProof. Le BAC pourrait y parvenir en refusant de fournir des données à son concurrent pour le service à faible prix, Auto Check.

[53]  Pour ce qui est d’i2iQ, la preuve montre (i) que le PDG d’i2iQ a dit au BAC que les commerçants de l’UCDA peuvent acheter leurs données à CarProof, (ii) qu’i2iQ et le BAC ont rapidement communiqué par téléphone au sujet de la demande de l’UCDA concernant les renseignements sur la valeur en dollars des sinistres et (iii) qu’i2iQ a un partenariat ou une alliance stratégique avec une division de CGI. Cette information m’indique qu’i2iQ exerce un certain degré de contrôle sur CarProof, qu’il existe une relation étroite entre i2iQ et le BAC, et qu’il se peut qu’i2iQ puisse agir comme intermédiaire pour vendre les données du BAC à CarProof. Si ces faits sont exacts, je dois en déduire que le BAC aurait tendance à favoriser i2iQ en aidant, à son tour, son client CarProof. Là encore, cela se traduirait par le refus de fournir les données de Recherche Web sur les sinistres pour Auto Check.

B.  Les actions de CarProof

[54]  Elles sont décrites dans les paragraphes suivants tirés des paragraphes 13 à 15 de l’affidavit de M. Beattie :

[TRADUCTION]

CarProof a pris de l’essor et elle est le chef de file dans le marché des services de recherche de dossiers d’accidents automobiles en Ontario. En 2004, CarProof a commencé à distribuer aux commerçants de véhicule automobile des documents promotionnels faux et trompeurs au Canada, qui donnaient des indications trompeuses sur la nature et l’ampleur des recherches de privilèges et autres services fournis par l’UCDA. Après avoir reçu des mises en demeure de la part de l’avocat de l’UCDA, CarProof a mis un terme à cette campagne négative. Cette société s’est toutefois remise à distribuer des documents de promotion faux et trompeurs en 2007 en liaison avec les services de l’UCDA, y compris avec son service Auto Check™. Je pense que cette décision a peut-être été motivée, en partie du moins, par la position qu’a adoptée l’UCDA, à savoir celle de fournisseur à faible prix dans le marché. Les efforts déployés par l’UCDA pour résoudre la situation à l’amiable n’ont pas porté fruit, ce qui l’a amenée à entamer des poursuites contre CarProof. Cette poursuite a finalement été réglée en 2009; CarProof et l’UCDA ont publié une déclaration conjointe dans laquelle CarProof reconnaissait que l’UCDA fournit des renseignements relatifs aux sinistres par son service Auto Check™ et s’engageait à ne pas faire de déclarations trompeuses à l’avenir.

Au début de 2009, des représentants de CarProof ont approché l’UCDA et lui ont proposé d’établir un partenariat avec CarProof en vue de fournir les dossiers d’accidents automobiles de CarProof aux membres de l’UCDA plutôt que de le faire directement à l’aide de Auto Check™. L’acceptation de cette proposition aurait eu pour effet de mettre un terme aux activités Auto Check™. Compte tenu des tactiques commerciales agressives adoptées par CarProof et des prix sensiblement supérieurs auxquels elle fournit les services de recherche sur les dossiers d’accidents automobiles, l’UCDA a conclu qu’il n’était pas dans l’intérêt de ses membres d’établir une relation avec CarProof et a refusé l’offre de cette dernière.

Au début de 2010, des représentants de CarProof ont à nouveau communiqué avec l’UCDA et lui ont demandé de s’associer à CarProof pour fournir les dossiers d’accidents automobiles de CarProof aux membres de l’UCDA, plutôt que de le faire directement à l’aide de Auto Check™. Le point de vue de l’UCDA sur une telle relation n’avait pas changé et nous avons à nouveau rejeté les propositions de CarProof.

[55]  En résumé, la preuve indique que CarProof semble avoir donné des indications trompeuses sur les activités Auto Check et a proposé qu’il soit mis fin au service Auto Check. Ces efforts ont toutefois échoué en raison du faible prix pratiqué pour Auto Check.

C.  Les liens entre CarProof et i2iQ

[56]  Ce sujet est abordé plus haut, aux paragraphes 51 et 53.

D.  Les communications entre i2iQ et le BAC

[57]  En juin 2009, l’UCDA a communiqué avec Mme Pehar du BAC pour lui demander de lui donner accès aux renseignements concernant la valeur en dollars des sinistres contenus dans la base de données PSA. Peu après, le PDG d’i2iQ a dit à Mme Pehar que l’UCDA pouvait acheter les dossiers d’accidents des véhicules à CarProof et lui a confirmé que, si l’UCDA voulait poursuivre cette idée, elle pourrait le contacter. À titre subsidiaire, il proposait que l’UCDA s’adresse directement à CarProof.

[58]  Dans son affidavit, M. Beattie émet l’hypothèse que le BAC doit avoir fait mention de la demande de l’UCDA à i2iQ ou à CarProof et que la seule raison pour laquelle le BAC, CarProof et i2iQ étaient en contact, après que l’UCDA ait demandé un accès aux renseignements concernant la valeur en dollars des sinistres, était que ces entreprises craignaient qu’avec cette information, Auto Check soit un concurrent à faible prix plus efficace.

XXI.  CONCLUSIONS

[59]  Au vu de ce qui précède, il ne fait pas de doute que le BAC a une relation étroite et directe avec CGI (qui lui fournit des services et qui est chargé de l’entretien de la base de données PSA) ainsi qu’avec i2iQ (elle lui a parlé de la demande présentée par l’UCDA en vue d’obtenir des données sur la valeur en dollars des sinistres). Il est également clair que CGI et i2iQ ont des liens étroits avec CarProof. Les recherches de cette société sont fournies aux membres du BAC par l’intermédiaire de CGI, et il semble qu’i2iQ exerce un certain contrôle sur les opérations de CarProof et qu’elle vend les résultats de ses recherches sur son site Web.

[60]  Enfin, il est raisonnable de conclure, en se fondant sur sa conduite antérieure, que CarProof aimerait qu’il soit mis fin au service à faible prix Auto Check de façon à ce que les commerçants membres de l’UCDA deviennent des clients potentiels de CarProof.

[61]  Toutefois, si je peux conclure qu’il est possible que la suppression du service a eu lieu parce que le BAC cherchait, à titre de faveur envers CGI ou i2iQ, à appuyer les objectifs commerciaux de CarProof, je ne peux par contre conclure qu’il existe des éléments de preuve crédibles suffisants pour établir qu’il est possible que la suppression du service par le BAC résultait de la politique de bas prix pratiquée pour Auto Check. Dans ces circonstances, une ordonnance ne pourrait être rendue.

ORDONNANCE

[62]  Par les présentes, le Tribunal accorde à l’UCDA, en vertu du paragraphe 103.1(7) de la Loi, la permission de présenter une demande sur le fondement de l’article 75 de la Loi. Par contre, la permission de présenter une demande en vertu de l’article 76 de la Loi est refusée.

[63]  Les dépens de l’UCDA seront établis sous forme de montant forfaitaire payable immédiatement, calculé selon la colonne III du Tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. L’UCDA doit préparer un mémoire de dépens pour que le BAC l’examine. Si les parties ne peuvent s’entendre sur un montant, elles peuvent communiquer avec le greffe, et je fixerai le montant des dépens, après entente sur la procédure à suivre.

DIRECTIVE

[64]  Les parties doivent se consulter pour déterminer si elles peuvent s’entendre sur la possibilité de rendre une ordonnance de fourniture provisoire de services et dans ce cas, à quelles conditions. À défaut d’entente, les parties peuvent communiquer avec le greffe au sujet des arrangements à prendre pour l’examen de la demande de mesures provisoires présentée par l’UCDA.

FAIT à Ottawa, le 9 septembre 2011

SIGNÉ pour le compte du Tribunal par la présidente.

(s) Sandra J. Simpson

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.


AVOCATS :

Pour la demanderesse :

Used Car Dealers Association of Ontario

A.Neil Campbell

Casey W. Halladay

Pour le défendeur :

Bureau d’assurance du Canada

Peter Glossop

Graham Reynolds

Geoffrey Grove

 

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