Documentation

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal de la concurrence Competition Tribunal TRADUCTION OFFICIELLE Référence : Nadeau Ferme Avicole Limitée c. Groupe Westco Inc. et al., 2010 Trib. conc. 1 de dossier : CT-2008-004 de document du greffe : 0629

DANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, et ses modifications; ET DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited en vue d’obtenir une ordonnance fondée sur l’article 75 de la Loi sur la concurrence;

ET DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited en vue d’obtenir une ordonnance provisoire fondée sur l’article 104 de la Loi sur la concurrence.

ENTRE : Nadeau Ferme Avicole Limitée/ Nadeau Poultry Farm Limited (demanderesse)

et Groupe Westco Inc. et Groupe Dynaco, Coopérative Agroalimentaire, et Volailles Acadia S.E.C. et Volailles Acadia Inc./ Acadia Poultry Inc. (défenderesses)

Rendue en fonction du dossier de l’affaire Membres : M. le juge Blanchard (président), M. H. Lanctôt et M. P. A. Gervais Date des motifs et de l’ordonnance : 21 janvier 2010 Motifs et ordonnance signés par : M. le juge E. Blanchard, M. H. Lanctôt et M. P. A. Gervais

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE RELATIVE À LA QUESTION DES DÉPENS

I. INTRODUCTION [1] Le 8 juin 2009, le Tribunal de la concurrence a rejeté la demande de Nadeau Ferme Avicole Limitée (la « demanderesse » ou « Nadeau ») en vue d’obtenir une ordonnance fondée sur le paragraphe 75(1) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34 (la « Loi »). Au paragraphe 483 de sa décision, le Tribunal a indiqué que la question des dépens sera tranchée à une date ultérieure et a enjoint les parties à communiquer avec le greffe au plus tard le lundi 20 juillet 2009, « afin de lui dire si elles ont besoin de temps additionnel pour en arriver à une entente concernant les dépens ». Les parties ne sont pas parvenues à une entente et ont donc demandé au Tribunal de rendre une décision sur les questions suivantes :

a) Les dépens devraient-ils être adjugés? Dans l’affirmative, devraient-ils être réduits? b) Les défenderesses devraient-elles toutes avoir droit aux dépens? c) Selon quelle valeur du tarif B les dépens devraient-ils être adjugés? d) Combien de fois devrait-on calculer le montant des honoraires d’avocats? e) Quel devrait être l’effet des offres de règlement des défenderesses? f) Les demandes fondées sur certains articles du tarif sont-elles autorisées? g) Les débours sont-ils raisonnables et nécessaires?

II. CONCLUSIONS [2] Le Tribunal estime qu’une somme globale établie selon le tarif B des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106 (les « Règles »), devrait être adjugée à chacune des défenderesses. Groupe Westco Inc. Westco ») a droit à un montant équivalent à deux fois les honoraires d’un avocat tout au long de la phase préparatoire à l’audience et à deux fois et demie les honoraires d’un avocat durant l’audience. Groupe Dynaco, Coopérative Agroalimentaire Dynaco ») et Volailles Acadia S.E.C. et Volailles Acadia Inc./Acadia Poultry Inc. (collectivement appelées « Acadia ») devraient chacune avoir droit aux honoraires d’un avocat durant la phase préparatoire à l’audience et l’audience. Le Tribunal est conscient du volume de travail effectué par Westco dans l’intérêt de toutes les défenderesses. Les dépens de Westco devraient être taxés selon le milieu de la fourchette de la colonne III, alors que les dépens d’Acadia et de Dynaco devraient être taxés selon le montant minimal prévu à la colonne III. Compte tenu de leur offre de règlement, chaque défenderesse a droit à une somme globale établie à 150 % de la fourchette applicable prévue à la colonne III du tarif à partir du 3 novembre 2008, date de la signification des offres. Les défenderesses devraient chacune préparer un projet de mémoire de dépens conformément aux présents motifs.

III. ANALYSE A. Résumé de la thèse des défenderesses [3] Les défenderesses font valoir qu’elles ont toutes droit aux dépens et ont réclamé les montants suivants :

a) Westco : honoraires de 346 190 $ et débours de 502 478,96 $;

b) Dynaco : honoraires de 126 230 $ et débours de 18 460,26 $; c) Acadia : honoraires de 134 030 $ plus les taxes applicables et débours de 16 776,47 $.

[4] Les honoraires réclamés par chacune des défenderesses sont établis selon la valeur maximale de la colonne IV du tarif B. Les défenderesses soutiennent qu’elles ont droit à une majoration des dépens parce que 1) elles ont eu gain de cause dans la demande, 2) les questions étaient importantes et complexes, 3) la quantité de travail était exceptionnelle, et 4) la demanderesse a formulé des allégations fausses ou non fondées contre elles. Les défenderesses s’appuient également sur leurs offres de règlement écrites respectives pour affirmer que les dépens devraient être doublés après le 3 novembre 2008, date à laquelle elles ont signifié leurs offres de règlement respectives.

B. Résumé de la thèse de la demanderesse [5] La thèse de la demanderesse sur les dépens peut être résumée comme suit : a) Aucune des parties ne devrait payer de dépens parce que chacune d’entre elles a eu partiellement gain de cause.

b) Si les dépens sont par ailleurs adjugés aux défenderesses, ils devraient être réduits de 30 % parce que chacune des parties a eu partiellement gain de cause et parce que les défenderesses, de par leur conduite, ont prolongé et compliqué substantiellement l’instance.

c) Compte tenu des relations interentreprises et opérationnelles entre les défenderesses, de leur intérêt similaire dans l’affaire et du fait qu’Acadia et Dynaco ont essentiellement appuyé la thèse de Westco tout au long de l’instance, le Tribunal devrait adjuger un seul mémoire de dépens (trois fois les honoraires d’un avocat et les débours) à partager entre les défenderesses comme elles l’entendent.

d) Si les dépens sont adjugés, la valeur applicable du tarif devrait être celle au milieu de la fourchette de la colonne III.

e) Les défenderesses ne se sont pas conformées aux exigences techniques et de fond de l’article 420 des Règles relativement à leurs offres de règlement respectives. Ainsi, rien ne permet au Tribunal d’accorder une majoration des dépens en raison des offres.

f) Les défenderesses ont présenté des réclamations exagérées ou abusives à l’égard d’un certain nombre d’articles énumérés au tarif B.

g) Le montant total réclamé par les défenderesses à titre de débours est, dans tous les cas, excessif.

[6] Nous examinerons maintenant chacune de ces observations.

C. Analyse [7] L’article 8.1 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. 1985, ch. 19 (2 e suppl.) confère au Tribunal le pouvoir de déterminer les frais relatifs aux procédures dont il est saisi en conformité avec les Règles applicables à la détermination des frais. Par conséquent, en vertu du paragraphe 400(1) des Règles, le Tribunal a « le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de designer les personnes qui doivent les payer ». Le paragraphe 400(3) prévoit une liste non-exhaustive de facteurs que le Tribunal peut examiner lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire. L’article 400 est joint en annexe aux présents motifs.

[8] L’adjudication des dépens partie-partie ne constitue pas un exercice exact. Il ne s’agit que d’une estimation du montant que la Cour juge approprié à titre de contribution aux dépens avocat-client de la partie qui a obtenu gain de cause (Consorzio Del Prosciutto Di Parma c. Maple Leaf Meats, 2002 CAF 417, [2003] 2 C.F. 451). Il est bien établi que l’allocation des dépens représente un compromis entre l’indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non-imposition d’une charge excessive à la partie qui succombe (Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 159 F.T.R. 233 (C.F. 1 re inst.), conf. par (2001), 199 F.T.R. 320 (C.A.F.)).

[9] Suivant le paragraphe 400(4) des Règles, la Cour peut adjuger les dépens sous la forme d’une somme globale ou trancher la question des dépens à une date ultérieure. Dans B-Filer Inc. et autres c. La Banque de Nouvelle-Écosse, 2007 Trib. conc. 26, le Tribunal a affirmé ce qui suit à l’égard des sommes globales :

À notre avis, le Tribunal devrait préférer l’adjudication des dépens sous la forme d’une somme globale à la taxation formelle des mémoires de dépens parce que cette pratique est conforme à la directive ainsi donnée au Tribunal au paragraphe 9(2) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence : « Dans la mesure les circonstances et l’équité le permettent, il appartient au Tribunal d’agir sans formalisme, en procédure expéditive ».

Cela dit, au moment d’établir les dépens sous la forme d’une somme globale, le Tribunal « ne doit pas se prononcer à l’aveuglette ». En effet, les dépens doivent être établis selon des principes. Voir CCH Canadian Ltée c. Barreau du Haut-Canada, (2004), 37 C.P.R. (4 e ) 323 (C.F.). Nous acceptons le fait qu’au moment de [TRADUCTION] « déterminer des dépens sous forme de somme globale, il convient de s’inspirer du tarif B qui alloue des blocs d’heures parmi un éventail figurant dans les diverses colonnes ». Voir Donaghy c. Scotia Capitaux Inc., 2007 CF 598, au paragraphe 7.

[10] Par conséquent, nous sommes d’avis que les dépens, s’ils sont adjugés, devraient être taxés sous la forme d’une somme globale.

1) Les dépens devraient-ils être adjugés? Dans l’affirmative, devraient-ils être réduits?

[11] Nadeau prétend qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés ou, à défaut, que les dépens devraient être réduits de 30 % étant donné que chacune des parties a eu partiellement gain de cause ou en raison de la conduite des défenderesses. Nous nous pencherons sur chacune de ces observations l’une après l’autre.

[12] Pour justifier sa thèse selon laquelle chacune des parties a eu partiellement gain de cause, Nadeau affirme 1) qu’elle a eu gain de cause dans sa demande d’autorisation fondée sur l’article 103.1 de la Loi, 2) qu’elle a eu gain de cause dans sa demande pour l’obtention d’une ordonnance provisoire fondée sur l’article 104 de la Loi, et 3) qu’elle a réussi à établir certains éléments prévus à l’article 75 de la Loi.

[13] En toute déférence, nous ne sommes pas d’accord avec la prétention de Nadeau portant que chacune des parties a eu partiellement gain de cause. La demande d’autorisation et la demande en vue d’obtenir une ordonnance provisoire constituaient des questions préliminaires qui, selon nous, ne sont pas déterminantes dans notre évaluation des dépens. C’est la demande fondée sur l’article 75 qui est au cœur du litige. De plus, pour avoir gain de cause, Nadeau devait établir tous les éléments prévus à l’article 75 de la Loi (nous soulignons). En règle générale, les dépens devraient suivre l’issue de la cause (Johnson & Johnson Inc. c. Boston Scientific Ltd., 2008 CF 817). En l’absence d’un abus de procédure, la partie qui a gain de cause ne devrait pas être pénalisée du simple fait que la cour n’a pas accepté tous les arguments qu’elle a présentés (Canada c. IPSCO Recycling Inc., 2004 CF 1083, 259 F.T.R. 204).

[14] La demanderesse fait également valoir que le défaut des défenderesses de faire des admissions relativement aux alinéas 75(1)a) et c) de la Loi et le fait que chacune des parties a eu partiellement gain de cause justifient une réduction des dépens. À notre sens, peu de temps a été accordé à la question de la volonté et de la capacité de Nadeau à respecter les conditions de commerce normales prévues à l’alinéa 75(1)c). S’agissant de l’alinéa 75(1)a), on ne peut dire qu’en l’espèce les défenderesses ont fait des admissions à l’égard d’une question litigieuse tard dans la procédure. Tout au long de la procédure, les défenderesses ont maintenu et vigoureusement défendu leur thèse portant que la demanderesse n’était pas sensiblement gênée dans son entreprise du fait qu’elle est incapable de se procurer un produit de façon suffisante, que ce soit sur un marché, aux conditions de commerce normales. Cette question a été finalement abordée en détail par le Tribunal. À notre avis, les défenderesses n’ont pas fait perdre de temps au Tribunal en débattant cette question importante.

[15] Les défenderesses ont eu gain de cause dans la défense qu’elles ont opposée à la demande. Pour les motifs qui précèdent, les dépens seront adjugés aux défenderesses sans réduction.

2) Les défenderesses devraient-elles toutes avoir droit aux dépens? [16] Nadeau prétend que les défenderesses auraient être représentées par un seul cabinet d’avocats puisqu’elles entretenaient des relations interentreprises et avaient les mêmes intérêts, et puisqu’Acadia et Dynaco ont essentiellement appuyé la thèse de Westco tout au long de

l’instance. Par conséquent, Nadeau affirme que si les dépens sont adjugés, un seul mémoire de dépens devrait être taxé (un montant équivalent à trois fois les honoraires d’un avocat et les débours) et les dépens devront être partagés entre les défenderesses comme elles l’entendent.

[17] Suivant l’alinéa 400(3)l) des Règles, la Cour peut examiner « la question de savoir si plus d’un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense » lorsqu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire. Dans Capital Vision c. Canada (Ministre du Revenu National M.R.N.), 2003 CF 1253, la juge Heneghan a adjugé les dépens à différents demandeurs alors que leurs intérêts dans l’affaire étaient apparentés, mais non identiques. Les extraits suivants du livre de M. Orkin, The Law of Costs, à la section 209.4 (édition en feuilles mobiles (Aurora, Canada Law Book Inc., 2000)), sont également utiles :

[TRADUCTION] Lorsque les défendeurs ont des intérêts distincts, ils sont tous justifiés de scinder la défense s’ils choisissent de le faire, et ils ont tous droit, s’ils ont gain de cause, à un mémoire de dépens distinct, à moins que le juge du procès, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, estime qu’un seul mémoire de dépens ne devrait être taxé.

[...] Bien qu’il soit vrai qu’un défendeur n’est pas tenu, lorsqu’une poursuite est intentée contre lui, d’engager l’avocat d’une autre partie, au lieu de son propre avocat, il n’aura pas droit à un mémoire de dépens distinct, s’il a gain de cause, si ses intérêts sont les mêmes que ceux d’un co-défendeur ou s’il fait partie d’un groupe ou d’une catégorie de personnes ayant un intérêt commun, comme les personnes ayant droit à une part de l’héritage dans une procédure relative à l’administration d’une succession, un groupe de bénéficiaires dans une demande d’interprétation d’un testament ou les parties voulant essentiellement toutes que les biens immeubles détenus en fiducie soient vendus par les fiduciaires.

[18] De plus, dans Apotex Inc c. Merck & Co., 2006 CAF 324, le juge Malone, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a affirmé au paragraphe 23 que « [l]a Cour a déjà décidé que, malgré le recoupement des questions soulevées, les parties demanderesses à la même procédure ne devraient pas être obligées de se partager un seul mémoire de dépens ».

[19] Tout au long de l’instance, les défenderesses ont abordé conjointement les questions se chevauchant par souci d’efficacité. Toutefois, chacune des défenderesses a contribué à la demande en préparant des plaidoiries, des déclarations de témoins et des observations écrites, en menant des interrogatoires oraux ainsi qu’en présentant des observations orales. Selon nous, les intérêts des défenderesses n’étaient pas identiques. De plus, au regard de l’allégation par Nadeau que les défenderesses formaient une alliance de mauvaise foi, il était raisonnablement nécessaire que chaque défenderesse soit représentée par un avocat durant la phase préparatoire à l’instance et durant l’audience. Par conséquent, les défenderesses ont chacune droit aux dépens.

3) Selon quelle valeur du tarif B les dépens devraient-ils être adjugés? [20] Comme nous l’avons déjà mentionné, le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’adjuger les dépens et peut appliquer les facteurs énumérés au paragraphe 400(3) pour exercer ce pouvoir. Dans B-Filer, le Tribunal a affirmé que même si l’adjudication des dépens est discrétionnaire, sauf ordonnance contraire, l’article 407 prévoit que les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B. Dans Rona Inc. c. La commissaire de la concurrence, 2005 Trib. conc. 26, le Tribunal a affirmé qu’il doit y avoir des motifs solides pour déroger à cette disposition.

[21] Compte tenu de la complexité de l’affaire, de l’existence des offres de règlement et des circonstances de la demande présentée au Tribunal, les défenderesses demandent que les dépens soient taxés conformément au montant maximal prévu à la colonne IV du tarif B. Nadeau soutient que la valeur applicable devrait être celle au milieu de la fourchette de la colonne III.

[22] À notre avis, la complexité de l’affaire et la quantité de travail inhérente à l’instance ne justifient pas une majoration des dépens au montant maximal prévu à la colonne IV du tarif B. L’affaire n’était pas plus complexe, ni excessive sur le plan du travail en cause, que d’autres affaires dont le Tribunal a été saisi. Dans ses motifs accueillant la demande de Nadeau visant l’obtention d’une ordonnance provisoire, le Tribunal a indiqué que les arguments allégués par les défenderesses sur le fondement de l’article 75 soulevaient des questions complexes de fait et de droit. Cependant, le Tribunal n’a pas affirmé que les questions de fait et de droit étaient complexes en soi, mais plutôt qu’il n’était pas approprié de les examiner dans le cadre d’une demande d’ordonnance provisoire et qu’il conviendrait davantage qu’il les examine sur le fondement de l’ensemble de la preuve au dossier en ayant eu l’avantage d’entendre les témoins de vive voix.

[23] Le Tribunal n’est également pas pour dire que la conduite de la demanderesse et ses allégations de complot ont prolongé l’audience ou ont alourdi la charge de travail des défenderesses. Nous estimons que l’audience s’est déroulée d’une manière efficace. Bien qu’il soit vrai que des questions importantes devaient être tranchées avant l’audience, le Tribunal est d’avis qu’aucune partie en particulier n’était précisément responsable de ces questions au point de justifier une majoration des dépens. Nous ne sommes également pas d’accord avec les défenderesses pour dire que l’allégation de complot formulée par la demanderesse justifie une majoration des dépens. Par conséquent, nous estimons qu’il n’existe aucun motif solide justifiant de s’éloigner du principe général selon lequel les dépens devraient être taxés conformément à la colonne III du tarif B. Nous nous pencherons plus loin sur les offres de règlement des défenderesses.

[24] Bien que nous soyons d’avis que la colonne III du tarif B devrait s’appliquer aux dépens de toutes les défenderesses, le Tribunal reconnaît que les avocats de Westco ont principalement mené le dossier tout au long de la phase préparatoire et de l’audience. Par exemple, Westco a mené essentiellement tous les contre-interrogatoires des témoins de la demanderesse durant l’audience, a cité le seul expert pour les défenderesses et ses observations finales portaient sur la plupart des questions se chevauchant. De plus, bien que chacune des parties ait présenté des plaidoiries, le travail de Westco était parfois simplement reproduit, en tout ou en partie, par Acadia et Dynaco. Nous estimons donc que les dépens payables à Dynaco et Acadia devraient

être taxés à un échelon plus bas que les dépens payables à Westco. Par conséquent, les dépens de Westco seront taxés conformément aux montants prévus au milieu de la fourchette de la colonne III du tarif B, alors que les dépens payables à Acadia et Dynaco seront taxés selon la fourchette minimale de la colonne III du tarif B. Notre décision ne traduit aucunement la qualité du travail effectué par les avocats de Dynaco et d’Acadia.

4) Combien de fois devrait-on calculer les honoraires d’avocats? [25] Westco prétend que la nature de l’instance ainsi que le volume et la complexité de la preuve, que ce soit sur le plan du droit ou de par sa nature réglementaire, financière et factuelle justifient un montant équivalent à deux fois les honoraires d’un avocat durant la phase préparatoire et à trois fois les honoraires d’un avocat durant la préparation de l’audience et l’audience même.

[26] Westco a eu recours à cinq avocats tout au long de l’audience et Nadeau en a eu recours à quatre. Nous sommes convaincus que la nature du travail préparatoire effectué en l’espèce nécessitait raisonnablement deux avocats. Par conséquent, nous estimons que la somme totale de Westco devrait être basée sur le milieu de la fourchette de la colonne III pour deux fois les honoraires d’un avocat durant la phase préparatoire, y compris la préparation de l’audience, et deux fois et demie les honoraires d’un avocat pour l’audience même. Les sommes globales de Dynaco et d’Acadia devraient être fixées selon la fourchette minimale de la colonne III pour un avocat chacun tout au long de la phase préparatoire et à l’audience.

5) Quel devrait être l’effet des offres de règlement des défenderesses? [27] Nous examinerons maintenant la pertinence des offres de règlement. Le 3 novembre 2008, deux semaines avant le début de l’audience, les défenderesses ont signifié des offres à la demanderesse. L’article 420 des Règles énonce les conséquences sur les dépens lorsqu’une partie obtient un jugement moins avantageux qu’une offre de règlement écrite. Il est rédigé comme suit :

420(2) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve du paragraphe (3), si le défendeur fait au demandeur une offre écrite de règlement, les dépens sont alloués de la façon suivante : a) si le demandeur obtient un jugement moins avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et le défendeur a droit, par la suite et jusqu’à la date du jugement au double de ces dépens mais non au double des débours;

420(2) Unless otherwise ordered by the Court and subject to subsection (3), where a defendant makes a written offer to settle, (a) if the plaintiff obtains a judgment less favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and the defendant shall be entitled to costs calculated at double that rate, but not double disbursements, from that date to the date of judgment; or

b) si le demandeur n’a pas gain de cause lors du jugement, le défendeur a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite et jusqu’à la date du jugement, au double de ces dépens mais non au double des débours.

Conditions Conditions (3) Les paragraphes (1) et (2) ne (3) Subsections (1) and (2) do not s’appliquent qu’à l’offre de apply unless the offer to settle règlement qui répond aux conditions suivantes : a) elle est faite au moins 14 jours (a) is made at least 14 days before the avant le début de l’audience ou de commencement of the hearing or l’instruction; trial; and b) elle n’est pas révoquée et n’expire (b) is not withdrawn and does not pas avant le début de l’audience ou expire before the commencement of de l’instruction. the hearing or trial. [28] Les offres de règlement des défenderesses étaient identiques et prévoyaient qu’elles accepteraient la demanderesse à titre de cliente pour sept périodes contingentaires à compter de l’acceptation de l’offre (une période contingentaire dure huit semaines). Pour les deux premières périodes contingentaires consécutives, elles fourniraient à la demanderesse tous les poulets produits conformément à leur contingent respectif. Durant les cinq périodes contingentaires consécutives suivantes, elles réduiraient graduellement leur approvisionnement à la demanderesse. Les offres prévoyaient la clause suivante à l’égard du prix :

[TRADUCTION] Le prix du poulet fourni durant la première période d’approvisionnement et la période de diminution d’approvisionnement sera a) le prix fixé par l’office de commercialisation du Nouveau-Brunswick en vigueur au moment l’approvisionnement est fait ou b) le prix de base le plus élevé offert à tout détenteur de contingent au Nouveau-Brunswick (y compris tout supplément ou prime offerts par Nadeau), selon celui qui est le plus élevé.

[29] L’acceptation de l’offre aurait entraîné le désistement de la demande sans frais. [30] Nadeau soutient que les défenderesses ne se sont pas conformées aux exigences de fond et techniques de l’article 420. Plus particulièrement, Nadeau prétend que l’exigence relative au préavis minimal n’a pas été respectée et que les offres 1) n’étaient pas claires, 2) ne donnaient pas un élément de compromis suffisant, 3) n’avaient pas été présentées en temps opportun, et 4) n’auraient pas mis fin au litige entre les parties.

(b) if the plaintiff fails to obtain judgment, the defendant is entitled to party-and-party costs to the date of the service of the offer and to costs calculated at double that rate, but not double disbursements, from that date to the date of judgment.

[31] À notre avis, les offres étaient claires, présentaient un élément de compromis raisonnable et auraient également mis fin au litige entre les parties.

[32] Nous nous pencherons maintenant sur le caractère opportun des offres. Nadeau fait valoir que les défenderesses n’ont pas respecté l’exigence relative au préavis minimal imposée par l’alinéa 420(3)a), lequel prévoit qu’une offre doit être « faite au moins 14 jours avant le début de l’audience ou de l’instruction ». Nadeau prétend également que les offres n’ont pas été faites en temps opportun, puisqu’au moment elles ont été signifiées, toutes les étapes essentielles requises avant l’audience conformément à l’ordonnance du Tribunal concernant les échéances étaient terminées.

[33] Nadeau présente deux arguments concernant l’exigence relative au préavis minimal. Tout d’abord, il prétend que les trois offres étaient toutes en retard d’une journée. Cet argument est réfuté par l’article 26 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, lequel prévoit que si le délai fixé pour la signification expire un jour férié (y compris un dimanche), alors la période de prescription est réputée expirer le premier jour ouvrable suivant. En l’espèce, le 2 novembre 2008 était un dimanche. Ainsi, le délai fixé pour la signification dans les circonstances aurait expiré le 3 novembre 2008.

[34] Ensuite, Nadeau fait valoir que les défenderesses Dynaco et Acadia n’ont pas respecté l’exigence relative au préavis minimal parce qu’elles ont signifié leur offre après 17 h le 3 novembre 2008.

[35] Le paragraphe 144(2) des Règles prévoit que la signification effectuée après 17 heures prend effet à 9 heures le jour ouvrable suivant, en l’espèce le 4 novembre 2008. Compte tenu de ce qui précède, afin de se conformer à l’exigence relative au préavis minimal prévue à l’alinéa 420(3)a), les défenderesses doivent avoir signifié leur offre de règlement respective au plus tard à 17 h le 3 novembre 2008. Dynaco et Acadia ont signifié leur offre quelques minutes après 17 h le 3 novembre 2008 et Westco a signifié son offre juste avant 17 h le même jour. Acadia et Dynaco n’ont pas respecté, sur le plan de la forme, l’alinéa 420(3)a) et, par conséquent, elles n’ont pas droit au double des dépens conformément à cette disposition. Westco a respecté l’exigence relative au préavis minimal. Cependant, un retard de seulement quelques minutes ne nous empêche pas d’exercer notre pouvoir discrétionnaire en vue d’accorder une majoration en raison des offres.

[36] Le respect de l’article 420 quant à la forme ne mène pas nécessairement au double des dépens pour Westco. Le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’en décider autrement, selon les circonstances. Dans B-Filer, même si la partie qui a fait l’offre a respecté l’exigence relative au préavis minimal prévue aux Règles, le Tribunal a conclu dans son examen que le caractère opportun de l’offre militait à l’encontre de l’application de l’article 420. Dans cette affaire, l’offre avait été signifiée environ un mois avant le début de l’audience. En l’espèce, les offres ont été signifiées deux semaines avant l’audience. Les déclarations des témoins ordinaires et les rapports d’expert de la demanderesse ont été présentés le 1 er octobre 2008. Les déclarations et les rapports des témoins des défenderesses ont été signifiés le 20 octobre 2008 et les déclarations et les rapports en réponse de la demanderesse ont été signifiés le 28 octobre 2008. Par conséquent, au moment les offres ont été signifiées à la demanderesse, sa preuve principale était essentiellement préparée.

[37] À notre sens, la date à laquelle les défenderesses ont choisi de présenter leurs offres milite à l’encontre de l’application complète de la règle du doublement des dépens. Les offres ont été faites au dernier moment possible dans une tentative apparente de respecter l’exigence relative au préavis minimal imposée par l’alinéa 420(3)a) et, à cette date, la plupart des étapes essentielles préalables à l’audience au fond étaient terminées. Dans ces circonstances et dans l’exercice de notre pouvoir discrétionnaire, nous estimons que les défenderesses ont droit à une majoration en raison des offres de règlement, mais non au double des dépens. Par conséquent, les défenderesses recevront une somme globale établie à 150 % de la fourchette applicable de la colonne III du tarif à partir du 3 novembre 2008 en raison de leur offre de règlement.

6) Les demandes fondées sur certains articles du tarif sont-elles autorisées? [38] Nadeau prétend que les défenderesses ont présenté des demandes exagérées ou abusives fondées sur un nombre d’articles énumérés au tarif B. Nous traiterons seulement des articles en litige.

i. Article 2 [39] Les défenderesses Acadia et Westco ont plusieurs réclamations au titre de l’article 2 du tarif portant sur la « [p]réparation et [le] dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés ». À notre avis, les défenderesses n’ont pas le droit de présenter plus d’une réclamation au titre de cet article (Abbott Laboratories Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 399, par. 10).

ii. Article 5 [40] Les défenderesses ont toutes présenté des réclamations au titre de l’article 5 du tarif portant sur la « [p]réparation et [le] dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant » relativement aux requêtes découlant des interrogatoires préalables. Les ordonnances statuant sur les requêtes mentionnées par les défenderesses étaient muettes quant aux dépens. Par conséquent, elles doivent être traitées comme si elles n’adjugeaient aucun dépens aux parties (Research in Motion c. Visto Corp., 2008 CF 618, 67 C.P.R. (4 th ) 219, par. 19). Les défenderesses n’ont donc pas le droit de réclamer des honoraires au titre de l’article 5.

iii. Article 7 [41] Les défenderesses ont présenté de multiples réclamations au titre de l’article 7 portant sur la « [c]ommunication de documents, y compris l’établissement de la liste, l’affidavit et leur examen ». Selon les circonstances de l’espèce, nous estimons que ces multiples réclamations devraient être accordées (Aird c. Country Park Village Properties (Mainland) Ltd., 2005 CF 1170, 169 A.C.W.S. (3 d ) 34, par. 22). Toutefois, les défenderesses auront uniquement droit à la moitié des unités applicables pour la préparation et l’inspection des affidavits de documents supplémentaires.

iv. Article 8 [42] L’article 8 portant sur la « [p]réparation d’un interrogatoire, y compris un interrogatoire préalable ou un interrogatoire relatif à un affidavit ou à l’appui d’une exécution forcée » peut être réclamé plus d’une fois. Westco a donc le droit de réclamer les honoraires pour la préparation des interrogatoires préalables de MM. Feenstra et Soucy au titre de l’article 8 du tarif. Les réclamations de Westco pour la préparation des interrogatoires des représentants des autres défenderesses, M. Faucher et M me Cloutier, ne seront pas accordées puisqu’il n’y avait pas de demande reconventionnelle et aucune question n’avait été soulevée par les avocats de Westco. Westco aurait pu obtenir des renseignements des autres défenderesses. Le même principe s’appliquera à Acadia. Elle a seulement le droit de réclamer les honoraires pour la préparation de ses propres témoins.

v. Article 9 [43] Nadeau soutient que les réclamations des défenderesses au titre de l’article 9 du tarif portant sur la « [p]résence aux interrogatoires, pour chaque heure » devraient être réduites. Le Tribunal estime que Westco a le droit de réclamer des honoraires parce que ses avocats ont assisté à l’interrogatoire préalable des représentants d’Acadia et de Dynaco nonobstant le fait qu’ils n’ont soulevé aucune question. Le même principe s’applique aux réclamations de Dynaco et Acadia au titre de l’article 9 du tarif. Par conséquent, les réclamations des défenderesses au titre de l’article 9 seront accordées.

vi. Article 12 [44] L’article 12 du tarif B prévoit un maximum de trois unités au titre de la colonne III pour des services liés à l’« [a]vis demandant l’admission de faits ou admission de faits; l’] avis de production à l’instruction ou à l’audience ou la] réponse à cet avis ». Nadeau prétend que Westco a présenté à tort six réclamations distinctes au titre de cet article pour la préparation des déclarations des témoins. Nous sommes d’accord, et Westco aura seulement droit aux honoraires précisés dans sa première réclamation au titre de l’article 12 du tarif.

vii. Article 23 [45] Westco a présenté 31 réclamations au titre de l’article 23 du tarif portant sur la « [p]résence lors d’un renvoi, d’une procédure de comptabilité ou d’une procédure du même genre, non prévue au présent tarif, pour chaque heure » concernant pour la plupart l’examen des déclarations des témoins et des affidavits des experts. À notre avis, Westco ne devrait pas avoir le droit de réclamer les honoraires pour l’examen des déclarations des témoins et des affidavits des experts. Cette tâche relève de l’article 13 du tarif. Les défenderesses ont déjà réclamé le maximum au titre de l’article 13 du tarif. Aucuns honoraires supplémentaires pour l’examen des déclarations des témoins ne seront adjugés.

viii. Article 24 [46] Les honoraires pour le « [d]éplacement de l’avocat pour assister à l’instruction, une audience, une requête, un interrogatoire ou une procédure analogue, à la discrétion de la Cour »

peuvent être payés au titre de l’article 24 du tarif. Nous sommes d’avis que les défenderesses ne devraient pas avoir le droit de réclamer les honoraires au titre de cet article à l’égard des déplacements à l’intérieur de leur ville de résidence. Westco et Dynaco auront seulement droit aux honoraires pour deux voyages aller-retour à Ottawa. À notre avis, un troisième voyage aller-retour n’était pas nécessaire compte tenu du fait que les parties savaient que l’audience serait ajournée tôt dans la semaine. Westco aura également droit aux honoraires pour avoir assisté aux contre-interrogatoires de M. Feenstra, de M me Cloutier et de M. Faucher. ix. Article 27 [47] Conformément aux Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/2008-141, les parties comparaissant devant le Tribunal doivent, avant l’audience, signifier les déclarations des témoins ordinaires, qui énoncent en entier la preuve principale de chacun d’eux. Aucun article du tarif ne porte sur la préparation des déclarations des témoins. Cependant, nous estimons qu’une partie ayant gain de cause devrait avoir le droit de réclamer les honoraires pour la préparation de ces déclarations qui servent à réduire la durée de l’audience. Nous sommes d’avis qu’ils devraient être réclamés au titre de l’article 27 du tarif portant sur les « [a]utres services acceptés aux fins de la taxation par l’officier taxateur ou ordonnés par la Cour ». Nous accepterons une réclamation distincte pour chacune des déclarations des témoins préparée par les défenderesses. S’agissant des autres réclamations au titre de l’article 27 du tarif, les défenderesses auront chacune droit à une réclamation à l’égard du travail effectué concernant l’offre et à une réclamation à l’égard des engagements.

7) Les débours sont-ils raisonnables et nécessaires? [48] La demanderesse conteste les montants réclamés par les défenderesses à l’égard des frais d’expertise, des déplacements, de l’hébergement et des repas, des photocopies, des transcriptions (des conférences préparatoires seulement) et des débours liés à la demande d’autorisation. Nous traiterons de tous ces articles l’un après l’autre.

[49] En examinant les débours, le Tribunal doit d’abord déterminer si les frais ont été encourus et, dans l’affirmative, s’ils étaient raisonnables et nécessaires (Abbott Laboratories Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 399, par. 15).

i. Frais d’expertise [50] Westco réclame les frais d’expertise et les débours qu’elle a encourus après avoir engagé son experte, Margaret Sanderson, au montant de 416 127,45 $. Madame Sanderson avait reçu l’aide d’autres associés de CRA International Limited CRA »). À l’égard des frais d’expertise seulement, Westco réclame 391 271 $, somme qui peut être décomposée comme suit :

a. Pour les honoraires de Margaret Sanderson : 258,75 heures à 600 $ de l’heure, pour un total de 155 250 $; b. Pour les honoraires de Andrius Baziliauskas (associé) : 308,75 heures à 450 $ de l’heure, pour un total de 138 937,50 $; c. Pour les honoraires de Courtney Stoddard (associée) : 3,75 heures à 350 $ de l’heure, pour un total de 1 312,50 $;

d. Pour les honoraires de divers « associés ou analystes » : 451,05 heures pour un total de 95 711 $; e. Pour les honoraires de toute autre « aide » : 0,50 heures à 120 $ de l’heure, pour un total de 60 $.

[51] Westco prétend que les frais d’expertise encourus étaient nécessaires et raisonnables compte tenu de l’importance vitale des questions économiques et financières à la solution du litige. Westco fait également valoir que le Tribunal s’est appuyé en grande partie sur la preuve d’expert de M me Sanderson et qu’il l’a généralement préféré à celle de la demanderesse. [52] Nadeau soutient qu’un remboursement raisonnable à l’égard des frais d’expertise encourus par Westco dans toutes les circonstances serait de 200 heures pour M me Sanderson à 450 $ de l’heure, pour un total de 90 000 $, plus la TPS. Nadeau prétend qu’aucun montant n’est remboursable pour les frais facturés par quiconque autre que Margaret Sanderson. Elle fait également valoir que le temps consacré à diverses tâches par CRA était excessif et déraisonnable et que le taux horaire facturé par M me Sanderson était excessif. [53] Madame Sanderson était la seule experte appelée à témoigner pour le compte des défenderesses et la seule experte à soumettre un rapport. Toutefois, elle s’est appuyée sur le travail effectué par ses associés et le personnel de soutien, sans lequel elle aurait pris plus de temps pour terminer sa tâche (Aerlinte Eireann Teoranta c. Canada, [1993] A.C.F. n o 1462 (QL)). Par conséquent, le Tribunal accordera certains frais liés au travail effectué par ces personnes.

[54] Penchons-nous maintenant sur la raisonnabilité des heures réclamées et des taux horaire facturés. Nous traiterons M me Sanderson et les autres associés de CRA séparément. Les factures de CRA indiquent que M me Sanderson a consacré 258,75 heures au dossier en effectuant diverses tâches, comme examiner les affidavits, rédiger son rapport d’expert, aider les avocats avec la préparation des interrogatoires préalables et avec les contre-interrogatoires des témoins au procès. À notre avis, la participation de M me Sanderson à ces tâches était nécessaire compte tenu de l’importance des questions économiques et financières à la solution du litige. De plus, dans son rapport d’expert, elle analysait diverses questions, comme la définition du marché en amont et du marché en aval, les effets sur la concurrence et l’effet de l’incapacité de Nadeau à obtenir de l’approvisionnement. Étant donné la rigueur de son travail et la nécessité de sa participation tout au long de la phase préparatoire et à l’audience, nous sommes d’avis que les heures réclamées par M me Sanderson étaient raisonnables et seront donc accordées. [55] Nous estimons également que le taux horaire facturé par M me Sanderson était raisonnable. Madame Sanderson a facturé 600 $ de l’heure pour ses services, pour un total de 155 250 $. Son rapport d’expert et son témoignage oral portaient sur toutes les questions, et c’est sur eux que le Tribunal s’est appuyé. Selon nous, ils étaient indispensables à la preuve des défenderesses.

[56] Nous nous pencherons maintenant sur les honoraires et les heures réclamés par les analystes et les associés de CRA. Comme nous l’avons déjà mentionné, le Tribunal est prêt à accorder certains frais liés au travail effectué par divers analystes ou associés de CRA. Toutefois, il est difficile pour le Tribunal d’établir que chaque réclamation pour le temps de travail de ces personnes était raisonnablement nécessaire puisqu’il n’a pas eu l’occasion d’examiner le travail

que chacune avait effectué. De même, le Tribunal ne peut déterminer si les taux horaire facturés étaient raisonnables puisqu’il n’a pas été avisé de l’expertise ou de l’expérience de travail de chaque analyste ou associé. Quoi qu’il en soit, nous estimons que le montant total facturé par CRA est excessif. Bien que nous reconnaissions la raisonnabilité des heures de M me Sanderson pour son travail au dossier, nous somme d’avis qu’il est excessif de réclamer 764,05 heures de plus pour les autres analystes ou associés qui l’ont aidée. Autrement dit, il semble y avoir une certaine duplication du travail. Quoi qu’il en soit, conformément au pouvoir discrétionnaire du Tribunal et à sa reconnaissance que M me Sanderson a reçu une certaine aide de divers analystes et associés, le Tribunal est prêt à accorder 50 000 $ pour le travail effectué par ces personnes.

[57] Les factures de CRA comportent également des dépenses liées aux déplacements, aux frais de bibliothèque et aux services de réseaux informatiques, ainsi que d’autres dépenses. À notre sens, ces dépenses ne sont pas remboursables puisque Westco n’a pas établi qu’elles étaient raisonnables et nécessaires. Par exemple, aucun détail n’a été fourni pour expliquer ce que représentent les « services de réseaux informatiques ».

[58] Pour ces motifs, Westco a le droit de recouvrir 205 250 $ en débours liés aux frais d’expertise.

ii. Hébergement, déplacements et repas [59] Les débours liés aux déplacements et à l’hébergement de Westco devraient être basés sur les honoraires d’avocat adjugés précédemment. Les frais de déplacement pour les avocats de Westco et Dynaco concernant l’audience seront limités à deux voyages aller-retour à Ottawa. Nous estimons que les frais d’hébergement d’Acadia étaient raisonnables et nécessaires et seront donc accordés tels qu’ils ont été réclamés.

[60] Les dépenses liées à la présence de M. Soucy au procès seront limitées au moment il témoignait. D’autres dépenses encourues par M. Soucy pour sa présence au procès et les dépenses encourues par M. Jean-Yves Lavoie ne seront pas accordées puisqu’elles sont normalement assumées par le client (Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd., 2006 CF 1333, 57 C.P.R. (4 th ) 58, par. 25). Les frais d’hébergement raisonnables liés à la présence de M me Sanderson au procès seront accordés. iii. Copies [61] Westco réclame 52 839,75 $ pour les frais de photocopie à 0,25 $ la page. Nadeau soutient que la réclamation de Westco quant aux frais de photocopie n’a pas été justifiée, en ce sens qu’aucun renseignement n’a été fourni quant au coût réel des photocopies. Dans Janssen-Ortho, le juge Hughes a affirmé ce qui suit au paragraphe 16 :

[16] Les frais de photocopie sont admissibles, lorsque cela est indiqué dans les présents motifs, au taux réel facturé qui ne doit cependant pas excéder 0,25 $ la page. Je suis conscient que certains cabinets d’avocat peuvent avoir créé des centres de copie maison, probablement comme entités distinctes du cabinet. À cet égard, les commentaires de la Cour dans la décision Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp, [1990] A.C.J. n o 1056 (QL), sont pertinents lorsqu’il est dit que le

montant de 0,25 $ la page n’est pas un montant qui peut être facturé sans plus. Lorsqu’on a recours à un service interne, il faut informer l’officier taxateur du coût réel. La Cour a dit :

En toute déférence, je ne peux souscrire au raisonnement de l’officier taxateur. Les photocopies ne constituent un débours admissible que si elles sont essentielles à la conduite de l’action. Elles visent à défrayer le plaideur du coût réel de la photocopie. Les frais de 25 cents la feuille réclamés par le cabinet de l’avocat des demanderesses constituent des frais arbitraires et ils ne correspondent pas au coût réel de la photocopie. Les activités d’un cabinet d’avocats ne consistent pas à réaliser un bénéfice sur ses photocopieurs. Le cabinet d’avocats doit faire payer le coût réel et il incombe à celui qui réclame ces débours de convaincre l’officier taxateur du coût réel des photocopies essentielles.

[62] Le Tribunal reconnaît que l’instance exigeait un volume important de copies. Cependant, nous estimons que Westco n’a présenté aucune preuve pour établir les coûts réels de la photocopie. Dans leurs observations, les avocats de Westco indiquent que [TRADUCTION] « Westco a assumé 0,25 $ la page pour les photocopies ». C’est le coût réel d’une photocopie qui est pertinent, et non le coût facturé au client. Nous accorderons seulement les coûts réels encourus pour les photocopies, payables lors du dépôt de la preuve des coûts réels des photocopies essentielles.

iv. Transcriptions [63] Les défenderesses réclament le coût des transcriptions des conférences sur la gestion du dossier tenues le 5 septembre et le 6 novembre 2008. Ces conférences portaient sur des questions procédurales, et le Tribunal a rendu des ordonnances énonçant les obligations des parties en raison de ces conférences sur le dossier. Nous sommes donc d’avis que ces transcriptions n’étaient pas nécessaires. Par conséquent, les coûts pour ces débours ne seront pas accordés.

v. Coûts relatifs à la demande d’autorisation [64] Westco a réclamé 3 368,88 $ en débours liés à la demande d’autorisation fondée sur l’article 103.1 de la Loi. Dans B-Filer, le Tribunal a refusé d’accorder les dépens liés à la demande d’autorisation en fonction principalement du fait que l’ordonnance du Tribunal portant sur la demande d’autorisation était muette quant aux dépens. La juge Dawson, s’exprimant au nom de la formation du Tribunal, a affirmé ce qui suit au paragraphe 41 de la décision :

En terminant sur cette question, nous soulignons que ce résultat est conforme au principe énoncé dans Orkin, The Law of Costs, au par. 105.7 (édition feuilles mobiles (Aurora, Canada Law Book Inc., 2000)), selon lequel si une question est tranchée par suite d’une requête, sans qu’il soit fait mention des dépens, [TRADUCTION] « c’est comme si le juge qui tranche avait dit qu’il jugeait bon de ne pas rendre d’ordonnance sur les dépens ».

[65] En l’espèce, la demanderesse a eu gain de cause dans la demande d’autorisation et l’ordonnance relative à la demande d’autorisation était muette quant aux dépens. Par conséquent, les débours liés à la demande d’autorisation ne seront pas accordés.

[66] Afin d’aider le Tribunal dans l’adjudication d’une somme globale, les défenderesses devront toutes fournir un mémoire de dépens révisé, fondé sur les présents motifs, conformément à l’ordonnance suivante.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT : [67] La question des dépens sera tranchée à une date ultérieure. [68] Les défenderesses prépareront chacune un autre projet de mémoire de dépens conformément aux présents motifs, et ce mémoire sera signifié et déposé dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance.

[69] Les défenderesses peuvent joindre à leur mémoire des observations écrites supplémentaires qui ne doivent pas excéder 10 pages.

[70] Par la suite, Nadeau peut signifier et déposer ses observations en réponse, qui ne doivent pas excéder 10 pages, dans les 14 jours suivant la signification des observations des défenderesses.

[71] Les défenderesses peuvent signifier et déposer des observations en réponse, qui ne doivent pas excéder cinq pages, dans les 7 jours suivant la signification des observations en réponse de Nadeau.

FAIT à Ottawa, ce 21 e jour de janvier 2010. SIGNÉ au nom du Tribunal par les membres de la formation. (s) Edmond P. Blanchard (s) Henri Lanctôt (s) P. André Gervais

Traduction certifiée conforme Mylène Boudreau

ANNEXE [72] Article 400 des Règles des Cours fédérales : 400(1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

La Couronne (2) Les dépens peuvent être adjugés à la Couronne ou contre elle. Facteurs à prendre en compte (3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants : a) le résultat de l’instance; b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées; c) l’importance et la complexité des questions en litige; d) le partage de la responsabilité; e) toute offre écrite de règlement; f) toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421; g) la charge de travail; h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens; i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance; j) le défaut de la part d’une

400(1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

Crown (2) Costs may be awarded to or against the Crown. Factors in awarding costs (3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider (a) the result of the proceeding; (b) the amounts claimed and the amounts recovered; (c) the importance and complexity of the issues; (d) the apportionment of liability; (e) any written offer to settle; (f) any offer to contribute made under rule 421; (g) the amount of work; (h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs; (i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding; (j) the failure by a party to

partie de signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait être admis; k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas : (i) était inappropriée, vexatoire ou inutile, (ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection; l) la question de savoir si plus d’un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense; m) la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes; n) la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l’application des règles 292 à 299; o) toute autre question qu’elle juge pertinente. Tarif B (4) La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.

admit anything that should have been admitted or to serve a request to admit; (k) whether any step in the proceeding was (i) improper, vexatious or unnecessary, or (ii) taken through negligence, mistake or excessive caution; (l) whether more than one set of costs should be allowed, where two or more parties were represented by different solicitors or were represented by the same solicitor but separated their defence unnecessarily; (m) whether two or more parties, represented by the same solicitor, initiated separate proceedings unnecessarily; (n) whether a party who was successful in an action exaggerated a claim, including a counterclaim or third party claim, to avoid the operation of rules 292 to 299; and (o) any other matter that it considers relevant. Tariff B (4) The Court may fix all or part of any costs by reference to Tariff B and may award a lump sum in lieu of, or in addition to, any assessed costs.

Directives de la Cour (5) Dans le cas la Cour ordonne que les dépens soient taxés conformément au tarif B, elle peut donner des directives prescrivant que la taxation soit faite selon une colonne déterminée ou une combinaison de colonnes du tableau de ce tarif. Autres pouvoirs discrétionnaires de la Cour (6) Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut : a) adjuger ou refuser d’adjuger les dépens à l’égard d’une question litigieuse ou d’une procédure particulières; b) adjuger l’ensemble ou un pourcentage des dépens taxés, jusqu’à une étape précise de l’instance; c) adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat-client; d) condamner aux dépens la partie qui obtient gain de cause. Adjudication et paiement des dépens

(7) Les dépens sont adjugés à la partie qui y a droit et non à son avocat, mais ils peuvent être payés en fiducie à celui-ci.

Directions re assessment (5) Where the Court orders that costs be assessed in accordance with Tariff B, the Court may direct that the assessment be performed under a specific column or combination of columns of the table to that Tariff. Further discretion of Court (6) Notwithstanding any other provision of these Rules, the Court may (a) award or refuse costs in respect of a particular issue or step in a proceeding; (b) award assessed costs or a percentage of assessed costs up to and including a specified step in a proceeding; (c) award all or part of costs on a solicitor-and-client basis; or (d) award costs against a successful party. Award and payment of costs

(7) Costs shall be awarded to the party who is entitled to receive the costs and not to the party’s solicitor, but they may be paid to the party's solicitor in trust.

AVOCATS : Pour la demanderesse Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited Leah Price Myriah Graves

Pour les défenderesses Groupe Westco Inc. Eric C. Lefebvre Martha Healey Denis Gascon Alexandre Bourbonnais Geoffrey Conrad

Groupe Dynaco, Coopérative Agroalimentaire Olivier Tousignant Paul Routhier Louis Masson Paul Michaud

Volailles Acadia S.E.C. et Volailles Acadia Inc./Acadia Poultry Inc. Valérie Belle-Isle

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.