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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal TRADUCTION OFFICIELLE Référence : Nadeau Ferme Avicole Limitée c. Groupe Westco Inc. et autres, 2009 Trib. conc. 03 de dossier : CT-2008-004 Numéro de document du greffe : 0456

DANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, et ses modifications; ET DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited en vue d’obtenir une ordonnance en vertu de l’article 75 de la Loi sur la concurrence;

ET DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited en vue d’obtenir une ordonnance provisoire en vertu de l’article 104 de la Loi sur la concurrence;

ET DANS L’AFFAIRE d’une requête présentée par Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited en vue d’obtenir une ordonnance de justification;

ET DANS L’AFFAIRE d’une requête présentée par la défenderesse Groupe Westco Inc. en vue d’obtenir une ordonnance ou une directive dans le cadre de l’ordonnance provisoire du Tribunal en matière d’approvisionnement.

ENTRE : Nadeau Ferme Avicole Limitée/ Nadeau Poultry Farm Limited (demanderesse)

et Groupe Westco Inc. et Groupe Dynaco, Coopérative Agroalimentaire, et Volailles Acadia S.E.C. et Volailles Acadia Inc./Acadia Poultry Inc. (défenderesses)

Dates d’audience : 20090209 et 20090210 Juge président : le juge Blanchard Date des motifs et de l’ordonnance : 26 février 2009 Motifs et ordonnance signés par : le juge Edmond P. Blanchard

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE CONCERNANT LA REQUÊTE DE LA DEMANDERESSE EN VUE D’OBTENIR UNE ORDONNANCE DE JUSTIFICATION

[1] La demanderesse, Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farms Limited (la « demanderesse »), présente une requête en vue d’obtenir une ordonnance conformément à l’article 8 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. 1985, ch. 19 (2 e suppl.) exigeant que les défenderesses, Groupe Westco Inc. Westco »), Groupe Dynaco, Coopérative Agroalimentaire Dynaco »), Volailles Acadia S.E.C. et Volailles Acadia Inc./Acadia Poultry Inc. (collectivement, « Acadia »), expliquent les motifs pour lesquels elles ne devraient pas être déclarées coupables d’outrage relativement à l’ordonnance provisoire du Tribunal datée du 26 juin 2008 ordonnance provisoire »). Elle demande subsidiairement que l’ordonnance susmentionnée soit rendue contre la défenderesse Westco uniquement.

[2] Le critère à suivre dans le cas d’une requête visant à obtenir une ordonnance de justification a été établi par le juge Pratte dans l’arrêt R. c. Perry, [1982] 2 C.F. 519 (C.A.F.), à la p. 525 il a déclaré ce qui suit :

À mon avis, cette décision est mal fondée. Le juge de première instance n'avait pas à déterminer si les contrôleurs aériens avaient fait preuve d'« une attitude publique de défiance et de mépris » envers l'injonction prononcée par le juge Walsh. Il n'avait pas non plus à préjuger de ce que serait le jugement ultime de la Cour, si l'ordonnance de justification était accordée. Il lui incombait de déterminer si les affidavits produits au soutien de la demande établissaient prima facie que les personnes dont les noms figuraient à l'annexe A de l'avis de requête, ou certaines d'entre elles, avaient transgressé l'injonction prononcée par le juge Walsh. Si une telle preuve était faite, le juge devait rendre l'ordonnance de justification, à moins qu'il ne soit clairement établi qu'il s'agissait d'une violation tellement insignifiante ou d'une violation qui s'était produite dans des circonstances telles qu'il devenait, selon lui, indiscutablement inutile de la sanctionner.

(Non souligné dans l’original.) [3] Ce critère formulé par le juge Pratte dans l’arrêt Perry a été subséquemment adopté par le Tribunal dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Chrysler Canada Ltée (1992), 44 C.P.R. (3d) 430, [1992] D.T.C.C. no. 9 (QL).

[4] Les obligations énoncées dans l’ordonnance provisoire sont claires. Les défenderesses doivent fournir 271 350 poulets vivants par semaine à la demanderesse, à l’exception de tout approvisionnement de remplacement en poulets vivants que la demanderesse réussira à trouver au cours de la période provisoire.

[5] La demanderesse affirme qu’en raison du libellé de l’ordonnance provisoire, les défenderesses sont collectivement responsables de fournir à Nadeau une provision hebdomadaire de 271 350 poulets vivants. À cet égard, il est reconnu qu’aucune des défenderesses ne peut être tenue entièrement responsable en vertu des conditions de l’ordonnance provisoire. En outre, le Tribunal prévoit expressément, dans son ordonnance provisoire, une approche proportionnelle si les défenderesses ne parviennent pas à s’entendre sur la répartition de la réduction :

[59] En l'absence d'entente entre les défenderesses, la diminution d'approvisionnement mentionnée au paragraphe précédent se fera au prorata du niveau actuel d'approvisionnement fourni par chacune d'entre elles à la demanderesse.

[6] Pour ces raisons, il convient d’examiner les thèses et les obligations des parties de façon distincte. Étant donné la preuve fournie à l’audience relativement à la demande provisoire, la répartition au prorata de l’obligation qui leur incombe collectivement devrait être la suivante :

a) 186 230 poulets par semaine de la part de la défenderesse Westco; b) 26 450 poulets par semaine de la part de la défenderesse Dynaco; c) 58 670 poulets par semaine de la part de la défenderesse Acadia. [7] Dans les circonstances et étant donné que les défenderesses ont admis qu’elles n’avaient pas fourni les quantités de poulet requises, il y a, à première vue, violation de l’ordonnance provisoire de leur part.

[8] Toutefois, il ne s’ensuit pas pour autant nécessairement que l’ordonnance de justification doit viser toutes les défenderesses. J’estime qu’Acadia et Dynaco ne devraient pas être visées par une telle ordonnance parce que le défaut de respecter leurs obligations s’explique en grande partie par la réduction des quotas. Le Tribunal est d’avis qu’Acadia et Dynaco auraient respecté son ordonnance provisoire n’eût été la réduction. Le Tribunal conclut par conséquent que la violation s’est produite dans des circonstances telles « qu’il devenait […] indiscutablement inutile de la sanctionner ».

[9] Ceci étant dit, je dois faire remarquer que ni l’une ni l’autre des parties n’a déployé d’effort pour se conformer à l’ordonnance provisoire, une fois que les quotas ont été réduits. Elles auraient pu prendre des mesures simples et raisonnables pour éviter de se rendre coupables d’outrage, notamment en demandant une modification de l’ordonnance provisoire ou d’être libérés des obligations en matière de quotas. Les ordonnances du Tribunal sont importantes et ne doivent pas être ignorées. Dès qu’un doute survient concernant la capacité d’une partie de se conformer aux conditions d’une ordonnance, il convient de demander au Tribunal de se prononcer à cet égard.

[10] La défenderesse Westco a affirmé, à l’instruction de la requête en justification, que les réductions de quotas ne sont pas l’unique raison pour laquelle elle ne peut pas se conformer à l’ordonnance provisoire :

LE PRÉSIDENT : Alors, essentiellement, ce que vous avancez, Maître Lefebvre, c’est que c’est les quotas. On ne peut se conformer à l’ordonnance telle qu’elle est écrite en raison des ajustements de quotas, si je comprends bien?

M e LEFEBVRE : Pas en ce qui concerne Westco. De deux choses l’une : le quota fait en sorte qu’on doit inévitablement réduire la production et Westco doit -- Nadeau doit accepter, comme par le passé, que quand la production est réduite, elle va recevoir moins de poulets. Deuxième volet, Westco -- et c’est clairement indiqué dans notre mémoire -- ne peut pas, comme l’a suggéré Nadeau, tout simplement élever plus de poulets et les sortir plus tôt pour qu’ils aient un poids moyen plus petit et ça en raison du fait que le

type génétique de poulet que Westco élève fait en sorte qu’elle doit être vaccinée à un moment précis et, après le vaccin, le poulet doit passer un certain nombre de jours avant

d’être abattu.

Il existe une preuve importante qui indique que Westco est l’unique partie à avoir modifié considérablement sa façon d’approvisionner la demanderesse en poulets par rapport à ses pratiques antérieures. Westco s’occupe d’augmenter la taille de ses poulets depuis septembre 2008 et réduit de ce fait considérablement la quantité de poulets qu’il livre à Nadeau. L’augmentation de la taille des poulets est problématique pour Nadeau, étant donné les spécifications des clients. Nadeau fait valoir que Westco a eu amplement le temps de rajuster le volume de sa production pour satisfaire aux conditions de l’ordonnance provisoire. Nadeau reconnaît qu’Acadia et Dynaco ont continué de lui fournir une quantité de poulets acceptable et conforme à leur pratique passée.

[11] Je conclus que la demanderesse a établi, à première vue, que Westco a violé l’ordonnance provisoire dans des circonstances telles qu’il n’est pas clairement établi « qu’il devenait […] indiscutablement inutile de la sanctionner ». Il vaudrait mieux que la question de savoir si Westco est, de fait, coupable d’outrage relativement à l’ordonnance susmentionnée ou celle de savoir si elle peut justifier ses activités soient tranchées à l’audience pour outrage en examinant le dossier complet.

POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT : [12] La requête est rejetée sans frais, relativement à Acadia et à Dynaco. [13] La requête est accueillie relativement à Westco et une audience de justification est ordonnée.

[14] La défenderesse Westco comparaîtra devant le Tribunal à la date qui sera subséquemment déterminée pour entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché (pour reprendre le libellé de l’alinéa 467(1)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106), à savoir :

[TRADUCTION] À compter du 15 septembre 2008 et de façon continue par la suite, elle a omis d’approvisionner la demanderesse en poulets vivants selon la quantité précisée dans l’ordonnance provisoire du Tribunal datée du 26 juin 2008.

[15] La défenderesse Westco devra être prête à présenter une défense à l’audience pour outrage.

[16] Une conférence sur la gestion de l’instance aura lieu à l’heure et à l’endroit qui seront déterminés en vue de fixer la date de l’audience pour outrage.

FAIT à Vancouver, ce 26 e jour de février 2009. SIGNÉ au nom du Tribunal par le juge présidant l’audience. (s) Edmond P. Blanchard

Traduction certifiée conforme Danielle Benoit

AVOCATS : Pour la demanderesse Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited Leah Price Joshua Freeman

Pour les défenderesses Groupe Westco Inc. Éric C. Lefebvre Geoffrey Conrad Martha Healey

Groupe Dynaco, Coopérative Agroalimentaire Olivier Tousignant Volailles Acadia S.E.C. et Volailles Acadia Inc./Acadia Poultry Inc. Valérie Belle-Isle

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