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TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE EN MATIERE DE la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34 et ses modifications, et des Regles du Tribunal de la concurrence, DORS/94-290;

ET EN MATIERE D'UNE demande de Nadeau Ferme Avicole Limitee aux tcrmes de I' article 75 de la Loi sur la concurrence concemant une allegation de refus de vendre de la part de Groupe Westco Inc. et al.

ENTRE: NADEAU FERME AVICOLE LIM1TEE Demanderesse ET GROUPE WESTCO INC ET GROUPE DYNACO, COOPERATIVE AGROALIMENTAIRE ET VOLAILLES ACADIA S.E.C. ET VOLAILLES ACADIA INC.

Defonderesses

REPONSE DE LA DEFENDERESSE GROUPE WESTCO INC. Me Denis Gascon Mme Martha A. Healey Me Eric C. Lefebvre M. Alexandre Bourbonnais Ogilvy Renault, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Bureau 1100 198 l, rue McGill College Montreal (Quebec) H3A 3Cl

Procurcurs de la dcfcnderesse Groupe \Vestco Inc.

F R. I •ft ~ u I - t:lGISTlAilE T GTTAWA, ONT. . ,

Numero de dossier : CT-2008-004 N umero du document du Greffe : - ---

P'---;~;&i>A.}J.~;,~._~u~.N~A~l--i: 'CONOllRENCl p

- 2 -A : Registraire Tribunal de la concurrence L'edifice Thomas D'Arcy McGee Bureau 600 90, rue Sparks Ottawa (Ontario) KIP 5B4 Tel. : (613) 954-0857 Fax: (613) 952-1123

Mme Leah Price Mme Andrea McRae Fogler, Rubinoff LLP #1200-95, rue Wellington Est Toronto (Ontario) M51 2Z9 Procureurs de la demanderesse Nadeau Ferme Avicole Limitee Tel.: (416) 365-3716 Fax: (416) 941-8852

Me Paul Routhier Me Paul Michaud Me Louis Masson Joli-Coeur, Lacasse, Geoffrion, Jette, St-Pierre Bureau 600 1134, Grande Allee Quest Quebec (Quebec) GlS 1E5 Procureurs de la defenderesse Groupe Dynaco, Cooperative agroalimentaire Tel.: (418) 681-7007 Fax: (418) 681-7100

Me Pierre Beaudoin Me Valerie Belle-Isle Lavery, De Billy s.e.n.c.r.l. Bureau 500 925 Grande-Allee Ouest Quebec (Quebec) GIS lCl Procureurs des defenderesses Volailles Acadia S.E.C. et Volailles Acadia Inc. Tel. : (418) 266-3068 Fax: (418) 688-3458

- 3 -TABLE DES MATIERES I. INTRODUCTION .................................................................................................................. 5 A. Contexte de la Demande de Nadeau .................................................................................. 5 B. Conditions de !'article 75 .................................................................................................. 6 C. Portee de l'ordonnance ...................................................................................................... 9 D. Decision recherchee ......................................................................................................... 10 II. LES FAITS ............................................................................................................................ 10 A. Lesparties ........................................................................................................................ 10 1. Westco ..................................................................................................................... 10 2. Nadeau et Maple Lodge Holding Corporation ........................................................ 12 B. L'industrie du poulet au Canada ..................................................................................... .14 1. Le regime legislatif. ................................................................................................. 14 2. Un commerce interprovincial florissant.. ................................................................ 16 C. La relation entre Westco et Nadeau ................................................................................ .20 1. Menaces et refus de la part de Nadeau .................................................................... 20 2. Terminaison de l'approvisionnement de Nadeau .................................................... 22 3. Projet de nouvel abattoir ......................................................................................... 23 D. Les initiatives de Nadeau ................................................................................................. 24 III. SOUMISSIONS ..................................................................................................................... 24 A. Le contexte de I' article 75 de la Loi ............................................................................... .24 1. Le concept de statu quo ........................................................................................... 25 2. Les marches pertinents ............................................................................................ 27 B. Les conditions devant etre remplies en vertu de I' article 75 de la Loi ........................... .28 1. Nadeau n'est pas sensiblement genee dans son entreprise ou empechee d'exploiter une entreprise (paragraphe 75(1)(a)) .................................................... 28

- 4 -2. Nadeau n'est pas incapable de se procurer le produit de fa;on suffisante, ou que ce soit sur un marche (paragraphe 75(1)(a)) ................................................ 32

3. Il n'y a aucune preuve d'incapacite de se procurer le produit de fa;on suffisante sur un marche «en raison» d'une insuffisance de concurrence entre les foumisseurs (paragraphe 75(1)(b)) ........................................................... 34

4. Les conditions de commerce normales (paragraphe 75(1)(c)) ................................ 36 5. Le poulet vivant n'est pas un produit au sens de l'article 75 .................................. 36 6. Les poulets de Westco ne sont pas disponibles en quantite amplement suffisante (paragraphe 7 5 ( 1) ( d)) .............................................................................. 3 7

7. La decision de W estco n' aura pas pour effe t de nuire a la concurrence dans le marche (paragraphe 75(1)(e)) ..................................................................... 38

C. Le Tribunal ne devrait pas exercer sa discretion en faveur de Nadeau .......................... .41 D. Portee de l'ordonnance .................................................................................................... 43 IV. ORDONNANCE DEMANDEE ET v ARIA ...................................................................... 46

- 5 -I. INTRODUCTION 1. La defenderesse Groupe Westco Inc. ( « Westco ») s' oppose a la demande de la demanderesse Nadeau Ferme Avicole Limitee («Nadeau») en vertu de !'article 75 de la Loi sur la concurrence ( « Loi ») ;

2. Westco admet les motifs et les faits importants contenus aux paragraphes 2, 8, 24, 42 et 43 de la demande deposee par Nadeau en vertu de !'article 75 de la Loi(« Demande de Nadeau»);

3. Westco ignore les motifs et les faits importants contenus aux paragraphes 1, 3 a 7, 12 a 14, 25 a 28 et 46 de la Demande de Nadeau;

4. w estco nie les motifs et les faits importants contenus aux paragraphe s ' 9 a 11, 15 a 23' 29 a 41, 44 et 45 de la Demande de Nadeau;

5. Les motifs d'opposition et les faits importants sur lesquels se fonde Westco sont les suivants;

A. Contexte de la Demande de Nadeau 6. La Demande de Nadeau recherche le maintien du statu quo dans son approvisionnement de poulets et n'est qu'une tentative indirecte d'obtenir une garantie exclusive d' approvisionnement qui deborde le cadre legislatif actuel, que les auto rites provinciale et federale competentes lui ont refusee a ce jour, et que le Tribunal n'a pas la juridiction

d'imposer;

7. La decision de Westco de cesser ses approvisionnements a Nadeau est la resultante d'une decision d'affaires legitime et rationnelle de Westco visant a poursuivre !'integration

verticale de ses operations en ajoutant I' abattage de poulets et la mise en marche des poulets transformes a sa gamme d'activites;

8. Westco soumet que !'article 75 n'a pas pour objet deviser de telles situations; 9. Accorder l'ordonnance recherchee par Nadeau creerait un precedent eminemment anti-concurrentiel et serait contraire a la lettre et a I' esprit de la Loi car cela cautionnerait la

- 6 ­position dominante de Nadeau dans l'abattage de poulets au Nouveau-Brunswick et empecherait Westco de garder ses poulets pour elle-meme et son partenaire d'affaires, de mener a terme son projet de transformer elle-meme ses propres poulets et d'ainsi degager des efficiences lui permettant d'offrir une concurrence accrue sur le marche de la vente des poulets transformes;

10. Accorder l' ordonnance recherchee par Nadeau empieterait aussi sur les competences provinciale et federale en matiere de reglementation du poulet, car une telle decision confererait a !'abattoir situe a St-Frarn;ois au Nouveau-Brunswick («Abattoir St-Fran~ois ») une garantie d'approvisionnement restreignant le commerce interprovincial. Cela, alors que les autorites reglementaires ont refuse d'accorder a Nadeau cette garantie jusqu'a maintenant. De plus, une telle ordonnance annulerait les licences que Westco a validement obtenues pour vendre sa production dans le commerce interprovincial a compter du 20 juillet 2008;

11. A court comme a long terme, l'ordonnance recherchee par Nadeau denaturerait tant les dispositions de !'article 75 de la Loi sur le refus de vendre que le regime legislatif et reglementaire canadien sur le poulet;

B. Conditions de l'article 75 12. Westco soumet que les conditions necessaires pour qu'une ordonnance puisse etre accordee aux termes de l'article 75 de la Loi ne sont pas remplies;

13. Le droit au statu quo ou a une garantie d'approvisionnement n'est tout simplement pas reconnu par les dispositions de la Loi en matiere de refus de vendre. En fait, le droit au statu quo n'existe nulle part dans le cadre des dispositions non-criminelles de la Loi;

14. Plus specifiquement, la Demande de Nadeau ne rencontre pas plusieurs des criteres etablis par l'article 75 pour qu'une ordonnance soit emise;

15. Nadeau n'a pas demontre quels sont les marches pertinents pour etablir son incapacite a se procurer les poulets vivants et l'insuffisance de concurrence entre les foumisseurs de poulets vivants, ou encore pour demontrer l'effet que la decision de Westco pourrait avoir sur la concurrence dans le marche :

- 7 -a) Pour les fins des paragraphes 75(1)(a) et (b) de la Loi, ce marche est celui de la vente et de l'achat de poulets vivants et regroupe a tout le moins tousles eleveurs situes au Quebec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse et a l'Ile-du-Prince-Edouard («Est du Canada»);

b) Pour les fins du paragraphe 75(1)(e) de la Loi, ce marche est celui de la vente de poulets transformes et regroupe a tout le moins tous les abattoirs situes en Ontario et dans l'Est du Canada, avec lesquels Nadeau est en concurrence et auxquels les clients de Nadeau ont ou peuvent avoir recours;

16. Nadeau n'est pas sensiblement genee dans son entreprise en raison de la decision de Westco puisqu' elle continuera, avec ses autres sources d' approvisionnement existantes et potentielles, de maintenir son volume historique de poulets et atteindra ses propres seuils de survie et de viabilite;

17. Nadeau n'est pas incapable de se procurer des poulets de fa9on suffisante ou que ce soit sur un marche car :

a) Nadeau n'a meme pas fait de tentatives de trouver des produits de remplacement ou d' autres sources d' approvisionnement pour ses poulets;

b) A tout evenement, ii y a plusieurs sources potentielles alternatives d'approvisionnement de poulets qui sont situees a l'exterieur de la province du Nouveau-Brunswick (au Quebec, en Nouvelle-Ecosse ou meme en Ontario) et auxquelles Nadeau pourra faire appel pour obtenir suffisamment de poulets pour operer son entreprise et pour remplacer, en tout ou en partie, la perte d'approvisionnement en provenance de Westco et des co-defenderesses;

18. L' incapacite alleguee de se procurer le produit de fa9on suffisante ne I' est pas « en raison de» l'insuffisance de la concurrence entre les foumisseurs de poulets vivants sur le marche:

a) Tout au contraire, ii y a, sur le marche de l'elevage de poulets, une saine concurrence entre les producteurs qui souhaitent vendre aux abattoirs les plus offrants, ce qui se traduit par des relations d'affaires qui evoluent au rythme des fluctuations du marche et se succedent en fonction des primes que chaque abattoir est pret a offrir; b) De plus, la decision de Westco est simplement et uniquement la consequence de sa strategie d'affaires visant !'integration verticale complete de ses operations;

19. La production de poulets est un secteur reglemente et assujetti a des contingents de production etablis au niveau tant federal que provincial. S'il y avait insuffisance de

- 8 ­poulets vivants pour Nadeau, ce serait non pas en raison de l'insuffisance de la concurrence mais bien parce que le poulet n'est pas un produit au sens de !'article 75 de la Loi, puisque son offre est limitee et qu'il ne peut etre considere comme etant sujet a

des « conditions de commerce normales » et « disponible en quantite amplement suffisante »;

20. Nadeau n'est en mesure de respecter les «conditions de commerce normales » que si celles-ci sont expressement limitees a ce que prevoit l'article 75 (3), soit les conditions

relatives au paiement, aux quantites unitaires d'achat et aux exigences raisonnables d'ordre technique ou d'entretien. Ainsi, les conditions excedant la definition statutaire des « conditions de commerce normales », dont notamment le prix de vente, ne seraient pas respectees par Nadeau;

21. Le produit n'est pas disponible en quantite amplement suffisante car Westco n'aura plus, en raison de son entente de partenariat avec Olymel S.E.C. Olymel »), de poulets disponibles pour etre vendus a Nadeau a compter du 20 juillet 2008, puisque ceux-ci ont

ete promis et vendus au partenariat et que Westco n'a pas de capacites excedentaires;

22. La decision de Westco n'aura pas pour effet de nuire a la concurrence dans un marche puisque les poulets vivants qui ne seront pas vendus a Nadeau seront transformes par un

abattoir qui sera en concurrence avec Nadeau, et que les clients de Nadeau continueront d'avoir une panoplie de sources alternatives d'approvisionnement pour leurs poulets transformes sur le marche;

23. De plus, un nouvel abattoir sera construit dans le cadre du partenariat entre Westco et Olymel, ce qui offrira un nouveau debouche pour les eleveurs de poulets et rendra l'offre de poulets transformes encore plus concurrentielle;

24. Par ailleurs, la preuve demontre que Nadeau ne represente qu'une part marginale dans l'abattage et la vente de poulets transformes au Canada ou dans la region regroupant l'Ontario et l'Est du Canada;

25. Enfin, la decision de Westco de mettre fin a sa relation d'affaires avec Nadeau est entierement basee et justifiee par des motifs d'affaires legitimes, soit la strategie

- 9 -d'affaires a long terme de Westco (integration verticale complete) bien connue de Nadeau. Il n'y a aucun contexte anti-concurrentiel sous-jacent a la decision de Westco;

26. Par ailleurs, l'octroi d'une ordonnance en vertu de l'article 75 de la Loi est sujet a la discretion du Tribunal. Dans les circonstances, le Tribunal devrait refuser d'exercer sa discretion en faveur de Nadeau et d'emettre l'ordonnance demandee. En effet, la decision de Westco est une decision d'affaires rationnelle alors que la Demande de Nadeau n'est qu'une tentative indirecte d'obtenir une garantie exclusive d'approvisionnement que le regime legislatif et reglementaire actuel ne lui permet pas d'obtenir;

27. Le fait que Nadeau admette ne pas avoir fait une seule tentative de se procurer des poulets de remplacement, ou que ce soit sur le marche, alors qu'il existe de nombreux eleveurs en mesure de l' approvisionner, demontre a quel point la Demande de Nadeau repond a des imperatifs contraires a ceux qui sont a l'origine des protections offertes par

la Loi;

C. Portee de l'ordonnance 28. Par ailleurs, meme dans l'hypothese ou le Tribunal conclurait qu'une ordonnance doit etre rendue, ce que Westco conteste, le Tribunal n'a pas la juridiction pour emettre l'ordonnance selon les termes recherches par Nadeau;

29. Le Tribunal ne peut rendre qu'une ordonnance qui reponde aux circonstances de l'affaire, a savoir le refus de vendre allegue aux termes de l'article 75 de la Loi. Or, refuser de faire

affaires avec une autre partie n'est pas en soi illegal au Canada; seul un refus de vendre qui epouse les criteres de l'article 75 peut etre l'objet d'une ordonnance du Tribunal. L'article 75 ne vise et ne permet que de corriger un refus de vendre a hauteur de ce qui gene sensiblement une personne dans son entreprise, ou a hauteur de ce qui peut

empecher une personne d'exploiter une entreprise;

30. Puisque la demande d'ordonnance de Nadeau veut forcer Westco et les autres defenderesses a maintenir leurs niveaux d'approvisionnement actuels, elle deborde done largement le « mal » que le Tribunal peut etre autorise a corriger en vertu de la Loi;

- 10 -31. Au surplus, l'ordonnance que cherche a obtenir Nadeau ne comporte aucune limite temporelle. La preuve revele d'ailleurs que !'intention de Nadeau serait de conferer a une

telle ordonnance un caractere permanent, ce qui amplifie la nature excessive de la Demande de Nadeau;

D. Decision recherchee 32. Pour les raisons elaborees dans la presente reponse, Westco soumet que la Demande de Nadeau devrait etre rejetee, avec depens;

II. LES FAITS 33. La Demande de Nadeau conceme la decision de Westco, un eleveur de poulets situe au Nouveau-Brunswick, de mettre un terme, a compter du 20 juillet 2008, a sa relation

d'affaires avec Nadeau, qui opere l'unique abattoir de poulets au Nouveau-Brunswick et a qui Westco vend presentement des poulets vivants;

A. Les parties 1. Westco 34. Westco est nee en 1984 du regroupement d'une dizaine de fermiers de volailles du Nouveau-Brunswick, lesquels souhaitaient accroitre leur pouvoir d'achat et de negociation face aux producteurs d'reufs et de moulee, aux eleveurs de poussins, aux transporteurs et aux abatteurs de poulets;

35. Au debut des annees 1990, Westco s'est rendue compte qu'elle devait s'integrer verticalement afin de pouvoir survivre a long terme dans l'industrie avicole. L'integration

verticale des activites de Westco s'est done amorcee en 1993, et s'est d'abord manifestee par l 'achat de camions permettant de transporter des copeaux et de la moulee, ainsi que par !'acquisition d'operations permettant la fabrication de moulee a forfait. Elle s'est

ensuite poursuivie par la construction de couvoirs, d' ecloseries, de fermes de reproduction et d'equipements de transport. Grace a cette integration verticale, Westco est maintenant presente a toutes les etapes du processus de production des poulets vivants (production d'reufs, fabrication de moulee, elevage de poussins, elevage de poulets,

- 11 -transport), depuis la genetique jusqu'a la vente des poulets aux abattoirs pour fins de transformation;

36. Au cours des annees recentes, Westco a tente sans succes de developper un partenariat avec Nadeau en vue de poursuivre et completer cette integration verticale en ajoutant l'abattage de poulets et la mise en marche des poulets transformes a ses operations. Suite a l'echec de ces negociations, Westco a informe Nadeau qu'elle completera elle-meme !'integration verticale de ses operations dans le cadre d'un partenariat mis sur pied avec Olymel. Elle a aussi informe Nadeau que sa production de poulets serait, a partir du 20 juillet 2008, commise a Olymel dans le cadre de ce partenariat visant notamment la construction d'un nouvel abattoir de poulets au Nouveau-Brunswick;

37. La decision de Westco de cesser ses relations comrnerciales avec Nadeau est done simplement l'aboutissement de cette strategie d'affaires visant !'integration verticale de ses operations, depuis la production de l'reuf jusqu'a la vente et la mise en marche des poulets transformes;

38. L'elevage de poulets au Canada et au Nouveau-Brunswick est reglemente et assujetti a des contingents (plus couramrnent appeles « quotas ») de production. En tant qu' eleveur base au Nouveau-Brunswick, Westco detient presentement, directement ou indirectement, des contingents totalisant un volume annuel d'environ 19 367 920 kilogrammes de poulets vivants, soit environ 186 230 poulets vivants par semaine. Bien qu' elle detienne une proportion assez importante des contingents disponibles pour les eleveurs de poulets au Nouveau-Brunswick, il n'en demeure pas moins que Westco n'est qu'unjoueur de taille modeste dans l'elevage de poulets au niveau canadien;

39. En effet, la production de poulets vivants pour !'ensemble des eleveurs du Nouveau-Brunswick s'etablissait en 2006 a environ 345 787 poulets par semaine alors qu'au Canada, ce nombre etait d'environ 12 714 939.1 Le quota de production detenu par

1 II existe, dans l'industrie avicole au Canada, differents baremes pour mesurer le volume de production des poulets vivants au Canada : par tetes de volailles sur une base annuelle, hebdomadaire ou par periode de 8 semaines pour lesquelles les quotas de production sont determines; par kilogramme de poulet vivant ( eviscere ou non); ou encore en metres carres. Pour les fins de la presente reponse, Jes statistiques retenues sont generalement presentees sur la base du nombre de poulets vivants par semaine.

- 12 -Westco au Nouveau-Brunswick represente ams1 moms de 1,4 % de la production nationale canadienne et a peine 4, 1% des productions combinees du Quebec (environ

3 469 997 poulets vivants par semaine en 2006) et des provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ile-du-Prince-Edouard (environ 821 971 poulets vivants par semaine en 2006) (soit l'Est du Canada). En tenant compte de la production de !'Ontario (fixee a environ 4 189 890 poulets vivants en 2006), ce pourcentage chute a moins de

2,2% pour la region regroupant l'Ontario et l'Est du Canada;

40. 11 ya au total 35 eleveurs I fermes qui detiennent des quotas au Nouveau-Brunswick, et parmi les autres eleveurs de poulets vivants detenant des contingents dans la province figurent les co-defenderesses Groupe Dynaco, Cooperative Agroalimentaire Dynaco ») et Volailles Acadia S.E.C. («Acadia»). Westco ne detient qu'une seule des 734 parts sociales de Dynaco et n' a qu'une participation a hauteur de 25% dans

Acadia;

41. A titre de comparaison, le nombre d'eleveurs et la production totale sont beaucoup plus substantiels dans d'autres provinces du Canada, notamment au Quebec et en Ontario;

2. Nadeau et Maple Lodge Holding Corporation 42. La demanderesse Nadeau est une filiale de la compagnie Maple Lodge Holding Corporation («Maple Lodge»), laquelle est proprietaire de 100 % des actions de Nadeau. Maple Lodge est egalement proprietaire a 100 % des actions de sa filiale

ontarienne, Maple Lodge Farms Ltd.(« Maple Lodge Farms»);

43. Maple Lodge est un transformateur de poulets qui achete des poulets vivants, les abat et commercialise les poulets transformes. Par sa filiale Nadeau, Maple Lodge opere l' Abattoir St-Fran9ois alors que, par l'entremise de sa filiale Maple Lodge Farms, elle opere !'abattoir de Maple Lodge situe a Norval en Ontario («Abattoir Norval »). Les

activites commerciales de Maple Lodge dans le domaine du poulet couvrent la majorite des etapes de production et de commercialisation, soit l 'eclosion et la vente de poussins, la fabrication de moulee, le transport du poulet et la vente de poulets transformes;

44. Maple Lodge est un des plus importants transformateurs de poulets au Canada. Maple Lodge transforme environ 1 766 000 poulets par semaine a ses Abattoirs Norval et St-

- 13 -Frarn;ois. La grande majorite de ces poulets sont transformes a l 'Abattoir N orval (environ 1 200 000 poulets par semaine, ou 68% de la production de Maple Lodge). Pour sa part, l' Abattoir St-Fran9ois transformerait en ce moment environ 566 000 poulets selon Nadeau;

45. Maple Lodge est, avec Maple Leaf, Olymel, Lilydale et Exceldor, un des principaux joueurs operant dans l'industrie de la transformation de poulets au Canada et dans la region regroupant !'Ontario et l'Est du Canada (soit le Quebec et les Maritimes). Maple Lodge est d'ailleurs le plus important transformateur de poulets dans cette region, avec 22% des poulets transformes. La production de I' Abattoir St-Fran9ois represente pour sa part environ 4,5% du total des poulets transformes au Canada, et 6,8% des poulets transformes dans l' axe Ontario - Est du Canada;

46. Nadeau et Maple Lodge sont en concurrence avec tous ces autres abattoirs dans le marche pour la vente de poulets transformes;

47. Bien qu'il ne transforme qu'une foible proportion des poulets vivants commercialises au Canada ou meme en Ontario et dans l 'Est du Canada, l 'Abattoir St-Fran9ois est le seul abattoir du Nouveau-Brunswick, et ce depuis decembre 1992. Maple Lodge se trouve done, depuis plus de 15 ans, en situation de « monopole » au niveau de l 'abattage de poulets dans cette province;

48. En mars 2008, selon Nadeau, les defenderesses Westco, Acadia et Dynaco fournissaient hebdomadairement 271 350 des 565 800 poulets transformes par l 'Abattoir St-Fran9ois. Le reste, soit 294 450 poulets, provenaient des autres eleveurs de poulet au Nouveau-Brunswick et des provinces de !'Ile-du-Prince-Edouard et de la Nouvelle-Ecosse; l 'Abattoir St-Fran9ois « importe » done a chaque semaine 160 000 poulets vivants de la Nouvelle-Ecosse et 40 000 de I' Ile-du-Prince-Edouard (equivalent a 100% de la

production de cette province), tandis que 94 450 poulets proviennent des autres eleveurs bases au Nouveau-Brunswick;

49. A ce total s'ajoutent les volumes de 25 000 poulets recemment obtenus par Nadeau, au debut du mois d'avril 2008, de quatre eleveurs de la Nouvelle-Ecosse, portant ainsi le

- 14 ­niveau d'approvisionnement provenant de la Nouvelle-Ecosse a 185 000 poulets par semame;

50. Historiquement, selon Nadeau, l' Abattoir St-Fran9ois aurait transforme entre 350 000 et 375 000 poulets par semaine. Cependant, ces volumes pouvaient difficilement exceder 350 000 poulets, compte tenu des contingents de production en place au Nouveau-Brunswick qui n' ont jamais depasse 346 000 poulets;

51. Selon les representations de Nadeau, l' Abattoir St-Fran9ois doit transformer un minimum de 300 000 poulets par semaine afin de « survivre » et un total de 350 000 poulets hebdomadairement afin d'etre «viable». Or, la preuve revele que le seuil de 300 000 poulets par semaine permettrait a Nadeau d'etre viable a long terme alors que celui de

350 000 poulets par semaine lui permettrait d'exploiter l' Abattoir St-Fran9ois de fa9on rentable et efficiente;

52. Avec les 319 450 poulets originaires de ses sources autres que les defenderesses, Nadeau continuera done de recevoir au moins un total qui depasse son seuil de viabilite a long

terme de 300 000 poulets par semaine et qui est tres proche de son pretendu « volume historique » et de son seuil d'efficience etabli a 350 000 poulets, ce qui permettra a

Nadeau, selon ses propres admissions, de poursuivre ses activites au minimum pour les deux prochaines annees;

B. L'industrie du poulet au Canada 53. L'industrie avicole canadienne dans laquelle operent Westco, Nadeau et Maple Lodge est reglementee par un systeme de gestion des approvisionnements. Mis sur pied par les legislateurs federal et provinciaux au cours des annees 1970, ce systeme regit la production nationale et les importations de poulets vivants et d' autres types de volailles afin que l' offre corresponde a la demande canadienne et que les prix payes aux eleveurs

leur permettent de couvrir leurs couts de production;

1. Le regime legislatif 54. Le regime legislatif et reglementaire canadien applicable a l'elevage et a la commercialisation du poulet resulte de l'exercice d'une competence partagee entre les

- 15 ­paliers federal et provinciaux de gouvemement. Dans une decision recente et unanime, Federation des producteurs de volailles du Quebec c. Pelland, [2005] 1 R.C.S. 292 ("Pelland''), la Cour supreme du Canada a precise les principaux attributs du regime en place;

55. A la lumiere de la decision de la Cour supreme, le regime de production et de commercialisation du poulet au Canada peut etre resume comme suit :

a) II y a un accord federal-provincial relatif a la mise en place d'un systeme global de commercialisation du poulet vivant au Canada;

b) Le gouvemement federal a cree un office federal de commercialisation du poulet, maintenant connu sous le nom de les « Producteurs de poulet du Canada » PPC »),qui est expressement habilite a executer un plan de commercialisation; c) Pour assurer une commercialisation efficace des poulets et un approvisionnement regulier au consommateur canadien, le regime incorpore les competences legislatives des deux ordres de gouvemement;

d) Le PPC a pour fonction d'evaluer le marche national et de fixer un contingent global de production pour chaque province. II attribue a chacune un contingent de production correspondant a la part du marche canadien qu' elle detient; e) Chaque organisme provincial adopte ensuite comme contingent de production intraprovincial la part exacte qui lui a ete attribuee par !'office federal et ii autorise les eleveurs locaux a produire une quantite globale de poulets ne depassant pas celle que I' office federal a etablie comme part provinciale de l'objectif national de production;

f) Les organismes provinciaux peuvent done attribuer et administrer les contingents federaux conformement au Reglement canadien sur le contingentement de la commercialisation des poulets (1990), DORS/90-556, et aux regles applicables dans la province en cette matiere;

g) Au Nouveau-Brunswick, l'organisme provincial qui surveille l'octroi des contingents de production aux eleveurs est maintenant connu sous le nom les « Eleveurs de poulet du Nouveau-Brunswick»(« EPNB »);

h) Pour produire des poulets dans sa province, l'eleveur doit etre titulaire d'un contingent delivre par l'organisme provincial et ii ne peut produire une quantite superieure a celle permise par son contingent pour la periode visee; i) L'eleveur se voit attribuer un contingent provincial unique applicable a I' ensemble de sa production de poulets, sans egard a l'acheteur de son produit;

- 16 -j) Les contingents attribues aux eleveurs sont reevalues et ajustes a toutes les huit semaines, selon des periodes qui sont determinees par les organismes provmciaux;

56. Ence qui concerne le regime legislatif provincial en place au Nouveau-Brunswick, la Loi sur !es produits naturels, L.N.-B. 1999, c. N-1.2 en definit les objectifs et cree la Commission des produits de ferme du Nouveau-Brunswick («Commission»), qui possede certains pouvoirs d'enquete et de gestion de la commercialisation des produits de ferme provenant du Nouveau-Brunswick;

57. Les eleveurs de poulets peuvent, a l'interieur de leurs contingents respectifs, vendre leurs poulets a des acheteurs situes a l'interieur OU a l'exterieur de la province. En effet, rien

dans le regime reglementaire en place n'interdit aux eleveurs de vendre leurs poulets vivants a I' exterieur de la province OU ils les elevent, sujet a ce qu'ils respectent leurs

contingents. D'ailleurs, dans l'affaire Pelland, la Cour supreme a clairement etabli qu'il ne serait pas possible pour une province de restreindre !'exportation des poulets produits sur son territoire. Ainsi, a dit la Cour, le commerce interprovincial du poulet est autorise par la loi et la reglementation en vigueur;

58. Par ailleurs, le regime en place au Canada ne concerne que la production des poulets vivants et ne touche aucunement les activites d'abattage et demise en marche des poulets transformes par des transformateurs comme Nadeau et Maple Lodge. Ainsi, les activites commerciales de I' Abattoir St-Fran9ois, comme celles des autres transformateurs, ne sont pas reglementees ni supervisees par le PPC au niveau federal ou l'EPNB au niveau provincial;

2. Un commerce interprovincial florissant 59. Non seulement les achats de poulets vivants aupres de producteurs extra-provinciaux sont-ils done possibles au plan juridique, mais le commerce interprovincial des poulets vivants est effectivement une realite economique importante de l'industrie du poulet au Canada, particulierement dans les provinces limitrophes du Nouveau-Brunswick comme la Nouvelle-Ecosse, le Quebec et !'Ontario;

- 17 -a) Statistiques 60. En 2007, environ 15 707 365 kilogrammes de poulets vivants originaires du Quebec ont ete vendus a des abattoirs ontariens ( ce qui correspond a environ 10 659 000 poulets par annee ou 204 984 poulets par semaine, soit plus que la production totale de Westco ), alors que 22 671 443 kilogrammes originaires de l'Ontario ont ete expedies a des abattoirs quebecois ( ce qui correspond a environ 15 366 000 poulets par annee ou 295 505 poulets par semaine, soit plus que la production totale des trois defenderesses);

61. Du cote de la Nouvelle-Ecosse, 160 000 poulets par semaine sont expedies hors de la province a chaque semaine, al' Abattoir St-Fran9ois, et 25 000 poulets s'y ajouteront sous peu. 40 000 poulets sont aussi « exportes »de I' Ile-du-Prince-Edouard;

62. Maple Lodge est elle-meme un acheteur regulier de poulets vivants dans le cadre du commerce interprovincial. Ainsi, Maple Lodge effectue depuis aout 2005 des achats de poulets produits au Quebec, pour approvisionner l' Abattoir Norval situe en Ontario. Pour la periode allant de septembre 2006 a la fin de l' annee 2007, Maple Lodge a achete une moyenne de pres de 29 500 poulets vivants par semaine en provenance d'eleveurs quebecois. En 2008, Maple Lodge a entrepris des demarches qui auront pour effet d'augmenter ce nombre a plus de 40 000 a compter du 15 septembre 2008;

63. Selon Nadeau, ces achats par Maple Lodge au Quebec ont comme objectif precis de « repliquer » aux tentatives de certains abatteurs quebecois qui tentent de s'approvisionner en Ontario, afin de decourager ces pratiques de concurrence au niveau de l'approvisionnement. Cela, dans un contexte OU la preuve revele que la grande majorite des abattoirs du Canada ont des surcapacites de transformation qui ne peuvent etre utilisees en raison du fait que les poulets vivants ne sont pas disponibles en quantite illimitee;

64. Le commerce interprovincial de poulets vivants ne semble d'ailleurs pas toujours plaire a Maple Lodge puisque, par l'entremise de Nadeau, il a depose en fevrier 2008 une demande aupres de l'EPNB Demande a l'EPNB ») afin de restreindre !'exportation

du poulet produit au Nouveau-Brunswick, forcer les eleveurs de cette province a lui

- 18 ­vendre un pourcentage presque maximal de leur production, et se creer ainsi une garantie d' approvisionnement;

65. Cette Demande a l'EPNB a ete rejetee en avril par une decision de l'EPNB, laquelle a maint enant ete portee en appel par Nadeau devant la Commission;

66. Incidemment, la Demande a l'EPNB et le recours en vertu de !'article 75 de la Loi constituent pour Nadeau deux initiatives paralleles dont le but ouvertement admis est d'obtenir une garantie d'approvisionnement et d'empecher que les poulets produits au Nouveau-Brunswick soient exportes a l'exterieur de la province;

b) Les poulets de la Nouvelle-Ecosse 67. Tout indique que Nadeau continuera a recevoir des poulets de la Nouvelle-Ecosse a court et moyen terme;

68. Les eleveurs de la Nouvelle-Ecosse faisant presentement affaires avec Nadeau (a hauteur de 160 000 poulets par semaine) sont en effet tenus contractuellement de faire abattre leur production al' Abattoir St-Fran9ois pour une periode additionnelle minimale de deux ans, soit jusqu'en mai 2010. Ainsi, Nadeau pourra compter sur ces poulets de la Nouvelle-Ecosse pour au moins deux autres annees;

69. De plus, selon Nadeau, !'abattoir presentement opere a Kenville, Nouvelle-Ecosse, par la Cooperative ACA («Abattoir ACA ») est «la seule autre installation de production en Nouvelle-Ecosse [et] transforme deja a sa pleine capacite ». D'ailleurs, a la page 9 de la Demande a l'EPNB, Nadeau fait etat des difficultes financieres bien connues et eprouvees par l'industrie de la transformation du poulet en Nouvelle-Ecosse;

70. L' Abattoir ACA qui appartient a une cooperative est presentement clans une situation financiere precaire et ne serait pas en mesure de recuperer le volume presentement abattu par l' Abattoir St-Fran9ois clans un avenir rapproche. Enfin, l' Abattoir ACA demande egalement aux eleveurs membres de la cooperative d'accepter une reduction de 0.04 $le kilogramme du prix fixe par l 'organisme de reglementation, ce qui le rend encore moins attrayant pour les producteurs;

- 19 -71. En fait, en raison de la situation economique de l' Abattoir ACA et de son impact sur le marche de l'abattage, plusieurs eleveurs de la Nouvelle-Ecosse seraient enclins a vendre leur production de poulets a l 'Abattoir St-Fran~ois si Nadeau entreprenait des demarches a cet effet. C'est d'ailleurs ce qui s'est materialise tout recemment, au debut du mois d'avril 2008, lorsque de nouveaux contrats d'approvisionnement avec quatre eleveurs de la Nouvelle-Ecosse, pour un volume additionnel d'environ 25 000 poulets par semaine, ont ete conclus par Nadeau (ce qui demontre hors de tout doute la capacite de Nadeau de s'approvisionner ailleurs qu'aupres de Westco et des co-defenderesses);

c) Les sources d'approvisionnement en poulets 72. 11 y a auss1, en plus des poulets de la Nouvelle-Ecosse, d'autres sources d'approvisionnements disponibles. A la page 4 de la Demande a l'EPNB, Nadeau laisse d'ailleurs entendre qu'elle veut s'approvisionner a l'exterieur du Nouveau-Brunswick lorsqu'elle affirme avoir « [ ... ] investi beaucoup d'efforts et d'argent afin de creer !'installation de transformation la plus modeme aux couts d'exploitation les plus modestes au Canada» et precise que sa strategie commerciale lui [ ... ] « permet de mettre sur le marche les poulets vivants provenant du Nouveau-Brunswick et des autres provinces avec efficacite»;

73. Cette volonte de s'approvisionner a l'exterieur du Nouveau-Brunswick ne s'est cependant pas manifestee dernierement, puisque Nadeau n'a fait aucune tentative de se procurer du poulet Sur le marche interprovincial suite a la decision de Westco, allant meme jusqu'a tenter de dissuader certains eleveurs qui desiraient lui vendre leurs poulets de le faire;

74. Pourtant, environ trente-quatre pour cent (34%) de la production de poulets vivants au Canada se situe dans l'Est du Canada, a l'interieur d'un rayon maximal de huit (8) heures en temps de transport a l'ouest de l' Abattoir St-Fran~ois, soit bien moins que les douze (12) heures que voyagent deja les 160 000 poulets vivants provenant de la Nouvelle-Ecosse et qui sont abattus presentement a chaque semaine al' Abattoir St-Fran~ois;

75. Les eleveurs de poulets qui operent dans ce rayon sont tres nombreux (par exemple, 82 en Nouvelle-Ecosse et 747 au Quebec selon les donnees de 2006), et ils representent un potentiel de 3 469 997 poulets par semaine au Quebec et de 430 763 poulets par semaine

- 20 ­en Nouvelle-Ecosse, soit plusieurs fois les volumes d'approvisionnement dont l' Abattoir St-Fran9ois pourrait avoir besoin pour maintenir son pretendu volume historique d' approvisionnement;

76. La disponibilite des poulets vivants sur le marche interprovincial s'est d'ailleurs manifestee concretement en mars 2008, suite a l'annonce publique du projet de partenariat entre Westco et Olymel. A ce moment, plusieurs eleveurs qui ne font pas presentement affaires avec Nadeau ont contacte Westco afin d'offrir leur poulet au partenariat;

77. Nadeau a d'ailleurs reconnu, contrairement a sa position initiale, que des poulets vivants peuvent etre obtenus a l'exterieur du Nouveau-Brunswick, meme si c'est parfois avec

« difficultes » en raison des prix qui devraient etre offerts et des couts de transport additionnels a absorber;

78. La possibilite bien reelle de s'approvisionner en poulets a l'exterieur du Nouveau-Brunswick, et notamment en Nouvelle-Ecosse et au Quebec, est d'ailleurs confirmee par les quatre nouveaux eleveurs en provenance de la Nouvelle-Ecosse qui enverront 25 000 poulets additionnels a Nadeau. D'autres eleveurs, comme Aliments Breton, sont prets a vendre leur production de poulets a l' exterieur de la province du Quebec, a un prix

raisonnable de marche;

C. La relation entre Westco et Nadeau 79. Bien que la strategie d'integration verticale ait ete depuis longtemps inscrite dans la vision a long terme de Westco, plusieurs evenements lies a sa relation d'affaires avec

Nadeau et au «monopole» dont celle-ci beneficie dans l'abattage de poulets au Nouveau-Brunswick ont pennis a Westco de confirmer qu'il lui etait necessaire de

poursuivre !'integration de ses activites en y ajoutant le volet de l'abattage et de la mise en marche des poulets transformes;

1. Menaces et refus de la part de Nadeau 80. Ainsi, au fil de ses relations d'affaires avec Westco, Nadeau a systematiquement refuse de payer a Westco et aux autres eleveurs du Nouveau-Brunswick un prix qui aurait

- 21 ­pennis d'avoir des marges similaires ace que les autres abattoirs operant au Quebec et en Ontario offraient aux eleveurs (a savoir le prix fixe par les organismes provinciaux additionne d'une «prime»). De plus, Nadeau a parfois menace Westco de cesser d'acheter sa production, n'a pas hesite a annuler des bonis de relocalisation et a deja mis fin a certaines operations de transformation dans la province du Nouveau-Brunswick sans egard aux besoins des eleveurs;

81. Westco a ainsi eu a composer avec les menaces de Nadeau de refuser d'acheter sa production. Par exemple, a l'ete/automne 2006, la cooperative de volailles Aliments Lilydale («Lilydale»), un concurrent de Maple Lodge a l'echelle nationale dans le domaine de la transformation des poulets, a offert a Westco de lui acheter 50 000 poulets par semaine, moyennant une prime de 0.09 $ par kilogramme. Informee de cette offre, Nadeau a declare a Westco que, si Westco vendait a Lilydale un seul des poulets qu'elle

produit, l' Abattoir St-Fran9ois cesserait d'abattre I' ensemble de la production de Westco;

82. En plus d'etre revelatrice des relations que Nadeau entretient avec les eleveurs du Nouveau-Brunswick, cette menace de Nadeau est la preuve indiscutable que, de l'avis de Nadeau, l' Abattoir St-Fran9ois ne serait nullement affecte par la perte des poulets produits par Westco;

83. Ces evenements ont fait realiser a Westco que sa strategie d'integration verticale au niveau de l'abattage etait encore plus importante et qu'il devenait imperatif de tenter de developper des partenariats d' affaires avec Maple Lodge ou ses concurrents canadiens au niveau de l'abattage pour eliminer cette vulnerabilite dont Nadeau prenait avantage;

84. Westco a essaye de conclure des partenariats commerciaux avec Nadeau et Maple Lodge et de mettre en place un regime de coentreprise relativement a la gestion de I' Abattoir St-Fran9ois. Toutefois, Nadeau et Maple Lodge n' ont jamais accepte les propositions de Westco;

85. En janvier 2007, Westco a de nouveau offert de creer une coentreprise avec Nadeau quanta I' exploitation de l' Abattoir St-Fran9ois, laquelle a ete subsequemment rejetee par le conseil d' administration de Maple Lodge;

- 22 -86. Ces refus ont fait en sorte que Westco a approche Olymel en mars 2007 afin de developper un partenariat d'affaires et de mener a terme sa strategie d'integration

verticale. Westco et Olymel ont ainsi elabore un plan d'affaires prevoyant !'acquisition de l' Abattoir St-Fran9ois ou, advenant l'echec des negociations potentielles avec Nadeau et Maple Lodge, la construction d'un nouvel abattoir au Nouveau-Brunswick;

2. Terminaison de l'approvisionnement de Nadeau 87. Entre aout et novembre 2007, Westco et Olymel ont rencontre Nadeau a quelques reprises pour discuter de la possibilite d'acheter l' Abattoir St-Fran9ois, sans succes. Westco a avise Nadeau que Westco etait determinee a poursmvre sa strategie

d'integration verticale et ce, en depit du refus de Nadeau et de Maple Lodge de considerer la possibilite d'un partenariat;

88. Westco a egalement avise Nadeau qu'en raison de la conclusion du partenariat entre Westco et Olymel-une relation d'affaires du type que Westco avait offerte a Nadeau et Maple Lodge dans le passe et que celles-ci avaient refusee a maintes reprises-, si les negociations n'aboutissaient pas a une vente de l' Abattoir St-Fran9ois, Westco

acheminerait dorenavant la totalite de sa production de poulets aux abattoirs d'Olymel en attendant la fin de la construction du nouvel abattoir issu de leur partenariat;

89. Des discussions ont eu lieu entre Nadeau, Olymel et Westco pour l'achat de l' Abattoir St-Fran9ois. Cependant, il s'avere qu'en meme temps que Nadeau discutait avec Westco, elle cherchait en secret a faire echec a !'integration verticale de Westco en portant plainte a son endroit aupres de la Commission et de Ronald Ouellette, Ministre d' Agriculture et

d' Aquaculture au Nouveau-Brunswick;

90. En decembre 2007, Westco et Olymel ont entame des negociations avec Nadeau et Maple Lodge pour acheter l' Abattoir St-Fran9ois en tenant compte du fait que Westco et Olymel avaient l'option de se batir un tout nouvel abattoir pour environ 30 $millions;

91. Considerant ce cout de construction de 30 $ millions, les propos de Nadeau a l'effet que cela representait 25% de la valeur estimee par Nadeau signifient que la valeur donnee par Nadeau et Maple Lodge a l' Abattoir St-Fran9ois etait de quatre ( 4) fois le cout de

construction d'un nouvel abattoir, un prix deraisonnablement eleve;

- 23 -92. Le 21 janvier 2008, suite a l'echec des negotiations, Westco a communique son avis formel de cessation de livraison de poulets a Nadeau, a compter du 20 juillet 2008, lui

donnant ainsi un preavis ecrit de 6 mois;

3. Projet de nouvel abattoir 93. Depuis, Westco et Olymel poursuivent leur projet de construction d'un nouvel abattoir dans la region de St-Fran9ois. Les projets concrets d'implantation ont ete mis en reuvre : demarches pour !'acquisition d'un terrain et l'obtention des permis de construction aupres des autorites municipales, realisation des plans du nouvel abattoir et appels d'offres pour l'equipement, selection d'un entrepreneur general pour les travaux de construction, et offres de mesures pour sauvegarder les emplois jusqu' a la construction de I' abattoir;

94. Westco et Olymel ont egalement continue la mise en reuvre de leur partenariat en adoptant des mesures et des ententes pour I' abattage temporaire des poulets de W estco par Olymel au Quebec a compter du 20 juillet 2008 (telles l'embauche d'employes par

Olymel et la conservation de capacites d'abattage pour transformer les poulets produits par Westco) et en mettant en place un partage des profits realises par le partenariat lors de la revente des poulets transformes;

95. Corollairement, dans le cadre de son partenariat avec Olymel, Westco s'est engagee formellement a envoyer ses poulets chez Olymel a compter du 20 juillet 2008,

conformement aux imperatifs contractuels de I' entente liant les deux parties;

96. D'ailleurs, Westco a obtenu, en decembre 2007, les licences requises pour vendre la totalite de sa production de poulets sur le marche interprovincial a compter du 20 juillet

2008;

97. Puisque Westco dispose d'une quantite limitee de poulets, en raison du contingent determine par l'EPNB qu'elle ne peut depasser sous peine de penalites severes, Westco n'aura done, a partir du 20 juillet 2008, aucune production excedentaire disponible pour Nadeau puisque la totalite sa production actuelle a ete promise et vendue a un autre

acheteur en vertu de !'entente de partenariat avec Olymel;

- 24 -D. Les initiatives de Nadeau 98. Nadeau utilise plusieurs tribunes pour tenter d'obtenir une garantie d'approvisionnement et !'attribution d'une allocation d'abattage a l'Abattoir St-Fran9ois meme si,

contrairement aux provinces voisines, le Nouveau-Brunswick n'a qu'un seul abattoir: il ya la Demande de Nadeau devant le Tribunal, les soumissions faites par Nadeau aupres de l'EPNB et la Commission, et les demarches effectuees par Nadeau aupres du gouvemement du Nouveau-Brunswick et qui ont donne lieu a l'adoption, le 18 juin 2008,

de la Loi 81;

99. L'objectif et l'effet de l'ordonnance recherchee par Nadeau serait la mise en place d'une garantie exclusive d'approvisionnement et une modification du systeme reglementaire presentement en vigueur au Nouveau-Brunswick, et la confirmation de son« monopole» effectif d'abattage dans la province. L'ordonnance aurait aussi pour resultat pratique d'empecher la venue d'un concurrent et la construction par Westco d'un nouvel abattoir au Nouveau-Brunswick;

III. SOUMISSIONS A. Le contexte de I' article 75 de la Loi 100. I1 suffit, pour que la Demande de Nadeau echoue au test de l'article 75, que la preuve demontre qu'un seul des criteres de l'article 75 n'est pas respecte;

101. Le premier alinea de l'article 75 se lit comme suit: 75.(1) Lorsque, a la demande du commissaire ou d'une personne autorisee en vertu de !'article 103.1, le Tribunal conclut: a) qu'une personne est sensiblement genee dans son entreprise ou ne peut exploiter une entreprise du fait qu'elle est incapable de se procurer un produit de fai;on suffisante, ou que ce soit sur un marche, aux conditions de commerce normales;

b) que la personne mentionnee a

75(1). Where, on application by the Commissioner or a person granted leave under section 103 .1, the Tribunal finds that (a) a person is substantially affected in his business or is precluded from carrying on business due to his inability to obtain adequate supplies of a product anywhere in a market on usual trade terms,

(b) the person referred to in paragraph

- 25 -l'alinea a) est incapable de se procurer le produit de fa<;on suffisante en raison de l'insuffisance de la concurrence entre Jes fournisseurs de ce produit sur ce marche; c) que la personne mentionnee a l'alinea a) accepte et est en mesure de respecter Jes conditions de commerce normales imposees par le ou Jes fournisseurs de ce produit;

d) que le produit est disponible en quantite amplement suffisante; e) que le refus de vendre a ou aura a vraisemblablement pour effet de nuire la concurrence dans un marche, le Tribunal peut ordonner qu'un ou plusieurs fournisseurs de ce produit sur le marche en question acceptent cette personne comme client dans un delai determine aux conditions de commerce normales a moins que, au cours de ce delai, dans le cas d'un article, les droits de douane qui lui sont applicables ne soient supprimes, reduits ou remis de fa<;on a mettre cette personne sur un pied d'egalite avec d'autres personnes qui sont capables de se procurer !'article en quantite suffisante au Canada. [ ... ] (3) Pour l 'application du present article, « conditions de commerce » s'entend des conditions relatives au paiement, aux quantites umtaires d'achat et aux exigences raisonnables d'ordre technique ou d'entretien.

1. Le concept de statu quo 102. La Demande de Nadeau recherche le maintien des niveaux d'approvisionnements actuels en provenance de Westco et des co-defenderesses. Or, comme en fait foi le texte de !'article 75, le droit au statu quo n'est tout simplement pas reconnu par les dispositions de

(a) is unable to obtain adequate supplies of the product because of insufficient competition among suppliers of the product in the market, ( c) the person referred to in paragraph (a) is willing and able to meet the usual trade terms of the supplier or suppliers of the product,

(d) the product is in ample supply, and (e) the refusal to deal is having or is likely to have an adverse effect on competition in a market, the Tribunal may order that one or more suppliers of the product in the market accept the person as a customer within a specified time on usual trade terms unless, within the specified time, in the case of an article, any customs duties on the article are removed, reduced or remitted and the effect of the removal, reduction or remission is to place the person on an equal footing with other persons who are able to obtain adequate supplies of the article in Canada. [ ... ] (3) For the purposes of this section, the expression "trade terms" means terms in respect of payment, units of purchase and reasonable technical and servicing requirements.

- 26 ­la Loi en matiere de refus de vendre. En fait, le droit au statu quo n' existe nulle part dans le cadre des dispositions non-criminelles de la Loi;

103. Refuser de faire affaires avec une autre partie ou modifier les modalites existantes d'approvisionnement n'est pas en soi illegal en vertu de la Loi au Canada; seul un refus de vendre qui rencontre les criteres de !'article 75 peut etre l'objet d'une ordonnance du Tribunal. La Demande de Nadeau deborde done largement la situation que le Tribunal peut etre autorise a corriger aux termes de l'article 75;

104. En fait, l'ordonnance telle que demandee par Nadeau irait meme bien au-dela de ce qui est necessaire pour retablir la situation qui existait avant la decision commerciale de W estco et des autres defenderesses de cesser de faire affa ire avec Nadeau. En effe t, les defenderesses ont toujours ete libres de vendre leur poulet a tout autre abattoir et Nadeau n'a jamais beneficie d'un volume d'approvisionnement garanti. En ordonnant a Westco de vendre a Nadeau !'ensemble de son poulet, le Tribunal procurerait done a Nadeau un avantage dont cette demi ere n' a jamais dispose;

105. Un refus de vendre n'est pas interdit ou «revisable». Meme un refus de vendre qui gene une entreprise ne l' est pas. Seul un refus de vendre qui la gene sensiblement l' est. De la meme maniere, Un fusionnement n'est pas interdit OU «revisable»; meme Un fusionnement qui reduit la concurrence ne l' est pas; seul un fusionnement qui la reduit sensiblement l'est;

106. L'article 75 ne condarnne done pas le refus de vendre en soi; il ne vise pas et n'autorise pas a cautionner des garanties d'approvisionnement. L'article 75 ne vise et ne permet que de corriger un refus de vendre a hauteur de ce qui gene sensiblement une personne dans son entreprise, ou a hauteur de ce qui peut empecher une personne d' exploiter une entreprise;

107. La preservation du statu quo ne peut done pas etre un remede acceptable ici. En fait, que l'on parle de fusionnement, de refus de vendre ou d'abus de position dominante, le concept de statu quo est completement etranger aux mesures de redressement qui sont prescrites par la Loi en matieres non-criminelles et qui peuvent etre imposees par le

- 27 -Tribunal dans ce domaine. Demander le maintien du statu quo en l'espece n'a done aucun fondement juridique;

2. Les marches pertinents 108. Nadeau ne propose aucune definition des marches pertinents pour sa Demande, que ce soit pour etablir son incapacite a se procurer les poulets vivants et l'insuffisance de concurrence entre les fournisseurs de poulets vivants dans un marche (paragraphes 75 (l)(a) et (b)), ou encore pour demontrer l'effet que la decision de Westco pourrait avoir sur la concurrence dans le marche (paragraphe 75 (l)(e));

109. Pour les fins des paragraphe 75(1)(a) et (b) de la Loi, le marche pertinent doit s'apprecier en fonction de l'entreprise de Nadeau et Westco soumet que ce marche est celui de la vente et de l 'achat de poulets vivants. Au niveau geographique, compte tenu des approvisionnements dont beneficie deja Nadeau et des sources additionnelles disponibles, ce marche regroupe a tout le moins tousles eleveurs situes dans l'Est du Canada, soit au Quebec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse et a l'Ile-du-Prince-Edouard;

110. On peut en effet raisonnablement supposer que, si des poulets vivants peuvent etre expedies a Nadeau a partir de la Nouvelle-Ecosse a environ douze (12) heures de route a l'est de l'Abattoir St-Fran9ois, des eleveurs quebecois situes a une distance moindre (huit (8) heures) mais en direction ouest seront des sources d'approvisionnement acceptables et viables pour Nadeau. D'ailleurs, Nadeau refere frequemment au marche de l'Est du Canada (Quebec et Maritimes);

111. Pour les fins du paragraphe 75(1)(e) de la Loi, le marche pertinent depend des activites exercees par Nadeau et des clients que celle-ci dessert. Westco soumet que le marche est done celui de la vente de poulets transformes et regroupe a tout le moins tous les abattoirs situes en Ontario et dans l'Est du Canada, avec lesquels Nadeau est en concurrence et auxquels les clients de Nadeau ont recours;

112. D'ailleurs, Nadeau reconnait etre en concurrence avec tous ces abattoirs;

- 28 -B. Les conditions devant etre remplies en vertu de I' article 75 de la Loi 113. Westco soumet que Nadeau n'a pas droit a l'ordonnance demandee car elle ne remplit pas plusieurs des criteres de l'article 75. Plus particulierement:

a) Nadeau n'est pas sensiblement genee dans son entreprise par la decision de Westco;

b) Nadeau n'est pas incapable de se procurer des poulets de fa9on suffisante ou que ce soit sur un marche;

c) L 'incapacite alleguee de se procurer le produit de fa9on suffisante ne l' est pas «en raison de» l'insuffisance de la concurrence entre les fournisseurs de poulets vivants sur le marche;

d) La production de poulets est un secteur reglemente et assujetti a des contingents de production etablis tant au niveau federal que provincial et, s'il y avait insuffisance de poulets vivants pour Nadeau, ce serait parce que le poulet n'est pas un produit au sens de l'article 75 de la Loi, puisque son offre est limitee et qu'il ne peut etre considere comme etant sujet a des «conditions de commerce normales »et« disponible en quantite amplement suffisante »;

e) Nadeau ne rencontre les conditions de commerce normales qu'au sens strict de la definition de l'article 75 (3);

f) Westco n'aura plus, en raison de son entente de partenariat avec Olymel, de poulets disponibles en quantite amplement suffisante pour etre vendus a Nadeau; g) la decision de Westco n'aura pas pour effet de nuire a la concurrence dans le marche pertinent, compte tenu de la part marginale que Nadeau represente dans l'abattage et la vente de poulets transformes au Canada ou dans la region regroupant l'Ontario et l'Est du Canada;

1. Nadeau n'est pas sensiblement genee dans son entreprise ou empechee d'exploiter une entreprise (paragraphe 75(1)(a))

114. Westco soumet que Nadeau n'est pas sensiblement genee dans son entreprise par la decision de Westco de mettre fin a ses approvisionnements le 20 juillet 2008;

115. Bien que le Tribunal n' ait pas specifiquement defini les termes « sensiblement gene », il a confirme que ceux-ci devaient etre interpretes selon leur sens usuel et ordinaire, que des termes comme « important » etaient des synonymes acceptables mais que leur interpretation devait s'apprecier en fonction des situations de faits particulieres a chaque

demande;

- 29 -116. Le paragraphe 75(1)(a) indique qu'il y a deux facettes au « mal » que !'article 75 veut corriger: le fait d' « etre sensiblement gene dans son entreprise » ou celui de « ne pas pouvoir exploiter une entreprise » («precluded» en anglais). L'article 75 couvre done deux realites : une premiere qui rffere a l' entreprise du plaignant ( « son » entreprise ), et une seconde qui refere a une entreprise qui n'est pas encore la sienne une » entreprise) et dans laquelle la personne voudrait entrer mais est empechee («precluded») de le faire par le pretendu refus de vendre;

117. 11 faut done interpreter les termes « sensiblement gene dans son entreprise » a la lumiere des termes « ne peut exploiter une entreprise » : la« gene» que vise l'article 75 de la Loi doit etre telle que la personne soit proche de ne plus pouvoir exploiter son entreprise du fait qu'elle est incapable de se procurer un produit de fa9on suffisante. Une diminution des ventes qui n'aurait pas pour effet de mettre en peril ou d'affecter une personne au point ou la survie de son entreprise est menacee n' est done pas visee par les term es « sensiblement gene »;

118. Ainsi, le simple fait pour une personne d'exploiter son entreprise a un niveau inforieur au niveau actuel ne correspond pas a etre « sensiblement genee dans son entreprise »;

119. Westco soumet que, considerant les faits, les circonstances de la Demande de Nadeau et la preuve au dossier, le seuil de « sensiblement gene» devrait etre etabli a 300 000 poulets par semaine et ne pourrait en aucun cas etre etabli au-dela du volume historique de 350 000 poulets par semaine que Nadeau a elle-meme reconnu. En effet, selon Nadeau, l' Abattoir St-Fran9ois a historiquement transforme environ 350 000 poulets par semaine. Toujours selon Nadeau et la preuve au dossier, l' Abattoir St-Fran9ois doit transformer un minimum de 300 000 poulets par semaine afin d'etre viable a long terme et un total de 350 000 poulets hebdomadairement afin d'etre rentable et efficient;

120. Or, les donnees deposees par Nadeau indiquent que celle-ci dispose deja, sans meme avoir a remplacer les poulets de Westco et des autres defenderesses, des volumes qui depassent son « seuil de survie » et se rapprochent etroitement de son pretendu volume historique d'approvisionnement, simplement avec ses autres sources d'approvisionnement existantes. Ce ne sont assurement pas des circonstances faisant etat d'une entreprise qui pourra etre ou sera sensiblement genee;

- 30 -121. Nadeau indique qu'un total de 294 450 poulets par semaine provient des autres eleveurs de poulets au Nouveau-Brunswick, des provinces de !'Ile-du-Prince-Edouard et de la Nouvelle-Ecosse, et que 25 000 poulets additionnels s'y ajouteront. Aussi, la preuve demontre que le quota gere par Acadia au nom de Slipp Farm, representant environ 3 679 poulets par semaine, ne sera pas exporte et continuera d'etre abattu par Nadeau. L' Abattoir St-Franc;ois continuera done de recevoir au moins ces 323 129 poulets par semaine meme lorsque Westco et les co-defenderesses Acadia et Dynaco auront cesse d'approvisionner Nadeau;

122. Ces volumes ne sont pas appeles a disparaitre. Au contraire, ces approvisionnements ne sont aucunement menaces, continueront d'etre disponibles pour Nadeau dans le futur et pourraient meme augmenter, comme c'est le cas pour les volumes provenant de la Nouvelle-Ecosse. De l'aveu meme de Nadeau, ce sont des sources de poulets vivants sur lesquelles Nadeau peut compter pour l' Abattoir St-Franc;ois;

123. Par ailleurs, contrairement a ce qui est affirme par Nadeau, lorsque Westco cessera d' approvisionner l 'Abattoir St-Franc;ois, des quantites importantes de poulets vivants, qui seront disponibles aupres des autres eleveurs situes dans les autres provinces;

124. Nadeau pourra notamment s'approvisionner aupres des eleveurs du Quebec et de la Nouvelle-Ecosse (ou meme de !'Ontario) pour recueillir les volumes relativement foibles qui pourraient lui etre necessaires pour atteindre ses pretendus niveaux de« survie » et de « viabilite »;

125. En effet, les eleveurs de poulets de I 'Est du Canada ont des contingents de production qui depassent largement les volumes qui seraient requis par Nadeau. De plus, le commerce interprovincial de poulets vivants est non seulement legal et autorise au Canada mais il se pratique regulierement et il est florissant;

126. Et plus du tiers de la production de poulets vivants au Canada se situe dans un rayon de moins de huit (8) heures en temps de transport a l'ouest de l' Abattoir St-Franc;ois, soit moins que les douze (12) heures que voyagent deja les 160 000 poulets vivants provenant de la Nouvelle-Ecosse et qui sont abattus presentement a chaque semaine a I' abattoir;

- 31 -127. Nadeau se prevaut deja du commerce interprovincial a hauteur de 200 000 poulets par semaine et en reconnait le role dans ses propres operations. Sa societe-mere Maple Lodge achete pour sa part un volume hebdomadaire important de poulets (29 500) au Quebec afin de desservir I' Abattoir Norval, un volume qu'elle a augmente a plus de 40 000 poulets pour l'automne 2008 et dont elle pourrait utiliser une partie pour tout volume manquant a I' Abattoir St-Fran9ois, a meme son approvisionnement quebecois;

128. La strategie commerciale de Nadeau prevoit des approvisionnements dans les autres provinces, et elle est suffisamment confiante de pouvoir effectuer de tels achats pour ne pas hesiter a menacer Westco et d'autres producteurs du Nouveau-Brunswick de refuser d'acheter leur production s'ils ne se conforment pas a ses exigences;

129. D'ailleurs, les evenements recents prouvent que ces volumes peuvent facilement etre accessibles si Nadeau fait les demarches requises, car Nadeau a deja pu trouver 25 000 poulets additionnels en Nouvelle-Ecosse sans faire le moindre effort. Plusieurs eleveurs de l'Est du Canada ont d'ailleurs manifeste a Westco leur interet a approvisionner son nouvel abattoir et un de ces eleveurs, Aliments Breton, a d'ailleurs confirme cette intention par ecrit. II ya done des sources alternatives d'approvisionnement disponibles;

130. Quand une entreprise determine elle-meme trois points de reference en relation avec ses operations, soit son « volume historique », son seuil de « survie » et son seuil de « viabilite », et qu'elle est en mesure de se procurer des poulets en quantites suffisantes pour atteindre chacun des ces points, le Tribunal ne peut assurement pas conclure qu' elle est « sensiblement genee » au sens de la Loi;

131. Dans les faits, Nadeau se procure du poulet qui provient d'autres sources; elle a d'autres sources d'approvisionnement aisement accessibles. Elle ne peut pretendre aujourd'hui que les quantites qui depassent son volume historique ou son seuil de viabilite sont desormais necessaires pour eviter qu'elle soit « sensiblement genee »; elle n'a jamais pretendu etre sensiblement genee avant qu'elle commence a abattre la production de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ile-du-Prince-Edouard. Or, l'entreprise de Nadeau aujourd'hui est la meme qu'il ya un an: pas de nouveaux investissements, pas de nouvelles capacites de production, pas de nouvelles installations. Si elle fonctionnait bien auparavant avec

- 32 -350 000 poulets par semaine, le fait d'etre ramenee pres de ce niveau par la decision de W estco ne peut la rendre sensiblement genee dans son entreprise;

132. Le fait qu'un refus de fournir puisse diminuer les revenus ou le volume d'affaires d'une entreprise sans toutefois l'empecher d'etre viable ou de continuer amener ses affaires ne rencontre assurement pas le test de« sensiblement gene» de I' article 75;

133. Le refus de vendre qui gene et qui derange une personne, mais qui ne le fait pas sensiblement ou ne l'empeche pas d'exploiter une entreprise, ne peut faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal aux termes de !'article 75;

134. Nadeau affirme posseder !'abattoir modeme le plus efficace au pays, avoir des marges de production de 50 sous par kilogramme de poulet transforme et nourrir une strategie commerciale impliquant la transformation du poulet achete dans le commerce interprovincial. Elle ne peut pas valablement pretendre etre dans l'impossibilite de se procurer le volume de poulets necessaire pour assurer que son entreprise ne soit sensiblement genee par la decision de Westco;

135. En fait, la position de Nadeau revient a dire que, parce que les operations d'elevage et de production de poulets vivants de Westco sont situees au Nouveau-Brunswick, cette demiere devrait etre obligee de continuer a approvisionner Nadeau qui a aussi ses operations d'abattage dans cette province. Cela signifierait que des parties pourraient etre contraintes de maintenir des relations d'approvisionnement si l'acheteur reussit simplement a alleguer que la fin de la relation lui complique la vie, I' oblige a elargir son cercle d'approvisionnements ou accroit le niveau de concurrence dans son marche. Ce n'est certes pas ce qui est vise par I' article 75 de la Loi et la preuve soumise par Nadeau est insuffisante pour etablir le premier volet de cette disposition, soit d'etre « sensiblement genee » dans son entreprise;

2. Nadeau n'est pas incapable de se procurer le produit de fa~on suffisante, oil que ce soit sur un marche (paragraphe 75(l)(a))

136. Westco soumet que Nadeau n'est pas incapable de se procurer le produit de fa<;on suffisante sur le marche pertinent;

- 33 -137. Le paragraphe 75(1)(a) fait reference a une « incapacite de se procurer» de la demanderesse; il faut done qu'il y ait une preuve suffisante que Nadeau n'est pas capable de se procurer des poulets vivants sur le marche. Or, pour ce faire, la preuve doit faire etat, au minimum, de tentatives de la part de Nadeau pour s'approvisionner aupres d'autres sources;

138. Et c'est a Nadeau qu'il appartient de demontrer, par des elements de preuve credibles et suffisants, cette incapacite a se procurer le produit;

139. Or, Nadeau n'a pas demontre son incapacite a se procurer des poulets de remplacement aupres d'autres producteurs. Il n'y a eu aucune tentative ou demarche de la part de Nadeau en vue d'obtenir des sources d'approvisionnement autres pour ses poulets vivants. Depuis l'annonce de !'intention de Westco de mettre eventuellement fin a leur

entente commerciale, Nadeau n'a pas approche d'eleveurs de poulets;

140. Nadeau n'a meme pas tente d'identifier des fournisseurs potentiels qm seraient disponibles pour faire affaires avec elle et lui offrir le poulet necessaire a ses operations

d'abattage. De tels efforts doivent pourtant etre demontres et cette absence de demarches concretes et documentees pour obtenir des produits de remplacement suffit pour rejeter la Demande de Nadeau;

141. Il est inexact de dire que seuls les poulets vivants originaires du Nouveau-Brunswick pourraient etre acceptables pour l' Abattoir St-Fran9ois. Au contraire, les poulets qui pourraient etre fournis par des eleveurs situes a l'exterieur du Nouveau-Brunswick sont tout a fait substituables aux poulets presentement fournis par Westco et les autres

defenderesses. Et, une fois transformes, les poulets sortis de l' Abattoir St-Fran9ois seront tout aussi acceptables pour les clients de Nadeau, que ces poulets transformes aient ete a

l'origine des poulets eleves au Nouveau-Brunswick ou dans une autre province;

142. Il est clair que les poulets sont des produits fongibles et qu'il n'y a aucune distinction de marque ou de cachet particulier relativement aux poulets de Westco;

143. A tout evenement, il y a plusieurs sources potentielles alternatives d'approvisionnement de poulets qui sont situees a l'exterieur de la province du Nouveau-Brunswick (au

Quebec, en Nouvelle-Ecosse ou meme en Ontario) et auxquelles Nadeau pourra ou

- 34 ­pourrait faire appel pour obtenir suffisamment de poulets pour operer son entreprise et pour remplacer, en tout ou en partie, les poulets que lui foumissaient Westco et les co-defenderesses;

144. II ne fait aucun doute qu'il ya possibilite pour Nadeau de se procurer des poulets vivants pour l' Abattoir St-Frarn;ois dans le commerce interprovincial au Quebec ou meme en Ontario, comme elle le fait deja avec ses approvisionnements en provenance de la Nouvelle-Ecosse et de l'IIe-du-Prince-Edouard, et qu'il yen a en quantite suffisante pour maintenir son volume historique d'environ 350 000 poulets par semaine;

145. En fait, si Nadeau avait fait les demarches qui s'imposent dans les circonstances, elle aurait constate que :

a) 11 est possible, compte tenu de la reglementation, de se procurer des poulets vivants aupres des eleveurs des autres provinces;

b) Ces poulets vivants pourraient provenir d'eleveurs situes en Nouvelle-Ecosse, au Quebec OU meme en Ontario;

c) II y a deja un volume important de commerce interprovincial impliquant des eleveurs de poulet au Quebec et en Ontario;

d) Certains eleveurs situes au Quebec (d ont notamment Aliments Breton) et en Nouvelle-Ecosse (dont 4 nouveaux eleveurs en avril 2008) sont effectivement interesses a vendre des poulets vivants a Nadeau;

e) Les volumes qui pourront etre disponibles seront plus que suffisants pour atteindre et depasser les niveaux dont Nadeau affirme avoir besoin pour s'assurer de ne pas etre sensiblement genee dans son entreprise par la decision de Westco;

f) Nadeau et Maple Lodge ont deja une excellente connaissance des rouages des achats interprovinciaux de poulets;

3. II n'y a aucune preuve d'incapacite de se procurer le produit de fa~on suffisante sur un marche «en raison» d'une insuffisance de concurrence entre les fournisseurs (paragraphe 75(l)(b))

146. Meme en presumant que Nadeau serait incapable de se procurer le produit de fa9on suffisante (c e qui est nie), cela ne serait aucunement du a une insuffisance de concurrence entre les foumisseurs de poulets vivants sur le marche. Au contraire, la decision de Westco est la consequence d'une strategie d'affaires longuement murie, objectivement

- 35 ­justifiable et validement prise par Westco, eu egard a son intention et a son projet d'integrer verticalement ses operations;

147. Westco soumet qu'il n'y pas de preuve d'insuffisance de concurrence entre les eleveurs de poulets. Les donnees, tant en nombre de producteurs qu'en volume de poulets disponibles, font plutot etat d'un nombre considerable d'eleveurs de poulets detenteurs de contingents de production, dans chacune des provinces de l'Est du Canada;

148. II y a une concurrence vigoureuse et etendue entre les eleveurs de poulet pour vendre leurs produits aux abattoirs au Nouveau-Brunswick et dans les autres provinces canadiennes. Westco n'est qu'un des multiples fournisseurs de poulet faisant affaires sur le marche canadien et dans l'Est du Canada en particulier. Ainsi, pour l'annee 2006, Westco representait a peine plus de 4% des eleveurs de poulets dans l'Est du Canada. En

fait, il y a dans ces regions plusieurs centaines d' eleveurs de poulet, et aucune preuve de manque de concurrence entre eux;

149. II est clair que W estco n' occupe aucunement une position dominante dans la fourniture de poulets aux abattoirs dans une region geographique pertinente, que ce soit l'Est du Canada ou la region regroupant !'Ontario, le Quebec et les Maritimes. Dans ces circonstances, on ne peut affirmer qu'une quelconque difficulte de Nadeau a se procurer des poulets pourrait etre principalement due a une insuffisance de concurrence;

150. II a ete reconnu par la jurisprudence qu'un marche compose de nombreux fournisseurs agissant independamment les uns des autres ne pourra donner lieu a une insuffisance de

concurrence. II s'agit precisement de la situation qui nous concerne;

151. Au surplus, Westco soumet que Nadeau n'a pas demontre !'existence d'un lien de causalite entre le refus de vendre allegue et la pretendue insuffisance de concurrence entre les producteurs de poulets;

152. II n'y a pas d'insuffisance de concurrence ici. II y a au contraire un retrait pur et simple de Westco du« marche » de l'approvisionnement de poulets : Westco n'a plus de poulets a fournir a Nadeau parce qu'elle a choisi de les conserver pour ses propres operations

dans le cadre de son modele d'affaires, de son partenariat et eventuellement de son nouvel abattoir;

- 36 -153. Ce n'est pas du tout une situation qui est visee par !'article 75 de la Loi: !'article n'est pas la pour interdire a un fournisseur de modifier son modele d'affaires;

154. D'ailleurs, loin d'un pretendu manque de concurrence entre les eleveurs de poulets, c'est plutot Nadeau qui souhaite elle-meme eviter toute forme de concurrence entre les abatteurs et qui ne veut pas tenter de se procurer du poulet actuellement abattu au Quebec OU en Ontario parce que les autres abattoirs risqueraient de « ne pas reagir gentiment » a ses tentatives. Ainsi, ce que Nadeau craint et souhaite eviter grace aux presentes procedures, c'est de voir sa propre part de marche etre l'objet d'une saine concurrence et d'une guerre de prix entre les abattoirs;

155. Ceci etant, il est inexact et errone de soutenir qu'un nombre limite de concurrents equivaut necessairement a un manque de concurrence au sens du paragraphe 75(1)(b). Le fait qu'il y ait un nombre limite de concurrents dans un marche ne signifie pas pour autant qu'il y ait « insuffisance de la concurrence» et que ces concurrents ne se livrent pas une concurrence saine et vigoureuse;

156. Bien que Westco ne desire plus faire affaires avec Nadeau, cela ne constitue done pas pour autant un « refus de vendre » ses produits a Nadeau au sens de I' article 75 de la Loi. II s'agit plutot d'une decision rationnelle, objectivementjustifiable, de la part de Westco de modifier son modele d'affaires et de poursuivre son integration verticale commencee il y a pres de 15 ans. L'article 75 de la Loi n'a pas pour objet de sanctionner un tel comportement, de forcer un fournisseur a vendre un produit qu'il desire conserver pour ses propres operations et de limiter le developpement de la concurrence dans un marche;

4. Les conditions de commerce normales (paragraphe 75(1)(c)) 157. Westco soumet que Nadeau n'est en mesure de respecter les «conditions de commerce normales » que si celles-ci sont expressement limitees a ce que prevoit !'article 75(3), a savoir les conditions relatives au paiement, aux quantites unitaires d'achat et aux exigences raisonnables d' ordre technique ou d' entretien;

5. Le poulet vivant n'est pas un produit au sens de I' article 75 158. Par ailleurs, meme si le marche pertinent devait etre limite aux poulets vivants originaires du Nouveau-Brunswick (ce qui est nie et clairement dementi par les approvisionnements

- 37 ­actuels de Nadeau), l'incapacite de se procurer le produit ne serait pas attribuable a l'insuffisance de concurrence, mais bien a la reglementation de l'industrie qui assujettit la production de poulets a des contingents au niveau federal et au niveau de chaque

province et limite ainsi les quantites de poulets auxquelles les abattoirs canadiens peuvent avoir acces;

159. Tout le regime de gestion de la production de poulets vivants vise a gerer l'offre de poulets et a limiter la production a certaines quantites precises, si bien que le produit ne

peut pas etre considere comme etant « disponible en quantite amplement suffisante » et sujet a des« conditions de commerce normales »;

160. Pour ces raisons, Westco soumet que le poulet n'est done pas un « produit » au sens de !'article 75 de la Loi;

6. Les poulets de Westco ne sont pas disponibles en quantite amplement suffisante (paragraphe 75(1)(d))

161. Westco soumet que la Demande de Nadeau ne rencontre pas le critere du paragraphe 75(l)(d) car les poulets vivants de Westco ne sont pas disponibles en quantite amplement suffisante;

162. La notion de « quantite amplement suffisante » n'a pas fait l'objet d'une interpretation detaillee ou frequente par le Tribunal. Une seule affaire en a traite;

Quinlan's of Huntsville Inc. c. Fred Deeley Imports Ltd., 2004 Trib. cone. 28 («Quinlan's»), paras. 18-21

163. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que, puisque la defenderesse avait commis et promis ses produits a un autre acheteur, ii n'y avait pas de motocyclettes Harley-

Davidson en quantite amplement suffisante au stade interimaire et I' ordonnance provisoire demandee par Quinlan's a ete refusee quant aux motocyclettes;

164. Les auteurs Goldman et Bodrug, dans leur ouvrage Competition Law of Canada, font le commentaire suivant quant a la notion d' « ample supply » :

The Tribunal may not make an order under Section 75 unless the relevant product is in "ample supply". While this element of the provision has not yet been addressed by the Tribunal, the implication would appear to be

- 38 ­that if a supplier does not have excess supply, it is free, subject to other provisions of the Act, to exercise its own discretion in selecting the customers to whom it will sell the product without the risk of being subjected to an order under Section 75. In other words, it would appear that Section 75 cannot be used to require a supplier to ration limited supplies of a product in a manner that prevents existing customers from obtaining whatever quantities they wish to purchase. Furthermore, if supply is limited, a supplier could presumably even decide to keep supplies in reserve to meet anticipated demand from new customers with whom the supplier wants to deal. (nos soulignements)

Goldman, C.S. & Bodrug, J.D., Competition Law of Canada, Juris Publishing Inc., Rel-16, 2002, page 5.02[2]

165. Westco veut utiliser ses poulets dans le cadre de ses operations et de son partenariat avec Olymel. Que le produit ne soit plus disponible parce qu'il a ete entierement destine a un ((tiers innocent» (comme dans l'affaire Quinlan's), parce qu'il a ete conserve pour des clients eventuels, OU parce qu'il a ete utilise par le fournisseur lui-meme dans le cadre d'un partenariat ne change rien: dans chaque cas de figure, le produit n'est pas disponible en quantite amplement suffisante. L'article 75 n'est pas la pour dieter a un foumisseur comment et a qui repartir son produit si son offre est limitee; ii n'est pas la pour dieter a un fournisseur d'augmenter ses capacites pour satisfaire les demandes d'un acheteur;

166. Rien dans la Loi n'empeche Westco d'abattre elle-meme son poulet ou de le vendre a un partenariat dans lequel elle detient une participation a hauteur de 50 % ;

167. Dans notre cas, la reglementation relative a l'industrie du poulet est de connaissance d' office. Les contingents sont fixes et ne peuvent etre depasses sous peine de penalites importantes. Westco a deja accepte de vendre son poulet dans le cadre de son partenariat avec Olymel a compter du 20 juillet et elle ne peut en produire plus : tous les poulets de W estco sont done commis, vend us et promis a un autre acheteur a cette date. Ainsi le produit ne peut etre considere comme disponible en quantite amplement suffisante, ce qui est fatal a la Demande de Nadeau;

7. La decision de Westco n'aura pas pour effet de nuire a la concurrence dans le marche (paragraphe 75(1)(e))

168. Finalement, Westco soumet que la Demande de Nadeau ne rencontre pas le cinquieme element de !'article 75 a l'effet que la decision de Westco a OU aura vraisemblablement

- 39 ­pour effet de nuire a la concurrence dans le marche pertinent (soit le marche de la vente des poulets transformes ou opere Nadeau);

169. Nadeau allegue que la concurrence entre les abattoirs serait affectee negativement si l' Abattoir St-Fran9ois fermait. Or, cette allegation est basee sur l'hypothese que la decision de Westco et son projet d'ouvrir son propre abattoir en partenariat avec Olymel aurait pour consequence la fermeture de I' Abattoir St-Fran9ois. En raison du volume historique de poulets que transformait Nadeau, du volume qu'elle transforme presentement qui provient de sources autres que Westco et les autres defenderesses, et de la possibilite bien reelle pour elle de s'approvisionner a l'exterieur de la province, une telle hypothese est sans fondement;

170. Avec les volumes d'approvisionnement dont elle dispose deja en provenance des autres eleveurs du Nouveau-Brunswick et de ceux de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ile-du-Prince-Edouard, et des autres volumes auxquels elle peut aisement avoir acces, Nadeau a suffisamment de poulets pour rencontrer ses propres criteres de « survie » et de « viabilite ». Nadeau a done tout ce qu'il faut pour rester en affaires et poursuivre ses activites, meme avec la decision de Westco;

171. Par ailleurs, loin de nuire a la concurrence, l'ouverture d'un nouvel abattoir au Nouveau-Brunswick offrira un nouveau debouche aux eleveurs de la province et pourra, le cas echeant, contribuer a pallier les effets nefastes du« monopole» d'abattage de Nadeau qui dure depuis plus de 15 ans au Nouveau-Brunswick, tant aupres des eleveurs de poulets que dans la vente des poulets transformes;

17 2. La decision de Westco contribuera done a maintenir, voire a augmenter la concurrence entre les abatteurs, au benefice des acheteurs de poulets transformes;

173. Comme gestionnaire d'abattoir, Nadeau est en concurrence avec !'ensemble des abattoirs operant a l'echelle du Canada OU, a tout le moins, dans la region de !'Ontario et de l'Est du Canada. Or, dans la region regroupant !'Ontario et l'Est du Canada, Nadeau ne represente qu'une fraction marginale (6,8%) des ventes de poulets transformes en provenance des abattoirs canadiens. De plus, Maple Lodge y est le principal transformateur et il y a trois concurrents majeurs (Maple Leaf, Olymel et Exceldor) qui

- 40 ­ont des parts de marche com parables (environ 18%) et qui feraient en sorte que meme la disparition hypothetique et peu probable de Nadeau (et son remplacement par Westco) ne puisse pas nuire a la concurrence;

174. Les abattoirs concurrents de Nadeau, nombreux en Ontario et dans l'Est du Canada, vont continuer a etre en mesure de fournir des poulets transformes puisqu'ils pourront toujours

compter sur plusieurs sources de production disponibles pour les approvisionner en poulets vivants. L' Abattoir St-Franyois n'est qu'un abattoir parmi plusieurs fournissant du poulet transforme aux utilisateurs finaux au Canada;

175. Malgre la decision de Westco, les clients de Nadeau continueront de pouvoir obtenir les poulets transformes dont ils ont besoin a des conditions concurrentielles. Les lettres de

clients de Nadeau disent effectivement souhaiter, de fayon assez generale, le maintien d'un bon niveau de concurrence;

176. La decision de Westco n'aura pas pour effet d'augmenter ou de creer un « pouvoir de marche »pour l'un ou l'autre des abatteurs de l'Ontario ou de l'Est du Canada qui se font concurrence et qui concurrencent Nadeau dans la vente de poulets transformes; de plus, les acheteurs de poulets transformes dans cette region auront eux-memes d'autres sources pour s'approvisionner. En effet, il ya sur le marche de l'abattage de poulets de nombreux concurrents de taille relativement similaire (notarnment Maple Lodge, Maple Leaf, Olymel, Lilydale et Exceldor), qui continueront de pouvoir foumir les poulets transformes requis par la clientele de Nadeau a des prix competitifs lorsque la decision

d'affaires de Westco sera effective;

177. En fait, la decision de Westco ne signifiera pas qu'il y aura moins de poulets disponibles sur le marche en provenance des abattoirs canadiens, puisque la production de poulets de Westco ne serait pas eliminee mais plutot reacheminee vers d'autres abattoirs qui continueront a foumir du poulet aux clients canadiens;

178. En fait, Nadeau reconnait elle-meme que la concurrence entre les abattoirs est feroce car elle craint tellement cette concurrence qui pourrait provenir des autres abattoirs au niveau de l'approvisionnement en poulets qu'elle ne veut meme pas chercher a obtenir des

- 41 ­poulets dans le commerce interprovincial, car cela pourrait se traduire par une guerre de prix entre les abattoirs dans l'achat de leurs poulets vivants;

C. Le Tribunal ne devrait pas exercer sa discretion en faveur de Nadeau 179. L'article 75 donne une discretion au Tribunal et Westco soumet que, dans les circonstances, le Tribunal devrait par ailleurs refuser d'exercer sa discretion en faveur de Nadeau et d'emettre l'ordonnance demandee. Et ce, pour deux raisons;

180. D'une part, la preuve au dossier demontre hors de tout doute que la decision de Westco de mettre fin a sa relation d'affaires avec Nadeau constitue une decision d'affaires legitime et rationnelle visant a poursuivre !'integration verticale de ses operations en ajoutant l'abattage de poulets et la mise en marche des poulets transformes a sa garnme

d'activites. Une decision qui ne fait evidemment pas l'affaire de Nadeau qui ne veut pas voir un nouveau concurrent venir gruger sa situation confortable de « monopole » dans l'abattage de poulets au Nouveau-Brunswick;

181. I1 y a, pour reprendre les termes du reconnus par la jurisprudence, un « legitimate business decision » justifiant le refus de fournir de Westco, done une defense de justification d' affaires;

182. L'article 75 a ete mis en place pour offrir un remede uniquement dans les circonstances ou un refus de vendre est relie a des circonstances relatives a la concurrence. Westco

soumet que !'article 75 n'a pas ete adopte pour empecher un foumisseur de cesser de faire affaires avec une personne dans des circonstances ou ce refus decoule de raisons d'affaires legitimes, comme c'est le cas ici;

183. La decision de Westco de mettre fin a sa relation commerciale avec Nadeau en juillet est l'aboutissement d'une strategie d'affaires de longue date, a laquelle Nadeau et Maple Lodge ont refuse de s'associer, et qui vise a assurer une integration verticale des operations de W estco afin de lui permettre de faire face a la concurrence nationale et

intemationale dans le secteur de l'elevage et de l'abattage de poulets. I1 n'y a pas de contexte anti-concurrentiel sous-jacent a la decision de Westco. Dans les circonstances, il

s' agit d'une decision raisonnable, rationnelle et justifiee;

- 42 -184. Bien que Westco ne desire plus faire affaires avec Nadeau, cela ne constitue pas pour autant un « refus de vendre » ses produits a Nadeau au sens de !'article 75 de la Loi.

L'article 75 de la Loi ne peut avoir pour objet et effet de sanctionner un comportement comme celui de Westco et de forcer un foumisseur a vendre un produit qu'il desire

conserver pour ses propres operations;

18 5. Dans ces circonstances, accorder l' ordonnance recherchee par Nadeau creerait un precedent eminemment anti-concurrentiel et serait contraire a la lettre et a !'esprit de la

Loi car cela cautionnerait la position dominante de Nadeau dans l'abattage de poulets au Nouveau-Brunswick et empecherait Westco de construire un nouvel abattoir, de transformer ses propres produits et d'ainsi degager des efficiences lui permettant d'offrir une concurrence accrue sur le marche de la vente des poulets transformes;

186. Une telle ordonnance aurait pour effet de porter directement atteinte aux pnnc1pes fondamentaux que la Loi, et le Tribunal, ont pour objet de defendre et de proteger, a

savoir l 'emergence de nouveaux concurrents, le droit d'une entreprise de faire affaires avec les parties de son choix (surtout lorsque son offre de produits est limitee), le droit de transferer ses volumes de ventes aux clients les plus offrants, et le droit de developper un modele d' affaires qui assure les meilleures efficiences et le meilleur resultat pour l' economie;

187. Accorder l'ordonnance recherchee par Nadeau aurait pour effet de forcer Westco et les autres defenderesses a vendre tous leurs poulets a un seul acheteur, Nadeau, qui veut par

sa Demande asseoir sa position dominante dans l'abattage de poulets au Nouveau-Brunswick, bloquer la porte a la concurrence et eviter d'avoir a livrer une saine

concurrence aux autres abattoirs de l'Est du Canada au niveau de l'approvisionnement en poulets vivants;

188. Dans de telles circonstances, et face a un dessein aussi clairement anticoncurrentiel, Westco soumet que le Tribunal devrait refuser d'exercer sa discretion et d'octroyer l'ordonnance a caractere permanent souhaitee par Nadeau;

189. D'autre part, il ressort de la Demande a l'EPNB, du dossier depose par Nadeau aupres de la Commission et de la Loi 81, que la Demande de Nadeau au Tribunal n'est qu'une autre

- 43 ­tentative indirecte d'obtenir une garantie exclusive d'approvisionnement couvrant !'ensemble des poulets du Nouveau-Brunswick et une forme d'allocation d'abattage que les autorites provinciales competentes lui ont refusee a ce jour. L'octroi par le Tribunal

de l'ordonnance demandee aurait pour effet d'octroyer une garantie d'approvisionnement alors que les autorites provinciales et federales se sont abstenues d'intervenir;

190. Nadeau tente d'obtenir cette garantie d'approvisionnement par la voie administrative de l'EPNB et de la Commission; Nadeau tente aussi de l'obtenir par la voie politique de la Loi 81 et du ministre de l 'Agriculture; et Nadeau tente egalement de l' obtenir par la voir judiciaire en s'adressant au Tribunal;

191. En faisant droit a la Demande de Nadeau, le Tribunal se trouverait ainsi a empieter sur les competences provinciale et federale en matiere de reglementation du poulet, car le choix d'etablir ou non des contingents releve de ces autorites. Nadeau se plaint sur toutes les tribunes de ce qui, a ses yeux, est une lacune legislative ou reglementaire dans la

commercialisation du poulet, et il serait inconcevable qu' elle puisse obtenir la modification de ce systeme par la voie d'une ordonnance du Tribunal;

192. L'effet reel d'accorder l'ordonnance recherchee par Nadeau serait de valider I' existence effective d'un contingent d'abattage pour Nadeau au Nouveau-Brunswick. Il s'agit d'une question qui depasse lajuridiction du Tribunal, et le Tribunal n'a pas a se substituer aux

autorites competences en cette matiere;

193. Le texte et l'objet de !'article 75 de la Loi n'ont rien a voir avec une garantie d'approvisionnement dans une secteur hautement reglemente. Les circonstances de la presente instance, inusitees et exceptionnelles, sont done une autre raison pour laquelle le Tribunal devrait utiliser sa discretion et refuser la Demande de Nadeau;

D. Portee de l'ordonnance 194. De fa9on subsidiaire, Westco soumet que, si le Tribunal conclut quand meme qu'une ordonnance doit etre emise, le Tribunal n'a cependant pas la juridiction pour accorder la mesure recherchee par Nadeau, a savoir le maintien pur et simple du statu quo et !'obligation d'envoyer a Nadeau la totalite des poulets produits par Westco et les autres

- 44 -defenderesses. Westco soumet qu'il n'est pas possible pour le Tribunal de lui ordonner de fournir la totalite de sa production a Nadeau;

195. Le refus de vendre n'est pas illegal au Canada et seuls les refus de vendre qui rencontrent les criteres de l'article 75 et qui « genent sensiblement » une personne ou empechent d'exploiter une entreprise peuvent etre sanctionnes. Le critere de determination de la mesure appropriee n'est done pas de replacer les parties dans la meme situation ou elles etaient avant la decision de cesser de foumir. 11 doit plutot uniquement faire en sorte que la partie affectee par le refus ne soit plus « sensiblement genee » dans la conduite de ses affaires;

196. Pour reprendre les termes de la Cour supreme, le « mal » auquel se sont attaques les redacteurs de la Loi en matiere de refus de vendre est la gene sensible causee a une entreprise ou l' empechement d' exploiter une entreprise. Aussi, la seule mesure de redressement appropriee que peut imposer le Tribunal en cas de refus de vendre consiste a rendre une ordonnance de fa~on que l'entreprise ne soit plus sensiblement genee par rapport a ce qu' elle etait avant le refus ;

197. Toute ordonnance dont la portee irait au-dela d'une telle mesure constituerait un exces de juridiction de la part du Tribunal;

198. Bien que les decisions du Tribunal portant sur !'application de l'article 75 n'aient pas traite de la portee des ordonnances de redressement pouvant etre emises en vertu de cet article ou de l'article 104, les decisions rendues en matieres de fusionnements aux termes des articles 92, 100 et 104 de la Loi apportent un eclairage utile a ce sujet;

199. Au Canada, les fusionnements, tout comme les refus de vendre, ne sont pas illegaux en soi et ils ne peuvent etre sujet a examen et eventuellement a ordonnance du Tribunal que s'ils ont pour effet de diminuer ou d'empecher sensiblement la concurrence dans un marche. Dans l'affaire Southam, la Cour supreme du Canada s'est exprimee ainsi quant au critere applicable aux mesures de redressement en matiere de fusionnement:

Le mal auquel les redacteurs de la Loi sur la concurrence s'attaquaient est la diminution sensible de la concurrence. Voir la Loi sur la concurrence, par. 92(1). II n'est guere besoin de demontrer que la mesure de redressement appropriee en cas de diminution sensible de la

- 45 ­concurrence consiste a retablir la concurrence de fa9on qu' il ne so it plus possible de dire qu'elle est sensiblement inferieure a ce qu'elle etait avant le fusionnement. 11 s'agit du critere que le Tribunal a applique dans les affaires ou les parties consentaient a la mesure de redressement. Le Tribunal a tente de faire une distinction entre ces affaires et le present cas, precisement en invoquant le motif que, en l'espece, le directeur n'a pas consenti a la mesure de redressement proposee par les appelantes. Ce n'est toutefois pas une distinction judicieuse. [ ... ] 11 est preferable d'appliquer la meme norme, tant dans les procedures contentieuses que dans celles ou les parties consentent a la mesure de redressement.

Canada (Directeur des enquetes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, para. 85

200. Un parallele peut done etre trace entre la mesure de redressement appropriee en matiere de refus de vente et la mesure de redressement appropriee en matiere de fusionnement, soit une mesure permettant non pas de recreer la situation qui existait avant la fusion mais bien de retablir la concurrence de fa9on qu'il ne soit plus possible de dire qu'elle est sensiblement inferieure ace qu'elle etait avant la fusion;

201. Le Tribunal ne peut done pas simplement ordonner a Westco et aux defenderesses de continuer a vendre !'ensemble de leur production de poulets a Nadeau puisque cela irait largement au-dela de ce qui est necessaire pour eviter de gener sensiblement Nadeau dans la conduite de ses affaires;

202. Afin de rendre une ordonnance qui n'excede pas ce qui est autorise en vertu de !'article 75 de la Loi, le Tribunal devrait done determiner, au besoin, quel volume de poulets est requis pour que Nadeau ne soit plus genee sensiblement dans la conduite de ses affaires. Du propre aveu de Nadeau, ce volume se situerait au maximum entre 300 000 et 350 000 poulets par semaine, soit le volume « historique » qui permet a Nadeau de survivre et d'etre viable et avec lequel elle a fonctionne pendant plusieurs annees. 11 est indeniable que Nadeau n'a pas besoin de plus pour rencontrer les strictes exigences de !'article 75;

203. Le Tribunal n'aurait au mieux juridiction que pour imposer une mesure de redressement interimaire a hauteur de l' ecart d'approvisionnement effectif de Nadeau et le seuil de « viabilite » qui pourrait au besoin autoriser le Tribunal a intervenir, dans la mesure OU Nadeau est a meme de demontrer qu'il n'y a pas d'autres sources possibles d'approvisionnement;

qm pourrait persister entre le volume

- 46 -204. Pour toutes ces raisons, et de fa<;:on subsidiaire, Westco soumet que !'emission d'une ordonnance obligeant les defenderesses de fournir la totalite de leur production a Nadeau irait au-dela de ce que l'article 75 de la Loi vise a eviter, soit qu'une personne soit sensiblement genee dans la conduite de son entreprise ou empechee d'en exploiter une, et constituerait done un exces de juridiction du Tribunal en la matiere;

IV. ORDONNANCE DEMANDEE ET V ARIA 205. La defenderesse Westco demande done que le Tribunal rejette la Demande de Nadeau, avec depens;

206. Subsidiairement, si le Tribunal conclut neanrnoins qu'une ordonnance doit etre emise, Westco demande que le Tribunal limite l'ordonnance ace qui est necessaire, au besoin, pour empecher que Nadeau soit sensiblement genee dans son entreprise;

207. Westco desire utiliser la langue fran<;:aise dans la presente instance et demande que, le cas echeant, I' audition des procedures soit tenue en fran<;:ais;

208. Westco ne demande pas que les documents soient deposes sous forme electronique; 209. Le tout, respectueusement soumis. Date a Montreal, Quebec, le 26 juin 2008. Ogilvy Renault, S.E.N.C.R.L., s.r.l. Bureau 1100 1981, rue McGill College Montreal (Quebec) H3A3Cl

Me Denis Gascon dgascon@ogilvyrenault.com (514) 847-4435

- 47 -Me Eric C. Lefebvre elefebvre@ogilvyrenault.com (514) 847-4891

Me Martha A. Healey mhealey@ogilvvrenault.com (613) 780-8638

M. Alexandre Bourbonnais abourbonnais@ogilvvrenault.com (514) 847-6035

Procureurs de la defenderesse Groupe Westco Inc.

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