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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal TRADUCTION OFFICIELLE Référence : Nadeau Ferme Avicole Limitée c. Groupe Westco Inc. et autres, 2008 Trib. conc. 16 N o de dossier : CT-2008-004 N o de document du greffe : 0093 DANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, et ses modifications; ET DANS L’AFFAIRE d’une demande de Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited en vue d’obtenir une ordonnance fondée sur l’article 75 de la Loi sur la concurrence;

ET DANS L’AFFAIRE d’une demande de Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited en vue d’obtenir une ordonnance provisoire fondée sur l’article 104 de la Loi sur la concurrence.

ENTRE : Nadeau Ferme Avicole Limitée/ Nadeau Poultry Farm Limited (demanderesse)

et Groupe Westco Inc. et Groupe Dynaco, Coopérative Agroalimentaire, et Volailles Acadia S.E.C. et Volailles Acadia Inc./Acadia Poultry Inc. (défenderesses)

Date de l’audience : 20080623 Juge président : Monsieur le juge Blanchard Date des motifs et de l’ordonnance : 26 juin 2008 Motifs et ordonnance signés par : M. le juge Edmond P. Blanchard

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE ACCUEILLANT LA DEMANDE D’ORDONNANCE PROVISOIRE FONDÉE SUR L’ARTICLE 104 DE LA LOI SUR LA CONCURRENCE

I. INTRODUCTION [1] Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited la demanderesse ») demande au Tribunal de la concurrence de rendre une ordonnance suivant l’article 104 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, et ses modifications la Loi »), ordonnant aux défenderesses de continuer à faire affaire avec la demanderesse et de lui fournir des poulets vivants aux conditions de commerce normales et selon les mêmes quantités fournies qu’auparavant jusqu’à ce que le Tribunal rende sa décision sur la demande principale présentée en application de l’article 75 de la Loi.

[2] La demanderesse exploite une installation de transformation à Saint-François-de-Madawaska au Nouveau-Brunswick l’usine de St-François ») et les défenderesses lui fournissent actuellement environ 46 % de ses poulets vivants.

[3] La défenderesse Groupe Westco Inc. Westco ») possède environ 51 % de la production de volailles au Nouveau-Brunswick et fournit 31,5 % des poulets vivants de la demanderesse. Le 20 juillet 2008, Westco cessera de fournir des poulets à la demanderesse en raison de sa décision de faire transformer ses poulets vivants par Olymel, une entreprise de transformation québécoise, conformément à une entente de partenariat.

[4] Les défenderesses Volailles Acadia S.E.C. et Volailles Acadia Inc./Acadia Poultry Inc. Acadia ») fournissent près de 10 % des poulets vivants de la demanderesse et la défenderesse Groupe Dynaco, Coopérative Agroalimentaire Dynaco »), en fournit pour sa part 4,5 %. Le 15 septembre 2008, Acadia et Dynaco cesseront de fournir des poulets vivants à la demanderesse.

[5] Le 17 mars 2008, la demanderesse a demandé au Tribunal la permission de présenter une demande en application de l’article 75 de la Loi et a sollicité une ordonnance provisoire d’approvisionnement suivant l’article 104. La demande de permission a été accueillie le 12 mai 2008, le Tribunal ayant des motifs de croire que la demanderesse est directement et sensiblement gênée dans son entreprise par une pratique à laquelle l’article 75 renvoie et qui peut faire l’objet d’une ordonnance en vertu de cet article. On retrouve dans cette décision une description complète des entreprises des parties, de leurs plans d’affaires et l’ensemble des faits pertinents (voir Nadeau Poultry Farm Limited c. Groupe Westco Inc. et autres., 2008 Trib. conc. 9) que nous ne reproduirons pas dans la présente décision.

[6] Après la présentation d’observations écrites additionnelles concernant la demande d’ordonnance provisoire et les contre-interrogatoires des auteurs des affidavits de la partie adverse menées par la demanderesse et Westco, les observations des avocats de toutes les parties quant à la demande d’ordonnance provisoire d’approvisionnement ont été entendues à Ottawa le 23 juin 2008.

II. CRITÈRE APPLICABLE EN MATIÈRE DE MESURES PROVISOIRES [7] L’article 104 de la Loi énonce le critère applicable en matière de demandes d’ordonnance provisoire. Il est libellé comme suit :

104. (1) Lorsqu’une demande d’ordonnance a été faite en application de la présente partie, sauf en ce qui concerne les ordonnances provisoires en vertu des articles 100 ou 103.3, le Tribunal peut, à la demande du commissaire ou d’une personne qui a présenté une demande en vertu des articles 75 ou 77, rendre toute ordonnance provisoire qu’il considère justifiée conformément aux principes normalement pris en considération par les cours supérieures en matières interlocutoires et d’injonction. (2) Une ordonnance provisoire rendue aux termes du paragraphe (1) contient les conditions et a effet pour la durée que le Tribunal estime nécessaires et suffisantes pour parer aux circonstances de l’affaire. […] [8] Le Tribunal a constamment appliqué les principes établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, au moment de trancher une demande d’ordonnance provisoire d’approvisionnement. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu que, pour rendre une ordonnance d’injonction interlocutoire, le tribunal doit d’abord être convaincu qu’il existe une question sérieuse à juger. Ensuite, il doit déterminer si la partie qui cherche à obtenir l’injonction subirait, si elle n’était pas accordée, un préjudice irréparable. Enfin, le dernier critère consiste à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond.

III. ANALYSE A. Question sérieuse à juger [9] J’examinerai d’abord le premier volet de ce critère quant à savoir si la preuve dont dispose le Tribunal est suffisante pour le convaincre qu’il existe une question sérieuse à juger.

[10] La demanderesse fait valoir que, comme la permission lui a été accordée, elle a déjà démontré qu’il existait une question sérieuse à juger. Subsidiairement, elle allègue que la preuve produite établit qu’il existe une question sérieuse à juger et que les exigences de l’article 75 de la Loi ont été satisfaites.

104. (1) Where an application has been made for an order under this Part, other than an interim order under section 100 or 103.3, the Tribunal, on application by the Commissioner or a person who has made an application under section 75 or 77, may issue such interim order as it considers appropriate, having regard to the principles ordinarily considered by superior courts when granting interlocutory or injunctive relief. (2) An interim order issued under subsection (1) shall be on such terms, and shall have effect for such period of time, as the Tribunal considers necessary and sufficient to meet the circumstances of the case. […]

[11] Les défenderesses font valoir que la demanderesse n’a pas démontré, pas même à première vue, qu’elle satisfaisait à l’ensemble des critères prévus à l’article 75. Elles allèguent dans leurs observations écrites que la preuve est insuffisante pour établir que la demanderesse est « sensiblement gênée dans son entreprise […] du fait qu’elle est incapable de se procurer un produit de façon suffisante, que ce soit sur un marché, aux conditions de commerce normales » (al. 75(1)a) de la Loi). Les défenderesses allèguent que l’expression « sensiblement gênée dans son entreprise » substantially affected in his business ») est synonyme d’être incapable de continuer à exploiter son entreprise being unable to continue to carry on business ») voir la transcription d’audience, p. 107). Elles font valoir que conclure autrement serait conclure que chaque fois que la demanderesse perd un fournisseur et des revenus, elle est sensiblement gênée. Comme la preuve de la demanderesse démontre qu’elle est en mesure d’exploiter son entreprise avec un approvisionnement hebdomadaire de 300 000 poulets vivants, elle n’a donc pas établi qu’elle serait sensiblement gênée dans son entreprise.

[12] Les défenderesses font également valoir que la demanderesse n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’elle est incapable de se procurer to obtain ») des quantités suffisantes de poulets vivants, que ce soit sur un marché, aux conditions de commerce normales. Elles affirment que la demanderesse n’a fait aucune démarche pour remplacer ses fournisseurs alors que la preuve indique qu’il existe d’autres sources d’approvisionnement en poulets vivants sur le marché aux conditions de commerce normales. Elles affirment avec insistance que la définition de « conditions de commerce » énoncée au par. 75(3) de la Loi exclut clairement la question du prix. Ainsi, même si l’allégation de la demanderesse portant qu’elle devra payer de plus grandes primes pour remplacer les poulets vivants des défenderesses est avérée, elle n’a tout de même pas établi, pas même à première vue, qu’elle est incapable de se procurer des produits de façon suffisante aux conditions de commerce normales.

[13] La défenderesse Westco soutient par ailleurs que l’incapacité de la demanderesse à se procurer une quantité suffisante de poulets vivants n’est en aucun cas liée à « l’insuffisance de la concurrence entre les fournisseurs de ce produit sur ce marché » comme le prévoit l’al. 75(1)b). Elle résulte plutôt de la décision d’affaires légitime qu’a prise Westco d’ajouter la transformation de poulets à son plan d’affaires. Les défenderesses font également valoir dans leurs observations écrites qu’aucun élément de preuve n’indique qu’il existe une concurrence insuffisante entre les producteurs de poulet sur le marché.

[14] Enfin, la défenderesse Westco fait référence à la décision du Tribunal dans Quinlan’s of Huntsville Inc. c. Fred Deeley Imports Ltd., 2004 Trib. conc. 28 (Quinlan’s), pour affirmer que les poulets vivants ne sont pas disponibles en quantité amplement suffisante conformément à l’al. 75(1)d). Westco soutient que, dès le 20 juillet 2008, ses poulets vivants seront transformés au Québec conformément à une entente de partenariat avec Olymel. Comme Westco n’a pas de surplus de produit en raison de la mesure nationale de gestion des approvisionnements en vigueur, elle devrait être libre de choisir les clients auxquels elle souhaite vendre le produit. Et puisque Westco a choisi ce client, le Tribunal ne peut conclure que le produit visé par la demande est disponible en quantité amplement suffisante.

[15] Dans l’arrêt RJR-MacDonald, mentionné plus haut, la Cour s’est ainsi prononcée sur l’aspect du litige concernant la question sérieuse à juger (aux pages 337-338) :

Quels sont les indicateurs d’une « question sérieuse à juger »? Il n’existe pas d’exigences particulières à remplir pour satisfaire à ce critère. Les exigences minimales ne sont pas élevées. Le juge saisi de la requête doit faire un examen préliminaire du fond de l’affaire. […] Une fois convaincu qu’une réclamation n’est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s’il est d’avis que le demandeur sera probablement débouté au procès. Il n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire.

[16] Le Tribunal a appliqué ce critère à une demande à caractère privé suivant l’article 104 de la Loi. Une ordonnance provisoire d’approvisionnement a été rendue par le Tribunal dans Quinlan’s mentionnée précédemment. Énonçant la norme applicable pour rendre une telle ordonnance, la juge Simpson a indiqué ce qui suit au par. 24 des motifs de sa décision :

L’un des principes que les cours supérieures appliquent pour décider si elles doivent prononcer une ordonnance provisoire d’approvisionnement impose au juge de tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire, notamment des contextes pratique et législatif. À cet égard, il semble erroné de conclure que la partie privée, qui vient d’être autorisée par le Tribunal à présenter une demande en vertu de l’article 75 au motif que le Tribunal « pourrait » dégager les faits nécessaires pour lui donner gain de cause, doit établir une forte apparence de droit si elle présente ensuite une requête en vue d’obtenir une ordonnance provisoire. À mon avis, la preuve d’une question sérieuse à juger (en ce sens qu’elle n’est ni frivole ni vexatoire) est plus conforme au régime législatif qui établit un critère relativement peu exigeant pour l’octroi de la demande de permission. De plus, dans le contexte d’une demande en vertu de l’article 75, une ordonnance mandatoire ne constitue pas un recours extraordinaire. Elle constitue plutôt l’essence même de la disposition et il me semble que, dans ce contexte, il n’y a pas lieu de considérer que les ordonnances relatives au maintien ou au rétablissement de l’approvisionnement sont exceptionnelles.

[17] J’ai soigneusement examiné les observations des défenderesses en ce qui a trait aux exigences à satisfaire pour obtenir un redressement en application de l’article 75 de la Loi. Les arguments allégués soulèvent de complexes questions de fait et de droit qui peuvent nécessiter une appréciation de la crédibilité des témoignages et la prise en compte de témoignages d’experts. Il n’est pas approprié d’examiner de telles questions dans le cadre d’une demande de mesure provisoire il n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire. Après examen de la preuve et des arguments présentés par les parties, j’estime que la demande n’est ni futile ni vexatoire. Je conclus donc que, compte tenu des principes énoncés dans l’arrêt RJR-MacDonald et de la preuve dont je suis saisi, la demanderesse a soulevé des questions sérieuses à juger sur le fond du litige suivant l’article 75 de la Loi. Cette conclusion n’indique en aucun cas que j’estime que les exigences de l’article 75 ont été satisfaites. Je rappelle au lecteur que l’exigence en matière de preuve n’est pas élevée à la présente étape.

B. Préjudice irréparable [18] J’examinerai maintenant le deuxième volet du critère, la question du préjudice irréparable.

[19] La demanderesse allègue que l’usine de St-François est sa seule entreprise et qu’elle subirait un préjudice irréparable si l’ordonnance provisoire était refusée. L’auteur de l’affidavit de la demanderesse, M. Anthony Tavares, anciennement le directeur général de Maple Lodge Holding Corporation, la société mère de la demanderesse, atteste que la demanderesse subira les préjudices irréparables suivants si elle perd 46 % de son approvisionnement en poulets vivants :

1. La perte de Westco à titre de fournisseur entraînerait à elle seule une perte de revenus massive estimée à 20 000 000 $ et une perte de profits estimée à 3 336 000 $ pour une période de six mois, soit de juillet 2008 à janvier 2009. La demanderesse soutient que cette perte de profits représente plus de 50 % de ses profits annuels et ne pourra être récupérée;

2. L’impossibilité immédiate à répondre aux besoins de ses clients porterait atteinte à la relation qu’a bâtie la demanderesse avec sa clientèle au cours des 18 dernières années dès la cessation de l’approvisionnement. Plus particulièrement, cela entraînerait une perte de confiance, une perte d’achalandage, une perte potentielle de parts de marché et une perte potentielle de clients;

3. Il y aurait une incidence immédiate sur la viabilité de l’usine de St-François. La demanderesse soutient avoir établi des relations d’affaires à long terme avec des producteurs du Nouveau-Brunswick quant à la fourniture de produits, relations qui lui ont permis de développer des marchés stables et rentables pour ses produits. Elle allègue qu’elle a besoin des poulets vivants fournis par les défenderesses sans lesquels l’usine St-François ne fonctionnera qu’à 40 % de sa capacité ou juste au-delà de ¾ d’un quart de travail par jour. La demanderesse soutient que la majorité des 340 emplois de l’usine devront être éliminés si les défenderesses cessent de lui fournir les produits et la viabilité de l’ensemble de l’usine pourrait être sérieusement compromise.

[20] L’affidavit de M. Tavares indique par ailleurs que la demanderesse [TRADUCTION] « a besoin d’une garantie de 350 000 poulets par semaine pour demeurer viable ». Toutefois, en contre-interrogatoire, il a affirmé que la demanderesse serait en mesure de s’en sortir, « s’en sortir » faisant référence à la « viabilité à long terme », avec 300 000 poulets vivants par semaine et que [TRADUCTION] « dépendamment des marchés, cela pourrait signifier une perte d’argent substantielle ». M. Tavares a également affirmé que lorsque les défenderesses cesseront d’approvisionner, la demanderesse recevra encore un approvisionnement de 294 450 poulets vivants.

[21] Lors de l’audience, l’avocat de la demanderesse a confirmé que, depuis l’affidavit initialement produit, celle-ci a réussi à obtenir l’approvisionnement de 25 000 poulets vivants additionnels en provenance de la Nouvelle-Écosse. Apparemment, la demanderesse pourrait obtenir cette quantité quelque part au cours de l’automne. Le seul litige entre les parties

concernant le volume a trait au nombre de poulets vivants que doit fournir la défenderesse Dynaco après le 15 septembre 2008. La défenderesse Westco soutient que Dynaco continuera à fournir 3 679 poulets de plus par l’entremise de Slipp Farm, ce que l’avocat de la demanderesse nie.

[22] Les défenderesses allèguent que la demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve clair et tangible établissant que le refus des défenderesses lui causera un préjudice irréparable avant que l’affaire soit entendue sur le fond. Elles font également valoir que, s’il y a préjudice irréparable en raison de la perte d’approvisionnement, ce préjudice ne pourrait être lié qu’à une perte contribuant à abaisser le rendement sous le seuil de viabilité. Selon les défenderesses, la preuve présentée par la demanderesse tend à indiquer que ledit seuil est de 300 000 poulets vivants par semaine et ce seuil critique n’est pas franchi dans les circonstances de la présente affaire. En conséquence, les défenderesses soutiennent que la demanderesse ne subira pas de préjudice irréparable. Elles allèguent également que le Tribunal n’aurait pas compétence pour rendre une ordonnance au-delà du seuil de viabilité puisqu’on ne pourrait alors affirmer que la demanderesse est « sensiblement gênée dans son entreprise », une condition préalable à l’application de l’alinéa 75(1)a) de la Loi.

[23] Les défenderesses insistent sur le fait que la demanderesse exploite l’usine de St-François depuis 15 ans avec un approvisionnement de moins de 350 000 poulets vivants et que ce n’est que récemment que cet approvisionnement hebdomadaire a été augmenté. Par ailleurs, elles font valoir qu’il existe d’autres sources d’approvisionnement en poulets vivants sur le marché aux conditions de commerce normales et que la demanderesse n’a pas fait d’efforts pour y faire appel.

[24] L’auteur de l’affidavit de la demanderesse, M. Tavares, affirme dans son affidavit supplémentaire que, puisque l’approvisionnement en poulets est contrôlé au Canada par le système de gestion des approvisionnements, il est très difficile de remplacer des fournisseurs et que la demanderesse aurait à payer des prix « exorbitants » et devrait soutirer les approvisionnements à d’autres entreprises de transformation. M. Tavares affirme également qu’il est difficile de faire venir des poulets vivants du Québec ou de l’Ontario et que la demanderesse éprouve déjà des difficultés l’hiver avec le transport des poulets vivants en provenance de la Nouvelle-Écosse, sans parler du taux de réduction naturelle en transit et des inquiétudes soulevées par les lois et règlements en matière de transport des animaux d’élevage.

[25] Dans RJR-MacDonald, mentionnée plus haut, la Cour suprême du Canada a conclu à la p. 341 que le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi et plutôt qu’à son étendue; c’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, par exemple lorsque la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise.

[26] Habituellement, la preuve de préjudice irréparable ne peut être inférée, elle doit être claire et ne pas tenir compte de la conjecture. Toutefois, en l’espèce, aucune preuve directe de préjudice ne peut être produite puisque les défenderesses fournissent encore des poulets vivants à la demanderesse. La preuve relative à la perte causant un préjudice irréparable doit nécessairement être inférée. La réparation demandée dans la présente instance s’apparente à une

injonction préventive. La jurisprudence établit qu’un demandeur qui sollicite une injonction préventive peut démontrer qu’il subira un préjudice irréparable en faisant des inférences qui découlent raisonnablement de la preuve. Voir Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Novopharm Ltd. (1994), 83 F.T.R. 161, aux par. 117 à 120. Même s’il est possible en de telles circonstances de tirer des conclusions logiques de l’analyse de la preuve, la preuve doit tout de même clairement démontrer comment ce préjudice se produira et en quoi il sera irréparable. En l’absence d’une telle preuve, on ne peut raisonnablement et logiquement tirer de conclusions de préjudice irréparable : voir Bayer HealthCare AG et Bayer Inc. c. Sandoz Canada Inc., 2007 CF 352, au par. 35.

[27] Les défenderesses Dynaco et Acadia soutiennent que, comme elles fournissent chacune un nombre peu élevé de poulets vivants à la demanderesse, aucune d’entre elles ne peut causer de préjudice irréparable en cessant son approvisionnement. J’estime toujours disposer de suffisamment d’éléments de preuve liant les défenderesses entre elles pour me permettre, aux fins de la présente demande d’ordonnance provisoire, d’apprécier l’approvisionnement des défenderesses collectivement.

[28] Je rejette l’argument des défenderesses selon lequel il ne peut y avoir préjudice irréparable, le cas échéant, que lorsque l’approvisionnement de la demanderesse descend sous le seuil de viabilité qu’elle a déclaré. La demanderesse a déclaré que ce seuil était de 350 000 poulets vivants par semaine et, en septembre 2008, le total de produits fournis s’apparentera à cette quantité. La viabilité n’est toutefois pas le point de départ de l’analyse du préjudice irréparable. À mon avis, les entreprises peuvent subir un préjudice irréparable bien avant d’atteindre le seuil elles ne sont plus viables.

[29] L’élément de preuve le plus convaincant présenté par la demanderesse en ce qui a trait au préjudice irréparable est la preuve concernant la perte de profits qu’elle subira si les défenderesses cessent de l’approvisionner. M. Tavares, le déposant de la demanderesse, indique que [TRADUCTION] « chaque quantité de 100 000 poulets représente environ 150 000 kg de produit commercialisable ayant une valeur marchande de près de 3 $/kg ou de 450 000 $ ». Les profits réalisables sur un tel volume sont d’environ 0,50 $/kg ou de 75 000 $. En conséquence, le retrait des [TRADUCTION] « 186 230 poulets de Westco entraînerait à lui seul des pertes de plus de 830 000 $ par semaine et une perte de profits de plus de 139 000 $ par semaine ». M. Tavares indique que [TRADUCTION] « en raison des coûts fixes très élevés, la perte des poulets de Westco réduirait à elle seule les profits annuels d’environ 50 % ». Cette affirmation n’est pas contestée par les défenderesses. Cette preuve claire établit comment le préjudice allégué se produira. Aussi, ce préjudice est irréparable car le Tribunal n’a pas compétence pour octroyer des dommages-intérêts si la demande principale de la demanderesse est accueillie. Par ailleurs, les défenderesses ne se sont pas engagées à compenser ces pertes si elles n’ont pas gain de cause.

[30] La demanderesse allègue également qu’elle subira un préjudice irréparable en ce qui a trait à sa clientèle des 18 dernières années, préjudice qui comprend la perte de confiance et d’achalandage, ainsi que la perte potentielle de parts de marché et de clients. Compte tenu de la quantité importante de poulets vivants en jeu, soit 46 % de l’approvisionnement total de la demanderesse, l’incidence pour celle-ci d’une telle rupture d’approvisionnement est à mon avis accablante. Je suis disposé à inférer raisonnablement et logiquement que, compte tenu de ces

circonstances, la demanderesse subira un préjudice irréparable quant à sa clientèle. Cette inférence peut être tirée parce qu’une diminution d’approvisionnement d’une telle amplitude signifie nécessairement que la demanderesse ne sera pas en mesure de continuer à offrir le niveau de service habituel à ses clients puisqu’elle ne disposera simplement pas de l’approvisionnement de poulets vivants nécessaire pour le faire. Il se peut que la demanderesse soit en mesure de remplacer une partie des poulets vivants en prenant d’autres fournisseurs, essentiellement à l’extérieur du Nouveau-Brunswick comme l’indique son expérience récente. Toutefois, je suis disposé à inférer que, compte tenu de la preuve, il est peu probable que ces efforts suffisent à court terme pour combler le déficit très important d’approvisionnement.

[31] La demanderesse n’a pas présenté de preuve directe établissant que ce déficit entraînerait des ruptures d’engagements contractuels avec ses clients. Le seul affidavit produit en preuve est celui de M. Tavares qui affirme que [TRADUCTION] « l’interruption de l’approvisionnement créerait une incapacité immédiate à répondre aux besoins des clients de Nadeau ». Toutefois, je dispose de suffisamment d’éléments de preuve au dossier pour inférer raisonnablement et logiquement que la demanderesse subira un préjudice irréparable quant à sa clientèle et je conclus en ce sens.

[32] Il est également possible d’inférer, compte tenu de la preuve dont je suis saisi, qu’une diminution d’approvisionnement d’une telle amplitude aura une incidence importante sur l’efficacité opérationnelle de l’usine de St-François. La diminution des opérations aux ¾ d’un quart de travail par jour ne peut être aussi efficace ou profitable que l’exploitation d’un ou de deux quarts de travail par jour puisque les frais généraux fixes ne changent pas.

[33] Enfin, la preuve au dossier démontre que, dans le passé, la demanderesse n’a pas fait appel à des fournisseurs à l’extérieur du Nouveau-Brunswick. Son approvisionnement actuel auprès de fournisseurs de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard est récent et résulte d’un déficit en matière de capacité de traitement en Nouvelle-Écosse, ce qui constitue apparemment une situation temporaire. Par ailleurs, des éléments de preuve établissent l’existence d’un contrat récent concernant l’approvisionnement de 25 000 poulets vivants en provenance de la Nouvelle-Écosse. De plus, la preuve démontre clairement que la demanderesse est avantagée par le fait d’être approvisionnée par les fournisseurs les plus près géographiquement. Cet élément n’est pas sans importance en ce qui a trait aux coûts d’exploitation d’une entreprise, particulièrement compte tenu du contexte actuel de la hausse du prix de l’essence. Il existe également des éléments de preuve qui établissent d’autres difficultés liées au transport des poulets vivants sur des longues distances, telles que le climat canadien, la condition des volailles à leur arrivée et les exigences en matière de transport. Vu la preuve, je peux inférer que les poulets vivants en provenance de la Nouvelle-Écosse, et d’autres fournisseurs encore plus loin, coûtent en général plus cher à la demanderesse que ceux obtenus des fournisseurs habituels du Nouveau-Brunswick.

[34] Les défenderesses allèguent que la demanderesse a l’obligation d’atténuer les pertes en se procurant des poulets vivants chez d’autres producteurs. Cela signifierait forcément un approvisionnement à l’extérieur du Nouveau-Brunswick puisque les défenderesses produisent collectivement environ 75 % du quota de la province. Il ne resterait simplement pas assez de production au Nouveau-Brunswick pour remplacer le volume de poulets vivants perdu par la

demanderesse. Qui plus est, la demanderesse devrait de ce fait supporter des frais supplémentaires.

[35] Pour étayer son allégation relative à l’absence d’obligation d’atténuer les pertes, la demanderesse se fonde sur l’affaire Quinlan’s, susmentionnée. Le Tribunal y affirme au paragraphe 25 :

À mon avis, s’agissant d’une demande fondée sur l’article 75 de la Loi, il n’y a aucune obligation d’atténuer les dommages en concluant des ententes pour se procurer des articles de remplacement. Quinlan’s était un concessionnaire H-D [Harley-Davidson] et, si elle établit le bien-fondé de sa demande, elle pourra l’être encore. Il n’est pas réaliste de prétendre que, dans l’attente d’une décision définitive qui règle son accès aux produits H-D, elle a l’obligation de conclure des ententes d’approvisionnement avec d’autres fabricants de motocyclettes. Elle peut choisir de le faire, mais lui imposer est contraire à l’objet de l’article 75.

[36] À mon avis, Quinlan’s ne permet pas d’affirmer qu’il n’existe pas d’obligation d’atténuer dans les cas de refus de vendre. Cette décision n’est pas applicable en l’espèce parce que le litige se distingue quant aux faits. Dans Quinlan’s, le Tribunal affirmait que, pendant la période intérimaire, il n’existe pas d’obligation d’atténuer lorsque cette atténuation constitue une modification fondamentale à l’entreprise de la demanderesse. Dans cette affaire, la demanderesse était un distributeur exclusif de Harley-Davidson. On ne pouvait s’attendre à ce qu’elle atténue la perte des motocyclettes Harley-Davidson en tentant de se procurer des produits d’un autre fabricant.

[37] En l’espèce, la demanderesse achète et transforme des poulets vivants. Rien dans la preuve n’indique que les poulets vivants dont la demanderesse a besoin pour exploiter son entreprise ont une caractéristique exclusive quelconque. Mis à part les complications et les coûts additionnels liés au transport des poulets vivants sur une plus longue distance, qui peuvent sans aucun doute être importants, un poulet est un poulet. Je rejette l’argument de la demanderesse selon lequel elle n’avait pas l’obligation d’atténuer. Elle ne pouvait demeurer passive, sans faire de démarches pour se procurer des poulets vivants additionnels lorsqu’elle a su qu’elle allait perdre près de la moitié de son approvisionnement. Cependant, l’étendue de l’obligation d’atténuer dépend des circonstances de chaque affaire.

[38] En l’espèce, l’absence d’efforts de la demanderesse pour atténuer les pertes a peu de conséquences ou n’en a pas. Il en va ainsi en raison de l’ampleur de la perte d’approvisionnement. De la preuve dont je suis saisi, je peux tirer la conclusion que, même si la demanderesse avait fait preuve de diligence en termes d’efforts pour atténuer ses pertes, ces efforts n’auraient pu mener au remplacement de l’approvisionnement en poulets vivants à court ou à moyen terme.

[39] En l’espèce, le volume de poulets vivants en litige est considérable. Il représente 46 % de l’approvisionnement actuel de la demanderesse, la majorité provenant du Nouveau-Brunswick. L’incidence de la perte d’un tel volume d’approvisionnement serait énorme pour toute entreprise de transformation. Je suis donc convaincu, compte tenu de la preuve dont je suis saisi et pour les motifs indiqués plus haut, que l’interruption d’approvisionnement par les défenderesses constitue un préjudice irréparable pour la demanderesse dans le cadre de la présente demande.

C. Prépondérance des inconvénients [40] Enfin, j’examine maintenant le dernier volet du critère, soit la prépondérance des inconvénients.

[41] La demanderesse soutient que les inconvénients qu’elle subira si la demande de mesure provisoire est refusée sont plus grands que les inconvénients que les défenderesses subiront si la mesure provisoire est accordée. Elle allègue qu’elle subira une perte de revenus et de profits massive, qu’elle devra congédier des employés, qu’elle perdra des clients, la confiance de ceux-ci et l’achalandage.

[42] La défenderesse Westco soutient que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur. L’auteur de l’affidavit de Westco indique que, conformément à leur entente de partenariat, les profits de la vente de poulets vivants par Westco à Olymel seraient supérieurs à ceux découlant du commerce avec la demanderesse. Selon la preuve présentée par Westco, Olymel partagera également avec elle un pourcentage des profits générés par la transformation des poulets vivants. Westco allègue par ailleurs que l’ordonnance d’approvisionnement provisoire retardera la mise en œuvre de sa décision de commencer la transformation de poulets ainsi que le prévoit son plan d’affaires, ce qui retardera en conséquence la construction de la nouvelle usine de transformation.

[43] Les trois défenderesses font valoir dans leurs observations que le fait pour le Tribunal de rendre une ordonnance provisoire porterait atteinte à leur liberté de choisir à qui elles vendent leurs poulets.

[44] Selon le critère de la prépondérance des inconvénients, le Tribunal doit déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse l’injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond : voir RJR-MacDonald, susmentionnée, à la page 342.

[45] J’estime qu’en l’espèce la prépondérance des inconvénients joue en faveur de la demanderesse et n’est pas contrebalancée par le préjudice que subiront les défenderesses si le redressement est accordé. La preuve présentée par la demanderesse établit que, sans les poulets vivants des défenderesses, elle subira une perte de profits considérable, connaîtra une incidence importante sur l’efficacité opérationnelle de son usine de St-François et subira un préjudice considérable quant à sa clientèle. Aux fins de la présente demande, j’ai conclu que la preuve d’un préjudice irréparable avait été établie.

[46] La défenderesse Westco a présenté des éléments de preuve concernant le montant des pertes financières qu’elle est censée encourir si la mesure provisoire est accordée. Dans les présentes circonstances, les inconvénients liés au préjudice que subira l’entreprise existante de la demanderesse l’emportent sur les inconvénients qui découleraient du retard de la mise en œuvre du plan d’affaires ou de l’entente de partenariat de la défenderesse Westco. Dans le cas de la demanderesse, ce qui est en jeu constitue davantage qu’une perte de profits, il s’agit également d’une incidence importante sur sa clientèle et sur l’efficacité opérationnelle de l’usine existante, tandis que les pertes subies par la défenderesse Westco sont limitées à la diminution provisoire des profits.

[47] De plus, la preuve relative au projet majeur envisagé par le partenariat, soit la nouvelle usine de transformation au Nouveau-Brunswick, est incertaine car le projet n’est pas suffisamment développé pour permettre de présenter une preuve, entre autres, de l’endroit sera située cette nouvelle usine et de la date du début de la construction. La défenderesse Westco n’a pas produit de copie de l’entente de partenariat la liant avec Olymel ou de toute autre entente relative au partenariat ou à la construction de la nouvelle usine de transformation.

[48] Dans les circonstances de l’espèce, je suis convaincu que les inconvénients que subira la demanderesse si la mesure provisoire est refusée l’emportent sur les inconvénients que subiront les défenderesses si la mesure provisoire est accordée.

D. Pouvoir discrétionnaire du Tribunal de rendre une ordonnance accordant une mesure provisoire

[49] La défenderesse Westco soutient que le Tribunal devrait refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance. Selon les défenderesses, rendre une ordonnance provisoire serait contraire à l’esprit de la Loi sur la concurrence parce que cela garantirait la position dominante de la demanderesse sur le marché de la transformation du poulet du Nouveau-Brunswick. Les défenderesses devraient avoir le loisir de choisir les clients à qui elles souhaitent vendre leurs poulets vivants.

[50] Les défenderesses font également référence à un projet de loi récemment adopté par le gouvernement du Nouveau-Brunswick à savoir, le Projet de loi 81, Loi modifiant la Loi sur les produits naturels (2 e sess., 56 e lég., Nouveau-Brunswick, 2008), qui confère au ministre de l’Agriculture du Nouveau-Brunswick le pouvoir de désigner les usines le poulet peut être transformé. Elles indiquent que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a ainsi exercé son pouvoir constitutionnel pour gérer la situation en litige et que, dans ces circonstances, le Tribunal devrait refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder une mesure provisoire. Les défenderesses n’allèguent pas expressément que le Tribunal n’a pas compétence pour rendre l’ordonnance sollicitée, elles affirment simplement que, par « prudence », le Tribunal devrait donner une interprétation atténuée aux pouvoirs conférés aux termes de l’article 104 « il est prudent et constitutionnellement préférable de donner, aux importants pouvoirs que la loi […] accorde [au Tribunal] en vertu de l’article 104, une interprétation atténuée de manière à éviter un éventuel conflit constitutionnel » - voir la transcription d’audience, p. 185).

[51] Le paragraphe 104(1) de la Loi prévoit que le Tribunal « peut » rendre toute ordonnance provisoire qu’il estime justifiée. Une telle ordonnance contient les conditions et a effet pour la durée que le Tribunal estime nécessaires et suffisantes pour parer aux circonstances de l’affaire.

[52] Je ne suis pas convaincu que le Tribunal doive refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance provisoire en raison de l’adoption du Projet de loi 81. Les débats entourant l’adoption du Projet de loi 81 montrent que le ministre de l’Agriculture était au courant des litiges en instance devant le Tribunal de la concurrence et que le pouvoir énoncé dans le Projet de loi 81 devait constituer une mesure temporaire. Par ailleurs, le Projet de loi n’est pas encore entré en vigueur et, à mon avis, les conflits allégués, constitutionnels ou autres, sont de nature spéculative à cette étape.

[53] Le pouvoir du Tribunal d’accorder une mesure provisoire en application de l’article 104 de la Loi sur la concurrence n’entre en aucun cas en conflit avec l’esprit de cette loi. La disposition prévoit une mesure provisoire dans l’attente d’une décision finale sur le fond.

IV. CONCLUSION [54] Compte tenu des circonstances, je suis convaincu que la demanderesse a satisfait au critère conjonctif à trois volets pour l’octroi d’une injonction provisoire.

[55] Je rends donc une ordonnance accueillant la demande de mesure provisoire. POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT : [56] La demande d’ordonnance provisoire est accueillie. [57] Les défenderesses devront continuer à approvisionner la demanderesse en poulets vivants aux conditions de commerce normales, soit au niveau actuel hebdomadaire de 271 350 poulets vivants.

[58] Cette exigence d’approvisionnement demeurera en vigueur jusqu’à ce que soit rendue la décision finale sur le fond de la demande présentée en application de l’article 75 de la Loi. Le volume d’approvisionnement hebdomadaire sera réduit de 25 000 poulets vivants à compter de la première semaine de livraison attendue de la Nouvelle-Écosse par la demanderesse en septembre 2008 et le volume continuera à être réduit pour chaque autre fournisseur de poulets vivants que la demanderesse réussira à trouver au cours de la période entre la présente décision et la décision finale.

[59] En l’absence d’entente entre les défenderesses, la diminution d’approvisionnement mentionnée au paragraphe précédent se fera au prorata du niveau actuel d’approvisionnement fourni par chacune d’entre elles à la demanderesse.

[60] La demanderesse a droit à ses dépens pour la présente demande. FAIT à Ottawa, ce 26 e jour de juin 2008. SIGNÉ au nom du Tribunal par le juge présidant. (s) Edmond P. Blanchard Traduction certifiée conforme Christine Gendreau, LL.B.

AVOCATS : Pour la demanderesse : Nadeau Ferme Avicole Limitée/Nadeau Poultry Farm Limited Leah Price Andrea McCrae

Pour les défenderesses : Groupe Westco Inc. Éric C. Lefebvre Denis Gascon Martha A.Healey

Groupe Dynaco, Coopérative Agroalimentaire Louis Masson Olivier Tousignant

Volailles Acadia S.E.C. and Volailles Acadia Inc./Acadia Poultry Inc. Pierre Beaudoin Valérie Belle-Isle

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