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Tribunal de la concurrence Référence : Sears Canada Inc. c. Parfums Christian Dior Canada Inc. et Parfums Givenchy Canada Ltée, 2007 Trib. conc. 6 de dossier : CT-2007-001 de document du Greffe : 0032

AFFAIRE INTÉRESSANTDANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, et ses modifications;

ET DANS L’AFFAIRE d’une demande de Sears Canada Inc. fondée sur l’article 103.1 de la Loi sur la concurrence en vue d’obtenir la permission de présenter une demande en vertu de l’article 75 de la Loi sur la concurrence.

ENTRE : Sears Canada Inc. (demanderesse)

et Parfums Christian Dior Canada Inc. et Parfums Givenchy Canada Ltée (défenderesses)

Date de l’audience : 20070314 Juge membre du Tribunal : Mme la juge Simpson (présidente) Date des motifs et de l’ordonnance : 23 mars 2007 Motifs et ordonnance signés par : Mme la juge S. Simpson

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE PORTANT REJET D’UNE DEMANDE DE PERMISSION FONDÉE SUR L’ARTICLE 103.1 DE LA LOI

Competition Tribunal VERSION PUBLIQUE TRADUCTION OFFICIELLE

INTRODUCTION [1] Sears Canada Inc. a sollicité, sous le régime du paragraphe 103.1(7) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34 (la « Loi »), la permission de présenter une demande d’ordonnance d’approvisionnement fondée sur le refus par les défenderesses de fournir les parfums et produits de beauté de luxe décrits au paragraphe 5 ci-dessous.

LES PARTIES [2] Constituée sous le régime des lois du Canada, Sears Canada Inc. Sears ») est un détaillant à circuits multiples qui offre de nombreux produits et comporte un réseau de 196 magasins appartenant à l’entreprise, 178 magasins-concessions et plus de 1 850 points de ramassage de marchandises commandées par catalogue ainsi qu’un site web d’achat en ligne.

[3] Parfums Christian Dior Canada Inc. Dior ») est une société du Québec, tandis que Parfums Givenchy Canada Ltée Givenchy ») est constituée sous le régime des lois de l’Ontario. Dior et Givenchy sont toutes deux des filiales en propriété exclusive de LVMH Louis Vuitton Moët Hennessy.

LA PREUVE [4] La preuve de Sears a été présentée au moyen d’un affidavit de Carol Wheatley signé le 22 février 2007. Dans cet affidavit, M me Wheatley décrit son poste actuel et son expérience comme suit :

[TRADUCTION] Je suis la directrice générale des marchandises, produits de beauté et accessoires de la demanderesse, Sears Canada Inc. (Sears). J’occupe ce poste depuis le 1 er août 2004. À ce titre, je suis chargée d’assurer le développement et la gestion des marchandises de Sears appartenant aux catégories de produits de beauté et des accessoires. Auparavant, j’ai été coordonnatrice de magasin dans le domaine des produits de beauté chez Sears de juin 1999 à août 2004 et; auparavant, acheteure de parfums chez T. Eaton & Co. Ltd. de mai 1998 à juin 1999. Pendant les treize années précédant cette période, j’ai occupé différents postes chez Quadrant Cosmetics, Sanofi Beauté / Parfums Stern et Germaine Monteil / Revlon, qui sont tous des fabricants ou distributeurs de produits de beauté.

L’APPROVISIONNEMENT [5] Pendant au moins quatorze ans, Dior a approvisionné Sears en parfums, produits de maquillage et produits pour le soin de la peau Dior (collectivement, les « produits Dior »). Ces produits sont actuellement vendus dans 104 des 196 grands magasins de Sears. Au cours de la même période, Givenchy a approvisionné Sears en parfums Givenchy (les « produits Givenchy »), qui sont vendus dans 121 des 196 magasins de Sears.

[6] Les produits Dior et Givenchy font partie d’une catégorie de produits appelés dans l’industrie les parfums et produits de beauté de luxe. L’avocat de Sears a souligné que les produits de maquillage et de soin pour la peau Dior représentent l’une des quinze à vingt marques de produits de beauté de luxe vendus dans les magasins Sears. Il a tiré ce renseignement d’une analyse des pièces jointes à l’affidavit de M me Wheatley. [7] La vente des produits Dior et Givenchy génère pour Sears des revenus d’environ 16 000 000 $ par année. Les revenus annuels que Sears reçoit de la vente de tous ses produits dépassent 6 000 000 000 $.

LE REFUS DE VENDRE [8] En décembre 2006, Givenchy a informé Sears qu’elle ne pourrait fournir les produits Givenchy en raison de problèmes d’[TRADUCTION] « expédition ». Par la suite, le 18 janvier 2007, Dior et Givenchy ont toutes deux avisé Sears qu’elles ne feraient plus affaires avec elle. Dans une lettre du 24 janvier 2007, l’avocat des défenderesses a avisé Sears que ses clientes cesseraient de lui vendre les produits Dior et Givenchy à compter du 24 mars 2007. Toutefois, par suite d’un accord conclu pendant la présente instance, cette date a été reportée au 4 mai 2007.

[9] Sears présume que le refus de fournir découle des rabais qu’elle a offerts en décembre 2006 relativement à tous les produits de beauté. Les produits Dior et Givenchy étaient également visés par ces rabais.

LES FAITS NON CONTESTÉS [10] Les revenus provenant de la vente des produits Dior et Givenchy représentent une proportion infime [CONFIDENTIEL] des ventes globales de Sears et une proportion minime [CONFIDENTIEL] du total des ventes de produits de beauté de celle-ci. Les produits Dior et Givenchy, dont les ventes ont atteint respectivement [CONFIDENTIEL] $ et [CONFIDENTIEL] $ en 2006, se classaient respectivement au [CONFIDENTIEL] rang et au [CONFIDENTIEL] rang parmi les gammes de produits de beauté vendus dans les magasins Sears. Pour la même année, les ventes des cinq gammes de produits de beauté les plus vendues se sont chiffrées à [CONFIDENTIEL].

[11] Au cours des trois dernières années, Sears a perdu une part du marché des parfums et produits de beauté de luxe au profit de La Baie.

[12] Le refus de vendre les produits Dior et Givenchy a été opposé non seulement à Sears, mais également à London Drugs. Cela signifie que seules La Baie, Holt Renfrew et Shoppers Drug Mart continueront à distribuer les produits Dior et Givenchy au Canada. Le statut de Jean Coutu comme distributeur est incertain, mais il est probable que le refus de vendre a également été opposé à celui-ci.

[13] Dans le passé, il n’y a traditionnellement pas eu de concurrence fondée sur le prix entre les produits Dior et Givenchy, d’une part, et les autres marques des parfums et produits de beauté de luxe, d’autre part.

LES QUESTIONS EN LITIGE [14] Les questions en litige sont les suivantes : 1. En quoi consiste l’entreprise de Sears aux fins de la présente demande? 2. Existe-t-il des motifs de croire que Sears est directement et sensiblement gênée dans son entreprise? 3. Existe-t-il des motifs de croire qu’une ordonnance pourrait être rendue en application du paragraphe 75(1) de la Loi?

Question 1 L’entreprise de Sears [15] Le texte pertinent du paragraphe 103.1(7), de l’alinéa 75(1)a) et du paragraphe 75(2) de la Loi est souligné ci-dessous :

103.1 (1) Any person may apply to the 103.1 (1) Toute personne peut demander Tribunal for leave to make an application au Tribunal la permission de présenter une under section 75 or 77. The application for demande en vertu des articles 75 ou 77. La leave must be accompanied by an affidavit demande doit être accompagnée d’une setting out the facts in support of the déclaration sous serment faisant état des person’s application under section 75 or faits sur lesquels elle se fonde. 77. (7) The Tribunal may grant leave to make (7) Le Tribunal peut faire droit à une an application under section 75 or 77 if it demande de permission de présenter une has reason to believe that the applicant is demande en vertu des articles 75 ou 77 s’il directly and substantially affected in the a des raisons de croire que l’auteur de la applicants' business by any practice demande est directement et sensiblement referred to in one of those sections that gêné dans son entreprise en raison de could be subject to an order under that l’existence de l’une ou l’autre des section. pratiques qui pourraient faire l’objet d’une ordonnance en vertu de ces articles.

75. (1) Where, on application by the 75. (1) Lorsque, à la demande du Commissioner or a person granted leave commissaire ou d’une personne autorisée under section 103.1, the Tribunal finds en vertu de l’article 103.1, le Tribunal that conclut : (a) a person is substantially affected in ) qu’une personne est sensiblement gênée his business or is precluded from carrying dans son entreprise ou ne peut exploiter on business due to his inability to obtain une entreprise du fait qu’elle est adequate supplies of a product anywhere incapable de se procurer un produit de in a market on usual trade terms, façon suffisante, que ce soit sur un marché, aux conditions de commerce normales;

75. (2) For the purposes of this section, 75. (2) Pour l’application du présent an article is not a separate product in a article, n’est pas un produit distinct sur market only because it is differentiated un marché donné l’article qui se distingue from other articles in its class by a trade- des autres articles de sa catégorie en mark, proprietary name or the like, unless raison uniquement de sa marque de the article so differentiated occupies such commerce, de son nom de propriétaire ou a dominant position in that market as to d’une semblable particularité à moins que substantially affect the ability of a person la position de cet article sur ce marché ne to carry on business in that class of soit à ce point dominante qu’elle nuise articles unless that person has access to sensiblement à la faculté d’une personne the article so differentiated. à exploiter une entreprise se rapportant à [my emphasis] cette catégorie d’articles si elle n’a pas accès à l’article en question. [je souligne]

La jurisprudence [16] Sears soutient que la présente demande de permission est importante, parce qu’elle soulève pour la première fois la question de savoir comment le Tribunal examinera l’effet d’un refus de vendre sur une entreprise qui vend des produits multiples lorsque les articles dont la vente est refusée concernent uniquement un secteur de l’entreprise globale. Toutefois, cette question n’est pas nouvelle. Elle a déjà été examinée dans cinq affaires : l’affaire Chrysler, trois affaires concernant des pharmacies et Construx Engineering.

[17] Directeur des enquêtes et recherches c. Chrysler Canada Ltée (13 octobre 1989), CT- 88/4, Motifs et ordonnance (Trib. concurr.), conf. par Chrysler Canada Ltée c. Canada (Tribunal de la concurrence), [1991] A.C.F. No 943 (QL) (C.A.F.), le directeur des enquêtes et recherches a demandé une ordonnance fondée sur l’article 75 de la Loi. Le Tribunal devait examiner le texte de l’alinéa 75(1)a) de la Loi et décider si M. Brunet avait été sensiblement gêné dans son entreprise par le refus de Chrysler (la défenderesse) de vendre des pièces d’automobile Chrysler. Le directeur a fait valoir que l’entreprise concernée était la vente de pièces d’automobile de Chrysler, alors que celle-ci a soutenu que l’entreprise en litige consistait en l’exportation générale de pièces d’automobile et non simplement le secteur touchant les pièces de Chrysler et que cette interprétation plus large s’imposait en raison de la définition du mot « entreprise » figurant au paragraphe 2(1) de la Loi.

[18] Le Tribunal a conclu que le refus de vendre opposé par Chrysler avait provoqué une baisse des ventes d’environ 200 000 $ et une diminution des profits bruts de 30 000 $ et que ces pertes constituaient un effet sensible pour une petite entreprise comme celle de M. Brunet. Le Tribunal s’est exprimé comme suit : « La majorité des membres du Tribunal acceptent la thèse de la défenderesse, selon laquelle ce qui importe, c'est l'effet du refus d'approvisionner sur l'activité tout entière ». Le Tribunal a ajouté que la question de savoir si le produit visé par le refus de vendre représentait un pourcentage important de l’entreprise était la première question à examiner et a

conclu que l’entreprise générale de M. Brunet avait été sensiblement gênée par le refus de Chrysler de l’approvisionner en pièces d’automobile.

[19] Les trois affaires concernant des pharmacies sont : Broadview Pharmacy c. Wyeth Canada Inc., 2004 Trib. conc. 22, Paradise Pharmacy Inc. c. Novartis Pharmaceuticals Canada Inc., 2004 Trib. conc. 21, et Broadview Pharmacy c. Pfizer Canada Inc., 2004 Trib. conc. 23. Ces affaires concernaient des demandes de permission présentées sous le régime du paragraphe 103.1(7) de la Loi. Dans chacune d’elles, le Tribunal s’est demandé si les demanderesses avaient été directement et sensiblement gênées dans leur entreprise en raison du retrait de certaines marques de médicaments sur ordonnance. Dans chaque cas, la pharmacie vendait des produits autres que des médicaments sur ordonnance et le juge Blais a examiné la perte des ventes de médicaments sur ordonnance dans le contexte de l’ensemble de l’entreprise de la pharmacie.

[20] Enfin, dans Construx Engineering Corporation c. General Motors du Canada, 2005 Trib. conc. 21, la partie qui demandait la permission était un grossiste et courtier spécialisé en produits de transport, y compris des véhicules automobiles. GM avait refusé de vendre ses produits. La seule preuve dont le Tribunal était saisi se limitait au fait qu’en 2003, la vente de véhicules GM représentait 67 p. 100 des ventes de véhicules automobiles neufs par Construx. Le Tribunal a refusé la demande de permission fondée sur le paragraphe 103.1(7) de la Loi, parce qu’il n’y avait aucun élément de preuve montrant l’impact du refus par GM de vendre des véhicules automobiles pour l’ensemble de l’entreprise.

[21] En me fondant sur cet examen, j’en suis arrivée à la conclusion que le Tribunal a constamment décidé qu’un effet sensible sur une entreprise est évalué dans le contexte de l’ensemble de l’entreprise.

Les arguments des parties [22] Dans ses observations écrites, Sears ne décrit pas son entreprise aux fins de la présente demande de permission. Toutefois, au cours des observations qu’il a présentées de vive voix, l’avocat de Sears a souligné qu’aux fins de la présente demande, l’entreprise de Sears consiste en la vente des produits Dior et Givenchy.

[23] Pour leur part, les défenderesses soutiennent que l’entreprise de Sears réside dans l’exploitation de grands magasins.

[24] L’affidavit de M me Wheatley renferme les éléments de preuve mentionnés à l’appui de la position de Sears. Carol Wheatley soutient ce qui suit :

Les consommateurs de parfums et de produits de beauté de luxe sont très fidèles aux marques et, si les produits qu’ils préfèrent ne sont pas disponibles chez Sears, ils iront ailleurs pour se les procurer. Les produits Dior et Givenchy sont uniques et ne sont pas, ou que rarement, interchangeables avec d’autres marques de parfums et produits de beauté de luxe.

Les produits Dior et Givenchy font l’objet d’investissements élevés dans des activités de recherche et de développement qui donnent lieu à des produits innovateurs et uniques. Les produits Dior et Givenchy sont présentés comme des symboles de prestige en liaison avec leurs noms de marque. À l’instar d’autres marques de parfums et produits de beauté de luxe, les produits Dior et Givenchy sont distribués sur une base sélective. Les produits Dior et Givenchy font concurrence avec d’autres marques de parfums et produits cosmétiques de luxe en fonction du service et de la publicité axée sur l’utilisation de célébrités plutôt qu’en fonction du prix.

[25] À mon avis, cette preuve n’est pas utile. Elle pourrait convenir si elle visait à soutenir que les produits Dior et Givenchy constituent des « produits » au sens ce mot est employé à l’alinéa 75(1)a) de la Loi, mais elle ne permet pas de tirer une conclusion au sujet de la portée de l’entreprise de Sears pour l’application du paragraphe 103.1(7) de la Loi.

Le texte de la Loi [26] Tel qu’il est mentionné au paragraphe 15 qui précède, le paragraphe 75(2) de la Loi renvoie à une personne qui exploite une entreprise se rapportant à une catégorie d’articles. J’estime donc que, si le Parlement avait voulu que l’effet sensible mentionné au paragraphe 103.1(7) et à l’alinéa 75(1)a) de la Loi touche une entreprise se rapportant à une catégorie d’articles comme les produits Dior et Givenchy, il aurait précisé cette intention.

Conclusion - Question 1 [27] À mon avis, tant les décisions antérieures du Tribunal que le texte clair employé dans la Loi mènent à la conclusion que l’ensemble de l’entreprise de Sears comme exploitant de grands magasins de vente au détail est l’entreprise à examiner pour l’application du paragraphe 103.1(7) de la Loi.

Question 2 Effet sensible [28] Sears a soutenu que la version française de l’alinéa 75(1)a), dans laquelle figurent les mots « sensiblement gênée dans son entreprise », montre qu’un effet sensible n’est pas nécessairement un effet important ou notable.

[29] À cet égard, Sears a invoqué un dictionnaire français-anglais Larousse, à la page 834, pour montrer que le mot « sensiblement » signifie « appreciably », « noticeably » et « markedly » (Grand Dictionnaire Larousse Chambers, Anglais-Français, Français-Anglais, s.v. « sensiblement »). De plus, Sears souligne que, selon le dictionnaire français-anglais Collins-Robert, à la page 328, le verbe « gêner » signifie « bother », « disturb » ou « be in the way » (Robert-Collins dictionnaire français-anglais, anglais-français, 2 e ed., s.v. « gêner »). [30] Selon un principe d’interprétation législative, il est possible d’interpréter une loi bilingue en déterminant le sens partagé par les deux versions de la disposition en cause. Dans le dictionnaire

français-anglais Harrap, le mot « sensiblement » est défini comme « appreciable; perceptible; obviously; to a considerable extent »; selon Le Petit Robert, il signifie « d’une manière appréciable » (voir le Grand Harrap Dictionnaire français-anglais et anglais-français, s.v. « sensiblement » et Le Petit Robert, s.v. « sensiblement »).

[31] À mon avis, aucun élément de la version française de l’alinéa 75(1)a) n’empêche de dire que le mot « substantial » de la version anglaise (sensible) a des sens comme important et notable. C’est le sens partagé par les deux versions et c’est celui que le Tribunal a déjà confirmé dans Chrysler lorsqu’il a dit que le mot « important » était un synonyme acceptable de «sensible ».

[32] Sears soutient que l’effet sensible sur son entreprise réside dans l’ensemble des conséquences suivantes :

(i) perte de ventes de 16 000 000 $; (ii) perte de ventes intersectorielles; (iii) incidence défavorable sur la capacité de Sears de négocier avec les fournisseurs d’autres marques de parfums et produits de beauté de luxe et de les attirer; (iv) incidence défavorable sur la capacité de Sears de faire concurrence à La Baie; (v) incidence défavorable sur la stratégie de commercialisation de Sears et sur la réputation de celle-ci sur le marché.

J’examine chacune de ces conséquences à tour de rôle. (i) Perte de ventes [33] Tel qu’il est décrit plus haut, les produits Dior et Givenchy génèrent des revenus de 16 000 000 $. Cependant, une partie des ventes perdues sera récupérée lorsque les clients passeront à d’autres marques de parfums et produits de beauté de luxe chez Sears, de sorte que le montant de 16 000 000 $ est légèrement élevé. Ce fait est reconnu dans l’affidavit de M me Wheatley, à l’alinéa 61a) :

[TRADUCTION] Premièrement, Sears perdra une partie importante des recettes de ventes annuelles de 16 000 000 $ provenant de ces produits, parce qu’une partie seulement des clients choisiront une autre marque. Les autres recettes de ventes seront tout simplement perdues, parce que les clients iront ailleurs pour se procurer le produit en question.

À mon avis, qu’il s’agisse d’un montant de 16 000 000 $ ou d’un montant légèrement inférieur, il est négligeable lorsqu’il est examiné au regard du chiffre d’affaires global de Sears, qui s’établit à 6 000 000 000 $.

(ii) Ventes intersectorielles [34] Sears fait valoir que les produits Dior et Givenchy génèrent un montant de 14 000 000 $ au titre des ventes d’autres produits chez elle. Cependant, il est difficile d’évaluer cette donnée, parce

que la preuve ne montre pas clairement la partie des ventes faites à des clients qui étaient incités à aller chez Sears pour acheter un produit Dior ou Givenchy et ont ensuite décidé d’acheter un autre produit. Les ventes de cette nature seraient pertinentes, comme M me Wheatley le reconnaît dans son affidavit. Cependant, les ventes à des clients qui sont allés chez Sears pour acheter d’autres produits et qui ont ensuite décidé d’acheter un produit Dior ou Givenchy ne seraient pas considérées comme des ventes intersectorielles pertinentes. Étant donné que la valeur de ces ventes n’a pas été présentée en preuve, il faut retrancher un montant inconnu à la somme de 14 000 000 $ au titre des ventes intersectorielles. Quel que soit ce montant, il ne sera pas important par rapport au chiffre d’affaires global de Sears, même s’il est ajouté au montant des ventes perdues.

(iii) Opérations touchant d’autres marques [35] Sears soutient qu’elle sera lésée du fait que le pouvoir et la position de négociation des fournisseurs d’autres marques de parfums et produits de beauté de luxe seront améliorés si elle ne tient plus les produits Dior et Givenchy. M me Wheatley formule cet argument dans son affidavit comme s’il s’agissait d’un fait, mais il s’agit à mon avis d’une simple hypothèse, parce qu’aucune donnée ne montre qu’il est fondé sur l’expérience de l’auteure de l’affidavit ou sur des commentaires formulés par des membres du personnel affectés à d’autres marques. C’est pourquoi j’ai accordé peu de poids à cette allégation concernant ce type de préjudice.

(iv) Concurrence avec La Baie [36] Il appert de l’affidavit de M me Wheatley que Sears a perdu une part du marché des parfums et produits de beauté de luxe au cours des trois dernières années. Cette part est passée de 26,3 p. 100 en 2004 à 23,5 p. 100 en 2005 et à 23 p. 100 en 2006. Sears craint que cette tendance se poursuive par suite de la perte des produits Dior et Givenchy. Selon Sears, les clients fidèles à Dior et Givenchy se tourneront principalement vers La Baie et, malgré l’absence de données quantifiant cet effet, j’accepte l’argument de Sears à ce sujet.

(v) Commercialisation de Sears [37] Sears considère les parfums et produits de beauté de luxe comme l’une des six catégories d’achat destination de ses grands magasins. Selon l’affidavit de M me Wheatley, Sears doit tenir les produits Dior et Givenchy pour transmettre au marché le message que cette destination est crédible. Sears soutient que sa réputation et son image seront ternies si elle n’offre pas une gamme complète de parfums et produits de beauté de luxe. Je reconnais que cet argument pourrait être fondé jusqu’à un certain point.

[38] Sears utilise également Dior comme l’aimant central dans ses meilleurs magasins, soit ceux du Toronto Eaton Centre et du Vancouver Pacific Centre. La preuve montre que le présentoir de Dior est l’une des premières choses que les clients voient lorsqu’ils passent par l’une des entrées du rez-de-chaussée des magasins. De plus, dans le magasin de Calgary et dans celui du Centre Rideau situé à Ottawa, Dior possède des présentoirs à différents emplacements clés. Sears estime à 600 000 $ le coût du retrait et du remplacement des présentoirs de Dior. Cependant, les défenderesses ont souligné au paragraphe 11 de leurs observations écrites qu’elles étaient disposées

à couvrir les frais raisonnables associés au retrait ou à la rénovation des présentoirs ou éléments de rayonnage connexes.

Conclusion Question 2 [39] J’en suis arrivée à la conclusion que, lorsqu’ils sont examinés ensemble, ces arguments montrent que Sears sera directement touchée par le refus des défenderesses de l’approvisionner en produits Dior et Givenchy, mais que l’effet sur l’exploitation des grands magasins de Sears ne sera pas sensible.

[40] En conséquence, compte tenu du critère que la Cour d’appel fédérale a approuvé dans Symbol Technologies ULC c. Barcode Systems Inc., [2004] C.A.F. 339, au paragraphe 16 relativement aux demandes de permission, je ne suis pas convaincue que Sears a présenté des éléments de preuve crédibles suffisants permettant de croire de bonne foi qu’elle a pu être directement et sensiblement gênée dans son entreprise par le refus des défenderesses de l’approvisionner en produits Dior et Givenchy.

Question 3 Ordonnance fondée sur l’article 75 [41] Compte tenu de la conclusion qui précède, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si le Tribunal pourrait rendre une ordonnance fondée sur les alinéas 75(1)a) à e) de la Loi.

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS, LE TRIBUNAL ORDONNE : [42] La demande de permission est rejetée avec dépens. FAIT à Ottawa, ce 23 e jour de mars 2007. SIGNÉ au nom du Tribunal par la présidente. (s) Sandra J. Simpson Traduction certifiée conforme Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B

PERSONNES AYANT COMPARU Pour la demanderesse : Sears Canada Inc. John F. Rook, c.r. Derek J. Bell Linda Visser

Pour les défenderesses : Parfums Christian Dior Canada Inc. Parfums Givenchy Canada Ltée

James Orr Jennifer Cantwell

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