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Tribunal de la concurrence

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Competition Tribunal

 

TRADUCTION OFFICIELLE

 

Référence : B‑Filer Inc. et autres c La Banque de la Nouvelle‑Écosse, 2006 Trib conc 26

No de dossier : CT‑2005‑006

No de document du greffe : 220

 

 

DANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C‑34, dans sa version modifiée;

 

ET DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par B‑Filer Inc., B‑Filer Inc. faisant affaire sous les noms de GPAY GuaranteedPayment et Npay Inc., en vue d’obtenir une ordonnance en vertu de l’article 75 de la Loi sur la concurrence.

 

 

E N T R E :

 

Competition Tribunal Seal / Sceau du Tribunal de la concurrence B-Filer Inc., B‑Filer Inc. faisant affaire sous les noms de GPAY GuaranteedPayment et Npay Inc. (demanderesses)

 

et

 

La Banque de Nouvelle‑Écosse

(défenderesse)

 

 

 

Date de l’audience : le 27 avril 2006

Lieu de l’audience : Ottawa

Avocats ayant comparu : Pour les deux parties

Juge présidant : Mme la juge Simpson (présidente)

Date des motifs et de l’ordonnance : le 24 mai 2006

Motifs et ordonnance signés par : Mme la juge Sandra J. Simpson

 

 

 

 

MOTIFS ET ORDONNANCE FAISANT DROIT À LA REQUÊTE DE B‑FILER EN VUE DE MODIFIER SON AVIS DE DEMANDE ET SON RÉSUMÉ DES MOTIFS ET DES FAITS SUBSTANTIELS


[1] Les présents motifs font suite à une requête présentée par B‑Filer et autres (« B‑Filer ») en vue de modifier son avis de demande et son résumé des motifs et des faits substantiels (« l’avis et le résumé »). Il s’agit des documents au moyen desquels B-Filer a institué une demande (la « demande ») devant le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») en vertu de l’article 75 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C‑34 (la « Loi »). Les faits pertinents sont les suivants :

 

(i) Le 4 novembre 2005, B‑Filer a obtenu la permission de présenter une demande au Tribunal à titre privé (la « permission »).

(ii) De façon générale, B‑Filer allègue dans sa demande que la Banque de Nouvelle‑Écosse (la « Banque Scotia ») a refusé de lui fournir des services bancaires, ce qui est contraire à l’article 75 de la Loi.

(iii) La Banque Scotia n’a pas déposé sa réponse à la demande de B‑Filer.

(iv) B‑Filer a retenu les services d’un nouvel avocat principal le 30 janvier 2006, ou vers cette date, et selon les documents déposés à l’appui de la requête, il est d’avis que les modifications qu’il est proposé d’apporter à l’avis et au résumé (les « modifications ») sont nécessaires pour préciser les questions juridiques et économiques pertinentes.

(v) L’annexe A jointe aux présents motifs est une copie de l’avis et du résumé qui indique les modifications. Les parties ont convenu que l’annexe A est exacte et que les modifications n’apportent aucun changement aux faits sous-jacents qui sont décrits dans l’avis et le résumé de B‑Filer.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[2] La Banque Scotia s’oppose aux modifications parce que, à son avis, celles-ci comportent des changements fondamentaux à la demande. Elle dit qu’on ne peut pas apporter des changements fondamentaux par voie de modification et que B‑Filer doit plutôt déposer une nouvelle demande de permission pour instituer une action privée.

 

[3] La première question en litige consiste donc à savoir si les modifications apportent des changements fondamentaux à la demande que B‑Filer a obtenu la permission de déposer. Si ces changements sont fondamentaux, il sera dans ce cas nécessaire d’examiner la seconde question en litige, soit l’applicabilité des décisions Maxwell c MLG Ventures Ltd. (1995), 40 C.P.C. (3d) 304, Endean c Canadian Red Cross Society, [1998] B.C.J. no 1542 (QL) et Ebco Industries Ltd. c Eppich, 2000 B.C.J. no 1437 (QL), dans lesquelles les tribunaux ont conclu que, dans le contexte de l’autorisation d’un recours collectif et de la permission de déposer une action oblique, le fait d’apporter des modifications fondamentales à des allégations oblige à examiner à nouveau les questions d’autorisation et de permission.

 

Première question : Les modifications changent-elles fondamentalement la demande?

 

[4] Les paragraphes 103.1(1) et (7) et l’article 75 de la Loi indiquent que, pour avoir la permission de présenter une demande, une partie privée doit montrer que le Tribunal « pourrai[t] » rendre une ordonnance remédiant à une situation dans laquelle il y a eu refus de fournir un produit. L’auteur de la demande de permission doit démontrer, notamment, les éléments suivants : i) il est incapable de se procurer un produit où que ce soit sur un marché, ii) il y a insuffisance de la concurrence entre les fournisseurs de ce produit sur ce marché, et iii) le refus de fournir un produit a pour effet de nuire à la concurrence dans un marché.

 

[5] Pour cette raison, la Banque Scotia affirme que les définitions du produit et du marché étaient des aspects fondamentaux de la demande au moment où la permission a été accordée et que, comme les modifications changent les deux définitions, les changements en question sont fondamentaux.

 

[6] Plus précisément, la Banque Scotia conteste les modifications qui figurent à l’annexe A, aux sous-alinéas 1a)(i) et (ii) de l’avis modifié ainsi qu’aux paragraphes 8.1 et 8.2, aux alinéas 8.14a) et b) et aux paragraphes 8.15, 15.8 et 19.1 du résumé modifié.

 

[7] Voici succinctement les changements en question.

  • (i)Selon les modifications, les services de paiement de facture en ligne et les virements de fonds électroniques (les « VFE ») sont deux produits distincts (la « modification qui précise l’existence de deux produits »).

  • (ii)Selon les modifications, les services de paiement de facture en ligne que fournit la Banque Scotia sont un produit qui est distinct de ceux que fournissent d’autres banques (la « modification qui précise l’existence d’un produit distinct »).

  • (iii)Selon les modifications, les VFE sont un piètre substitut aux services de paiement de facture en ligne (la « modification relative au piètre substitut »).

  • (iv)Selon les modifications, le marché est celui des [traduction] « services de paiement par débit à l’aide de la carte bancaire électronique » (la « modification relative au marché »).

 

ANALYSE

 

(i) La modification qui précise lexistence de deux produits

 

[8] Dans les motifs pour lesquels il a accordé la permission demandée, lesquels motifs sont datés du 14 novembre 2005 (les « motifs »), le Tribunal a décrit et analyse les VFE et les services de paiement de facture en ligne aux paragraphes 8, 10, 14, 16, 17, 19 et 20. (Voir B‑Filer Inc. v The Bank of Nova Scotia, 2005 Comp. Trib. 38).

 

[9] Il ressort des motifs qu’au moment où la permission a été accordée, le Tribunal croyait comprendre que les VFE sont utilisés quand l’acheteur n’a pas de compte à la Banque Scotia. En revanche, les services de paiement de facture en ligne sont un produit différent qui est utilisé quand l’acheteur est un client de la Banque Scotia. Même si les motifs indiquent que ces services sont interdépendants, en ce sens que les deux sont nécessaires aux activités de B‑Filer, il est évident que le Tribunal était au fait que les services sont des produits distincts que l’on utilise dans des circonstances différentes. Pour cette raison, je conclus que la modification relative aux deux produits ne constitue pas un changement fondamental à la demande de B‑Filer.

 

(ii) La modification qui précise l’existence d’un produit distinct

 

[10] Les motifs indiquent, au paragraphe 19, que le Tribunal était au fait que les clients de la Banque Scotia ne pouvaient se prévaloir de ses services de paiement de facture en ligne pour payer B‑Filer que si celle-ci était inscrite comme bénéficiaire de paiement de facture sur le site des opérations bancaires en ligne de la Banque Scotia. Dans les modifications, B‑Filer fait valoir qu’étant donné que la Banque Scotia est le seul fournisseur de services de paiement de facture en ligne aux clients de la Banque Scotia, ces services constituent un produit distinct. À mon avis, comme B‑Filer a déjà affirmé dans sa demande de permission qu’elle avait besoin des services de paiement de facture en ligne de la Banque Scotia et que seule la Banque Scotia offrait ces services, l’allégation selon laquelle ces services constituent un produit distinct des services de paiement de facture en ligne d’autres banques ne constitue pas un changement fondamental.

 

(iii) La modification relative au piètre substitut

 

[11] Les motifs n’indiquent pas que les VFE constituent un piètre substitut aux services de paiement de facture en ligne. Cependant, B‑Filer affirme que ce fait avait été soumis au Tribunal dans un affidavit souscrit par M. Grace le 1er septembre 2005 à l’appui de la demande de permission.

 

[12] Cependant, j’estime que cet argument n’est pas convaincant. L’affidavit de M. Grace n’indique nulle part que B‑Filer est d’avis que les VFE constituent un substitut inadéquat aux services de paiement de facture en ligne.

 

[13] Cette modification introduit une nouvelle opinion, mais il ne s’agit pas, selon moi, d’un changement fondamental. Les deux services – les services de paiement de facture en ligne et les VFE – ont été clairement désignés comme des produits distincts au moment où la permission a été accordée. La modification ajoute simplement des détails qui comparent le caractère souhaitable des deux services.

 

(iv) La modification relative au marché

 

[14] Les motifs indiquent, au paragraphe 20, que les parties ont convenu au moment de la demande de permission que le marché était celui des [traduction] « paiements par débit en ligne ». Il s’agit, en d’autres termes, de l’utilisation de cartes de débit bancaires pour payer des biens et des services sur Internet.

 

[15] À l’étape de la permission, une des questions soulevées visait à déterminer si le système Interac en ligne ferait partie du marché des paiements par débit en ligne une fois qu’il serait mis en fonction. Le Tribunal a examiné la preuve et analysé la question aux paragraphes 20 et 21 des motifs, où il a indiqué que le système Interac en ligne pouvait faire partie du marché parce que les différences entre ses services et ceux de B‑Filer n’étaient pas suffisantes pour étayer la conclusion selon laquelle ils ne seraient pas dans le même marché.

 

[16] Dans ce contexte, une modification selon laquelle les deux services sont quasi identiques et présents dans le marché des [traduction] « services de paiement par débit à l’aide de la carte bancaire électronique » ne saurait être qualifiée de changement fondamental.

 

 

 

 

CONCLUSIONS ET ORDONNANCE

 

[17] Les modifications n’apportent pas de changements fondamentaux. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner la seconde question en litige. De plus, elles répondent au critère permettant d’approuver les modifications que la Cour d’appel a énoncé comme suit dans l’arrêt Canderel Ltd. c Canada, [1994] 1 C.F. 3 (CAF), au paragraphe 9 :

 

[…] même s’il est impossible d’énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s’il est juste, dans une situation donnée, d’autoriser une modification, la règle générale est qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu’elle serve les intérêts de la justice.

 

EN CONSÉQUENCE, POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ORDONNE :

 

[18] i) La présente requête est accueillie, et l’avis et le résumé modifiés qui constituent l’annexe A jointe aux présents motifs sont réputés avoir été signifiés et déposés en ce jour.

 

ii) La réponse de la Banque Scotia doit être signifiée et déposée au plus tard le mercredi 14 juin 2006.

 

iii) La réplique de B‑Filer, le cas échéant, doit être signifiée et déposée au plus tard le mercredi 21 juin 2006.

 

iv) B‑Filer aura droit aux dépens afférents à la présente requête.

 

 

FAIT à Ottawa, ce 24e jour de mai 2006.

 

SIGNÉ au nom du Tribunal par la présidente du Tribunal.

 

 

(s) Sandra J. Simpson

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


[19] ANNEXE A – AVIS DE DEMANDE ET RÉSUMÉ EXPOSÉ DES MOTIFS ET DES FAITS SUBSTANTIELS INDIQUANT LES MODIFICATIONS PROPOSÉES


COMPARUTIONS :

 

Pour les demanderesses :

 

B‑Filer Inc., B‑Filer Inc. faisant affaire sous les noms de GPAY GuaranteedPayment et Npay Inc.

 

Michael Osborne Sharon Dalton Jennifer Cantwell

 

Pour la défenderesse :

 

La Banque de Nouvelle‑Écosse

 

F. Paul Morrison Lisa M. Constantine

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