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CT-2005-007 COMPETITION TRIBUNAL TRH3UNAL DE LA CONCURRENCE TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE f r~ ~ ~ ~e~ 18 2006 g ENTRE: D y RE!QISTRA.R - r: ;:GISTRAIRE T COMMISSAIRE A LA CONCURRENCE OTTAWA, ON ~ Partie demanderesse

et GESTION LEBSKI ET ALS Partie defenderesse DOSSIER DE REPONSE AL A QUESTION CONSTITUTIONNELLE MEMOIRE EN FAIT ET EN DROIT DE LA DEMANDERESSE REGLES 39, 72 ET 74 DU TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE

Me Stephane Teasdale Me Alexandre Ajami Me Melissa Paquin Miller Thomson Pouliot Tour CIBC, 3 le etage 1155, boul. Rene-Levesque ouest Montreal, Quebec H3B 3S6 Telephone: (514) 875-5210 Telecopieur: (514) 875-4308 Procureur de la Partie tfifenderesse

Morris Rosenberg Sous-procureur general du Canada Me Chantal Sauriol Me Anne-Marie Desgens MINISTERE DE LA JUSTICE Bureau regional du Quebec Complexe Guy-Favreau 200, boul. Rene-Levesque Ouest Tour Est, 9e etage Montreal (Quebec) H2Z 1X4 Telephone: (514) 283-7179 Telecopieur: (514) 283-3856 Procureurs de la Partie demanderesse

TABLE DES MATIERES Introduction Les comportements susceptibles d'examen en vertu de la Loi sur la concurrence L'article 11 de la Charte L'article 7 de la Charte L'article 2b) de la Charte L'arret des procedures Conclusion LISTE DES AUTORITES

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CT-2005-00 TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE ENTRE: COMMISSAIRE A LA CONCURRENCE Partie demanderesse

et GESTION LEBSKI ET ALS Partie defenderesse DOSSIER DE REPONSE A LA QUESTION CONSTITUTIONNELLE MEMOIRE EN FAIT ET EN DROIT DE LA DEMANDERESSE (Reg/es 39, 72 et 74 du Tribunal de la Concurrence)

Introduction 1. En reponse au memoire des faits et du droit des defendeurs, la demanderesse desire demontrer la validite constitutionnelle des paragraphe 74.1(1) et de 74.01 (1) a) et b) de la Loi sur la concurrence (la Loi) dans le cadre de la Charte canadienne des droits et Ii be rt es (c i-apres « la Charte »). 2. Les defendeurs contestent la demande d'ordonnance de la Commissaire en alleguant que les comportements susceptibles d'examen decrits aux paragraphes de 74.01 (1) a) et b) de la Loi sont en realite des infractions penales deguisees, ne sont pas des regles de droit et contreviennent a la Charte. Memoire des defendeurs, pages 29 a 36

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3. Les defendeurs contestent egalement la sanction administrative pecuniaire (ci-apres SAP) prevue aux paragraphes 74.1(1) de la Loi et pretendent qu'elles equivalent a des amendes de nature penale au sens de l'article 11 de la Charte et qu'en consequence, ils beneficient de la protection du paragraphe 11 c ).

Memoire des defendeurs, page 34, par. 34, page 36, par. 39

4. Les defendeurs demandent en consequence que ces articles soient declares invalides, inoperants, inapplicables et sans effet.

Memoire des defendeurs, page 50, par. 86 et 87

5. Enfin, les defendeurs demandent l'arret des procedures, arguant qu'ils ont souffert d'un delai deraisonnable au sens de l'article 1 lb) de la Charte. Memoire des defendeurs, pages 50 a 52

Les comportements susceptibles d'examen en vertu de la Loi sur la concurrence 1 6. La protection prevue a l'article 11 de la Charte canadienne des droits et libertes peut-elle etre invoquee dans une instance portant sur la contestation d'une demande d'ordonnance de sanction administrative pecuniaire en vertu de la Loi sur la Concurrence (ci-apres la Loi)?

7. La demanderesse soutient qu'une instance reposant sur la contestation d'une demande d'ordonnance de sanction administrative pecuniaire emis en vertu des articles 74 et ss. de la Loi est de nature purement civile et n'entraine pas de « veritables consequences penales ».

8. Par consequent, la demanderesse soutient que les defendeurs ne peuvent beneficier de la protection de l'article 11 de la Charte.

9. Dans le contexte de l'application de !'article 74.01 (1) a) et b) de la Loi, la juridiction statutaire conffae,e a cette Cour en est done une de nature purement civile. L' article 11 de la Chart.~ 10. Pour s'opposer :1 !'imposition de sanction administrative pecumaue, les defendeurs invoquent la protection de !'article 11 c) de la Charte canadienne des droits et libertes, qui se lit :

«11. Tout inrnlpe a le droit: 1 L.R. ( 1985) c. C-34 3

[ ... ] c) de ne pas etre contraint de temoigner contre lui-meme clans toute poursuite intentee contre lui pour l'infraction qu'on lui reproche»

11. En principe, l'article 11 de la Charte ne s'applique a une instance que s'il s'agit d'une affaire criminelle ou de nature penale :

A mon avis, l'interpretation plus restrictive de l'art. 11, preconisee par la majorite des auteurs mentionnes precedemment, est en fait la bonne fas:on d'interpreter cet article. Les droits garantis par l'art. 11 de la Charte peuvent etre invoques par les personnes que l'etat poursuit pour des infractions publiques comportant des sanctions punitives, c.-a-d. des infractions criminelles, quasi criminelles et de nature reglementaire, qu'elles aient ete edictees par le gouvememcnt federal ou par les provinces. Un certain nombre de facteurs m'amenent a cette conclusion.

R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541, par. 16

11 est evident que l'article 11 ne s'applique qu'aux inculpes. C'est une condition sine qua non de l'application de la presomption d'innocence, de la protection contre la double incrimination, ainsi que de l'application OU de la pertinence des autres droits enonces a cet article.

Porter c. Canada, [1989] A.C.F. No 255, p. 5

12. L'article 11 ne s'applique pas aux procedures administratives, comme les sanctions administratives pecuniaires, qui sont engagees pour assurer le respect d'une loi :

Les procedures de nature administrative engagees pour proteger le public conformement a la politique gt:nerale d'une loi ne sont pas non plus le genre de procedures relatives a une «infraction», auxquelles s'applique l'art. 11.

R. c. Wigglesworth, par. 23

13. Les defendeurs ne sont pas « inculpes » au sens de la Charle, ils ne risquent ni emprisonnement, ni easier judiciaire, ils ne sont exposes a aucune reprobation sociale. Martineau c. Canada, [2004] 3 R.C.S. 737, par. 65

14. Seules les procedures qui ouvrent sur une responsabilite « penale », par opposition a une responsabilite «administrative», entrainent !'application de I' article 11 de la Charte.

Martineau, par. 23

15. Face a une procedure administrative, une personne n'est pas un « inculpe ». En general, les procedures penales sont des affaires visant a promouvoir l'ordre et le bien-etre publics dans une sphere d'activite publique. Les poursuites federales regies par le Code criminel et les poursuites des infractions quasi-penales creees par des lois reglementaires federales ou provinciales relevent de I' article 11 de la Charte.

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Martineau, par. 21 16. Les procedures administratives, elles, sont engagees pour proteger le public conformement a la politique generale d'une loi et sont purement privees, intemes ou disciplinaires.

Martineau, par. 20; Wiggleswortlt, p. 560

17. Puisque ces procedures ne ciblent pas des «infractions », elles ne sont pas sujettes a 1' article 11 de la Charte. Par analogie, les procedures disciplinaires et les poursuites civiles comportent elles aussi des sanctions pecuniaires, ce qui n'en fait pas pour autant des procedures criminelles.

Martineau, par. 38

18. Seules les procedures qui ouvrent sur une responsabilite « penale », par opposition a une responsabilite «administrative», entrainent !'application de l'article 11 de la Charte.

Martineau, par. 21, 22, 23

19. Toutefois, selon !'opinion majontaire dans l'arret Wigglesworth 2 , !'article 11 de la Charle« peut s'appliquer hors du contexte d'accusations criminelles ou quasi-criminelles lorsqu'une procedure donne ouverture a de (( veritables consequences penales »: Cela ne vcut pas dire que la personne accusee d'une affaire privee, domestique ou disciplinaire qui est principalement destinee a maintenir la discipline, l'integrite OU a reglementer une conduite dans une sphere d'activite privee et limitee, [page 561] ne peut jamais posseder les droits que garantit l'art. 11. Certaines de ces affaires peuvent tres bien relever de ]'article 11, non pas parce qu'il s'agit du genre d'affaires classiques destinees a relever de !'article, mais parce qu'elles comportent !'imposition de veritables consequences penales.

20. D'ailleurs, il a 1~te decide, a de nombreuses reprises, qu'une instance portant sur la validite d'une mesure administrative ou des penalites avaient ete imposees en vertu de la Loi de l 'impot n' etait pas une instance de nature criminelle :

The authorities cited do not tum on to the narrow question of whether or not prior administrative decisions can bar subsequent criminal prosecutions. Rather, they were decided on the much broader ground that the definition of "offence" in s. 11 (h) of the Charter is restricted to criminal or quasi-criminal prohibitions and that the prohibition, proceedings, and fine associated with assessments of penalties under the respective Income Tax Acts are not of a criminal or quasi-criminal nature or character. In other words, it is not a question of whether the administrative assessments and fines constitute a bar to subsequent criminal prosecutions but rather

2 R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541, par. 24 5

whether they constitute an offence at an in the sense in which that term is used in s. 11 (h) of the Charter.

I have concluded that the assessments by the Minister and the imposition of penalties pursuant to s-ss. 163(1) and (2) of the Income Tax Act (Canada) and s-ss. 23(1) and (3) of the Income Tax Act (B.C.) are properly characterized as private matters of a regulatory nature - primarily intended to regulate the conduct of taxpayers with reference to their complying with the requirements of the respective Income Tax Acts. The penalties which may be imposed upon such assessment are designed to achieve that objective.

In contradiction, prosecutions for a violation of s. 239 are properly characterized as criminal and penal matters intended to "promote public order and welfare within a public sphere of activity" by deterring the public from the commission of flagrant breaches of the Income Tax Act.

Accordingly, I find that the assessments by the Minister and the imposition of penalties for a violation of s. 163 of the federal Income Tax Act and s. 23 of the British Columbia Income Tax Act do not constitute a finding of guilty or a punishment for an offence which comes within s. 11 (h) of the Charter.

Lavers v. British Columbia (Minister ofF inance) (B. C. C.A.), [1989] B.C.J. No. 2239, p. 20 21. S'il fallait qu'elle soit retenue, la position des defendeurs rendrait toute mesure administrative invalide, faisant ainsi echec a toute reglementation etatique comportant le paiement d'une somme d'argent, sous pretexte que cela ne peut se faire que dans le cadre de procedures criminelles :

To accede to the appellants' argument would be to conclude that the state cannot impose a penalty other than through the criminal process. This is an extravagant conversion of s. 11, sweeping illlto it and criminalizing all state imposed penalties.

R. v. Yes Holdings Ltd. (Alta. C.A.), [1987], A.J. No. 1040, p. 4

22. Ce qui amene la question suivante : <<Est-ce que les montants reclames dans le cadre du processus de sanction administrative pecuniaire entra1nent de « veritables consequences penales »?

23. Or, toujours selon l'opinion majontaire dans l'arret Wigglesworth, on entend par « veritables cons<~quences penales » un emprisonnement ou une amende:

A mon avis, une veritable consequence penale qui entrainerait !'application de !'art. 11 est l'emprisonnement ou une amende qui par son importance semblerait imposee clans le but de reparer le tort cause a la societe en general plutot que pour rnaintenir la discipline a l'interieur d'une sphere d'activite limitee. Dans "Annotation to R. v. Wigglesworth" (1984), 38 C.R. (3d) 388, le professeur Stuart dit a lap. 389: 6

[Traduction] ... d'autres formes de mesures disciplinaires punitives, comme les amendes ou l'emprisonnement, ne peuvent etre distinguees des peines en matiere criminelle et devraient certainement etre assujetties a la protection de l'al. 1 lh). Wigglesworth, [1987] A.C.S. no 71, par. 24

24. Soulignons que les commentaires de la juge Wilson dans l'arret Wigglesworth, cite abondamment par les defendeurs, circonscrivent la notion d'inculpe «de fac;:on a en limiter l'application aux infractions publiques comportant des sanctions punitives » et « qu'une affaire releve de la Charte lorsque premierement, de par sa nature meme, il s'agit d'une procedure criminelle ou, deuxiemement une declaration de culpabilite relativement a !'infraction est susceptible d'entrainer un veritable consequence penale ». Martineau, par. 19 25. Les defendeurs ne sont pas inculpes et ne risquent pas d'etre declares coupables de ce qui leur est reproche.

26. Le regime des SAP dans la Loi est depourvu de plusieurs des elements cruciaux qui marquent habitwellement une procedure typiquement penale. Un tribunal peut done accepter la caracterisation « administrative » de ce regime. En 1' espece, l' objectif de la Loi (article 1.1) est :

«de preserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but de stimuler l'adaptabilite et l'efficience de l'economie canadienne, d'ameliorer les chances de participation canadienne aux marches mondiaux tout en tenant simultanement compte du role de la concurrence etrangere au Canada, d'assurer a la petite et a la moyenne entreprise une chance honnete de participer a l'economie canadienne, de meme que dans le but d'assurer aux consommateurs des prix competitifs et un choix dans les produits. »

27. Dans l'arret Martineau, la Cour explique que la confiscation compensatoire - qui faisait egalement l'objet d'une attaque de validite constitutionnelle - a peu en commun avec la procedure penale. Personne n'est inculpe ni arrete :

« Personne n'est somme de comparaitre devant une cour de juridiction penale. Aucun easier judiciaire n'en resulte. Au pire des cas, une fois la procedure administrative et les appels epuises, si l'avis de confiscation compensatoire est maintenu et que la personne redevable refuse toujours de payer, cette derniere risque d'etre contrainte civilement de le faire. »

Martineau, par. 45

28. Mentionnons qu'aucune peine d'emprisonnement OU amende ne peut etre imposee dans le cadre de !'application de !'article 74.l de la Loi, puisque le mecanisme de sanction administrative n, a pas pour but de reparer le tort cause a la societe, mais plutot de permettre a l'Etat de mettre en place des mesures visant a proteger une activite economique precise :

Neanmoins, je n'ai trouve aucun motif que le demandeur pourrait invoquer pour prouver que les droits que lui garantit la Charte ont ete violes. Le souci de proteger les recettes realisees

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grace aux droits de douanes et aux taxes d'accise, qui est consacre par une ancienne doctrine et une legitirnite historique, merite, a mon avis, qu'on continue a le respecter, meme si c'est a regret. C'est le genre de respect que le tribunal doit au legislateur, qui a estime au fil des ans qu'aussi radicale qu'elle puisse sembler a l'occasion, la confiscation est une mesure qu'il est bon et necessaire de conserver.

Porter, p. 9

29. L'argument des defendeurs voulant que !'importance et la severite du montant des SAP auraient pour but de reparer un tort cause a la societe en general et done impliquent une veritable consequence penale, argument fonde sur 1' obiter dictum de la juge Wilson dans l'am~t Wigglesworth, a ete rejete dans l'arret Martineau. Memoire des defendeurs, page 9, par. 16 a 19

30. Au paragraphe 62, la Cour y rejette la pertinence de la comparaison entre le montant possible d'une SAP et celui d'une amende, jugeant que les objectifs de telles sanctions (economique et civil vs. penal, selon les principes pertinents a la determination d'une peine) sont distincts.

31. Puisque la confiscation compensatoire dans Martineau ne VISait pas a reparer un tort cause a la societ(~ et n'impliquait aucune condamnation societale, cette consequence d'un manquement a la Loi sur !es douanes n'etait done pas veritablement penale, nonobstant le fait que le montant impose en raison de la conduite contraire a la loi (l' evitement du paiement des taxes d'accises) etait important (315,000 $).

32. Meme si les procedures entamees selon la partie VIl.1 de la Loi sont in personam plutot que in rem (distinction contextuelle d'avec l'affaire Martineau), les SAP, lorsqu'imposees de fa9on appropriee, n'imposent pas veritablement des consequences penales. De plus., le montant potentiel d'une SAP n'est pas pertinent dans l'abstrait a la question seuil de !'application de !'article 11 de la Charte.

33. Etant donne la multitude des conduites reglementees par la partie VII. l de la Loi et les caracteristiques diverses des acteurs potentiellement assujettis au regime des SAP, le maintien efficace des objectifs poursuivis par la Loi exige que le Tribunal puisse avoir recours a des montants importants selon les circonstances : S'il en est ainsi, il n'y a rien d'incorrect a mettre en balance les interets de l'Etat avec les preoccupations des individus au sein meme de dispositions qui definissent des droits et, dans ce contexte, je repete mon hesitation a rompre l'equilibre auquel le legislateur est parvenu, malgre le fait que la mesure semble dure et excessive.

Porter, p. 10

34. Lorsqu'une sanction monetaire est utilisee comme instrument de promotion de l'obeissance a une loi reglementaire, certains acteurs requierent necessairement un controle plus se:vere que d'autres (par exemple, les banques ou les societes de telecommunications).

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35. A cet egard, il faut se pencher sur (1) les objectifs de la Loi et des procedures en question, (2) le but vise par la sanction, par exemple les SAP, et (3) le processus menant a }'imposition de la sanction, en }'occurrence, une SAP. La Cour supreme indique que c'est la nature des procedures elles-memes et non celle de l' acte reproche qui doit guider la qualification.

Martineau, par. 24, 30-31 R. c. Shubley, [1990] 1 R.C.S. 3, pp. 18-19

36. On peut concevoir le recours au regime et !'imposition d'une SAP en vertu de la Loi comme une « procedure administrative » si elle peut etre suffisamment bien distinguee d'une poursuite typiquement penale ou quasi-penale.

37. Ainsi, !'application efficace de la Loi dependra des circonstances de la personne qui est assujettie a une ordonnance de payer une SAP en raison de ses pratiques commerciales trompeuses.

38. Le fait que les facteurs a considerer dans }'imposition d'une SAP se distinguent de ceux qui sont traditionnellement associes a !'imposition d'une peine (voir par. 74.1(5)) et !'intention exprimee de la Loi, c'est-a-dire que les SAP ne sont pas utilisees pour punir mais bien pour encourager un comportement compatible avec les objectifs du regime reglementaire (voir par. 74(4)) illustre que le montant potentiel des SAP en soi ne transforme pas cette mesure en une consequence veritablement penale.

39. D'autre part, meme si, a premiere vue, le montant de 100, 000.00$ exige en vertu des articles 74.1 de la Loi peut Sembler eleve, le montant des SAP ne depend pas d'une simple formule mathematique mais resulte plutot de l'exercice d'une discretionjudiciaire ou quasi-judiciaire prenant en consideration plusieurs facteurs, confirmant ainsi le caractere eminemment circonstanciel de chaque cas.

Article 74.1(5) de la Loi

40. Les montants reclames par le biais des articles 74.l et SS. de la Loi visent done uniquement a assurer le respect du systeme de la concurrence au Canada. 41. Comme la sanction administrative pecuniaire n'est pas une procedure criminelle ou quasi-criminelle, et qu'elle n'est pas susceptible d'entrainer de « veritables consequences penal es », les defendeurs ne peuvent beneficier de la protection de l' article 11 de la Charte dans le cadre des presentes procedures :

In my view, the distinction in the severity of the respective penalties indicates that Parliament intended that the imposition of the statutory penalty following assessments by the Minister would reflect a sufficiently significant monetary punishment to deter taxpayers from failing to comply with the Income Tax Acts and would thereby achieve the objective of this administrative procedure. It is also an incentive to diligence for those who might be grossly negligent but not truly criminal. On the other hand, the severity of the public

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sentence which could be imposed following a conviction under s. 239 clearly points to Parliament's intention to provide a punishment designed to redress a public wrong. I do not consider this distinction in the nature and purpose of the two punishments to be diminished by the fact that all fines end up in the consolidated revenue fund, via the Receiver General of Canada. In the circumstances this is the only appropriate office to which such payments could be made. In summary, therefore, the penalty assessment, while not trivial, is not so severe as to amount to a "true penal consequence".

I find support for the conclusion I have reached from the decision of George's Contracting, supra, where this Court, after considering the Wigglesworth decision, found the Minister's assessment and consequent penalty to be a civil proceeding to which s. 1 l(h) of the Charter did not apply.

Accordingly, I find that the assessments of the Minister and the penalties imposed as a consequence of such assessments do not come within s. 1 l(h); they are not criminal or quasi-criminal "by nature", nor are the penalties a "true penal consequence".

Lavers, p. 21

42. Entin, les arguments invoques par les defendeurs quant au caractere inconstitutionnel de l'article 74.01 (1) b) de la Loi ne peuvent non plus etre retenus, car nous ne sommes pas devant un renversement du fardeau de preuve qui serait inconstitutionnel s'il faisait echec al a presomption d'innocence d'un inculpe. 43. Les commentaires de la demanderesse sur l'objectif de la Loi et la nature administrative de la procedure sont pertinents egalement eu egard a I' article 11 c) de la Charte : ii ne peut y avoir de presomption d'innocence lorsqu'une personne n'est pas inculpee et n'est pas sujette a une declaration de culpabilite. 44. De meme, les defendeurs ne peuvent invoquer le droit au silence garanti par l'article 11 c) de la Charte, et les dispositions de la Loi attaquees par leur requete ne sont pas de nature a violer ce droit. Memoire des defendeurs, page 41, par. 55 45. La demanderesse est bien fondee de proceder a }'administration de sa demande selon la preponderance de preuve 3 , qui est le regime civil prevu par la Loi. L'article 7 de la Charte 46. Aux paragraphes 60 a 75 de leur memoire, les defendeurs soutiennent que !'imposition d'une sanction administrative pecuniaire est une atteinte a leur droit fondamental a la vie, a la liberte et a la securite de leur personne. 3 Les defendeurs qualifient Ce regime de ((balance des probabilites )) clans leur memoire. 10

4 7. Cette affirmation est etonnante. Dans la mesure ou les defendeurs ne risquent ni emprisonnement, ni easier judiciaire, ni mesure contraignante sur leur personne, il est difficile de soutenir que les SAP sont une atteinte a un droit fondamental protege par la Charte.

48. Contrairement a la pretention des defendeurs, seules les personnes physiques beneficient directement de la protection de l'article 7 car les entites corporatives ne possedent pas les « attributs humains » que sont la vie, la liberte et la securite de sa personne.

Irwin Toy c. Quebec (P.G.), [1989] 1 R.C.S. 927 Dywidag Systems c. Zutphen Bros., [1990] 1 R.C.S. 705

49. Neanmoins, une personne morale pourrait quand meme invoquer !'article 7, mais seulement pour demontrer que !'infraction etablie par la loi est inconstitutionnelle (car si elle l' est pour les personnes physiques, elle l 'est pour tout le monde ).

R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154 Office canadien pour la commercialisation des reufs c. Richardson, [1998] 3 R.C.S. 157

50. En outre, les defendeurs ne font reference, dans leur requete, a aucun principe de justice fondamentale qui reponde aux exigences enoncees par la Cour supreme et se contentent d 'une simple generalisation, enoncee vaguement:

« Une simple regle de common law ne suffit pas pour former un principe de justice fondamentale. Au contraire, comme !'expression l'implique, les principes doivent etre le fruit d'un certain consensus quant a leur caractere primordial ou fondamental dans la notion de justice de notre societe. Les principes de justice fondamentale ne doivent toutefois pas etre generaux au point d'etre reduits a de vagues generalisations sur ce que notre societe estime juste ou moral. lls doivent pouvoir etre identifies avec une certaine precision et appliques a diverses situations d'une maniere qui engendre un resultat comprehensible. » Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur general), [1993] 3 R.C.S. 519, pages 590-591 51. Le defaut d'identifier un principe de justice fondamentale conformement aux exigences enoncees par la Cour supreme est de nature a entrainer le rejet de la requete des defendeurs. Auton (Tutrice a! 'instance de) c. Colombie-Britannique (Procureur general), [2004] 3 R.C.S. 657

52. Finalement, les defendeurs plaident que les dispositions attaquees ne sont pas des regles de droit au sens de !'article 1 de la Charte en raison de leur caractere pretendument «vague et imprecis ».

Memoire des defendeurs, page 16, par. 49

53. Cette affirmation des defendeurs est contredite par les allegations sur la conformite de leurs publicites avec la Loi que l'on retrouve dans leur reponse, OU, a plusieurs reprises et 11

de fa9on non equivoque, ils affirment s' etre conformes en tout temps a ces dispositions et reprochent a la Commissaire une interpretation trop stricte des memes dispositions. Reponse des defendeurs, par. 45, 46, 52, 58

54. Les defendeurs affirment meme avoir effectue les « epreuves suffisantes et appropriees » au sens de la Loi, et que les ordonnances demandees par Commissaire vont a l'encontre des objectifs de la Loi, ce qui illustre bien que ces termes ne sont ni vagues, ni imprecis, particulierement lorsque les defendeurs reprennent a leur compte l'esprit de la Loi pour demontrer qu'ils s'y sont conformes.

Reponse des defendeurs, par. 3, 36, 46, 52, 58, 64, 66, 74, 75

55. Le fait que les defendeurs soulevent maintenant des arguments constitutionnels pour faire invalider des dispositions legislatives qu'ils n'ont par ailleurs jamais contestees, ni devant la Cour superieure, ni au moment de !'introduction de la demande, n'est pas de nature a convaincre du serieux de cette demarche pour le moins opportune.

56. Cette Cour a decide recemment, en reprenant les criteres de l'arret Oakes, que la question est de savoir si la l[ es dispositions] en cause foumit une « norme intelligible » sur laquelle le pouvoir judiciaire doit se fonder pour executer ses fonctions.

57. La Cour supreme confirme par ailleurs que le critere selon lequel une loi sera jugee imprecise est exigeant.

Commissaire de la concurrence c. Sears Canada inc., 2005 CACT 2, par. 40 a 55

L'article 2b) de la Charte 58. Sans admettre que les dispositions attaquees sont une atteinte a la liberte d'expression garanti par l'article 2b) de la Charte, la demanderesse soutient que si le Tribunal en venait a cette conclusion, les dispositions seraient quand meme valides, car elles repondent a une preoccupation urgente et reelle du legislateur, l 'objectif poursuivi par la Loi est suffisamment important pour justifier la restriction de la liberte d'expression, et le moyen choisi est de nature a restreindre le moins possible cette liberte, conformement aux criteres jurisprudentiels :

Les facteurs contextuels de la Loi sont pris en compte L'atteinte vise un objectif valable constitutionnellement Il ya un lien rationnel entre les dispositions contestees et l'objectif de la Loi 12

L' atteinte est minimale 11 y a proportionnalite entre l' effet prejudiciable de la mesure et ses effets benefiques

La commissaire de la concurrence c. Sears Canada Inc., par. 70 a1 29 Cahier d'autorites des defendeurs, R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103

L'arret des procedures 59. Quant a la demande d'arret des procedures pour un motif de leur tardivete, causant un « delai deraisonnable », cet argument des defendeurs ne resiste pas a l'analyse de la chronologie des evenements ayant mene au depot de la demande qui fait l'objet de la presente contestation constitutionnelle.

60. En effet, la demande a ete deposee devant cette Cour en juin 2005, et la Commissaire a poursuivi la demarche entreprise avec diligence.

61. Ce sont les defendeurs qui ont demande a repousser la date du proces, qm devait initialement se tenir enjanvier 2006.

62. 11 ne s'est done ecoule que quelque six mois entre le depot de la demande et la premiere date fixee pour !'instruction de l'affaire, le retard a proceder ne pouvant etre impute a la Commissaire.

63. Meme si le Tribunal decide de trancher !'argument du delai deraisonnable sur la base de !'article 7 de la Charte, la demanderesse soutient, par analogie avec le droit penal, que la date fatidique a considerer comme marquant le debut du delai est le "depot des accusations" - ici la demande d'une ordonnance - et non la periode durant laquelle se deroule l'enquete de la Commissaire a la concurrence. R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771

64. L'arret des procedures est une reparation qui est habituellement reservee aux "cas les plus manifestes" et cela, meme en matiere administrative.

R. c. Power, [1994] 1 R.C.S. 601 R. c. O'Connor, [1995] 4 R.C.S. 411 R. c. Regan, [2002] 1 R.C.S. 297 Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Tribunal), [2000] 2 R.C.S. 307, par. 118-120

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Conclusion POUR CES MOTIFS, la demanderesse demande respectueusement a cette Cour de: REJETER la requete des defendeurs; LE TOUT avec depens, y compris les frais d'expertise; LE TOUT respectueusement soumis.

Montreal, le 18 avril 2005 Me Chantal Sauriol Me Anne-Marie-Desgens MINISTERE DE LA JUSTICE CANADA Bureau regional du Quebec Complexe Guy-Favreau 200, boul. Rene-Levesque Ouest Tour Est, 9e etage Montreal (Quebec) H2Z 1X4 Telephone: (514) 283-7179 Telecopieur: (514) 283-3856

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AUTO RITES LEGISLATION Charle canadienne des droits et libertes : Article 2b ), 7 et 11 Regles de la Cour federale (1998) Loi sur la Concurrence, L.R. (1985) c. C-34 Regles du Tribunal de la concurrence, DORS/94-290

JURISPRUDENCE R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541 Porter c. Canada, [1989] A.C.F. No 255 Martineau c. Canada, [2004] 3 R.C.S. 737 Lavers v. British Columbia (Minister ofF inance) (B.C.C.A.), [1989] B.C.J. No. 2239, pp. 20-21 R. v. Yes Holdings Ltd. (Alta. C.A.), [1987] A.J. No. 1040, p. 4 R. c. Shubley, [1990] 1 R.C.S. 3, pp. 18-19 Irwin Toy c. Quebec (P.G.), [1989] 1 R.C.S. 927 Dywidag Systems c. Zutphen Bros., [1990] 1 R.C.S. 705 R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154 Office canadien pour la commercialisation des ceufs c. Richardson, [1998] 3 R.C.S. 157 R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771 R. c. Power, [1994] 1 R.C.S. 601 R. c. O'Connor, [1995] 4 R.C.S. 411 R. c. Regan, [2002] 1 R.C.S. 297 Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Tribunal), [2000] 2 R.C.S. 307, par. 118-120

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No: CT-2005-007 TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE COMMISSAIRE A LA CONCURRENCE Partie demanderesse et GESTION LEBSKI ET ALS Partie defenderesse DOSSIER DE REPONSE A LA QUESTION CONSTITUTIONNELLE

MEMOIRE EN FAIT ET EN DROIT DE LA DEMANDERESSE

REGLES 39, 72 et 74 DU TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE

COPIE POUR LACOUR JOHN H. SIMS, c.r. Sous-procureur general du Canada Me Chantal Sauriol Me Anne-Marie Desgens Ministere federal de la Justice Complexe Guy-Favreau 200, boul. Rene-Levesque Quest Tour Est, etage Montreal (Quebec) H2Z 1X4

Tel.: (514) 283-5841 Fax.: (514) 283-3856

N/dossier: 2-203130

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