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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal Renvoi : Burns Lake Native Development Corporation et al. c. Commissaire de la concurrence et West Fraser Timber Co. Ltd. et al. 2006 Trib. conc. 16 N o de dossier CT2004-013 N o de document du greffe 0058a AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, et ses modifications, et le renvoi que la commissaire de la concurrence a déposé le 4 avril 2005

ENTRE : La commissaire de la concurrence (demanderesse)

et Burns Lake Native Development Corporation, le conseil de la Lake Babine Nation et Emma Palmantier, pour son propre compte et pour le compte de tous les membres de la Lake Babine Nation, le conseil de la Burns Lake Band et Robert Charlie, pour son propre compte et pour le compte de tous les membres de la Burns Lake Band et le conseil de la Nee Tahi Buhn Indian Band et Ray Morris, pour son propre compte et pour le compte de tous les membres de la Nee Tahi Buhn Indian Band (défendeurs)

et West Fraser Timber Co. Ltd. et West Fraser Mills Ltd. (au soutien de la demanderesse)

En présence de la juge Simpson (présidente) Date de l’audience : du 16 janvier 2006 au 18 janvier 2006 Date des motifs et de l’ordonnance : 27 mars 2006 Motifs et ordonnance signés par Madame la juge Sandra J. Simpson, présidente

MOTIFS ET ORDONNANCE DU RENVOI DE LA COMMISSAIRE AU SUJET : [i] DE LA DÉFINITION DES MOTS « DIRECTEMENT TOUCHÉE » DU PARAGRAPHE 106(2) DE LA LOI; [ii] DE L’APPLICATION DE LA DÉFINITION AUX DÉFENDEURS; [iii] DE LA NÉCESSITÉ DE DÉPOSER AVEC UN CONSENTEMENT LA PREUVE D’UNE DIMINUTION SENSIBLE DE LA CONCURRENCE OU D’UN EMPÊCHEMENT SENSIBLE DE LA CONCURRENCE

TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION LES QUESTIONS LES PARTIES LES DEMANDEURS DANS LA DEMANDE FONDÉE SUR LE PARAGRAPHE 106(2) WEST FRASER LA COMMISSAIRE LA STRUCTURE DES SOCIÉTÉS PARTICIPANT AU PROJET DES SCIERIES LE CONSENTEMENT QUESTION 1 PARTIE I : SENS DES MOTS « DIRECTEMENT TOUCHÉE »

LES POSITIONS DES PARTIES La commissaire West Fraser Les demandeurs L’HISTORIQUE DE L’ARTICLE 105 ET DU PARAGRAPHE 106(2) DE LA LOI L’ancien processus d’approbation des ordonnances par consentement Le processus actuel d’enregistrement des consentements L’UTILISATION DES MOTS « DIRECTEMENT TOUCHÉE » L’utilisation des mots « directement touchée » ailleurs dans la Loi L’utilisation du mot « affected » (le concernant) au paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence Décisions de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel fédérale

PARAGRAPHE 1 2 6 9 10 11 18

21 22 23 25 26 31 33 38 45

CONCLUSIONS AU SUJET DE LA PARTIE I DE LA QUESTION 1 49 LA DÉFINITION DES MOTS « DIRECTEMENT TOUCHÉE 55 QUESTION 1 PART II : L’ APPLICATION DE LA DÉFINITION DES MOTS « DIRECTEMENT TOUCHÉE » AUX DEMANDEURS

LE CRITÈRE LA BLNDC LES CHEFS ET LES CONSEILS DES BANDES INDIENNES Le dessaisissement Droits autochtones CONCLUSION AU SUJET DE LA PARTIE II DE LA QUESTION 1 QUESTION 2 EST-IL OBLIGATOIRE DE DÉPOSER UNE PREUVE D’UNE DSC OU D’UN ESC AU MOMENT D’ENREGISTRER UN CONSENTEMENT? CONCLUSION AU SUJET DE LA QUESTION 2 ORDONNANCE ANNEXE A

56 59 67 68 70 75 76 79 86

INTRODUCTION [1] La commissaire de la concurrence (la commissaire) soumet le présent renvoi dans le cadre d’une demande présentée au Tribunal de la concurrence (le Tribunal) par la Burns Lake Native Development Corporation et d’autres parties (les demandeurs) sous le régime du paragraphe 106(2) de la Loi sur la concurrence (la demande fondée sur le paragraphe 106(2)). Dans la demande fondée sur le paragraphe 106(2), les demandeurs demandent au Tribunal d’annuler un consentement intervenu entre West Fraser Timber Co. Ltd. et West Fraser Mills Ltd. (collectivement West Fraser) ainsi que la commissaire et enregistré auprès du Tribunal le 7 décembre 2004 (le consentement). Ce consentement prévoit que West Fraser doit se dessaisir de deux scieries et des biens connexes, y compris les droits de récolte et tenures s’y rapportant (le dessaisissement). Les questions du présent renvoi sont posées conformément au paragraphe 124.2(2) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985) ch. C-34, et ses modifications (la Loi) et portent sur la qualité pour agir et sur la preuve en ce qui concerne la demande fondée sur le paragraphe 106(2).

LES QUESTIONS [2] La première question concerne l’interprétation et l’application des mots « directement touchée par le consentement » du paragraphe 106(2) de la Loi. Les tiers, tels les demandeurs, doivent être « directement touchés » pour avoir le droit de demander au Tribunal d’annuler ou de modifier le consentement intervenu entre la commissaire et une autre partie.

Le paragraphe 106(2) est ainsi libellé : (2) Toute personne directement touchée par le consentement -- à l'exclusion d'une partie à celui-ci - - peut, dans les soixante jours suivant l'enregistrement, demander au Tribunal d'en annuler ou d'en modifier une ou plusieurs modalités. Le Tribunal peut accueillir la demande s'il conclut que la personne a établi que les modalités ne pourraient faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal. [non souligné dans l’original] [3] La question 1, qui comporte deux parties, se lit comme suit : Partie I a) Quelles sont la nature et la portée de l’intérêt qui satisfait au critère des mots « directement touchée » du paragraphe 106(2) de la Loi en ce qui concerne la qualité pour agir?

(2) A person directly affected by a consent agreement, other than a party to that agreement, may apply to the Tribunal within 60 days after the registration of the agreement to have one or more of its terms rescinded or varied. The Tribunal may grant the application if it finds that the person has established that the terms could not be the subject of an order of the Tribunal. [emphasis added]

b) Plus précisément, le demandeur qui invoque le paragraphe 106(2) doit-il être « touché » (i) relativement à la concurrence; (ii) relativement à ses droits substantiels ou financiers?

c) Plus précisément, le demandeur qui invoque le paragraphe 106(2) doit-il être touché « directement », en ce sens que : (i) le demandeur subit ou risque de subir l’effet qu’il allègue exclusivement en conséquence du consentement et non d’autres facteurs, influences ou circonstances; (ii) l’effet allégué est imminent et réel et n’est pas de nature hypothétique ou conjecturale?

Partie II En ce qui a trait à l’application du paragraphe 106(2), les demandeurs appartenant aux groupes ci-dessous ont-ils divulgué dans leur avis de demande des faits qui, s’ils étaient prouvés, établiraient qu’ils sont « directement touchés » par l’application du paragraphe 106(2) : (i) la Burns Lake Native Development Corporation, personne morale créée en 1974 (BLNDC); (ii) le conseil de la Burns Lake Band, le conseil de la Lake Babine Nation et le conseil de la Nee Tahi Buhn Indian Band (les bandes indiennes); (iii) Robert Charlie, Emma Palmantier et Ray Morris (les chefs)?

[4] La deuxième question est de savoir si la commissaire est tenue de déposer une preuve démontrant une diminution sensible de la concurrence (DSC) ou un empêchement sensible de la concurrence (ESC) lorsqu’un consentement est déposé auprès du Tribunal pour être enregistré en application de l’article 105 de la Loi.

[5] La question 2 est la suivante : Lorsqu’un consentement est enregistré en application de l’article 105 de la Loi, les parties sont-elles tenues de déposer une preuve établissant que le fusionnement réel ou proposé aura vraisemblablement pour effet de diminuer sensiblement ou d’empêcher sensiblement la concurrence en l’absence des modalités de réparation du consentement? Dans l’affirmative, l’absence de preuve de cette nature suffit-elle à appuyer une conclusion selon laquelle les « modalités ne pourraient faire l’objet d’une ordonnance du Tribunal », comme le demandeur doit le prouver conformément au paragraphe 106(2) de la Loi?

LES PARTIES LES DEMANDEURS DANS LA DEMANDE FONDÉE SUR LE PARAGRAPHE 106(2)

[6] Les demandeurs sont la Burns Lake Native Development Corporation (la BLNDC), les conseils de trois bandes indiennes qui sont actionnaires de la BLNDC et les chefs de ces bandes.

[7] En 1973, le gouvernement de la Colombie-Britannique a décidé de créer un complexe de scieries dans la région de Burns Lake de la province afin de traiter le bois récolté sur les terres de la Couronne provinciale (le projet de scieries). Le gouvernement a offert à six bandes des Premières nations la possibilité de participer au projet de scieries. Afin de faciliter leur participation, les bandes indiennes ont créé la BLNDC en 1974 à titre de personne morale sans but lucratif immatriculée en Colombie-Britannique.

[8] Bien que la Lake Babine Nation détienne la participation majoritaire dans BLNDC, la Burns Lake Band et la Nee Tahi Buhn Indian Band sont également actionnaires. Les chefs et conseils de ces bandes indiennes sont demandeurs dans la demande fondée sur le paragraphe 106(2) et défendeurs dans le présent renvoi. Ces bandes indiennes ont toutes invoqué un titre de propriété autochtone sur la terre située dans la région de Burns Lake et participent actuellement à des négociations en vue de la conclusion d’un traité. Leurs revendications couvrent la terre sur laquelle se trouvent quelques-uns des éléments d’actif devant faire l’objet du dessaisissement. La réserve de la Burns Lake Band est l’endroit se trouve l’une des scieries devant faire l’objet du dessaisissement (la scierie de Burns Lake), et la bande indienne revendique la terre sur laquelle se trouve l’autre scierie (la scierie de Decker Lake). De plus, bien que la Lake Babine Nation et la Nee Tahi Buhn Indian Band revendiquent toutes deux un titre de propriété autochtone sur les terres liées aux droits de récolte de bois d’oeuvre et aux tenures devant faire l’objet du dessaisissement, elles n’ont formulé aucune revendication à l’égard des terres se trouvent les scieries.

WEST FRASER [9] Le 31 décembre 2004, West Fraser a fait l’acquisition de Weldwood of Canada Ltd. (le fusionnement). West Fraser est la partie qui est tenue de réaliser le dessaisissement exigé par le consentement.

LA COMMISSAIRE [10] La commissaire est la demanderesse dans le présent renvoi et une des parties défenderesses dans la demande fondée sur le paragraphe 106(2). Le 7 décembre 2004, elle a conclu un consentement avec West Fraser afin de corriger les effets anticoncurrentiels que le fusionnement risque, à son avis, d’entraîner.

LA STRUCTURE DES SOCIÉTÉS PARTICIPANT AU PROJET DE SCIERIES [11] La BLNDC a commencé à participer au projet de scieries en achetant 8 p. 100 des actions de Babine Forest Products Limited (BFPL ou Babine F.P. Ltd.), qui était propriétaire et exploitante de la scierie de Burns Lake ainsi que des droits de récolte de bois d’oeuvre connexes. Les autres actionnaires étaient Westar Timber LTD (Westar), Eurocan Pulp & Paper Co. Ltd. (Eurocan) et Weldwood of Canada Ltd. (Weldwood).

[12] En 1984, les actionnaires de BFPL ont décidé de modifier la structure de la société. À cette fin, ils ont créé la Babine Forest Products Company afin qu’elle exploite la scierie de Burns Lake et les droits de récolte de bois d’oeuvre connexes à titre de coentreprise. Plus tard, Eurocan et Westar ont vendu les actions qu’elles détenaient dans BFPL. Par la suite, la BLNDC a porté à 15,4 p. 100 la part d’actions qu’elle détenait dans BFPL, tandis que Weldwood détenait le reste des actions.

[13] Selon les documents fournis par West Fraser, la coentreprise concernait à l’origine la scierie de Burns Lake et les droits de récolte de bois d’oeuvre connexes. Cependant, il semble que, quelque temps après 1984, la scierie de Decker Lake et les droits de récolte de bois d’oeuvre connexes ont été intégrés dans la coentreprise. Les scieries de Burns Lake et Decker Lake et les droits de récolte de bois d’oeuvre connexes seront appelés ci-après les scieries et droits de récolte.

[14] Par souci de commodité, un organigramme à jour est joint en annexe A. Les parties conviennent que l’organigramme représente l'exploitation conjointe et montre les rôles et participations respectifs de la BLNDC, de West Fraser et de BFPL. Dans les présents motifs, le Tribunal adopte la terminologie que les parties ont utilisée dans leurs observations et à l’annexe A. La gestion et l’exploitation des scieries et droits de récolte par BFPL et West Fraser seront appelées la coentreprise de Babine. West Fraser détient, directement et indirectement, une participation de 90 p. 100 dans la coentreprise de Babine, tandis que la BLNDC détient indirectement la participation de 10 p. 100 qui reste du fait qu’elle possède 15,4 p.100 des actions de BFPL. Les participations minoritaires des bandes indiennes dans la coentreprise de Babine sont éloignées à double niveau du fait des actions qu’elles détiennent dans la BLNDC.

[15] La BLNDC a le droit de désigner un représentant au comité de gestion de la coentreprise de Babine (le comité de gestion). Ce comité peut compter jusqu’à dix membres; cependant, il se compose de quatre représentants à l’heure actuelle, soit trois de West Fraser et un de la BLNDC.

[16] La BLNDC a également droit à un dividende représentant une part de tous les fonds excédentaires en fonction de sa participation à la coentreprise de Babine. Cependant, le montant disponible à des fins de distribution dépendra de l’existence d’un excédent et de la décision du comité de gestion de déclarer ou non un dividende. Le comité peut décider plutôt de constituer des réserves ou de reporter les fonds.

[17] L’avocat de la commissaire a souligné que la BLNDC a un droit de premier refus qu’elle peut exercer si West Fraser décide de vendre ses participations majoritaires de la coentreprise de Babine. L’avocat des demandeurs a convenu que ce droit existait et a précisé qu’une fois que l’acquéreur de la participation majoritaire de West Fraser sera connu pendant le dessaisissement, la BLNDC aura trois options. Elle pourra accepter l’acquéreur comme son nouvel associé, acheter la participation majoritaire ou vendre sa propre participation minoritaire.

LE CONSENTEMENT [18] Le consentement énonce que la commissaire est d’avis que le fusionnement est susceptible de diminuer sensiblement la concurrence dans le corridor de la route 16 de la Colombie-Britannique et dans la région de Cariboo en ce qui concerne le marché relatif à l’achat de billes, et le long du corridor de la route 16 en ce qui concerne le marché lié à la fourniture des intrants aux entreprises de nouvelles ouvraisons du bois d’oeuvre. Cependant, il appert également du consentement que West Fraser n’admet pas que le fusionnement risque d’entraîner une DSC.

[19] Afin de dissiper les inquiétudes de la commissaire, le consentement exige que West Fraser se départisse de la participation de 90 p. 100 qu’elle détient, directement et indirectement, dans les scieries et les droits de récolte. Le consentement porte également sur le dessaisissement d’autres éléments d’actif; cependant, comme ces éléments n’ont aucun intérêt pour les demandeurs, il n’en est pas fait mention dans les présents motifs.

[20] Le consentement prévoit que la commissaire doit approuver le dessaisissement, lequel doit être effectué d’une manière permettant d’assurer la continuité des activités des scieries. Plus précisément, l’acquéreur doit disposer de la capacité décisionnelle, opérationnelle et financière visant à exploiter les scieries, et utiliser celles-ci pour les mêmes fins pour lesquelles elles étaient administrées avant le fusionnement.

QUESTION 1 PARTIE I : SENS DES MOTS « DIRECTEMENT TOUCHÉE » LES POSITIONS DES PARTIES La commissaire [21] La commissaire soutient que, pour être « directement touchée », une partie doit avoir un droit substantiel ou financier auquel le consentement a porté atteinte. La commissaire ajoute que, pour prouver qu’elle est directement touchée, la partie doit montrer que l’impact du consentement est imminent et réel et qu’il n’est pas simplement de nature hypothétique ou conjecturale. Le mot « directement » nécessiterait un lien linéaire et immédiat entre les conditions du consentement et le préjudice invoqué. Enfin, lorsqu’il n’y a aucune façon de savoir en quoi le consentement nuira à la partie qui soutient être directement touchée, la commissaire fait valoir que le préjudice est simplement de nature conjecturale et que la partie n’est pas directement touchée.

West Fraser [22] Selon West Fraser, dans le contexte du paragraphe 106(2), une personne « directement touchée » doit montrer l’existence d’un [TRADUCTION] « droit important qu’il est facile de cerner et qui est manifestement affaibli » par le consentement.

Les demandeurs [23] Les demandeurs demandent au Tribunal de donner aux mots « directement touchée » leur sens ordinaire et affirment qu'il suffit d'établir un lien direct de cause à effet entre le consentement et ses conséquences pour une personne qui revendique la qualité pour agir. Ils ajoutent que l’effet devrait être lié à un droit, mais qu’il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’un droit substantiel ou financier ou d’un droit lié à des questions de concurrence. Toujours selon les demandeurs, les mots « directement touchée » ne sous-entendent pas nécessairement un préjudice réel et immédiat. À leur avis, ces mots englobent une situation les intérêts d’une personne sont lésés même si les conséquences à long terme du consentement ne sont pas connues. Selon les demandeurs, cette interprétation est raisonnable, parce qu’une partie ne peut être en mesure de déterminer les conséquences dans le bref délai de soixante jours dont elle dispose pour demander l’annulation ou la modification d’un consentement conformément au paragraphe 106(2).

[24] Les demandeurs soutiennent également qu’il appert des décisions du Tribunal que les actionnaires minoritaires et les parties susceptibles de présenter une offre à l’égard d’éléments d’actif peuvent être « directement touchés ». Enfin, ils ajoutent que puisque le paragraphe 106(2) vise à restreindre le droit d’intervenir dans une instance, il doit recevoir une interprétation restrictive conformément au principe d’interprétation législative selon lequel les dispositions ayant pour effet d’éliminer des droits devraient être interprétées de manière restrictive.

L’HISTORIQUE DE L’ARTICLE 105 ET DU PARAGRAPHE 106(2) DE LA LOI [25] Dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., Re), [1998] 1 R.C.S. 27, le juge Iacobucci, qui s’exprimait au nom de la Cour, a formulé les remarques suivantes au paragraphe 31 : « […] l’examen de l’historique législatif pour déterminer l’intention du législateur est tout à fait approprié et notre Cour y a eu souvent recours [...] ». De plus, dans Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 27, la Cour a exprimé une préférence pour l’approche moderne de Driedger en matière d’interprétation des lois : Cette méthode reconnaît le rôle important que joue inévitablement le contexte dans l’interprétation par les tribunaux du texte d’une loi. Comme l’a fait remarquer avec perspicacité le professeur John Willis dans son influent article intitulé « Statute Interpretation in a Nutshell » (1938), 16 R. du B. can. 1, p. 6, [TRADUCTION] « les mots, comme les gens, prennent la couleur de leur environnement ».

Pour tenir compte du contexte dans la présente affaire, il est nécessaire d’examiner l’historique législatif du remplacement des ordonnances par consentement par les accords de consentement.

L’ancien processus d’approbation des ordonnances par consentement [26] Avant les modifications apportées à la Loi en 2002, l’article 105 de celle-ci exigeait que le commissaire et une partie qui avait négocié un règlement déposent auprès du Tribunal une demande visant à faire approuver un projet d’ordonnance par consentement (POC). La demande comprenait un énoncé des répercussions ayant pour but d’expliquer le POC, une description des réparations prévues et une déclaration montrant que les réparations permettraient d’atténuer de façon efficace les effets anticoncurrentiels de la conduite d’une partie.

[27] Avant d’approuver un POC, le Tribunal examinait les commentaires déposés par les parties intéressées et tenait souvent des audiences afin d’examiner la preuve présentée par le commissaire, la partie et les intervenants. Par la suite, le Tribunal pouvait décider d’approuver le POC ou refuser de le faire. Dans ce dernier cas, il pouvait indiquer les modifications qu’il y avait lieu d’apporter au POC afin que celui-ci soit approuvé. Ce processus sera appelé le « processus d’approbation des POC ».

[28] Le processus d’approbation des POC demandait beaucoup de temps, en plus d’être coûteux et imprévisible. Le commissaire qui déposait les demandes d’approbation des POC et les parties qui réglaient avec le commissaire ne pouvaient savoir quelle serait la durée du processus, si une audience serait tenue et, dans l’affirmative, si des tierces parties interviendraient. De plus, ils ignoraient si les conditions de leur règlement seraient approuvées ou si des modifications devraient être apportées au POC. Les avantages habituels du règlement amiable, notamment la possibilité qu’il offrait de mettre fin au litige, de mieux circonscrire les obligations continues et de réduire les frais, ne caractérisaient pas les règlements conclus avec le commissaire en raison du processus d’approbation des POC, lequel a vivement été critiqué précisément pour cette raison.

[29] Dans son rapport intitulé Le rôle de la politique de la concurrence dans la réforme de la réglementation la réforme de la réglementation au Canada, Paris, OCDE, 2002, l’Organisation de coopération et de développement économiques a formulé les commentaires suivants la page 16) au sujet du processus d’approbation des POC :

La procédure d’ordonnance par consentement suivie par le Tribunal de la concurrence a posé problème. Toutes les ordonnances, notamment celles qui résultent de règlements négociés, doivent être rendues par le Tribunal, qui est l’organe de décision de première instance. La procédure d’examen d’une ordonnance par consentement dure au moins 60 jours afin de permettre la publication d’une notification et une intervention, etc. Elle peut toutefois demander jusqu’à six mois. En outre, le Tribunal de la concurrence a parfois exigé que des modifications soient apportées à un règlement sur lequel s’étaient entendus le Bureau et les parties. Les risques d’incertitude et de retard ont semble-t-il incité les entreprises à rechercher des règlements amiables plutôt que des ordonnances par consentement. [non souligné dans l’original]

[30] Dans leur article intitulé « Rethinking the Role of the Competition Tribunal », les auteurs Neil Campbell, Hudson Janisch et Michael Trebilcock mentionnent que [TRADUCTION] « [...] le temps, le coût et l’incertitude liés aux procédures d’ordonnance par consentement ont fortement incité le directeur à régler les plaintes relatives à des pratiques susceptibles d’examen au moyen d’engagements » ((1997) R. du B. can. 297, 313).

Le processus actuel d’enregistrement des consentements [31] Le Comité permanent de la Chambre des communes sur l’industrie, les sciences et la technologie (le Comité permanent) a tenu des audiences afin d’examiner le projet de loi C-23, qui comportait des amendements à la Loi, et a accepté les opinions des témoins qui appuyaient la partie du projet de loi visant à remplacer le processus d’approbation des POC par l’enregistrement des consentements. Un de ces témoins était M. Tim Kinnish, alors président de la Section nationale du droit de la concurrence de l’Association du Barreau canadien. Voici comment il s’est exprimé à ce sujet :

Nous convenons que le mécanisme actuel de consentement donne des résultats satisfaisants [sic] pratiquement depuis son entrée en vigueur. Son application est incertaine, il est coûteux et il prend du temps. Nous sommes favorables à une réforme dans ce secteur et nous appuyons de manière générale les dispositions du projet de loi C-23 qui prévoient l’enregistrement des consentements [Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie, témoignages, 7 novembre 2001].

[32] Les modifications subséquemment apportées à la Loi en 2002 ont eu pour effet d’accroître la fiabilité des règlements amiables du commissaire en éliminant le processus d’approbation des POC et en le remplaçant par un processus d’enregistrement des consentements dans le cadre duquel les conditions des règlements sont intégrées dans des accords de consentement qui sont simplement enregistrés par la suite auprès du Tribunal. Cette modification a entraîné deux conséquences. D’abord, le Tribunal n’approuve plus les règlements du commissaire avant que ceux-ci deviennent définitifs et, en second lieu, les intervenants qui sont directement touchés n’ont plus la possibilité d’exprimer leurs préoccupations avant que les règlements soient finalisés. Le législateur a plutôt édicté le paragraphe 106(2) afin de permettre aux tierces parties de persuader le Tribunal d’annuler ou de modifier les modalités du consentement après que celui-ci a été finalisé et enregistré. Cependant, ce droit est assujetti à des restrictions importantes :

il doit être exercé dans les soixante jours suivant l’enregistrement d’un consentement; il ne peut être exercé que par les tierces parties « directement touchées »; il ne peut être invoqué avec succès que si la tierce partie peut montrer que le Tribunal n’aurait pu ordonner les réparations qui figurent dans les modalités de l’accord en question.

L’UTILISATION DES MOTS « DIRECTEMENT TOUCHÉE » L’utilisation des mots « directement touchée » ailleurs dans la Loi [33] Les parties ont tenté d’illustrer le sens des mots « directement touchée » en citant des décisions que le Tribunal a rendues en application du paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. 1985, ch. 19 (2 e suppl.) (la Loi sur le TC), et des décisions judiciaires portant sur le mot « touché » et sur l’expression « directement touché ». Cependant, avant de commenter les arguments des parties, j’examinerai l’emploi des mots « directement touchée » dans d’autres dispositions de la Loi.

[34] L’article 103.1 a été ajouté à la Loi dans les modifications de 2002 de manière à permettre à des parties privées de solliciter du Tribunal l’autorisation de présenter une demande. Avant l’adoption de ces dispositions, seul le commissaire pouvait saisir le Tribunal d’une demande. Les modifications ainsi proposées ont été longuement examinées et ont suscité une vive controverse (voir, par exemple, Forum des politiques publiques, Modifications de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur le Tribunal de la concurrence : rapport sur les consultations rapport final (Ottawa : Forum des politiques publiques, 2002, aux pages 18 à 21). Ces modifications découlaient de compromis entre ceux qui, d’une part, souhaitaient l’accès illimité au Tribunal et ceux qui, d’autre part, préféraient qu’aucun accès ne soit accordé aux parties privées, craignant que certains ne s’adressent au Tribunal qu’à des fins stratégiques inopportunes. Cependant, ces opposants ont également souligné que, si cet accès était autorisé, il devrait l’être uniquement avec la permission du Tribunal.

[35] Cette disposition a été adoptée et le Tribunal peut désormais permettre à une partie privée de présenter une demande, lorsqu’il a des raisons de croire que « l’auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise ». La disposition précise le degré de l’impact sensiblement ») ainsi que le type d’intérêt qui doit être touché son entreprise »).

[36] L’absence de termes restrictifs de cette nature au paragraphe 106(2) de la Loi pourrait donner à penser que cette dernière disposition devrait être interprétée de manière plus libérale. Je suis d’accord avec ce raisonnement en principe; cependant, dans la présente affaire, en raison de l’historique de l’article 105, qui montre que la nécessité d’une plus grande certitude a donné lieu au processus d’enregistrement des consentements, je suis d’avis qu’il ne conviendrait pas d’interpréter le paragraphe 106(2) de manière libérale.

[37] L’expression « directement touchée » figure également aux paragraphes 103.3(9) et 104.1(10) de la Loi. Cependant, il n’existe aucune décision applicable du Tribunal à leur sujet.

L’utilisation du mot « affected »(le concernant) au paragraphe 9(3) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence

[38] L’avocat des demandeurs a souligné que, au moment d’interpréter le paragraphe 106(2) de la Loi, le Tribunal devrait se fonder sur les décisions qu’il a rendues au sujet du sens du mot « affected » (le concernant) du paragraphe 9(3) de la Loi sur le TC.

[39] Le paragraphe 9(3) dispose que « toute personne peut, avec l’autorisation du Tribunal, intervenir dans les procédures se déroulant devant celui-ci [...] afin de présenter toutes observations la concernant à l’égard de ces procédures ». Dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Air Canada et al. (1992), 46 C.P.R. (3d) 184, le Tribunal a conclu que le mot « affects » (concernant) doit recevoir le sens de [TRADUCTION] « concernant directement ».

[40] Selon les demandeurs, le fait qu’ils détiennent des participations minoritaires (éloignées à simple et double niveaux) dans la coentreprise de Babine ne devrait pas empêcher le Tribunal de conclure qu’ils sont « directement touchés » par le consentement. À leur avis, le Tribunal a déjà rendu une décision en ce sens dans Commissaire de la concurrence c. Union des producteurs de grain limitée, 2002 Trib. conc. 21. Dans cette affaire, le commissaire a déposé une demande d’ordonnance enjoignant à l’Union des producteurs de grain limitée (UPG) de se dessaisir de la totalité de sa participation dans l’un des deux terminaux de grain du port de Vancouver. Le Saskatchewan Wheat Pool (SWP) détenait une participation minoritaire de 30 p. 100 dans l’un des terminaux et a demandé l’autorisation d’intervenir en vertu du paragraphe 9(3) de la Loi sur le TC au motif qu’il était directement touché.

[41] Le Tribunal a accordé à SWP l’autorisation d’intervenir. Cependant, à mon avis, la décision n’était pas fondée sur le fait que SWP était un actionnaire minoritaire. L’intervention était plutôt justifiée par le préjudice pouvant être causé à SWP, qui avait signé des contrats avec l’UPG. En conséquence, il n’y a aucune décision donnant à penser qu’une partie est directement touchée simplement parce qu’elle est un actionnaire minoritaire. Cependant, il n’y a pas lieu de dire non plus qu’une partie n’a pas qualité pour agir parce qu’elle est simplement actionnaire minoritaire.

[42] Les demandeurs ont également fait valoir que, étant donné qu’ils ont un droit de premier refus, ils sont des soumissionnaires possibles à l’égard des scieries et droits de récolte et que le Tribunal a déjà décidé, en vertu du paragraphe 9(3) de la Loi sur le TC, que les soumissionnaires éventuels étaient directement touchés.

[43] À cet égard, ils ont cité l’affaire Washington c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches), 78 C.P.R. (3d) 472, une demande avait été présentée en vue de modifier une ordonnance par consentement de manière à supprimer l’obligation relative au dessaisissement de certains éléments d’actif. L’intervenant proposé avait fait une offre à l’égard des éléments d’actif devant faire l’objet du dessaisissement et le Tribunal a conclu que cet intervenant était directement touché, même si l’autorisation d’intervenir a

été refusée pour d’autres raisons. De plus, dans Commissaire de la concurrence c. Trilogy Retail Enterprises L.P., 2001 Trib. conc. 12, le Tribunal a conclu qu’un soumissionnaire éventuel pouvait être directement touché et a accordé l’autorisation d’intervenir à deux investisseurs qui envisageaient la possibilité de présenter une offre à l’égard des éléments d’actif devant faire l’objet du dessaisissement. Cependant, le Tribunal a précisé que les deux investisseurs n’étaient pas [TRADUCTION] « simplement un autre ‘soumissionnaire éventuel’ », parce que la preuve montrait qu’ils avaient un droit important et réel sur les éléments d’actif devant faire l’objet du dessaisissement et des préoccupations majeures au sujet de l’efficacité du projet d’ordonnance par consentement.

[44] À mon avis, ces deux décisions ne sont pas utiles pour les demandeurs. Dans l’affaire Washington, l’intervenant avait effectivement présenté une offre et, dans Trilogy, l’intervenant proposé envisageait sérieusement la possibilité de le faire. Dans la présente affaire, aucun élément de preuve ne montre que les demandeurs ont décidé d’exercer leur droit de premier refus ou qu’ils possèdent les fonds nécessaires pour procéder à une acquisition.

Décisions de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel fédérale [45] L’arrêt T.W.U. c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada), [1995] 2 R.C.S. 781, concernait une décision par laquelle le CRTC avait autorisé des entreprises autres que BC Tel à effectuer des travaux d’installation sur les structures de soutènement de celle-ci. Le syndicat de BC Tel, TWU, a demandé à la Cour d’appel fédérale de réviser la décision du CRTC et a ensuite interjeté appel devant la Cour suprême du Canada. La Cour suprême a décidé que le CRTC n’était pas tenu d’aviser TWU de la demande et des procédures qui ont mené à sa décision, parce que la décision du CRTC n’avait rien à voir avec « l’aire de travail » de TWU. En conséquence, même si le syndicat était touché, l’effet était indirect. Voici comment la Cour s’est exprimée :

33 De façon générale, je souscris aux prétentions de l’intimée. À mon avis, l’intérêt de TWU dans l’affaire soumise au CRTC était purement indirect. La décision du CRTC en était une de politique en matière de télécommunications. Le CRTC devait décider de la meilleure façon de réglementer une compagnie de téléphone monopoliste afin de protéger l’intérêt public. L’objectif sous-jacent à la décision du CRTC n’avait absolument rien à voir avec « l’aire de travail » de TWU. En fait, une telle considération n’aurait pas été pertinente quant à la décision du CRTC. TWU n’avait donc aucun intérêt pertinent à faire valoir devant le CRTC. Si TWU risquait d’être touché par la décision du CRTC, ce ne pouvait être que de façon purement indirecte.

[46] Dans Travailleurs unis du téléphone c. Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers, [1982] 1 C.F. 603 (CAF), la Cour devait décider si le syndicat demandeur était « directement touché » en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7. Dans l’affirmative, il avait la qualité voulue pour solliciter le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le Conseil canadien des relations du travail avait accrédité un autre syndicat. Le demandeur craignait que le syndicat qui avait obtenu l’accréditation ne puisse plus

tard être en mesure de contester l’accréditation du demandeur lui-même. Cependant, la Cour d’appel fédérale a décidé que cette préoccupation ne constituait pas un effet direct, parce que le demandeur était simplement exposé à une situation qui pouvait le toucher ultérieurement.

[47] Dans Independent Contractors & Business Assn. c. Canada (Ministre du Travail), [1998] A.C.F. 352, 6 Admin. L. R. (3d) 92 (CAF), le directeur régional du ministère du Travail a écrit aux autorités contractantes fédérales et les a informées d’un changement de salaire dans le cas des ouvriers affectés aux projets visés par des contrats fédéraux. L’association et quelques-uns de ses membres qui étaient des entrepreneurs ont sollicité le contrôle judiciaire de la décision du directeur régional. La Cour d’appel fédérale a décidé que, même si les entrepreneurs étaient eux-mêmes directement touchés, puisqu’ils avaient présenté des offres à l’égard de marchés du gouvernement fédéral ou qu’ils avaient l’intention de le faire, l’association elle-même n’était pas directement touchée, parce qu’elle ne travaillait pas dans le domaine de la construction et ne présenterait donc jamais de soumission.

[48] Ces décisions m’ont aidée à décider ce qui constitue un intérêt suffisant qui fait du demandeur une personne ayant qualité pour agir en vertu du paragraphe 106(2) de la Loi. Elles montrent que tant les intérêts que les droits peuvent permettre de conclure qu’une partie est directement touchée et que les effets de nature conjecturale ne sont pas directs, pas plus que ne le sont les effets n’ayant aucun lien avec le mandat du décideur.

CONCLUSIONS AU SUJET DE LA PARTIE I DE LA QUESTION 1 [49] Étant donné que la Cour suprême du Canada a reconnu, dans l’arrêt Bell ExpressVu, l’importance du contexte aux fins de l’interprétation législative et eu égard également aux préoccupations très graves que soulevait le processus d’approbation des POC et qui ont mené à la modification de l’article 105 de la Loi, j’en suis arrivée à la conclusion que, dans la présente affaire, le contexte est le facteur le plus important à prendre en compte pour décider en quoi consiste l’intérêt suffisant que doit posséder la tierce partie pour être habilitée à présenter une demande fondée sur le paragraphe 106(2) de la Loi. Même si la qualité pour agir sera toujours tranchée en fonction des faits de l’affaire à l’étude, j’estime que, afin de respecter l’intention du Parlement, qui voulait favoriser un règlement plus rapide et donner plus de certitude aux parties, il y a lieu d’interpréter de façon plutôt restrictive les mots « directement touchée ».

[50] En conséquence, j’en suis arrivée à la conclusion que la partie qui cherche à modifier ou à faire annuler les modalités d’un consentement doit être en mesure de montrer que les conséquences sont définies pour elle. Le Parlement a accordé un délai de soixante jours pour contester un consentement. Les demandeurs ont fait valoir qu’il est impossible de connaître avec certitude les effets du consentement à l’intérieur de ce délai, étant donné que le dessaisissement n’a pas encore eu lieu. Cependant, l’emploi des mots « directement touchée » me porte à croire que les parties doivent être en mesure de montrer de façon concrète la façon dont elles seront lésées par le consentement et de

prouver que ces effets sont certains, même si elles ne les ont pas encore subis au moment de présenter leur demande fondée sur le paragraphe 106(2).

[51] La commissaire et West Fraser ont soutenu que les droits substantiels ou financiers d’une partie demanderesse devaient être « directement touchés ». Selon les demandeurs, les intérêts d’une partie devraient également constituer un fondement de la qualité d’agir. À mon sens, permettre que de simples intérêts constituent un fondement suffisant pour demander l’annulation ou la modification d’un consentement enregistré irait à l’encontre de l’intention du Parlement. Cela étant dit, les intérêts qui sont importants et qui sont gravement lésés par les modalités de l’accord de consentement peuvent être pris en compte. Il appartiendra au Tribunal de décider si ces intérêts sont suffisants pour justifier la reconnaissance de la qualité pour agir et cette décision dépendra des faits de l’affaire à l’étude.

[52] Une autre question fondamentale qui se pose est de savoir si le droit ou l’intérêt touché doit être lié à la concurrence. Cette question est posée dans le présent renvoi comme partie 1(b)(i) de la question 1. Encore là, le contexte a joué un rôle clé dans ma décision et les facteurs contextuels décrits ci-dessous me permettent de conclure que le Tribunal devrait tenir compte uniquement des effets sur la concurrence pour trancher les demandes fondées sur le paragraphe 106(2).

[53] Le premier facteur est le fait que la Loi et la Loi sur le TC établissent un régime dans le cadre duquel le Tribunal doit utiliser ses compétences juridiques, économiques et commerciales spécialisées pour trancher les affaires civiles en matière de concurrence. La disposition de déclaration d’objet de la Loi met l’accent sur la concurrence en ces termes :

1.1 La présente loi a pour objet de préserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but de stimuler l'adaptabilité et l'efficience de l'économie canadienne, d'améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada, d'assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l'économie canadienne, de même que dans le but d'assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits.

1.1 The purpose of this Act is to maintain and encourage competition in Canada in order to promote the efficiency and adaptability of the Canadian economy, in order to expand opportunities for Canadian participation in world markets while at the same time recognizing the role of foreign competition in Canada, in order to ensure that small and medium-sized enterprises have an equitable opportunity to participate in the Canadian economy and in order to provide consumers with competitive prices and product choices.

[54] En deuxième lieu, la nature des consentements et l’étendue de la réparation que le paragraphe 106(2) permet d’obtenir donnent à penser que seuls les effets liés à la concurrence devraient être pris en compte. Les accords de consentement sont rédigés de façon à comporter des modalités qui, de l’avis du commissaire, permettraient de corriger les effets anticoncurrentiels d’un fusionnement ou d’une autre pratique susceptible d’examen. Il s’agit de documents restreints qui mettent l’accent exclusivement sur des solutions à des problèmes de concurrence. De plus, pour obtenir une réparation dans le cadre d’une demande fondée sur le paragraphe 106(2), une partie doit démontrer que les modalités ne pouvaient faire l’objet d’une ordonnance du Tribunal et le pouvoir de celui-ci se limite à rendre des ordonnances qui corrigent les effets anticoncurrentiels d’une pratique donnée.

LA DÉFINITION DES MOTS « DIRECTEMENT TOUCHÉE » [55] Pour les motifs exposés plus haut, la réponse à la partie 1 de la question 1 est la suivante : une partie qui est directement touchée par un consentement au sens du paragraphe 106(2) de la Loi est une tierce partie dont un droit lié à la concurrence ou un intérêt important lié à la concurrence est atteint de façon immédiate et significative. L’impact doit être défini et concret (c’est-à-dire qu’il ne doit pas être de nature conjecturale ou hypothétique) et doit être causé par le consentement et non par un autre accord ou une autre obligation. Cette réponse sera appelée ci-après « définition des mots ‘directement touchée’ ».

QUESTION 1 PARTIE II : L’APPLICATION DE LA DÉFINITION DES MOTS « DIRECTEMENT TOUCHÉE » AUX DEMANDEURS

LE CRITÈRE [56] Dans les motifs et l’ordonnance qu’il a rendus au sujet de la requête des demandeurs en vue de radier le présent renvoi (Burns Lake Native Development Corporation et al. c. Commissioner of Competition and West Fraser Timber Co. Ltd. et al, 2005 Trib. conc. 19), le Tribunal a formulé les remarques suivantes au paragraphe 36 :

[TRADUCTION] À l’instar des demandeurs, le commissaire convient qu’il devra démontrer, en ce qui a trait à la question 1d) du renvoi, qu’il est évident que les demandeurs ne sont pas directement touchés au sens du paragraphe 106(2) de la Loi.

[57] Le critère relatif à une situation « évidente » est généralement appliqué dans le contexte des requêtes visant à radier tout ou partie d’une déclaration. Dans Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, qui concernait une requête en radiation de cette nature, les demandeurs n’ont pas satisfait au critère en question, parce que le lien entre les actes du gouvernement et la violation alléguée des droits des demandeurs en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés était « simplement trop incertain, trop conjectural et trop hypothétique pour étayer une cause d’action » la page 447]. Le juge Dickson, qui s’exprimait au nom de la majorité, a reproduit l’extrait suivant de l’arrêt Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 R.C.S. 735, à la page 740 :

Comme je l’ai dit, il faut tenir tous les faits allégués dans la déclaration pour avérés. Sur une requête comme celle-ci, un tribunal doit rejeter l’action ou radier une déclaration du demandeur seulement dans les cas évidents et lorsqu’il est convaincu qu’il s’agit d’un cas « au-delà de tout doute ». [Operation Dismantle, à la page 449].

[58] Dans le présent renvoi, pour qu’il soit « évident » que les demandeurs ne sont pas directement touchés, le Tribunal doit être convaincu, d’après les faits allégués, qui sont tenus pour avérés, que les demandeurs ne sont pas visés par la définition des mots « directement touchée » et qu’il s’agit d’un cas « au-delà de tout doute » à cet égard.

LA BLNDC [59] La BLNDC soutient qu’elle est directement touchée parce que le consentement porte atteinte à son droit de participer à la gestion de la coentreprise de Babine, étant donné qu’il prévoit que, jusqu’à la réalisation du dessaisissement, les contrats ne peuvent être résiliés, les éléments d’actif importants ne peuvent être vendus et aucune modification substantielle ne peut être apportée à l’exploitation de l’entreprise sans le consentement de la commissaire.

[60] La BLNDC ajoute que les parties soulignées des alinéas 2a) et 2b) du consentement (reproduites ci-dessous) s’appliquent à elle et qu’elle est directement touchée dans son rôle comme membre du comité de gestion :

2. Les dispositions du présent accord de consentement s’appliquent : a) aux défenderesses, y compris les filiales ou toute personne sous leur contrôle et aux dirigeants, administrateurs, employés, ou toute autre personne agissant pour le compte des défenderesses relativement à toute question visée dans le présent accord de consentement, de même qu’à leurs successeurs et ayants droit; ainsi que toute autre personne agissant de concert ou participant avec l’un d’eux ou tout successeur ou ayant droit relativement aux questions visées dans le présent accord de consentement;

(b) une fois la transaction effectuée, à Weldwood, y compris les filiales ou toute personne sous le contrôle de Weldwood et aux dirigeants, administrateurs, employés ou toute autre personne agissant pour le compte de Weldwood relativement à toute question visée dans le présent accord de consentement, de même qu’aux successeurs ou ayants droit de Weldwood; ainsi que toute autre personne agissant de concert ou participant avec Weldwood ou tout successeur ou ayant droit relativement aux questions visées dans le présent consentement;

[61] Cependant, à titre d’actionnaire minoritaire de la coentreprise de Babine, la BLNDC n’a le droit de désigner qu’un seul représentant à un comité de gestion pouvant compter dix membres. En conséquence, même si elle participe au sens elle a le droit de se faire entendre, elle n’a pas le droit de déterminer les décisions qui seront prises. J’en suis donc arrivée à la conclusion que la BLNDC n’est pas directement touchée dans son rôle de gestion, parce que la définition des mots « directement touchée » exige un impact significatif sur un droit ou sur un intérêt important et qu’aucun impact de cette nature n’est démontré en l’espèce.

[62] Le consentement ne modifie nullement les droits que possède la BLNDC sur la coentreprise de Babine. Après le dessaisissement, la BLNDC continuera à détenir la même participation de 15,4 p. 100 dans BFPL et pourra exercer son droit de premier refus une fois que l’identité d’un acquéreur des scieries et droits de récolte sera connue. De plus, elle continuera à avoir le droit de se faire entendre aux réunions du comité de gestion et de recevoir des dividendes.

[63] La BLNDC fait valoir que le dessaisissement la touche, puisqu’il la force à s’interroger sur l’opportunité d’exercer son droit de premier refus et sur la façon de financer ce droit. Elle soutient également que, si une acquisition est réalisée, le dessaisissement entraînera le remplacement de son partenaire dans la coentreprise de Babine par un ou plusieurs nouveaux partenaires qui contrôleront la gestion et l’exploitation de l’entreprise en remplacement de West Fraser. La BLNDC est consternée de perdre un partenaire aussi coopératif et compétent et craint que le nouveau partenaire n’agisse pas de façon aussi rentable et cordiale. Plus précisément, elle craint que ses revenus découlant des dividendes ne baissent parce que le nouveau partenaire ne bénéficiera pas du faible taux des droits antidumping (DA) dont West Fraser bénéficiait et qui a favorisé la rentabilité de la coentreprise de Babine pendant l’année depuis le fusionnement. La BLNDC craint également que le nouveau propriétaire n’ait pas autant d’expérience que West Fraser dans le domaine de la foresterie.

[64] Cependant, les craintes de la BLNDC au sujet du nouveau partenaire éventuel ne respectent pas la définition des mots « directement touchée » parce qu’elles sont entièrement de nature conjecturale. De plus, à mon sens, la BLNDC n’est pas « directement touchée » du fait qu’elle doit s’interroger sur l’opportunité d’exercer un droit contractuel.

[65] En dernier lieu, la BLNDC soutient qu’elle est « directement touchée » en ce qui concerne la concurrence au motif que, si le nouveau partenaire majoritaire n’est pas aussi efficace que West Fraser, la coentreprise de Babine sera moins rentable et, par conséquent, moins concurrentielle. Cependant, le critère de la définition qui prévoit que l’effet doit être lié à la concurrence n’est pas établi. L’efficacité de chacun des concurrents n’est pas une question liée à la concurrence et, d’après les faits allégués, les demandeurs n’ont pas démontré que leurs préoccupations concernant le consentement ont un lien quelconque avec les préoccupations relatives à la concurrence qui ont mené au consentement en question.

[66] Pour tous les motifs exposés ci-dessus, j’en suis arrivée à la conclusion qu’il s’agit en l’espèce d’un cas au-delà de tout doute la BLNDC n’est pas directement touchée par le consentement.

LES CHEFS ET LES CONSEILS DES BANDES INDIENNES [67] Les bandes indiennes sont trois des actionnaires de la BLNDC et les demandeurs sont les chefs et conseils de ces bandes. Étant donné que les droits qu’ils revendiquent sont les mêmes, je ne fais aucune différence entre eux dans mon analyse. Les chefs et les

conseils soutiennent qu’ils sont directement touchés en ce qui concerne le dessaisissement et les droits autochtones.

Le dessaisissement [68] La BLNDC utilise les dividendes qu’elle reçoit de la coentreprise de Babine pour offrir aux bandes indiennes des programmes sociaux et éducatifs et d’autres avantages. Les bandes indiennes craignent qu’après le dessaisissement, la coentreprise de Babine ne soit moins rentable et que les dividendes versés à la BLNDC ne soient inférieurs, ce qui entraînerait une réduction de leurs avantages et de leurs programmes.

[69] Cependant, j’en suis arrivée à la conclusion que la définition des mots directement touchée ne s’applique pas aux préoccupations des chefs et des conseils des bandes indiennes au sujet du dessaisissement. Leurs préoccupations concernant la rentabilité de la coentreprise de Babine après le dessaisissement sont entièrement de nature conjecturale. Il n’y a aucune façon de tirer la moindre conclusion au sujet du sens des affaires ou de la cordialité d’un futur partenaire inconnu.

Droits autochtones [70] Le dessaisissement entraînera un transfert de la participation majoritaire dans les scieries et droits de récolte à un nouveau partenaire qui, par la suite, gérera ces éléments d’actif. Les bandes indiennes soutiennent que ces changements découlent entièrement du rôle que la commissaire a joué dans le fusionnement. Selon elles, étant donné que la commissaire représente l’État, l’obligation de consulter que la Cour suprême du Canada a imposée dans Nation haïda c. Colombie-Britannique(Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511, s’applique à elle. Elles ajoutent que la commissaire n’a pas respecté leur droit d’être consultées lorsqu’elle a négocié et enregistré le consentement sans les aviser. Si la qualité pour agir leur est reconnue, elles feront valoir que le consentement en entier devrait être annulé, parce que ses modalités n’auraient pu faire l’objet d’une ordonnance du Tribunal, étant donné que la commissaire n’a pas respecté l’obligation de consulter qui lui imposait.

[71] Cet argument est au coeur du litige en l’espèce. Cependant, l’omission de consulter n’est pas liée à la concurrence et ne découle pas du consentement. Dans ces circonstances, les chefs et les conseils des bandes indiennes ne peuvent invoquer cette préoccupation pour dire qu’ils sont visés par la définition des mots « directement touchés ».

[72] De plus, la mission du Tribunal consiste à trancher les questions liées à la concurrence et, dans la mesure les chefs et les conseils des bandes indiennes sont touchés par une violation alléguée de l’obligation de consulter, cet effet n’est pas direct, parce qu’il n’a rien à voir avec la tâche du Tribunal. À ce sujet, voir le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans TWU.

[73] Les bandes indiennes sont depuis de nombreuses années des actionnaires satisfaits de la BLNDC. Elles ont participé à l’exploitation des scieries et droits de récolte et en ont tiré profit. Le consentement ne modifie nullement les conditions selon lesquelles ces ressources sont récoltées, traitées et vendues, et les droits des bandes indiennes de bénéficier de ces activités sont inchangés. De plus, aucun élément du consentement ne porte atteinte à une allégation de souveraineté que les bandes indiennes souhaiteraient peut-être invoquer dans le cadre des négociations des traités.

[74] Pour les motifs exposés ci-dessus, il s’agit en l’espèce d’un cas au-delà de tout doute les chefs et les conseils des bandes indiennes ne sont pas directement touchés par le consentement.

CONCLUSION AU SUJET DE LA PARTIE II DE LA QUESTION 1 [75] D’après les faits allégués dans leurs actes de procédure, qui sont tenus pour avérés, il s’agit d’un cas au-delà de tout doute les demandeurs ne sont pas directement touchés par le consentement.

QUESTION 2 EST-IL OBLIGATOIRE DE DÉPOSER UNE PREUVE D’UNE DSC OU D’UN ESC AU MOMENT D’ENREGISTRER UN CONSENTEMENT?

[76] Les demandeurs soutiennent que le Tribunal n’aurait pu rendre une ordonnance selon les modalités du consentement sans conclure à l’existence d’une DSC ou d’un ESC conformément à l’article 92 de la Loi et que cette conclusion aurait nécessité une preuve d’une DSC ou d’un ESC. Tel étant le cas, les demandeurs font valoir que cette preuve aurait être déposée auprès du Tribunal lorsque le consentement a été enregistré. La commissaire répond en disant que cette exigence n’est pas mentionnée dans la Loi et qu’elle est incompatible avec l’obligation du Tribunal d’enregistrer un consentement immédiatement conformément au paragraphe 105(3) de la Loi. Elle ajoute que l’obligation de déposer une preuve va à l’encontre des modifications apportées à la Loi en 2002, qui ont eu pour effet d’éliminer le rôle de surveillance du Tribunal en ce qui concerne les règlements qu’elle conclut.

[77] Les demandeurs ont raison de dire que, dans une audience contestée, le Tribunal n’aurait pu rendre une ordonnance sans conclure à l’existence d’une DSC ou d’un ESC, mais cet argument n’est pas utile en l’espèce, parce qu’un consentement n’est pas une ordonnance du Tribunal et ne le devient jamais. Le paragraphe 105(4) dispose simplement que le consentement « a la même valeur et produit les mêmes effets » qu’une ordonnance du Tribunal :

Consentement 105. (4) Une fois enregistré, le consentement met fin aux procédures qui ont pu être engagées, et il a la même valeur et produit les mêmes effets qu'une ordonnance du Tribunal, notamment quant à l'engagement des procédures

Consent agreement 105.(4) Upon registration of the consent agreement, the proceedings, if any, are terminated, and the consent agreement has the same force and effect, and proceedings may be taken, as if it were an order of the Tribunal.

[78] Le paragraphe 105(3) de la Loi énonce que le consentement est déposé auprès du Tribunal, « qui est tenu de l’enregistrer immédiatement ». Étant donné que le Tribunal n’a pas le temps d’examiner un consentement ni n’a le mandat de le faire et que la Loi n’exige pas un dépôt, il n’y a aucune raison de conclure qu’il est nécessaire de présenter une preuve lorsqu’un consentement est déposé auprès du Tribunal pour être enregistré.

CONCLUSION AU SUJET DE LA QUESTION 2 [79] Étant donné que la réponse au premier volet de la question II est « non », il n’est pas nécessaire d’examiner le reste de la question.

[80] Étant donné que la réponse à la partie II de la question 1 signifie que les demandeurs n’ont pas la qualité voulue pour présenter la demande fondée sur le paragraphe 106(2), cette demande sera rejetée dans une autre ordonnance.

ORDONNANCE [81] Les réponses aux questions du renvoi sont les suivantes : Question 1 Partie I [i] Afin de satisfaire au critère des mots « directement touchée » en ce qui concerne la qualité voulue pour présenter une demande fondée sur le paragraphe 106(2) de la Loi, le demandeur doit démontrer qu’il est une tierce partie dont un droit lié à la concurrence ou un intérêt important lié à la concurrence est atteint de façon immédiate et significative. L’impact doit être défini et concret (c’est-à-dire qu’il ne doit pas être de nature conjecturale ou hypothétique) et doit être causé par le consentement et non par un autre accord ou une autre obligation.

Question 1 Partie II [ii] Il est évident que les demandeurs n’ont pas divulgué dans leur avis de demande et leur réponse des faits importants qui, s’ils étaient prouvés, établiraient qu’ils sont « directement touchés » au sens que le Tribunal a donné à ces mots dans les motifs qui précèdent.

Question 2 [iii] Au moment un consentement lié à un fusionnement est enregistré auprès du Tribunal en application de l’article 105 de la Loi, les parties ne sont pas tenues de déposer une preuve pour démontrer que le fusionnement réel ou proposé aura vraisemblablement pour effet de diminuer sensiblement ou d’empêcher la concurrence en l’absence des modalités de réparation figurant dans le consentement. Tel étant le cas, il n’est pas nécessaire de répondre à la deuxième partie de la question 2.

[82] Étant donné qu’il s’agit de la première fois que la commissaire exerce son nouveau pouvoir en matière de renvoi, aucune ordonnance ne sera rendue au sujet des dépens.

FAIT à Ottawa, le 27 mars 2006. SIGNÉ au nom du Tribunal par la présidente.

(s) Sandra J. Simpson

ANNEXE A Babine Forest Products Company, coentreprise de West Fraser Mills Ltd. et de Babine Forest Products Limited

Coentreprise de Babine (Babine Forest Products Company

BLNDC 15,4 % Babine FP Ltd. (tenure - en fiducie)

68,4 % Babine FP Co. 31,6 % (scierie de Burns Lake)

68,4 % Babine FP 31,6 % (Trustee) Ltd.

100 % 100 % Babine Timber Decker Lake FP Ltd. Ltd. (tenure) (scierie et terres) 68,4 % Babine Ventures 31,6 % Ltd.*

*Détenait précédemment une participation dans Burns Lake Specialty Wood Ltd. qui a été vendue en 2004.

West Fraser Mills Ltd. 84,6 %

COMPARUTIONS : Pour la demanderesse la commissaire de la concurrence : M me Melanie Aitken M. Duane Schippers M. Derek Bell

Pour les défendeurs, Burns Lake Native Development Corp. et al.: M. Orestes Pasparakis M. Dany Assaf

Pour la West Fraser Timber Co. Ltd. et West Fraser Mills Ltd. au soutien de la demanderesse :

M. James Musgrove Traduction certifiée conforme Michèle Ali

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