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Competition Tribunal Tribunal de la concurrence Référence : Burns Lake Native Development Corporation et al c La commissaire de la concurrence et West Fraser Timber Co Ltd et al 2005 Trib conc 19 o N de dossier : CT2004-013 o N de document du greffe : 63 AFFAIRE CONCERNANT la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, dans sa version modifiée; ET AFFAIRE CONCERNANT l’acquisition par West Fraser Timber Co Ltd de Weldwood of Canada Limited; ET AFFAIRE CONCERNANT une demande présentée aux termes du paragraphe 106(2) de la Loi sur la concurrence par la Burns Lake Native Development Corporation, la Lake Babine Nation, la bande de Burns Lake et la Bande indienne de Nee Tahi Buhn en vue d’annuler ou de modifier le consentement entre la commissaire de la concurrence et West Fraser Timber Co Ltd et West Fraser Mills Ltd, déposé et enregistré auprès du Tribunal de la concurrence le 7 décembre 2004 en vertu de l’article 105 de la Loi sur la concurrence;

ET AFFAIRE CONCERNANT une requête en radiation du renvoi de la commissaire de la concurrence déposé le 4 avril 2005 présentée par les demandeurs.

ENTRE : Burns Lake Native Development Corporation, le conseil de la Lake Babine Nation et Emma Palmantier, en son nom, et au nom de tous les membres de la Lake Babine Nation, le conseil de la bande de Burns Lake et Robert Charlie, en son nom et au nom de tous les membres de la bande de Burns Lake, et le conseil de la Bande indienne de Nee Tahi Buhn et Ray Morris, en son nom et au nom de tous les membres de la Bande indienne de Nee Tahi Buhn (demandeurs)

et La commissaire de la concurrence, West Fraser Timber Co Ltd et West Fraser Mills Ltd

(défenderesses) Date de l’audience : Le 18 mai 2005 Devant le membre judiciaire : Madame la juge Simpson (présidente) er Date de l’ordonnance : Le 1 juin 2005 Ordonnance signée par : Madame la juge Simpson

REQUÊTE EN RADIATION DE L’ORDONNANCE DE RENVOI ET DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE DE LA COMMISSAIRE PRÉSENTÉE PAR LES DEMANDEURS

[1] Le Tribunal est saisi d’une requête présentée par Burns Lake Native Development Corporation et al (les « demandeurs ») en vue d’obtenir une ordonnance en radiation de l’avis de renvoi déposé par la commissaire de la concurrence (la « commissaire » dans le contexte de la demande des demandeurs d’annuler ou de modifier un consentement (le « consentement ») conclu entre la commissaire et West Fraser Mills Ltd et West Fraser Timber Co Ltd West Fraser »).

I. LES PROCÉDURES JUSQU’À CE JOUR Le consentement [2] Le 7 décembre 2004, la commissaire et West Fraser ont conclu un consentement concernant l’acquisition par West Fraser (la « fusion ») de Weldwood of Canada Limited Weldwood »). Conformément aux modalités du consentement, West Fraser était obligée de se départir, entre autres choses, de sa participation de 89,8 % après la fusion dans la scierie de Burns Lake, la scierie de Decker Lake, de certains droits de récolte de bois et d’éléments d’actif connexes (les « éléments d’actif de scierie et droits de coupe »).

[3] Le consentement a été enregistré par le Tribunal le 7 décembre 2004, moment auquel il a acquis la même force et le même effet que s’il s’agissait d’une ordonnance du Tribunal.

La demande d’annulation ou de modification des demandeurs [4] Le 3 février 2005, les demandeurs ont présenté un avis de demande en vue d’obtenir une ordonnance annulant ou modifiant le consentement, en vertu du paragraphe 106(2) de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, dans sa version modifiée en 2002 (la « Loi »). L’avis de demande et l’exposé des motifs et des faits pertinents ont été modifiés le 11 février 2005 pour ajouter West Fraser en qualité de défenderesse. Les expressions « demande en vertu de l’article 106 » et « exposé des motifs » seront utilisées pour faire référence aux versions modifiées des documents.

[5] Sans entrer dans les détails de la structure d’entreprise sous-jacente, il est juste de dire que, en termes généraux, les demandeurs sont lésés, car ils participaient en tant qu’actionnaires minoritaires dans une coentreprise de longue date qui fonctionnait de manière satisfaisante avec un partenaire qui exploitait les éléments d’actif de scierie et les droits de coupe à leur satisfaction. En raison de l’exigence de dessaisissement contenue dans le consentement, ils sont confrontés à la perspective d’un nouveau partenaire inconnu dans une coentreprise.

[6] Les demandeurs font valoir que le consentement doit être annulé ou modifié pour tenir compte des différents intérêts des demandeurs dans le dessaisissement des éléments d’actif de scierie et des droits de coupe. Ces intérêts comprennent leurs revendications territoriales autochtones. Les motifs de leur position sont décrits ainsi dans l’exposé des motifs :

(i) les paragraphes 105(3) et (4) de la Loi sur la concurrence, qui permettent aux personnes directement touchées d’être assujetties et/ou concernées par une ordonnance du Tribunal sans une audience équitable, vont à l’encontre de la Déclaration canadienne des droits et sont inopérants;

(ii) en concluant le consentement, la commissaire a contrevenu à ses obligations envers les Premières Nations et les peuples des Premières Nations de

Burns Lake, y compris des obligations fiduciaires, son obligation de consulter et son obligation de prendre des mesures d’adaptation;

(iii) le consentement ne pourrait pas faire l’objet d’une ordonnance du Tribunal. Il n’y a aucun dossier de preuve permettant de conclure qu’il y a eu une diminution sensible de la concurrence et, en l’absence d’un tel élément de preuve, il n’y a aucun fondement en droit permettant à un tribunal d’ordonner le dessaisissement des éléments d’actif de scierie et des droits de coupe. [TRADUCTION]

Le renvoi [7] Le 4 avril 2005, la commissaire a déposé un avis de renvoi en application du paragraphe 124.2(2) de la Loi (le « renvoi »). Le renvoi consiste en trois questions (les « questions »), qui seront présentées intégralement plus loin dans les présents motifs. Essentiellement, la commissaire demande au Tribunal (i) de déterminer la portée et le sens de l’expression « personne directement touchée » [TRADUCTION] et si l’expression s’applique aux demandeurs, (ii) s’il est nécessaire au moment un consentement est enregistré auprès du Tribunal de déposer la preuve d’une diminution sensible ou d’un empêchement de la concurrence, et (iii) si le Tribunal est autorisé, en vertu du paragraphe 106(2), de se livrer à un examen de novo des répercussions d’une fusion.

La conférence préparatoire [8] Une conférence préparatoire a eu lieu le 13 avril 2005. À ce moment, la juge a indiqué que même si elle jugeait qu’un renvoi constituait la procédure appropriée pour répondre à la question de savoir si les demandeurs étaient directement touchés, elle accepterait d’examiner une requête des demandeurs alléguant que le contenu des questions était inapproprié. En conséquence, les demandeurs ont déposé la présente requête le 22 avril 2005 pour radier le renvoi.

L’appel [9] Au cours de la conférence préparatoire décrite ci-dessus, la juge s’est également penchée sur l’argument des demandeurs voulant que la procédure de renvoi (dans la mesure elle se distingue du contenu des questions) fût inappropriée et que la règle des lacunes du Tribunal doive être utilisée pour exiger de la commissaire qu’elle présente une requête en radiation de la demande en vertu de l’article 106. La juge a décidé que la procédure de renvoi était appropriée. Cette décision a été portée en appel lorsque les demandeurs ont déposé un avis d’appel devant la Cour d’appel fédérale le 25 avril 2005.

La présente requête [10] Dans la présente requête, les demandeurs affirment qu’aucune des trois questions posées dans le renvoi ne devrait être prise en considération. Cependant, comme on le verra plus tard, la question 3 n’est plus en litige. En ce qui concerne la question 2, même si les demandeurs reconnaissent qu’il s’agit d’une question appropriée aux fins d’un renvoi, ils demandent à ce que celle-ci soit entendue dans le cadre de l’audience principale portant sur la demande en vertu de l’article 106, plutôt que dans le cadre d’un renvoi distinct pour éviter des retards.

[11] L’audience a eu lieu à Ottawa le 18 mai 2005 et des arguments écrits ont été présentés par l’ensemble des parties. Les demandeurs et la commissaire ont déposé des documents écrits, mais West Fraser ne l’a pas fait. À la fin de l’audience, il restait seulement une question pour les arguments écrits après l’audience. Celle-ci portait sur la question de savoir si les faits pertinents plaidés dans la réponse des demandeurs seraient tenus pour avérés dans le renvoi. Le Tribunal a reçu des arguments écrits de la commissaire le 20 mai 2005, des demandeurs le 30 mai 2005 et, une fois de plus de la commissaire, le 30 mai 2005. Ces arguments ont été examinés exclusivement en ce qui a trait à la question de la réponse. Dans la mesure les arguments portaient sur d’autres questions, ils n’étaient pas appropriés et ont été ignorés.

II. LES QUESTIONS EN LITIGE [12] La première question était de savoir si les questions sont visées par le paragraphe 124.2(2) de la Loi. Pour trancher cette question, il faut répondre aux questions suivantes :

(a) Quelle est la preuve à examiner en renvoi dans l’espèce? (b) Quels sont les paramètres du pouvoir de renvoi visé au paragraphe 124.2(2) de la Loi? (c) Les questions sont-elles appropriées?

[13] La deuxième question consiste en la question de savoir si, si les questions 1 et 2 sont appropriées dans le renvoi, il existe d’autres raisons pour lesquelles elles ne devraient pas être entendues.

A. QUESTION 1 (1) La preuve er [14] Le mémoire des arguments de la commissaire du 1 avril 2005 indiquait clairement au paragraphe 60 que les questions devaient être examinées en renvoi compte tenu du fait que les faits plaidés par les demandeurs dans leur exposé des motifs étaient vrais. Après le dépôt du renvoi, la commissaire a plaidé sa réponse dans la demande en vertu de l’article 106 et, en temps opportun, les demandeurs ont déposé leur réponse.

[15] Dans la réponse, les demandeurs ont plaidé les faits qui, selon eux, montrent comment, en droit de la concurrence, ils sont directement touchés par le consentement.

[16] La commissaire a fait valoir à l’audience de la requête que la réponse ne devrait pas faire partie des actes de procédure pour être acceptée comme étant vraie dans le renvoi. Elle a affirmé que l’affaire des demandeurs s’est cristallisée lorsqu’elle a déposé le renvoi et que le Tribunal n’a pas le droit d’examiner les faits soulevés dans la réponse. Cependant, dans les arguments écrits subséquents datés du 20 mai 2005, la commissaire a concédé, aux fins du renvoi, que les faits pertinents (le cas échéant) contenus dans la réponse pouvaient être examinés dans le cadre du renvoi. Par conséquent, ces faits, comme ceux contenus dans la demande en vertu de l’article 106, seront traités comme véridiques dans le cadre du renvoi.

[17] En conséquence, le renvoi sera fondé sur les faits allégués dans l’exposé des motifs des demandeurs et leur réponse, et ces faits seront tenus pour avérés aux fins du renvoi.

(2) Les paramètres du pouvoir de renvoi [18] Les demandeurs affirment que le paragraphe 124.2(2) de la Loi est identique à toutes fins pratiques à l’article 18.3 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, et qu’il devrait par conséquent être interprété conformément à la jurisprudence liée à cet article.

[19] Cependant, je n’ai pas été convaincue que les deux articles sont pratiquement identiques. À mon avis, il y a d’importantes différences entre les articles pertinents de la Loi et de la Loi sur les Cours fédérales. Pour faciliter la comparaison, ces articles sont présentés ci-dessous :

LA LOI SUR LA CONCURRENCE Renvois par le commissaire Reference by Commissioner 124.2(2) Le commissaire peut, en 124.2(2) The Commissioner may, at any time, tout temps, soumettre au Tribunal refer to the Tribunal for determination a question toute question de droit, de of law, jurisdiction, practice or procedure, in compétence, de pratique ou de relation to the application or interpretation of procédure liée à l’application ou Parts VII.1 to IX. l’interprétation des parties VII.1 à IX.

LA LOI SUR LES COURS FÉDÉRALES Renvoi d’un office fédéral Reference by federal tribunal 18.3 (1) Les offices fédéraux peuvent, à 18.3 (1) A federal board, commission or tout stade de leurs procédures, renvoyer other tribunal may at any stage of its devant la Cour fédérale pour audition et proceedings refer any question or issue jugement toute question de droit, de of law, of jurisdiction or of practice and compétence ou de pratique et procedure to the Federal Court for procédure. hearing and determination.

[20] La première différence concerne le moment du dépôt d’un renvoi. Dans le cas du paragraphe 18.3(1), un renvoi peut uniquement être déposé dans le cadre d’une procédure devant un tribunal fédéral. Cependant, en vertu de la Loi, un renvoi est possible « en tout temps ». Pour cette raison, j’ai conclu que le paragraphe 124.2(2) permet à la commissaire de renvoyer une question au Tribunal qui n’est pas soulevée dans le contexte d’une affaire. Cela signifie que les décisions rendues dans le cadre d’un renvoi en vertu du paragraphe 124.2(2) de la Loi ne doivent pas être déterminantes d’une question en litige ou liée à une affaire. En d’autres termes, la commissaire peut déposer un renvoi indépendant qui n’est pas lié à une enquête en vertu de la Loi ou à un litige devant le Tribunal.

[21] Deuxièmement, même si les deux dispositions renvoient à des questions de droit, de compétence, de pratique et de procédure, le libellé qui qualifie ces mots figure exclusivement dans la Loi. Il indique que les questions doivent être liées à l’« application » ou à l’« interprétation » de parties précises de la Loi. Le mot « application » me porte à croire que les questions dans le cadre d’un renvoi au Tribunal en vertu du paragraphe 124.2(2) peuvent trancher convenablement la question de la façon dont la Loi s’applique aux faits d’une affaire particulière.

[22] Les deux dispositions indiquent que les questions doivent être tranchées et je retiens l’argument des demandeurs selon lequel on n’a pas conféré au Tribunal le pouvoir d’« examiner » des questions, qui est conféré à la Cour suprême en vertu du paragraphe 53(1) de la Loi sur la Cour suprême, LRC 1985, c S-26.

[23] Les demandeurs affirment également que la jurisprudence en vertu de l’article 18.3 de la Loi sur les Cours fédérales s’applique au paragraphe 124.2(2) de la Loi et établit des principes pertinents au présent renvoi. Plus particulièrement, les demandeurs s’appuient sur les décisions de la Cour d’appel fédérale dans Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Canada) (Re), [1973] CF 604 (CA), Martin Service Station Ltd c Canada (ministre du Revenu national - MRN), [1974] 1 CF 398 et Rosen (Re), [1987] 3 CF 238 (CA) pour faire valoir que les questions contenues dans le renvoi doivent être posées pour que le Tribunal (i) tranche une ou plusieurs questions et qu’il ne fournisse pas simplement un avis consultatif, (ii) tranche une situation de fait réelle dans une affaire plutôt qu’une question hypothétique et (iii) examine uniquement des faits pertinents qui sont convenus ou qui ne sont pas en litige.

[24] L’avocat des demandeurs a également soutenu qu’un renvoi ne peut répondre à une question mixte de fait et de droit. Lorsque la loi est appliquée aux faits, selon les demandeurs, le Tribunal tranche une question mixte de fait et de droit (voir l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches), [1997] 1 RCS 748, au paragraphe 35). Ils font valoir que de telles questions ne relèvent pas de la compétence du Tribunal dans le cadre d’un renvoi par la commissaire en vertu du paragraphe 124.2(2), car ce paragraphe ne vise que des questions de droit.

[25] Cependant, je ne suis pas convaincue que l’arrêt Southam s’applique. Il me semble évident que, dans l’arrêt Southam, la Cour suprême décrivait une question mixte dans le contexte d’une audience contradictoire. À mon avis, dans des situations comme dans le présent renvoi, dans lesquelles aucun fait pertinent n’est en litige aux fins du renvoi, on ne peut dire que des questions de fait sont en cause. Il n’y aura aucune question de fait dans le cadre du renvoi et aucune conclusion de fait ne sera tirée.

[26] L’exercice de détermination du droit, puis de la façon dont il s’applique à des faits non contestés est, à mon avis, une question de droit qui est appropriée aux fins d’un renvoi aux termes du paragraphe 124.2(2) de la Loi.

(3) Les questions sont-elles appropriées? [27] Question 1 a) Quelles sont la nature et la portée de l’intérêt suffisantes pour satisfaire à l’exigence relative au fait d’être « directement touché » pour avoir qualité pour agir aux termes du paragraphe 106(2) de la Loi?

[28] Les demandeurs affirment que cette question est inappropriée, car celle-ci demande un avis consultatif, pas une décision à l’égard d’une question de droit. Cependant, je conclus que l’on demande au Tribunal d’interpréter les mots « directement touché » et de décider de leur signification. La réponse à la question aura une incidence sur l’application de l’article 106 de la Loi et, par conséquent, elle relève nettement des dispositions du paragraphe 124.2(2).

[29] Je reconnais que cette question ne sera pas, en soi, déterminante d’une question dont le Tribunal est saisi en l’espèce. Cependant, comme nous l’avons vu plus haut, rien n’exige qu’un renvoi aux termes du paragraphe 124.2(2) se rapporte à une affaire particulière. Étant donné qu’une question de droit peut uniquement porter sur une question d’interprétation, le fait que la question est déterminante quant à une question suffit.

[30] Questions 1b) et c) (2) Plus particulièrement; un demandeur aux termes du paragraphe 106(2) doit-il être « touché » : (i) relativement à la concurrence; (ii) relativement à ses droits fondamentaux et/ou intérêts pécuniaires? (3) Plus particulièrement, un demandeur aux termes du paragraphe 106(2) doit-il être « directement » touché en ceci que l’effet allégué doit être : (i) subi (ou menacé d’être subi) par le demandeur exclusivement à titre de conséquence du consentement et non pas en raison d’autres facteurs, influences ou circonstances; (ii) imminent et réel; et non hypothétique ou conjectural? [31] Les demandeurs affirment que ces questions sont également inappropriées, car, même si elles sont plus précises que la question 1a), elles commandent des opinions qui ne seront pas déterminantes des questions dans une affaire dont le Tribunal est saisi.

[32] Pour les motifs exposés ci-dessus, je ne retiens pas cet argument et je conclus que les questions sont appropriées.

[33] Question 1d) Quant à l’application du paragraphe 106(2), les demandeurs, tel qu’ils sont regroupés ci-dessous, ont-ils divulgué leur avis de demande aux présentes des faits qui, s’ils sont prouvés, établissent qu’ils sont « directement touchés » aux fins du paragraphe 106(2) : (i) Burns Lake Native Development Corporation, une société établie en 1974 (la « société »); (ii) le conseil de la bande de Burns Lake, le conseil de la Lake Babine Nation, le Conseil de la Bande indienne de Nee Tahi Buhn (les « bandes »); (iii) Robert Charlie, Emma Palmantier et Ray Morris (les « chefs »)? [34] L’opposition à cette question est qu’elle exige une application de la loi aux faits et correspond, par conséquent, à une question mixte de fait et de droit, qui ne peut être examinée dans le cadre d’un renvoi de la commissaire en vertu du paragraphe 124.2(2) de la Loi.

[35] Comme je l’ai mentionné précédemment, aucun des faits en litige n’est pertinent quant à la question de la qualité pour agir. Par conséquent, aucune question de fait ne sera examinée et aucune conclusion de fait ne sera tirée pendant le renvoi. Pour cette raison, je conclus que cette question n’est pas qualifiée par les demandeurs comme une question mixte de fait et de droit. À mon avis, cette question est mieux qualifiée comme étant une question de compétence liée à l’application de la Loi. Au cœur de cette question, il y a la question de savoir si le Tribunal a compétence pour examiner la demande en vertu de l’article 106 des demandeurs. Si les demandeurs ne sont pas directement touchés par le consentement, ils n’ont pas qualité pour agir et le Tribunal n’a pas compétence pour entendre leur demande en vertu de l’article 106. À mon avis, cette question est appropriée aux fins du renvoi.

[36] La commissaire accepte et les demandeurs conviennent que, dans le cadre du renvoi, au moment d’examiner la question 1d), la commissaire devra montrer qu’il est évident et manifeste que les demandeurs ne sont pas directement touchés au sens du paragraphe 106(2) de la Loi.

[37] Question 2 Au moment un consentement est enregistré en vertu de l’article 105 de la Loi, les parties sont-elles tenues de produire des éléments de preuve pour justifier que la fusion ou la fusion proposée sont susceptibles de diminuer sensiblement ou d’empêcher la concurrence sans les modalités prévues dans le consentement? Le cas échéant, l’absence du dépôt de tels éléments de preuve suffit-elle à appuyer une conclusion selon laquelle « les modalités ne pourraient faire l’objet d’une ordonnance du Tribunal » comme doit l’établir un demandeur en vertu du paragraphe 106(2) de la Loi?

[38] Les demandeurs ont concédé qu’il s’agit d’une question appropriée.

[39] Question 3 Dans le cadre d’une demande en vertu du paragraphe 106(2) de la Loi de modifier ou d’annuler les modalités d’un consentement, le Tribunal est-il autorisé, par le libellé « que les modalités ne pourraient faire l’objet d’une ordonnance du Tribunal », à se livrer à un examen de novo de la question de savoir si la fusion ou si la fusion proposée sont susceptibles de diminuer sensiblement ou d’empêcher la concurrence?

[40] La commissaire a convenu pendant l’audience de ne pas donner suite à cette question dans le cadre du renvoi, car les demandeurs ont indiqué clairement qu’ils n’avaient pas l’intention de demander au Tribunal de se livrer à une analyse de novo de la question de savoir s’il y avait une diminution sensible ou un empêchement de la concurrence. La commissaire, dans ses arguments écrits datés du 20 mai 2005, a tenté d’établir des conditions postérieures à l’audience concernant cette concession. On a ignoré cette partie des arguments écrits, car, comme je l’ai déjà indiqué, le droit de l’avocat de déposer d’autres arguments était limité à la pertinence de la réponse.

B. Question 2 Autres raisons de ne pas entendre le renvoi [41] L’argument de la commissaire est que le Tribunal doit entendre le renvoi s’il conclut que les questions relèvent du champ d’application du paragraphe 124.(2). Cet argument ne me convainc pas. Le paragraphe 124.2(4) n’oblige pas le Tribunal à entendre un renvoi il indique simplement la procédure à suivre si le renvoi est examiné. Il pourrait y avoir des circonstances dans lesquelles le Tribunal pourrait décider de ne pas entendre un renvoi, même si celui-ci posait des questions appropriées. Cela étant, j’examinerai les arguments des demandeurs sur ce sujet.

[42] Les demandeurs demandent que le renvoi ne soit pas entendu, car il existe d’« énormes » [TRADUCTION] différends entre les parties et qu’une audience est nécessaire à leur règlement. Je conviens qu’il existe des désaccords importants qui seront examinés si la présente affaire se rend à une audience. Cependant, aux fins du renvoi, toutes les allégations de faits pertinents seront acceptées. Dans ces circonstances, le fait que le commissaire peut contester ces allégations à l’avenir ne constitue pas une raison pour refuser d’entendre un renvoi approprié.

[43] Les demandeurs affirment également que, malgré leur accord selon lequel la question 2 est appropriée, on ne devrait pas donner suite au renvoi, car il est déraisonnable de retarder une audience sur le fond à cause d’une question qui pourrait être facilement tranchée à l’audience.

[44] Cet argument illustre une situation le Tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas entendre un renvoi. Cependant, les faits n’appuient pas l’argument en l’espèce. Étant donné que la question 1, dans son intégralité, est adéquate aux fins du renvoi, et puisque le pouvoir de renvoi visé au paragraphe 124.2(2) de la Loi dispose du seuil de décision pour des questions d’une façon sommaire et, puisque les réponses à la question 1 trancheront la question de la qualité pour agir, j’ai conclu qu’il ne serait pas approprié d’exercer mon pouvoir discrétionnaire à l’encontre du renvoi pour des motifs de célérité.

[45] Les demandeurs font également valoir qu’on ne devrait pas donner suite au renvoi, car ils ont soulevé des questions constitutionnelles concernant leurs allégations selon lesquelles la commissaire avait une obligation de les consulter à propos du consentement. La commissaire réplique que la question de la qualité pour agir est une question préliminaire appropriée dans une affaire constitutionnelle, en plus de citer et de renvoyer à quatre décisions de la Cour suprême du Canada pour appuyer cet argument : Ministre de la Justice (Can) c Borowski [1981] 2 RCS 575; Conseil canadien des Églises c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1992] 1 RCS 236; Finlay c Canada (Ministre des Finances) [1986] 2 RCS 607; et Nova Scotia (Board of Censors) c McNeil [1976] 2 RCS 265. Dans ces affaires, la question consistait à savoir si les demandeurs avaient qualité pour agir dans l’intérêt public et la Cour a appliqué les faits des situations des demandeurs à sa définition de l’intérêt requis pour trancher la question comme une question préliminaire. À mon avis, il est donc clair que la qualité pour agir est une question qui peut être tranchée comme une question préliminaire, même si des questions constitutionnelles seront examinées si une affaire est instruite.

[46] Cependant, l’espèce se distingue en ceci que l’obligation de consulter (c.-à-d. la question constitutionnelle) peut être débattue dans le cadre du renvoi ainsi que dans le cadre d’une audience ultérieure sur le fond si l’affaire est instruite. Les questions dans le cadre de renvoi porteront sur la question de savoir si les faits suffisent à donner lieu à l’obligation de consulter et, le cas échéant, l’existence de l’obligation est pertinente à la définition de l’expression « directement touché ». À mon avis, le fait qu’une question constitutionnelle puisse être débattue pendant le renvoi en ce qui a trait à la qualité pour agir n’empêche pas de rendre une décision sur la qualité pour agir comme une question préliminaire lorsque l’ensemble des faits pertinents sont admis.

[47] Les demandeurs font également valoir que la présence des questions constitutionnelles empêche le renvoi, car le droit est clair sur le fait que de telles questions ne devraient pas être examinées dans un vide factuel. Cependant, comme je l’ai déjà indiqué, il n’y aura pas un tel vide factuel dans le cadre du renvoi. L’ensemble des faits pertinents des demandeurs seront tenus pour avérés par le Tribunal.

[48] Les demandeurs ont fait valoir qu’il est porté atteinte à l’article 2 de la Déclaration canadienne des droits (1960, c 44) à deux égards. Dans un premier temps, ils affirment que le renvoi ne devrait pas être instruit, car la décision dans le cadre du renvoi pourrait les priver d’une audience sur le fond. Il est juste de dire que, si les demandeurs n’ont pas qualité pour agir, leur demande en vertu de l’article 106 ne sera pas entendue, mais cette issue ne va pas à l’encontre de l’article 2. L’article n’exige pas la tenue d’une audience lorsque la partie n’a pas qualité pour agir. Deuxièmement, les demandeurs affirment que les paragraphes 105(3) et (4) et la Loi sont incompatibles à l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, car le processus d’enregistrement du consentement n’a pas accordé aux demandeurs une audience équitable. Cette allégation n’est pas pertinente à la qualité pour agir et, à mon avis, n’a pas pour effet d’empêcher le renvoi.

[49] Enfin, les demandeurs affirment que le renvoi ne devrait pas être instruit, car la commissaire a omis de respecter l’instruction relative à la pratique du Tribunal datée du 30 août 2002, lorsqu’elle a déposé l’avis de renvoi et qu’elle a omis de déposer un affidavit à l’appui. Le libellé pertinent de l’instruction relative à la pratique se lit comme suit :

98. (2) Sont joints à l’avis de renvoi : 98. (2) A notice of reference shall be accompanied by: a)un ou des affidavits indiquant les faits sur (a) an affidavit or affidavits setting out lesquels s’appuie le renvoi ou un exposé the facts on which the conjoint des faits; reference is based or an agreed statement of facts; and (…)

[50] La réponse de la commissaire est qu’elle a indiqué clairement au paragraphe 60 de son er mémoire des arguments pour le renvoi daté du 1 avril 2005 que les faits pertinents sont ceux plaidés par les demandeurs et que, dans ces circonstances, un affidavit n’est pas requis. Je suis d’accord. Il serait inutile de déposer un affidavit qui ne fait que montrer les actes de procédure des demandeurs. Par conséquent, cet argument ne présente aucun motif de refuser d’examiner un renvoi approprié.

[51] POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT, LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT :

(i) Les questions 1 et 2 demeurent dans le renvoi. (ii) La question 3 est par les présentes radiée du renvoi. (iii) Les demandeurs doivent payer à la demanderesse, la commissaire de la concurrence, ses dépens de la présente requête, qui sont par les présentes fixés à 1 000 $. (iv) La commissaire de la concurrence est autorisée à déposer un nouveau mémoire des arguments pour répondre à toutes les allégations dans la réponse qu’elle détermine comme étant nouvelle.

er FAIT à Ottawa, ce 1 jour de juin 2005. SIGNÉ au nom du Tribunal par la présidente. (s) Sandra J. Simpson

COMPARUTIONS : Pour la demanderesse : Burns Lake Native Development Corp et al Orestes Pasparakis Pour les défenderesses : Commissaire de la concurrence Melanie Aitkin Duane Schippers Derek Bell

West Fraser Timber Co Ltd James Musgrove

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