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Competition Tribunal Tribunal de la concurrence Référence : La commissaire de la concurrence c Tuyauteries Canada Ltée, 2005 Trib conc 17 o N de dossier : CT-2002-006 o N de document du greffe : 138 AFFAIRE CONCERNANT la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34; ET AFFAIRE CONCERNANT une demande présentée par la commissaire de la concurrence en vertu des articles 79 et 77 de la Loi sur la concurrence;

ET AFFAIRE CONCERNANT certaines pratiques de Tuyauteries Canada Ltée par l’intermédiaire de sa division Bibby Ste-Croix.

ENTRE : La commissaire de la concurrence (demanderesse)

Et Tuyauteries Canada Ltée (défenderesse)

Membre judiciaire présidant l’instance : Monsieur le juge Blanchard Décision rendue sur le fondement du dossier. Motifs de l’ordonnance signés par : Monsieur le juge Blanchard Date et motifs de l’ordonnance : Le 4 mai 2005

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L’ORDONNANCE DÉPENS

[1] Tuyauteries Canada Ltée Tuyauteries Canada »), ayant eu gain de cause, a présenté un mémoire de dépens et demande au Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de lui adjuger ses dépens en un montant forfaitaire d’un million de dollars, ainsi que des débours de 573 203,63 $.

[2] La commissaire de la concurrence (la « commissaire ») estime que la somme des dépens demandés par Tuyauteries Canada est tout à fait déraisonnable. La somme demandée excède considérablement le tarif habituel prévu à la colonne III du tarif B. Selon le principe fondamental invoqué par la commissaire, elle ne devrait pas être pénalisée pour avoir engagé une poursuite dans le but de protéger les intérêts de la concurrence au Canada, conformément au mandat qui lui a été conféré par la Loi sur la concurrence, LRC (1985), c C-34) (la « Loi »). La commissaire ne conteste pas l’adjudication des dépens en un montant forfaitaire. Si les dépens sont adjugés conformément aux tarifs établis à la colonne III du tarif B, le total des dépens ne dépasserait pas 324 659,88 $, comprenant, notamment, 96 219,75 $ en frais d’honoraires d’avocat (y compris la TPS) et 228 440,13 $ en débours.

[3] La commissaire demande également le sursis de toute ordonnance liée aux dépens en attendant la décision finale de l’appel déposé le 7 mars 2005 devant la Cour d’appel fédérale.

I. DROIT APPLICABLE [4] L’article 8.1 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence (la « LTC ») habilite le Tribunal à adjuger les dépens liés aux procédures dont il est saisi conformément aux règles d’attribution des dépens applicables à la Cour fédérale du Canada. Par conséquent, en vertu de l’article 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 mod DORS/2004-283 (les « Règles »), le Tribunal a « le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer ». L’article 400(3) des Règles présente une liste de facteurs qui peuvent, notamment, être pris en compte, dont les suivants :

4.1.1 Le résultat de l’instance; 4.1.2 L’importance et la complexité des questions en litige; 4.1.3 Toute offre écrite de règlement; 4.1.4 La charge de travail; 4.1.5 Le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens; 4.1.6 La conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance; 1.1.7 La question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance selon le cas était inappropriée, vexatoire ou inutile;

1.1.8 Toute autre question qu’il juge pertinente.

II. ANALYSE [5] Plusieurs arguments, essentiellement fondés sur les facteurs mentionnés ci-dessus, sont avancées par Tuyauteries Canada à l’appui de sa demande en vue d’obtenir des dépens dont la somme dépasserait les dépens partie-partie habituellement adjugés conformément aux taux du tarif B établis à la colonne III (article 407 des Règles). En réponse, la commissaire soutient que la demande de Tuyauteries Canada est excessive et que les circonstances ne justifient pas l’augmentation demandée. Les deux parties ont déposé des arguments écrits importants étayant leurs positions respectives.

[6] Bien que le Tribunal ait accepté la position de la commissaire concernant la définition du marché et la puissance commerciale, en fin de compte, Tuyauteries Canada a réussi à faire rejeter la demande. Dans les circonstances, le fait que la commissaire a obtenu gain de cause en ce qui a trait à certains éléments de l’affaire ne justifie pas une dérogation au principe habituel selon lequel les dépens suivent l’issue de la cause. Par ailleurs, d’autres facteurs doivent être présents pour justifier une augmentation des taux habituels de la colonne III établis au tarif B.

[7] À mon avis, les questions nouvelles de nature économique et le montant de travail lié à la préparation et à la conduite de l’affaire, laquelle avait une portée nationale, justifient un rajustement à la hausse des dépens. Vingt-sept témoins ordinaires et trois témoins experts ont témoigné durant quatorze semaines. Le recueil conjoint de documents était constitué de 31 volumes de pièces. La demande soulevait de nouvelles théories économiques qui n’avaient jamais été abordées par le Tribunal. Sept jours d’audience ont été consacrés à la preuve de témoins experts et les plaidoiries se sont déroulées sur une période de quatre jours. Un nombre très restreint de décisions portant sur « l’abus de position dominante » ont été rendues par le Tribunal, un domaine du droit de la concurrence important et relativement nouveau au Canada concernant les procédures civiles prévues dans la loi. Potentiellement, la décision du Tribunal pourrait entraîner d’importantes conséquences à la fois sur le respect et sur l’application de la Loi sur la concurrence. Les parties n’ont rien ménagé pour présenter aussi pleinement que possible leurs positions respectives sur les questions dont le Tribunal était saisi.

[8] En plus du fait qu’une offre écrite de règlement est un facteur qu’il faut prendre en considération dans l’établissement des dépens en vertu de l’alinéa 400(3)e) des Règles, Tuyauteries Canada soutient que la règle du droit au double des dépens prévu à l’alinéa 420(2)b) devrait s’appliquer. Tuyauteries Canada a présenté trois offres de règlement, le 25 février 2002, le 19 février 2004 et le 4 mars 2004. L’offre présentée le 25 février 2002 ne se trouve pas dans les arguments de Tuyauteries Canada, mais elle est mentionnée dans la lettre du 25 mars 2002 qui accompagne les arguments de Tuyauteries Canada relatifs aux dépens. La deuxième offre, datée le 19 février 2004, était une lettre officielle selon les modalités des Règles. Dans cette offre, Tuyauteries Canada était disposée à diviser le PDS en trois programmes distincts, un pour la tuyauterie, un pour les raccords et un pour les joints mécaniques, et elle a également offert d’informer le Bureau de toute acquisition. Cette offre a été révoquée par la troisième offre de règlement. La troisième offre a été présentée le 4 mars 2004, une fois l’audience commencée. Selon l’article 420 des Règles, une offre qui n’est pas révoquée peut donner lieu à une adjudication du double des dépens à partir de la date à laquelle l’offre a été présentée.

[9] La commissaire soutient que les dispositions relatives au droit au double des dépens dans les Règles ne devraient pas s’appliquer aux procédures instituées dans l’intérêt du public en vue de la réalisation des objectifs de la loi. La commissaire ajoute qu’il serait excessif d’adjuger le double des dépens dans les circonstances, compte tenu du fait que la première offre a été présentée la veille du début de l’audience, et que la deuxième offre révoquant la première a été faite une fois l’audience commencée.

[10] L’argument de la commissaire est bien fondé et il existe une jurisprudence appuyant le refus d’une adjudication du double des dépens lorsque l’offre est présentée à une étape tardive du processus o re (Algoma Central Corporation c The Ship « Prestigious »” [1994] ACF n 960 (CF 1 inst)). Dans cette affaire, le travail était essentiellement terminé et les dépenses avaient été engagées envers les plaidoiries, les témoins et la préparation avant que l’offre ne soit présentée. Je suis d’accord avec la proposition voulant que l’adjudication du double des dépens engendre un résultat excessif. Il n’en demeure pas moins que le Tribunal ne peut ignorer le fait qu’une offre significative de règlement a été faite le 19 février 2004, et qu’une deuxième offre était sur la table pendant toute la durée de l’audience, dont les éléments étaient plus favorables que le dénouement suivant la décision du Tribunal. Qui plus est, une augmentation des dépens adjugés suivant la présentation d’une offre de règlement

reconnaîtrait le montant considérable de travail que Tuyauteries Canada a accomplir pour mener l’affaire à son terme, alors, qu’en fait, elle était disposée à négocier un règlement.

[11] Quant aux allégations concernant la conduite ses parties, je ne suis toujours pas convaincu que l’une ou l’autre des parties ait eu un comportement prolongeant indûment l’instance.

[12] Tuyauteries Canada soutient que ses dépens engagés pour répondre à deux ordonnances en vertu de l’article 11, délivrées par la commissaire, devraient lui être adjugés. Le Tribunal estime qu’il serait contraire à l’ordre public d’adjuger des dépens contre la commissaire relatifs à des coûts nécessaires pour se conformer à une ordonnance prescrite par la loi et ratifiée par un tribunal compétent.

[13] Il y a lieu de suivre le principe énoncé en matière d’adjudication de dépens dans Apotex Inc and Novopharm Ltd c Wellcome Foundation Ltd (1998) 159 FTR 233 (FCTD), décision confirmée par (2001) 199 FTR 320 (CAF), dans laquelle le juge Wetston déclare, à la page 238 :

Un principe important sous-tend les dépens : l’allocation de dépens représente un compromis entre l’indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non-imposition d’une charge excessive à la partie qui succombe.

[14] Après avoir examiné les facteurs établis au paragraphe 400(3) des Règles, ainsi que l’application de l’article 420 des Règles, et pour les motifs indiqués ci-dessus, je conclus que les dépens relatifs à cette affaire devraient être adjugés conformément à la valeur supérieure du tarif B, colonne III, jusqu’au 4 mars 2004, la date du dépôt de la dernière offre de règlement par Tuyauteries Canada. Après le 4 mars 2004, les dépens doivent être taxés à 150 % des taux à la valeur supérieure du tarif B, colonne III. Je conclus également que, compte tenu de la quantité de travail et de la complexité de l’affaire, Tuyauteries Canada a droit aux honoraires de deux avocats et à la moitié des honoraires d’un avocat pour la durée de l’audience.

[15] Les multiples questions relatives au mémoire de dépens soulevées au nom de la commissaire devraient être tranchées convenablement par l’officier taxateur au regard du caractère raisonnable.

[16] La commissaire a demandé un sursis de l’ordonnance en attendant la conclusion de l’appel, mais elle n’a pas abordé le critère à trois volets à satisfaire pour l’octroi d’un sursis. Dans les circonstances, je ne vois aucune justification pour surseoir à l’ordonnance liée aux dépens.

III. ORDONNANCE [17] La défenderesse, Tuyauteries Canada, a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de la dernière offre de règlement, soit le 4 mars 2004, selon les taux à la valeur supérieure de la colonne III, tarif B, et par la suite, les dépens doivent être taxés à 150 % des taux à la valeur supérieure du tarif B, colonne III.

[18] La défenderesse, Tuyauteries Canada a droit aux honoraires de deux avocats pour la durée de l’audience au taux de 14a) du tableau du tarif B, et aux honoraires d’un avocat pour la durée de l’audience au taux de 14b) du tableau du tarif B.

[19] C’est à l’officier taxateur qu’il incombe de déterminer le caractère raisonnable des débours dans mémoire de dépens de la défenderesse.

e FAIT à Ottawa, ce 4 jour de mai 2005. SIGNÉ au nom du Tribunal par le membre judiciaire présidant l’instance.

(signé) Edmond P. Blanchard

DROIT APPLICABLE Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 mod. DORS/2004-283 400. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. (2) Les dépens peuvent être adjugés à la Couronne ou contre elle. (3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants : a) le résultat de l’instance; b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées; c) l’importance et la complexité des questions en litige; d) le partage de la responsabilité; e) toute offre écrite de règlement; f) toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421; g) la charge de travail; h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens; i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance; j) le défaut de la part d’une partie de signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait être admis; k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas :

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile

400. (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid. (2) Costs may be awarded to or against the Crown. (3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider (a) the result of the proceeding; (b) the amounts claimed and the amounts recovered; (c) the importance and complexity of the issues; (d) the apportionment of liability; (e) any written offer to settle; (f) any offer to contribute made under rule 421; (g) the amount of work; (h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs; (i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding; (j) the failure by a party to admit anything that should have been admitted or to serve a request to admit;

(ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection; l) la question de savoir si plus d’un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense; m) la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes; n) la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l’application des règles 292 à 299 o) toute autre question qu’elle juge pertinente. (4) La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés. (5) Dans le cas la Cour ordonne que les dépens soient taxés conformément au tarif B, elle peut donner des directives prescrivant que la taxation soit faite selon une colonne déterminée ou une combinaison de colonnes du tableau de ce tarif. (6) Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut : (a) adjuger ou refuser d’adjuger les dépens à l’égard d’une question litigieuse ou d’une procédure particulières; (b) adjuger l’ensemble ou un pourcentage des dépens taxés, jusqu’à une étape précise de l’instance; (c) adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat-client (d) condamner aux dépens la partie qui obtient gain de cause.

(k) whether any step in the proceeding was (i) improper, vexatious or unnecessary, or (ii) taken through negligence, mistake or excessive caution; (l) whether more than one set of costs should be allowed, where two or more parties were represented by different solicitors or were represented by the same solicitor but separated their defence unnecessarily; (m) whether two or more parties, represented by the same solicitor, initiated separate proceedings unnecessarily; (n) whether a party who was successful in an action exaggerated a claim, including a counterclaim or third party claim, to avoid the operation of rules 292 to 299; and; (o) any other matter that it considers relevant. (4) The Court may fix all or part of any costs by reference to Tariff B and may award a lump sum in lieu of, or in addition to, any assessed costs. (5) Where the Court orders that costs be assessed in accordance with Tariff B, the Court may direct that the assessment be performed under a specific column or combination of columns of the table to that Tariff. (6) Notwithstanding any other provision of these Rules, the Court may a) award or refuse costs in respect of a particular issue or step in a proceeding; b) award assessed costs or a percentage of assessed costs up to and including a specified step in a proceeding c) award all or part of costs on a solicitor-and- client basis; or; d) award costs against a successful party.

(7) Les dépens sont adjugés à la partie qui y a droit et non à son avocat, mais ils peuvent être payés en fiducie à celui-ci. 420. (2) Sauf ordonnance contraire de la Cour, lorsque le défendeur présente par écrit une offre de règlement qui n’est pas révoquée et que le demandeur : a) obtient un jugement moins avantageux que les conditions de l’offre, le demandeur a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et le défendeur a droit au double de ces dépens, à l’exclusion des débours, à compter du lendemain de cette date jusqu’à la date du jugement; b) n’obtient pas gain de cause lors du jugement, le défendeur a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et au double de ces dépens, à l’exclusion des débours, à compter du lendemain de cette date jusqu’à la date du jugement.

(7) Costs shall be awarded to the party who is entitled to receive the costs and not to the party's solicitor, but they may be paid to the party's solicitor in trust. 420.(2) Unless otherwise ordered by the Court, where a defendant makes a written offer to settle that is not revoked, (a) if the plaintiff obtains a judgment less favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff shall be entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and the defendant shall be entitled to double such costs, excluding disbursements, from that date to the date of judgment; or (b) if the plaintiff fails to obtain judgment, the defendant shall be entitled to party-and-party costs to the date of the service of the offer and to double such costs, excluding disbursements, from that date to the date of judgment.

REPRÉSENTANT : Pour la demanderesse : La commissaire de la concurrence John A. Campion Donald J. Rennie Graham M. Law Catherine A. Lawrence Nicole D. Samson

Pour la défenderesse : Tuyauteries Canada Kent E. Thomson George N. Addy James Doris Edward Babin Milos Barutciski Anita Banicevic Davit D. Akman Charles Tingley

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