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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal Référence: Barcode Systems Inc. c. Symbol Technologies Canada ULC, 2004 Trib. conc. 1 N o de dossier : CT2003008 N o de document du Greffe : 0011a DANS L'AFFAIRE d'une demande présentée par Barcode Systems Inc. en vertu de l'article 103.1 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, pour obtenir la permission de présenter une demande en vertu de l'article 75 de la Loi;

E N T R E : Barcode Systems Inc. (demanderesse)

et Symbol Technologies Canada ULC (défenderesse)

Rendu en fonction du dossier de l’affaire. Membre : Le juge Lemieux (président) Date des motifs et ordonnance : 20040115 Motifs et ordonnance signés par : le juge Lemieux

MOTIFS ET ORDONNANCE RELATIFS À UNE DEMANDE DE PERMISSION DE PRÉSENTER UNE DEMANDE EN VERTU DE L'ARTICLE 75 DE LA LOI SUR LA CONCURRENCE

[1] Barcode Systems Inc. Barcode ») a présenté au Tribunal de la concurrence le Tribunal ») une demande fondée sur le paragraphe 103.1(1) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34 (la « Loi ») dans le but d'obtenir la permission de présenter la demande visée à l'article 75 de la Loi.

[2] Barcode allègue que Symbol Technologies Canada ULC Symbol »), une filiale de Symbol Technologies Inc. Symbol US »), refuse de l'approvisionner en lecteurs de codes à barre, contrairement aux dispositions de l'article 75 de la Loi, et cherche à obtenir, si la permission demandée lui est accordée et si le Tribunal parvient aux conclusions nécessaires, une ordonnance enjoignant à Symbol d'accepter Barcode comme cliente « aux conditions de commerce normales » dès le prononcé de l'ordonnance.

[3] Ce n'est que la deuxième demande de ce genre qui est présentée au Tribunal sous le régime des nouvelles dispositions de la Loi prévoyant ce qui a été qualifié d'« accès privé », du fait que ce n'est pas le commissaire de la concurrence le commissaire ») qui introduit la demande.

[4] C'est la juge Dawson qui a statué sur la première demande de permission, dans l'affaire National Capital News c. Milliken, 2002 Trib. conc. 41 National Capital News »), et je souscris entièrement à sa décision.

[5] Le critère applicable à l'octroi de cette permission est énoncé au paragraphe 103.1(7), dont voici le texte :

Le Tribunal peut faire droit à une demande de permission de présenter une demande en vertu des articles 75 ou 77 s'il a des raisons de croire que l'auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise en raison de l'existence de l'une ou l'autre des pratiques qui pourraient faire l'objet d'une ordonnance en vertu de ces articles. (non souligné dans l'original)

[6] En l'espèce, la pratique dont se plaint la demanderesse et qui pourrait lui ouvrir droit à l'ordonnance prévue à l'article 75 est le refus de Symbol de lui vendre ses produits depuis l'expiration, en mars 2003, des relations qui existaient entre les deux entreprises depuis dix ans.

[7] Voici quelques précisions sur le critère applicable. [8] Le Tribunal doit avoir des raisons de croire que Barcode est directement et sensiblement gênée dans son entreprise par le refus de vendre de Symbol. À ce stade, il n'est pas nécessaire que le Tribunal ait des raisons de croire que ce refus a ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché.

[9] J'apporte cette précision parce que Symbol, contestant avec vigueur la demande de permission, a décrit ce qu'elle considère être un marché règne une vive concurrence et a fait vive concurrence et a fait valoir que Barcode n'avait apporté aucun élément de preuve quant à cette exigence énoncée à l'alinéa 75(1)e) de la Loi.

[10] Selon mon interprétation de la Loi, il doit y avoir atteinte à la concurrence dans un marché pour que le Tribunal conclue à l'existence d'une contravention à l'article 75 et prononce l'ordonnance corrective prévue par cette disposition. Cette atteinte, toutefois n'est pas une exigence du critère appliqué par le Tribunal pour déterminer s'il accordera ou non une permission.

[11] Dans la décision National Capital News, précitée, la juge Dawson a décrit le genre de preuve qui doit être soumis au Tribunal pour donner à celui-ci des « raisons de croire ». Elle a formulé la conclusion suivante :

. . . .la demande de permission [doit être] appuyée par des éléments de preuve crédibles suffisants pour qu'on puisse croire de bonne foi que le demandeur a pu être directement et sensiblement gêné dans son entreprise à cause d'une pratique susceptible d'examen [le refus de vendre, en l'espèce] et que cette pratique pourrait faire l'objet d'une ordonnance.

[12] Il découle de cette norme de preuve que la demanderesse Barcode doit présenter des éléments de preuve crédibles suffisants, appuyés par affidavit, pour convaincre le Tribunal de l'existence d'une possibilité raisonnable que l'entreprise ait été directement et sensiblement gênée par le refus de vendre de Symbol.

[13] Il ne s'agit pas d'une norme de preuve aussi exigeante que la prépondérance des probabilités, mais la preuve de l'existence d'une simple possibilité que le refus de vendre de Symbol ait directement et sensiblement gêné l'entreprise de Barcode ne constituerait pas une preuve suffisante.

[14] Il ressort de la preuve de Barcode que Symbol, en refusant de vendre directement à Barcode ou en empêchant ses distributeurs ou revendeurs de le faire, a maintenant causé une perte substantielle de revenus à la demanderesse, au point que si la pratique se poursuit, cette dernière devra fermer boutique. En effet, sur pétition de la Banque Royale du Canada, un séquestre intérimaire des biens, de l'actif et des entreprises de Barcode a été nommé le 19 décembre 2003.

[15] Barcode affirme que les agissements de Symbol ont également porté sérieusement atteinte à sa capacité d'exécuter ses contrats de maintenance.

[16] Barcode déclare qu'à la date de la production de sa demande, elle avait mis à pied la moitié de ses employés.

[17] Symbol a déposé des observations écrites et des affidavits réfutant les affirmations de Barcode et expliquant pourquoi elle n'approvisionne pas Barcode. Elle nie, plus particulièrement, que l'entreprise de Barcode ait été sensiblement gênée, et elle soutient qu'aucune action pouvant lui être imputée n'a empêché Barcode d'exploiter son entreprise.

[18] Symbol déclare que si Barcode a subi des pertes, c'est parce qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles envers Symbol ou en raison de facteurs n'ayant rien à voir avec Symbol, comme le fléchissement général du marché, la concurrence accrue, des modifications du taux de change et l'incapacité de Barcode de satisfaire aux conditions normales de commerce demandées par ses fournisseurs.

[19] Le Tribunal, lorsqu'il est saisi d'une demande de permission, n'a pas pour fonction de formuler des conclusions en matière de crédibilité relativement à des affidavits dont les déposants n'ont pas été contre-interrogés. La Loi fait obligation à l'auteur d'une demande de permission de l'étayer d'une déclaration assermentée, tandis que la personne qui s'oppose à la demande n'a qu'à déposer ses observations.

[20] Ces dispositions confirment que le rôle du Tribunal en matière d'octroi de permission se borne à la vérification de la suffisance de la preuve soumise.

[21] Il peut toutefois se présenter des situations il peut être démontré que la preuve à l'appui de la demande n'est tout simplement pas crédible, sans que le Tribunal ait à soupeser des déclarations contestées émanant de l'auteur de la demande et des parties adverses. Cependant, ce n'est pas le cas en l'espèce.

[22] Je conclurai sur une question de procédure. Tant Symbol que Barcode ont demandé d'être autorisées à déposer des éléments de preuve supplémentaires par suite du droit de réplique limité que le Tribunal a exceptionnellement accordé à Barcode dans l'intérêt de la justice.

[23] Ce n'est qu'à titre exceptionnel que le Tribunal accorde un droit de réplique à une partie dans le cadre d'une demande de permission, car ces demandes doivent être entendues promptement.

[24] Le Tribunal n'estime aucunement nécessaire de disposer des éléments de preuve supplémentaires que Barcode ou Symbol souhaitent déposer.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT : [25] La demande de permission est accordée. [26] Le Tribunal est disposé à accélérer l'audition de la demande et il invite les parties à communiquer avec le greffier adjoint du Tribunal à cette fin.

FAIT à Ottawa, ce 15 e jour de janvier 2004. SIGNÉ au nom du Tribunal par le juge. (s) François Lemieux

REPRÉSENTANTS Pour la demanderesse : Barcode Systems Inc. David P. Church Pour la défenderesse : Symbol Technologies Canada ULC Colin MacArthur, c.r.

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