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Competition Tribunal Tribunal de la concurrence Référence : Commissaire de la concurrence c Sears Canada Inc, 2003 Trib conc 20 o N de dossier : CT2002004 o N de document du greffe : 179 AFFAIRE CONCERNANT la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34; ET AFFAIRE CONCERNANT une enquête menée aux termes du sous-alinéa 10(1)b)(ii) de la Loi sur la concurrence relative à certaines pratiques commerciales de Sears Canada Inc;

ET AFFAIRE CONCERNANT une demande d’ordonnance présentée par le commissaire de la concurrence en vertu de l’article 74.01 de la Loi sur la concurrence.

ENTRE : Le commissaire de la concurrence (demandeur)

et Sears Canada Inc (défenderesse)

Date de l’audience : Le 21 octobre 2003 Devant la membre judiciaire présidant l’audience : Madame la juge Dawson Date de l’ordonnance : Le 21 octobre 2003 Ordonnance signée par : Madame la juge Eleanor R. Dawson

MOTIFS CONCERNANT L’AVIS DE REQUÊTE PRÉSENTÉ PAR SEARS EN VUE D’OBTENIR UN AJOURNEMENT ET/OU UN SURSIS D’INSTANCE

[1] Le 14 octobre 2003, Sears a déposé un avis de requête en vue d’obtenir une ordonnance : (i) écourtant le délai de signification du dossier de requête; (ii) mettant en sursis l’exécution de la partie de l’ordonnance du Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») qui rejette la requête de Sears visant à obtenir l’autorisation de modifier son acte de procédure, en attendant que la Cour d’appel fédérale statue sur l’appel de cette décision;

(iii) ajournant l’audition de la présente affaire, en attendant qu’il soit statué sur l’appel.

[2] La requête a été présentée le lundi 20 octobre 2003, au début de l’audience concernant l’enquête sur la demande d’ordonnance déposée par le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») en vertu de l’article 74.10 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34 (la « Loi »).

[3] Aucune preuve par affidavit n’a été déposée à l’appui de la requête de Sears, et aucune preuve par affidavit n’a été déposée par le commissaire, qui s’oppose à l’octroi d’un sursis ou d’un ajournement.

[4] Le commissaire ne s’est pas opposé à l’accord d’une brève autorisation, et je suis convaincue qu’il convient d’accorder une brève autorisation en l’espèce. Voici mes motifs, prononcés de vive voix, justifiant le rejet du sursis ou de l’ajournement demandé. Ces motifs seront révisés sur le plan de la grammaire et de la lisibilité, mais pas sur le fond, puis ils seront donnés par écrit selon le format habituel du Tribunal.

[5] Je vais dans un premier temps aborder la partie de la requête visant à obtenir le sursis d’exécution de l’ordonnance rendue par le Tribunal le 6 octobre 2003. Comme cela a été souligné, cette ordonnance refusait d’accorder à Sears l’autorisation de déposer une nouvelle réponse modifiée à la demande du commissaire.

[6] Sears n’a pas contesté avec vigueur cette partie de la requête, ce qui prouve que ce recours a été sollicité par excès de prudence, en plus de l’ajournement demandé. Étant donné que l’ordonnance visée par l’appel n’exigeait pas que Sears ou le commissaire prenne quelque mesure que ce soit, je ne suis pas certaine des répercussions qu’entraînerait le sursis de l’ordonnance. La réponse initiale à la demande du commissaire déposée par Sears demeurerait en vigueur et régirait l’audience à venir. Étant donné que le sursis d’exécution de l’ordonnance refusant l’autorisation de modifier ne fournirait aucune voie de recours efficace, je ne suis pas disposée à surseoir à l’exécution de cette ordonnance.

[7] Je passe maintenant à la deuxième mesure de redressement sollicitée, à savoir la demande visant à ce que le début de l’audience, prévu le 20 octobre 2003, soit ajourné en attendant que la Cour d’appel fédérale statue sur l’appel de l’ordonnance refusant l’autorisation.

[8] Les parties conviennent que, pour qu’un tel ajournement soit accordé, Sears doit établir qu’elle satisfait aux motifs à trois volets définis dans RJR-MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311. Le Tribunal a déjà tranché qu’il s’agissait du critère à appliquer lorsqu’un ajournement est sollicité en attendant l’appel d’une ordonnance interlocutoire du

Tribunal. Voir Canada (Loi sur la concurrence, Directeur des enquêtes et recherches) c D & B o Companies of Canada, [1994] DTCC n 17. Le juge en chef Isaac de la Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision dans le cadre d’une requête en sursis d’instance déposée par la suite auprès de la Cour d’appel fédérale. Le juge en chef Isaac a souligné qu’il était largement d’accord avec l’analyse du Tribunal. Voir Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c D & o B Companies of Canada, [1994] ACF n 1504, au paragraphe 18. [9] Chacun des trois motifs doit être établi, étant donné que les motifs sont conjonctifs et non disjonctifs. Les voici :

(i) une question sérieuse doit être tranchée; (ii) le refus de l’ajournement causerait un préjudice irréparable à Sears; (iii) la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’octroi du sursis. En l’espèce, cela signifie que Sears doit démontrer que le préjudice qu’elle subirait si l’ajournement était refusé serait plus important que le tort causé au commissaire si l’ajournement était accordé.

[10] Maintenant, compte tenu de chaque élément du critère, le seuil relatif à l’établissement d’une question sérieuse est bas. Le commissaire a reconnu que la question en litige dans la présente affaire atteignait ce seuil.

[11] Le préjudice irréparable nécessite, sur le plan juridique, que le demandeur démontre que le refus du redressement « [...] pourrait être si défavorable à l’intérêt du requérant que le préjudice ne pourrait pas faire l’objet d’une réparation, en cas de divergence entre la décision sur le fond et l’issue de la demande interlocutoire ». (Voir RJR MacDonald, supra au paragraphe 58.) Le demandeur est tenu d’apporter la preuve évidente et concrète d’un préjudice irréparable. Le terme « irréparable » renvoie à la nature du préjudice qui pourrait être subi.

[12] En l’espèce, Sears affirme, dans son avis de requête, que si l’ajournement est refusé, elle ne pourra pas se défendre comme elle le prévoit dans sa nouvelle réponse modifiée. Je suis d’accord. La question est de savoir s’il s’agit d’un préjudice irréparable et non d’un désagrément, ou d’une question qui peut être résolue d’une autre manière. Sears soutient que le tort dont il est question ne peut être réparé ou dédommagé en aucune façon, même en appel, puisque le dossier aura été établi. Sears déclare donc que son appel sera rendu sans valeur si aucun ajournement n’est accordé.

[13] Toutefois, le Tribunal n’est saisi d’aucun élément permettant d’établir que Sears souhaite présenter une preuve, mais qu’elle ne pourra la présenter compte tenu de l’acte de procédure existant. De la même façon, Sears a établi tous les arguments juridiques mis à disposition d’après l’acte de procédure existant. Les avocats ont soutenu que Sears voulait clarifier son argument en ce qui a trait à l’article 74.01 de la Loi, lequel constitue le fondement de sa défense. À mon avis, cela ne permet pas d’établir que la défense ne dispose pas des moyens adéquats et que, par conséquent, Sears subira un préjudice irréparable si elle devait poursuivre avec ce type de défense. Sears continue de soutenir (au paragraphe 3 de ses arguments écrits et de vive voix) que les modifications proposées portent « [...] principalement sur la forme et non sur le fond ». Si Sears est tenue de poursuivre conformément à l’acte de procédure existant, cela ne s’apparente pas à un préjudice irréparable causé.

[14] Dans la mesure Sears fait valoir l’existence d’un préjudice irréparable, car, même si elle gagne sa cause en appel, le « dossier aura été établi » de sorte que l’appel n’aura aucune valeur, cela semble présumer que l’audience devant le Tribunal prendrait fin avant que l’appel ne soit entendu et tranché par la Cour d’appel fédérale (en d’autres termes, que le dossier ne serait pas établi en fin de compte). Dans l’éventualité l’audience devant le Tribunal serait terminée, et Sears n’aurait pas gagné sa cause devant le Tribunal, mais aurait eu gain de cause devant la Cour d’appel fédérale dans le cadre de son appel interlocutoire, il incomberait à la Cour d’appel de demander une nouvelle audition de l’affaire, si elle estime cela approprié et nécessaire. Cela causerait sans aucun doute un sérieux désagrément, mais, comme l’a écrit le juge Rothstein, membre judiciaire présidant l’audience au Tribunal, dans D & B Companies, supra à la page 4 du rapport :

La question de la perturbation des procédures du Tribunal ne peut, selon moi, être considérée comme relevant du préjudice irréparable. Il est vrai que cela peut causer de sérieux désagréments, mais cela ne constitue pas en soi un préjudice irréparable. Il se peut que les interrogatoires et les contre-interrogatoires changent si la défenderesse obtient gain de cause en appel, et que de plus amples renseignements soient produits et que l’affaire soit entendue de nouveau. Cependant, encore une fois, il s’agit d’un simple désagrément et non d’un préjudice irréparable. Lorsqu’une affaire est renvoyée pour nouvelle audition à la suite d’un appel ou d’un contrôle judiciaire, les parties se trouvent dans la même position. Ces nouvelles audiences font régulièrement partie du processus judiciaire; je ne peux donc pas conclure que la présente affaire est d’une certaine manière unique au point de causer un préjudice irréparable à la défenderesse si les interrogatoires et contre-interrogatoires venaient à changer.

[TRADUCTION] [15] De la même façon, je ne peux pas conclure que Sears a établi l’existence d’un préjudice irréparable.

[16] Dans leur argumentation orale, les avocats de Sears ont informé que la Cour d’appel avait le temps d’ici une à trois semaines d’entendre un appel interlocutoire, et les avocats du commissaire ont indiqué avoir reçu la directive de consentir au traitement accéléré de l’appel. J’ai étudié attentivement la demande d’ajournement de l’instance s’appuyant sur cette raison; toutefois, après réflexion, je suis arrivée à la conclusion qu’un tel ajournement n’était pas justifié pour les deux raisons qui suivent. Premièrement, Sears n’a pas établi, selon moi, l’existence d’un préjudice irréparable. Il s’agit d’une condition préalable à un ajournement, sur le plan juridique. Deuxièmement, même si l’affaire est traitée devant le Tribunal cette semaine en ce qui concerne la question constitutionnelle, et que les avocats ont confirmé que cette question pourrait être mise en délibération nonobstant l’appel en attente, il est probable que si l’audience est par la suite ajournée en attendant l’audition et la décision de l’appel, trop de temps serait perdu pour que l’audience devant le Tribunal puisse se terminer dans le temps imparti. (Je souligne en passant que le 30 mai 2003, le Tribunal a ordonné que cette question soit entendue pendant quatre semaines, du 20 octobre 2003 au 14 novembre 2003, et que les plaidoiries soient er entendues du 1 décembre 2003 au 5 décembre 2003.) Le fait de ne pas mener à bien l’audience entraînera un important retard dans le report de l’instance. Je suis d’avis qu’un tel retard et un tel désagrément ne sont pas justifiés en l’absence de constat de préjudice irréparable si l’affaire n’était pas ajournée.

[17] Je suis convaincue, néanmoins, que si les parties présentent une requête en vue d’accélérer le processus d’appel, celui-ci peut très bien être entendu et tranché avant que la preuve ne soit présentée devant le Tribunal. Cela réduit davantage le risque de préjudice que pourrait subir Sears si elle obtenait gain de cause dans le cadre de l’appel interlocutoire. Le Tribunal accueillerait certainement un ajournement d’une demi-journée ou d’une journée afin de permettre à l’appel interlocutoire d’être débattu devant la Cour d’appel fédérale.

[18] Compte tenu de la conclusion que j’ai tirée en ce qui concerne le préjudice irréparable, je n’ai pas besoin de me pencher sur la prépondérance des inconvénients.

[19] Pour ces motifs, la requête visant un sursis ou un ajournement est rejetée. e FAIT à Ottawa, ce 21 jour d’octobre 2003. SIGNÉ au nom du Tribunal par la membre judiciaire présidant l’audience. (s) Eleanor R. Dawson

AVOCATS Pour le demandeur : Le commissaire de la concurrence John L. Syme Arsalaan Hyder

Pour la défenderesse : Sears Canada Inc William W. McNamara Marvin Huberman Stephen Scholtz Abbas Sabur (stagiaire en droit)

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