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Competition Tribunal Tribunal de la concurrence Référence : Commissaire de la concurrence c Sears Canada Inc, 2003 Trib conc 28 o N de dossier : CT2002004 o N de document du greffe : 185 AFFAIRE CONCERNANT la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34; ET AFFAIRE CONCERNANT une enquête fondée sur le sous-alinéa 10(1)b)(ii) de la Loi sur la concurrence relative à certaines pratiques commerciales de Sears Canada Inc;

ET AFFAIRE CONCERNANT une demande d’ordonnance présentée par le commissaire de la concurrence en vertu de l’article 74.01 de la Loi sur la concurrence.

ENTRE : Le commissaire de la concurrence (demandeur)

et Sears Canada Inc (défenderesse)

Date de l’audience : Le 22 octobre 2003 Devant le membre judiciaire présidant l’audience : Madame la juge Dawson Date des motifs : Le 29 octobre 2003 Motifs signés par : Madame la juge Eleanor R. Dawson

MOTIFS DE L’ORDONNANCE DU TRIBUNAL CONCERNANT UNE DEMANDE DE RECONNAISSANCE

[1] Le 30 septembre 2003, le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») a signifié à Sears Canada Inc Sears ») un document sous la forme d’une demande de reconnaissance fondée sur les articles 255 et 256 des Règles de la Cour fédérale, 1998 (les « Règles de la Cour fédérale »). Dans une lettre envoyée au commissaire le 17 octobre 2003, Sears a fait valoir que le processus de demande de reconnaissance n’a pas été incorporé à la procédure engagée devant le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») et que toute demande de reconnaissance aurait être présentée au Tribunal lors d’une conférence préparatoire à l’audience, conformément aux paragraphes 21(1) et (2) des Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/94-290 (les « Règles du Tribunal »). Le commissaire n’était pas d’accord. Dans une lettre envoyée aux avocats de Sears le 20 octobre 2003, il a exprimé son point de vue selon lequel l’article 72 des Règles du Tribunal ainsi que les articles 255 et 256 des Règles de la Cour fédérale autorisent une partie comme le commissaire à solliciter des admissions de cette manière.

[2] Le 22 octobre 2003, au cours de l’audition de la présente demande, Sears a donc déposé une requête en vue d’obtenir une ordonnance :

(i) exigeant que la demande de reconnaissance soit invalidée; (ii) subsidiairement, prorogeant le délai pendant lequel Sears est autorisée à répondre à la demande de reconnaissance.

[3] Pour des motifs qui seront prononcés par écrit, le Tribunal a ordonné, le 23 octobre 2003, que la demande de reconnaissance soit validée et autorisée conformément aux Règles du Tribunal, et a prorogé le délai pendant lequel Sears peut répondre à la demande de reconnaissance. Voici les motifs de cette ordonnance.

[4] Les dispositions applicables sont les paragraphes 21(1), 21(2) et l’article 72 des Règles du Tribunal, ainsi que les articles 255 et 256 des Règles de la Cour fédérale. En voici la teneur.

Dans les Règles du Tribunal : 21. (1) Le Tribunal peut, si une partie le demande ou si le président le juge indiqué, tenir une ou plusieurs conférences préparatoires dans l’un ou l’autre des délais suivants : a) en tout temps après l’expiration du délai prévu pour le dépôt de la réponse à l’avis de demande; b) en tout temps après l’expiration du délai prévu pour le dépôt du résumé visé au paragraphe 9(3). c) [Abrogé, DORS/96-307, art 6] (2) Le Tribunal peut considérer les questions suivantes lors de la conférence préparatoire : a) toute requête ou demande d’autorisation d’intervenir qui est en cours; b) la clarification et la simplification des questions en litige; c) la possibilité d’obtenir des admissions quant à des faits ou des documents précis; d) l’opportunité d’interroger au préalable certaines personnes ou d’obtenir la communication de certains documents, ainsi que l’opportunité d’établir un plan d’action à ces fins; d.1) dans le cas d’une demande visée au paragraphe 2.1(2) et lorsque les circonstances le justifient, les questions visées à l’alinéa d);

e) l’identification des témoins qui seront appelés à l’audience et la langue officielle dans laquelle ils vont témoigner; f) les modalités de l’échange des résumés des témoignages qui seront rendus à l’audience; g) la procédure à suivre pendant l’audience et sa durée approximative; h) toute autre question qui permettrait de faciliter le règlement de la demande.

En outre, 72(1) Les Règles de la Cour fédérale, CRC, 1978, c 663, s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux questions qui se posent au cours des procédures quant à la pratique ou la procédure à suivre dans les cas non prévus par les présentes règles. (2) En cas d’incertitude quant à la pratique ou la procédure à suivre, le Tribunal peut donner des directives sur la façon de procéder.

Enfin, dans les Règles de la Cour fédérale : 255. Une partie peut, après clôture des actes de procédure, demander à une autre partie de reconnaître la véracité d’un fait ou l’authenticité d’un document en lui signifiant une demande à cet effet selon la formule 255. 256. La partie qui reçoit signification d’une demande de reconnaissance est réputée reconnaître la véracité du fait ou l’authenticité du document qui en fait l’objet, sauf si elle signifie une dénégation établie selon la formule 256, avec motifs à l’appui, dans les 20 jours suivant la signification.

[5] Sears soutient que, si une partie à l’instance dont le Tribunal est saisi souhaite obtenir des admissions quant à des faits ou des documents, cette partie est tenue de le faire savoir au cours d’une conférence préparatoire. Sears fait valoir que l’alinéa 21(2)c) des Règles du Tribunal le prévoit expressément. Par ailleurs, Sears affirme qu’étant donné qu’aucune demande de reconnaissance ou d’autorisation à signifier une demande de reconnaissance n’a été formulée lors d’une conférence préparatoire et approuvée par le Tribunal, la demande de reconnaissance est nulle. Puisque les Règles du Tribunal traitent expressément des admissions, Sears affirme que les règles ne comportent aucune « lacune » [TRADUCTION] et qu’il n’est pas possible d’invoquer l’article 72 des Règles du Tribunal.

[6] Sears soutient également qu’une décision contraire signifierait qu’une partie à une instance portant sur une affaire autre qu’une fusion aurait droit à des interrogatoires préalables oraux en recourant à la règle des lacunes, à savoir l’article 72 des Règles du Tribunal, qui, à son tour, autoriserait une partie à interroger au préalable certaines personnes dans le cadre des Règles de la Cour fédérale.

[7] Enfin, Sears fait remarquer que la présente procédure a été entamée par le commissaire au moyen d’un document intitulé « avis de demande ». Les règles de la Cour fédérale portant sur les demandes de reconnaissance se trouvent dans la partie qui traite des actions, et non des demandes. Étant donné que les règles de la Cour fédérale portant sur les demandes de reconnaissance ne s’appliquent pas aux procédures engagées devant la Cour fédérale par avis de demande, Sears affirme qu’il s’agit d’une raison supplémentaire de conclure que la demande de reconnaissance était nulle.

[8] Il convient en premier lieu d’examiner si, comme le soutient Sears, l’alinéa 21(2)c) des Règles du Tribunal a pour effet de fournir un moyen précis d’obtenir des admissions de sorte qu’on ne puisse prétendre que la pratique ou la procédure permettant d’obtenir des admissions par voie de demande de reconnaissance constitue un cas « non prévu » [TRADUCTION] par les Règles du Tribunal. Si les Règles du Tribunal traitent du processus d’obtention des admissions, ce recours aux Règles de la Cour fédérale ne peut être invoqué dans le cadre de l’article 72 des Règles du Tribunal, car il n’y a alors aucune lacune.

[9] En ce qui concerne l’argument contraire avancé par Sears, je n’estime pas que la disposition de l’alinéa 21(2)c) des Règles du Tribunal, qui autorise le Tribunal à considérer, lors d’une conférence préparatoire, « la possibilité d’obtenir des admissions quant à des faits ou des documents précis », est poussée à l’égard de la question des admissions au point d’offrir une pratique ou une procédure complète en matière d’obtention des admissions.

[10] Il convient de se rappeler que les règles de la Cour fédérale portant sur les demandes de reconnaissance prévoient une procédure qui ne nécessite pas l’intervention d’un officier de justice. Elles ne prévoient pas non plus une procédure qui est traitée au cours d’une audience. Cela va donc à l’encontre de cette procédure que d’affirmer que, si la procédure est envisageable dans le cadre d’une instance dont le Tribunal est saisi, elle nécessite l’intervention du Tribunal au cours d’une conférence préparatoire. Par ailleurs, les Règles de la Cour fédérale, en plus de prévoir aux articles 255 et 256 la possibilité de présenter une demande de reconnaissance, prévoient au paragraphe 263(d) que les participants à une conférence préparatoire doivent être disposés à traiter de « la possibilité d’obtenir des aveux susceptibles de faciliter l’instruction ». Cela illustre bien, à mon avis, le fait que la procédure en cause dans le cadre de la signification d’une demande de reconnaissance constitue une pratique ou une procédure séparée et distincte de l’examen portant sur la possibilité d’obtenir des admissions, qui est effectué au cours d’une conférence préparatoire. Par conséquent, étant donné qu’il s’agit de pratiques ou de procédures différentes, l’absence de références précises aux demandes de reconnaissance dans les Règles du Tribunal soulève une question quant à une pratique ou une procédure non prévue par les Règles du Tribunal. Par voie de conséquence, cela permet au commissaire d’appliquer la règle des lacunes du Tribunal et de recourir à la procédure de la Cour fédérale relative aux demandes de reconnaissance.

[11] De la même façon et en toute déférence, je ne suis pas d’accord avec le bien-fondé de l’argument avancé par Sears selon lequel cette interprétation permettrait à une partie à l’instance devant le Tribunal d’interroger au préalable certaines personnes en recourant à la règle des lacunes du Tribunal. Les alinéas 21(2)d) et d.1) des Règles du Tribunal exigent que l’interrogatoire préalable oral soit considéré comme une « opportunité » dans les affaires se rattachant aux fusions ou soit justifié par les circonstances dans les autres affaires. Dans le cadre d’actions intentées devant la Cour fédérale, le droit à un interrogatoire préalable oral ne peut pas s’appliquer pour permettre la communication préalable illimitée dans les instances dont le Tribunal est saisi lorsque les Règles du Tribunal limitent expressément la possibilité d’interroger au préalable certaines personnes.

[12] Ce qui change dans le cas d’une demande de reconnaissance, c’est qu’il s’agit d’une pratique ou d’une procédure qui diffère du simple processus d’examen de la possibilité d’obtenir des admissions effectué au cours d’une conférence préparatoire. Comme cela a été mentionné plus haut, en raison de cette différence, la procédure relative aux demandes de reconnaissance est une pratique ou une procédure qui n’est pas prévue par les Règles du Tribunal.

[13] Quant à l’argument selon lequel la procédure de demande de reconnaissance de la Cour fédérale ne s’applique pas aux instances entamées au moyen d’un avis de demande, il est vrai que les procédures devant le Tribunal ont été engagées par un document intitulé « avis de demande ». Toutefois, si l’on se penche sur la procédure suivie dans le cadre d’instances dont le Tribunal est saisi, il est évident que la procédure s’apparente davantage à une action qu’à une demande présentée à la Cour fédérale. À titre d’exemple, un défendeur qui a reçu signification d’une demande présentée au Tribunal dans le cadre d’une affaire autre qu’une fusion doit déposer un acte de procédure en réponse, puis produire une déclaration relative à la communication de renseignements. Dans les Règles du Tribunal, il existe un processus qui prévoit la possibilité de solliciter des interrogatoires préalables oraux. L’affaire fait l’objet d’une audience au cours de laquelle des témoignages de vive voix sont présentés. Un expert ne peut témoigner à l’audience que si l’autre partie reçoit, au moins 30 jours avant l’audience, signification d’un affidavit du témoin expert. Cela ressemble à la procédure suivie dans le cadre d’une action intentée devant la Cour fédérale. À l’inverse, en vertu des Règles de la Cour fédérale, les procédures entamées au moyen d’un avis de demande sont de nature beaucoup plus sommaire. Aucun acte de procédure n’est déposé en réponse et, en l’absence d’une ordonnance spéciale, aucun témoignage de vive voix n’est présenté. Les questions sont tranchées en se fondant sur les preuves par affidavit.

[14] Le paragraphe 72(1) des Règles du Tribunal prévoit que la procédure énoncée dans les Règles de la Cour fédérale doit être suivie « avec les adaptations nécessaires ». Je suis convaincue que l’application de la procédure relative aux demandes de reconnaissance dans le cadre des instances devant le Tribunal, même si celles-ci ont été entamées au moyen d’un document intitulé « avis de demande », constitue une adaptation nécessaire.

[15] Les Règles du Tribunal ont pour but de faire du Tribunal une tribune souple et efficace aux fins de règlement. La pratique consistant à obtenir des admissions quant à des faits ou des documents facilite le règlement rapide et équitable des questions en litige. Le recours à la procédure de demande de reconnaissance comble une lacune existant dans les Règles du Tribunal.

[16] Étant parvenue à cette conclusion, la question qui demeure concerne la demande de Sears pour une prorogation du délai en vue de répondre à la demande de reconnaissance. Les parties s’accordent pour reconnaître que le délai prévu pour déposer une réponse a expiré le 21 octobre 2003, soit le deuxième jour de l’audition de la demande du commissaire. J’ai conclu qu’une prorogation devrait être accordée pour les deux motifs qui suivent.

[17] Premièrement, comme l’a fait remarquer le juge MacKay de la Cour fédérale o dans Clarke c Sa Majesté la Reine, [2000] ACF n 475, par souci d’équité, une demande de reconnaissance devrait être signifiée plus de 20 jours avant le début d’une audience. Il en est ainsi, car la question de savoir si un élément est réputé admis en vertu des règles de la cour constitue une question qui devrait être réglée avant le début de l’audience. Je partage entièrement l’avis du juge MacKay. Ce dernier a envisagé la possibilité d’exercer un pouvoir judiciaire discrétionnaire dans une affaire une demande n’était pas signifiée plus de 20 jours avant le début de l’audience.

[18] Deuxièmement, la question de l’applicabilité de la procédure de demande de reconnaissance dans le cadre des affaires intentées devant le Tribunal a suscité des doutes et, selon moi, Sears a eu raison de soulever la question.

[19] J’ai donc été convaincue que, compte tenu des considérations d’équité, il convenait d’accorder une prorogation du délai. La prorogation qui a été accordée, à savoir jusqu’à midi, le samedi 25 octobre, n’était pas aussi généreuse que celle demandée par Sears (qui a demandé une prorogation du délai jusqu’à la reprise de l’audience le lundi 27 octobre), mais était tout de même plus généreuse que celle proposée par le commissaire (qui a suggéré, si la prorogation était accordée, une prorogation jusqu’à la fin de la journée, le vendredi 24 octobre). La prorogation accordée visait à trouver le juste équilibre entre les besoins concurrents des parties.

e FAIT à Ottawa, ce 29 jour d’octobre 2003. SIGNÉ au nom du Tribunal par le membre judiciaire présidant l’audience. (s) Eleanor R. Dawson

COMPARUTIONS Pour le demandeur : Le commissaire de la concurrence John L. Syme Arsalaan Hyder

Pour la défenderesse : Sears Canada Inc William W. McNamara Marvin J. Huberman Stephen A. Scholtz Teresa J. Walsh Abbas Sabur (stagiaire en droit)

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