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Competition Tribunal Tribunal de la concurrence Référence : Commissaire de la concurrence c Sears Canada Inc, 2003 Trib conc 27 o N de dossier : CT2002004 o N de document du greffe : 184 AFFAIRE CONCERNANT la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34; ET AFFAIRE CONCERNANT une enquête fondée sur le sous-alinéa 10(1)b)(ii) de la Loi sur la concurrence relative à certaines pratiques commerciales de Sears Canada Inc; ET AFFAIRE CONCERNANT une demande d’ordonnance présentée par le commissaire de la concurrence en vertu de l’article 74.01 de la Loi sur la concurrence.

ENTRE : Le commissaire de la concurrence (demandeur)

et Sears Canada Inc (défenderesse)

Dates de l’audience : Le 21 octobre 2003 (début) et le 27 octobre 2003 (audition de la plaidoirie) Devant le membre judiciaire présidant l’audience : Madame la juge Dawson Date des motifs et de l’ordonnance : Le 29 octobre 2003 Motifs et ordonnance signés par : Madame la juge Eleanor R. Dawson

MOTIFS ET ORDONNANCE CONCERNANT LA REQUÊTE DU COMMISSAIRE VISANT À RENDRE CERTAINS DOCUMENTS PUBLICS

[1] Le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance tendant à ce que les documents énumérés à l’annexe A de l’avis de requête, déposé par le commissaire le 8 octobre 2003, soient déclarés publics et non confidentiels. L’affidavit d’un agent du droit de la concurrence, M. George A. Weber, établi sous serment le 7 octobre 2003, venait étayer la requête. Pour s’opposer à la requête, Sears Canada Inc Sears ») a déposé l’affidavit de son directeur général des activités automobiles, mais n’a déposé aucun exposé des arguments en réponse. Le commissaire a consenti à ce que l’affaire soit entendue malgré l’absence de l’exposé de Sears, compte tenu de la nécessité de faire entendre l’affaire avec célérité, et au motif que la position de Sears était énoncée dans l’affidavit du directeur général des activités automobiles.

[2] L’affaire a été plaidée de vive voix au cours de l’audition de la demande du commissaire, et des arguments supplémentaires ont été présentés; ceux-ci se terminant avec l’argument présenté de vive voix par Sears le 27 octobre 2003. À la fin de l’audition de la requête, les parties étaient parvenues à une entente à l’égard de tous les documents en cause, sauf trois. Les présents motifs portent sur ces trois documents.

[3] Je commencerai par me pencher sur les principes qu’il convient d’appliquer pour décider si un document doit être déclaré confidentiel.

[4] Les avocats du commissaire et ceux de Sears soutiennent que la partie qui désire limiter la communication de renseignements et faire en sorte qu’un document soit déclaré confidentiel doit établir que l’accès du public au document risque de causer un préjudice direct et précis. J’y souscris. Dans les affaires dont est saisi le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») et qui nécessitent un échange d’affidavits de documents, c’est l’article 16 des Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/94-290 (les « Règles ») qui s’applique. Celui-ci prévoit que la partie qui cherche à limiter l’accès au document doit inclure « [...] dans les motifs de [la requête] les détails du préjudice direct et précis qu’occasionnerait la divulgation complète du document [...] » et le Tribunal peut limiter l’accès au document s’il « [...] est d’avis qu’il y a des raisons valables de restreindre la divulgation de tout document [...] ». Dans le cadre des affaires qui nécessitent l’échange de déclarations relatives à la communication de renseignements, l’article 64 des Règles autorise le Tribunal à déclarer des documents confidentiels. Cet article prévoit que la partie demandant la confidentialité « [...] soumet les motifs au Tribunal, y compris les détails sur la nature et l’ampleur du préjudice direct et précis qu’occasionnerait la divulgation du document ». Le Tribunal peut déclarer un document confidentiel s’il « [...] croit qu’il existe des raisons valables de ne pas divulguer le document ».

[5] Je suis convaincue que, au moment de déterminer s’il doit déclarer un document confidentiel ou en restreindre l’accès, le Tribunal doit soupeser les effets bénéfiques d’une ordonnance de confidentialité avec les effets préjudiciables de celle-ci, conformément aux directives de la Cour suprême du Canada dans Sierra Club du Canada c Canada (Ministre des Finances), [2002] 2 RCS 522. Le Tribunal doit également déterminer s’il existe d’autres options raisonnables, comme la suppression d’une partie du document, qui écarteront le risque de préjudice direct et précis et qui permettent de restreindre la portée de l’ordonnance de confidentialité autant qu’il est raisonnablement possible de le faire tout en protégeant le demandeur de tout préjudice direct et précis.

[6] Selon moi, l’analyse de la Cour suprême du Canada dans Sierra, supra, s’applique en l’espèce étant donné la ressemblance entre la disposition sur la confidentialité prise en compte par la Cour suprême (article 151 des Règles de la Cour fédérale, 1998) et les dispositions

comparables prévues dans les Règles du Tribunal. [7] Les documents en cause ont été communiqués par Sears dans sa déclaration relative à la communication de renseignements, remise en application de l’article 5.1 des Règles, et peuvent, de façon générale, être décrits comme suit :

(i) document 71 : Un document d’entreprise de Sears qui précise les dispositions de l’alinéa 52(1)d) de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34 (la « Loi »), tel qu’il était rédigé avant les modifications législatives de 1999. Le document contient des renseignements liés au catalogue, des renseignements relatifs à la politique en matière de publicité de Sears et des exemples d’application de celle-ci aux indications d’économies pour les magasins de détail.

(ii) document 15 : Une note de service, datée du 11 mai 1999, envoyée à tous les vice-présidents de Sears et provenant du service juridique de l’entreprise. La note de service résume les modifications apportées à la Loi en 1999 à l’égard des indications de prix habituel, de la publicité ou des pratiques commerciales trompeuses, du télémarketing trompeur et de la dénonciation. La note de service devait être distribuée aux personnes concernées.

(iii) document 19 : Des agendas mensuels de commercialisation au détail pour la période visée (celui de novembre 1999 a été fourni à titre de preuve comme exemple de ces agendas). Les documents ont été remis aux associés aux ventes en vue de leur communiquer les produits automobiles qui étaient en solde au cours du mois, le prix promotionnel de chacun d’entre eux, des conseils de vente et les caractéristiques propres aux pneus visés par la promotion. Le document semble être destiné à servir d’aide-mémoire aux associés afin que ceux-ci puissent informer les clients quant aux prix et aux caractéristiques des pneus visés par une promotion au cours d’un mois donné.

[8] Le commissaire est disposé à accepter le caviardage de certaines parties du document 71 se rapportant au catalogue, et non aux ventes au détail. Autrement, le commissaire affirme que les documents devraient être versés au dossier public.

[9] Sears n’a fourni aucun élément de preuve par affidavit lié aux documents 71 et 15. En ce qui concerne le document 19, le directeur général des activités automobiles a juré qu’un nombre important de pages du document « [...] divulguent des renseignements sur les prix de pneus qui ne sont pas en cause dans la présente instance. Ces renseignements sont de nature délicate sur le plan commercial, car ils portent sur la combinaison de produits et la stratégie de prix. Plus précisément, ces pages précisent notre façon de combiner les produits dans le cadre de promotions » [TRADUCTION] (Affidavit de William F. McMahon [17 octobre 2003], au

paragraphe 4). [10] En ce qui concerne l’application des principes juridiques à ces documents, je vais d’abord examiner les documents 71 et 15. Comme cela a été mentionné, Sears n’a fourni dans ses affidavits aucune preuve attestant qu’une ordonnance de confidentialité est nécessaire en ce qui concerne les documents 71 et 15 afin d’éviter tout préjudice direct et précis qu’elle pourrait subir, car les autres options raisonnables ne peuvent écarter le risque. Compte tenu de l’absence d’une telle preuve, j’ai lu la partie des documents que le commissaire n’accepte pas de caviarder afin de me rendre compte si, à première vue, il est évident qu’il y aurait un risque de préjudice direct et précis si ces parties de documents étaient rendues publiques. Je ne vois cependant aucun risque de subir un tel préjudice.

[11] Sears soutient que, même si elle n’a pas invoqué le secret professionnel liant l’avocat à son client à l’égard de ces deux documents, ceux-ci devraient néanmoins rester confidentiels. L’argument de Sears à l’égard de ces deux documents visait principalement le fait que les documents pertinents ne doivent pas tous être rendus publics et que les questions délicates devraient être traitées de manière confidentielle. Toutefois, en toute déférence, en l’absence d’une allégation appropriée du secret professionnel liant l’avocat à son client, le critère consiste à déterminer si une ordonnance de confidentialité est nécessaire afin d’éviter tout préjudice direct et précis. En l’absence d’un tel risque, le document devrait faire partie intégrante du dossier public, à l’exception des parties que le commissaire accepte de caviarder. Je conviens que la suppression de certaines parties est appropriée.

[12] Par ailleurs, je suis convaincue que les documents devaient être distribués à un grand nombre de personnes au sein de Sears, ce qui me permet d’établir que les documents n’ont pas le niveau de confidentialité requis en matière de fourniture de conseils juridiques confidentiels. Quoi qu’il en soit, le document 71 ne me semble pas fournir de conseils juridiques.

[13] En ce qui concerne le document 19, Sears soutient qu’il pourrait servir à évaluer la façon dont Sears a procédé dans le cadre de la structuration de ses promotions en 1999, et que la preuve par affidavit suffit pour établir le risque de préjudice direct et précis. Pour les motifs qui suivent, j’en ai respectueusement conclu autrement.

[14] Premièrement, penchons-nous sur l’ancienneté des renseignements que Sears cherche à protéger. Comme l’a souligné le Tribunal dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c e Southam Inc, 1991, 38 CPR (3 ) 395, les renseignements tels que ceux liés aux bénéfices et aux prix peuvent rapidement perdre leur caractère confidentiel sur le plan commercial. Même si les avocats de Sears ont admis que « sait-on jamais, peut-être que Sears procède encore de la sorte à l’heure actuelle », transcription 34 : 110 (20 octobre 2003), cela ne permet pas d’établir un préjudice direct et précis ni le risque d’un tel préjudice.

[15] Deuxièmement, je ne suis pas convaincue que les renseignements contenus dans le document que Sears cherche à protéger n’étaient pas, au cours de la période visée, mis à la disposition de toute personne qui désirait les obtenir en visitant un magasin Sears afin de prendre connaissance des produits offerts et des promotions. Je ne constate aucun préjudice direct et précis découlant du fait de rendre ces renseignements publics quatre ans plus tard.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ORDONNE DONC CE QUI SUIT : [16] Les documents 15 et 19, communiqués dans la déclaration de Sears et, pour plus de certitude, présentés comme les pièces V et Q jointes à l’affidavit de monsieur Weber, sont considérés comme étant des documents publics.

[17] Le document 71, communiqué dans la déclaration de Sears et, pour plus de certitude, présenté comme la pièce T jointe à l’affidavit de monsieur Weber mentionné ci-dessus, est modifié sur les points suivants :

a) à la page NADM 8649, au paragraphe portant le numéro 1, les deux premières phrases sont supprimées ainsi que l’ensemble du paragraphe portant le numéro 6, à l’exception du numéro de paragraphe; b) aux pages NADM 8650, 8651 et 8652, tout le texte qui suit le titre en haut de chaque page est supprimé. Les titres restent.

[18] Le reste du document 71 qui n’a pas été supprimé est considéré comme étant un document public.

[19] La question des dépens est mise de côté en attendant que d’autres arguments soient présentés au moment et de la façon ordonnés par le Tribunal.

e FAIT à Ottawa, ce 29 jour d’octobre 2003. SIGNÉ au nom du Tribunal par le membre judiciaire présidant l’audience.

(s) Eleanor R. Dawson

COMPARUTIONS Pour le demandeur : Le commissaire de la concurrence John L. Syme Arsalaan Hyder

Pour la défenderesse : Sears Canada Inc William W. McNamara Marvin J. Huberman Stephen A. Scholtz Teresa J. Walsh Abbas Sabur (stagiaire en droit)

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