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Competition Tribunal Tribunal de la concurrence Référence : Commissaire de la concurrence c Air Canada, 2002, Trib conc 5 o N de dossier : CT2001002 o N de document du greffe : 161 AFFAIRE CONCERNANT une demande présentée par le commissaire de la concurrence aux termes de l’article 79 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34;

ET AFFAIRE CONCERNANT le Règlement sur les agissements anti-concurrentiels des exploitants de service intérieur, DORS/2000-324, pris en application du paragraphe 78(2) de la Loi sur la concurrence;

ET AFFAIRE CONCERNANT certaines pratiques anticoncurrentielles d’Air Canada. E N T R E : Le commissaire de la concurrence (demandeur)

et Air Canada (défenderesse)

et WestJet Airlines Ltd (intervenante)

Date de l’audition de la requête : Le 19 février 2003 Devant le membre judiciaire présidant l’audience : Monsieur le juge Blais Date des motifs et de l’ordonnance : Le 25 février 2003 Motifs et ordonnance signés par : Monsieur le juge Blais

MOTIFS ET ORDONNANCE RELATIFS À LA REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR LA DÉFENDERESSE EN VUE D’OBTENIR UNE ORDONNANCE LUI PERMETTANT DE PRÉSENTER EN PREUVE DES EXTRAITS DE LA TRANSCRIPTION DE L’INTERROGATOIRE PRÉALABLE

[1] La présente fait suite à une requête présentée par la défenderesse en vue d’obtenir une ordonnance lui permettant de présenter en preuve, à l’instruction, des dépositions recueillies lors de l’interrogatoire préalable de l’employé de l’intervenante, M. Mark Hill.

I. CONTEXTE [2] Le 13 juillet 2001, le juge Nadon (tel était alors son titre) a, à la demande de la défenderesse, émis l’ordonnance résultant de la conférence préparatoire à l’audience du 11 juillet 2001 (questions liées à l’interrogatoire préalable), (l’«ordonnance»), affirmant comme suit au paragraphe 9 :

L’intervenante, WestJet, doit désigner un représentant afin que ce dernier se présente à un interrogatoire préalable, en vue de répondre, au meilleur de sa connaissance, selon les renseignements dont il dispose et en toute sincérité, à toute question pertinente se rapportant aux points suivants :

(a) l’historique de la liaison aérienne Hamilton-Moncton; (b) la question relative aux «dépenses évitables» de WestJet elle-même; (c) le point de vue de WestJet sur les dépenses d’Air Canada. [3] C’est en vertu de cette ordonnance qu’en juillet 2001, la défenderesse a soumis M. Hill à un interrogatoire préalable.

[4] Les avocats de la défenderesse ont élaboré un document de 10 pages, comportant des extraits de la transcription de l’interrogatoire préalable, qu’ils souhaitent déposer à titre de pièce.

[5] Les avocats de la défenderesse ont informé le Tribunal de la concurrence (le «Tribunal») qu’ils avaient envoyé un courriel avec une pièce jointe aux avocats de l’intervenante, indiquant qu’ils proposaient d’introduire (produire en preuve) les extraits susmentionnés. Cependant, les avocats de l’intervenante n’ont pas répondu.

[6] Les avocats du demandeur se sont opposé au dépôt de ce document au motif que les Règles de la Cour fédérale, 1998, DORS/98-106, (les «RCF»), ne le permettent pas.

II. QUESTION EN LITIGE [7] La défenderesse a-t-elle le droit de présenter en preuve à l’instruction des dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable de l’employé de l’intervenante, M. Mark Hill?

III. ANALYSE [8] Les avocats de la demanderesse soutiennent que la règle 288 des RCF prévoit qu’une partie peut présenter en preuve à l’instruction tout extrait des dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable d’une partie adverse. Toutefois, elle n’autorise pas une partie à présenter en preuve à l’instruction tout extrait des dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable d’un tiers; y compris, dans le cas présent, une intervenante.

[9] La règle 288 des Règles de la cour fédérale est ainsi libellée : Une partie peut, à l’instruction, présenter en A party may introduce as its own evidence at trial preuve tout extrait des dépositions any part of its examination for discovery of an recueillies à l’interrogatoire préalable d’une adverse party or of a person examined on behalf of an partie adverse ou d’une personne interrogée adverse party, whether or not the adverse party or pour le compte de celle-ci, que la partie person has already testified. adverse ou cette personne ait déjà témoigné ou non. [10] Les avocats de la demanderesse soutiennent que la règle 288 s’applique aux procédures du Tribunal, en vertu du paragraphe 72(1) des Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/94-290, dans leur version modifiée (les «Règles»), ce qu’on appelle «règle des lacunes». Le paragraphe 72 (1) dispose que :

72(1) Les Règles de la Cour fédérale, C.R.C. (1978), c. 663, s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux questions qui se posent au cours des procédures quant à la pratique ou la procédure à suivre dans les cas non prévus par les présentes règles.

[11] Les avocats de la demanderesse soutiennent également qu’au cours du contre-interrogatoire de M. C. Beddoe, PDG et témoin de l’intervenante, la défenderesse a eu l’occasion de présenter des extraits de la transcription de l’interrogatoire préalable de M. Hill; ce qu’elle a fait en partie.

[12] En effet, la défenderesse a décidé de ne pas présenter en preuve les autres extraits de la transcription de l’interrogatoire préalable de M. Hill lors du contre-interrogatoire de M. Beddoe. À ce moment-là, les avocats de la défenderesse ont affirmé :

... nous avons le droit de présenter ces extraits en preuve; et s’il s’avère que cela est nécessaire plus tard, nous aurons amplement le temps pour nous défendre à cet effet plus tard . . . [TRADUCTION]

transcription, p. 4:657 (3 décembre 2002) [13] J’ai du mal à comprendre pourquoi les avocats de la défenderesse ont décidé de ne pas présenter les autres extraits lors du contre-interrogatoire de M. Beddoe le 2 décembre 2002.

[14] Néanmoins, la défenderesse cherche actuellement à déposer lesdits extraits. [15] Les avocats de la défenderesse ont fermement soutenu qu’une procédure devant le Tribunal est distincte, en ce sens que c’est le commissaire qui saisit le Tribunal de la demande. En l’espèce, l’initiateur de la procédure était l’intervenante; elle a déposé la plainte qui a donné lieu à la présente demande.

72(1) Where, in the course of proceedings, a question arises as to the practice or procedure to be followed in cases not provided for by these Rules, the practice and procedure set out in the FCR, C.R.C., 1978, c. 663, shall be followed, with such modifications as the circumstances require.

[16] Les avocats de la défenderesse ont en outre soutenu que WestJet Airlines Ltd étant la plaignante dans le cadre de la procédure en cause, elle est plus qu’une simple intervenante.

[17] Les avocats de la défenderesse ont aussi fait référence à l’ordonnance du juge Nadon, susmentionnée, qui stipule que «l’intervenante, WestJet, doit désigner un représentant afin qu’il se présente à un interrogatoire préalable . . .» [TRADUCTION], conformément aux RCF.

[18] La défenderesse avait la possibilité de citer M. Hill devant la Cour en tant que témoin, ce qui lui aurait permis d’apprécier le contenu de son interrogatoire préalable.

[19] Il ne revient pas au Tribunal de décider de la façon dont les parties doivent procéder, des témoins qu’elles doivent citer, ni des éléments de preuve qu’elles doivent fournir. Toutefois, en l’espèce, et conformément aux RCF, le Tribunal doit prendre une telle décision.

[20] À l’appui de leur argumentation, les avocats de la demanderesse ont déposé trois décisions, chacune rendue par un tribunal différent. Je vais m’en remettre à l’une d’entre elles.

[21] Dans Richter Gedeon Vegyészeti Gyar Rt c Merck & Co (CA), [1995] 3 CF 330, [1995] o ACT n 1053, le juge en chef Isaac (tel était alors son titre), écrit au paragraphe 35 : Les défenderesses affirment que leur requête visait à obtenir une ordonnance les autorisant à soumettre les huit cédantes/inventrices à un interrogatoire, pour deux raisons; premièrement, pour obtenir des renseignements nécessaires à la préparation de la cause qu’elles devaient défendre et, deuxièmement, pour obtenir des déclarations utilisées pour attaquer la crédibilité, dans l’éventualité une inventrice venait à être citée à comparaître comme témoin de la défenderesse au procès. Elles admettent à juste titre qu’en vertu du paragraphe 494(9) [mod. par DORS/90-846, art. 21] des Règles, elles ne peuvent pas utiliser des éléments de preuve obtenus auprès de témoins, pour prouver un fait en cause au procès, étant donné que les témoins ne sont pas parties à l’action. Toutefois, cela n’empêche pas leur admissibilité aux fins de crédibilité, lorsque l’article 10 [mod. par LC 1994, c 44, art 86] de la Loi sur la preuve au Canada est en cause . . . [Non souligné dans l’original.] [TRADUCTION]

[22] Le paragraphe 494(9) a été remplacé par la règle 288 des RCF. [23] La règle 288 est sans équivoque. Une partie peut, à l’instruction, présenter en preuve tout extrait des dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable d’une partie adverse ou d’une personne interrogée pour le compte de celle-ci.

[24] Je n’ai aucune hésitation à conclure que M. Hill, en tant que témoin et employé de l’intervenante, n’est pas visé par la description ci-dessus.

[25] En effet, les avocats de la défenderesse ont eu l’occasion de présenter les extraits à M. Beddoe, témoin de l’intervenante. Ils ont également eu la possibilité de citer M. Hill en tant que témoin et de présenter les extraits au cours d’un interrogatoire principal.

[26] L’argument d’équité présenté par les avocats de la défenderesse devrait être rejeté au motif que, même s’il était juste de la part de la défenderesse, de déposer les extraits, cela pourrait être préjudiciable à la fois pour la demanderesse et pour l’intervenante, qui ne seraient pas en mesure de contre-interroger le témoin ou de répondre adéquatement suite au dépôt du document.

[27] Au cours de l’audience, le Tribunal a entendu différentes déclarations de témoins qui sont les employés de la défenderesse. Ces employés ont eu la possibilité de se présenter à la barre des témoins, de répondre aux questions et d’être confrontés aux déclarations faites lors de leur interrogatoire préalable. Toutes les parties ont eu l’occasion d’interroger et de contre-interroger les témoins au sujet de leurs déclarations. Tel est le moyen juste et légal de procéder.

PAR CES MOTIFS, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT : [28] L’objection des avocats de la demanderesse est accueillie et la présente requête est rejetée.

FAIT à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2003. SIGNÉ au nom du Tribunal par le membre judiciaire présidant l’audience. (s) Pierre Blais

COMPARUTIONS : Pour la demanderesse : Le commissaire de la concurrence, Donald B. Houston W. Michael G. Osborne Jeanne L. Pratt

Pour la défenderesse : Air Canada Katherine L. Kay Eliot N. Kolers Danielle K. Royal

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