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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal Référence : National Capital News Canada c. Milliken, 2002 Trib. conc. 41 N o de dossier : CT2002005 N o de document du Greffe : 0004a DANS L'AFFAIRE d'une demande présentée par M. Robert Gilles Gauthier, faisant affaire sous le nom de The National Capital News Canada, en vertu de l'article 103.1 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, pour une permission de présenter une demande en vertu de l'article 75 de la Loi;

E N T R E: The National Capital News Canada (demanderesse)

et L'honorable Peter Milliken, député (défendeur)

Rendue en fonction du dossier de l'affaire. Membre : La juge Dawson Date des motifs et ordonnance : 20021213 Motifs et ordonnance signés par : La juge Dawson

MOTIFS ET ORDONNANCE RELATIFS À UNE DEMANDE DE PERMISSION DE PRÉSENTER UNE DEMANDE EN VERTU DE L’ARTICLE 75 DE LA LOI SUR LA CONCURRENCE

I. INTRODUCTION [1] Il s’agit de la première demande présentée au Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») par une partie autre que le commissaire de la concurrence (le « commissaire »). En vertu des modifications récentes apportées à la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, (la « Loi »), une partie autre que le commissaire ne peut présenter une demande que si un juge du Tribunal lui en donne la permission.

II. FAITS PERTINENTS [2] Conformément au paragraphe 103.1(1) de la Loi, M. Robert Gilles Gauthier (le « demandeur ») a déposé une demande de permission de présenter, en vertu de l’article 75 de la Loi, une demande (la « demande ») dirigée contre l’honorable Peter Milliken. M. Milliken est désigné à titre de Président de la Chambre des communes (le « Président de la Chambre »). Les articles 75 et 103.1 de la Loi sont joints aux présents motifs à l’annexe A.

[3] M. Gauthier cherche essentiellement à obtenir, en sa qualité de propriétaire de The National Capital News Canada ( « NCN »), une ordonnance fondée sur l’article 75 de la Loi qui lui garantirait, à lui ainsi qu’à ses associés et employés, l’accès à la Tribune de la presse parlementaire sans devenir membre de la Tribune de la presse parlementaire canadienne et sans [TRADUCTION] « [...] être requis de satisfaire à des conditions restrictives injustes ou arbitraires imposées par toute autre personne, groupe ou représentant du gouvernement ».

[4] La demande de permission est accompagnée d’un résumé des motifs et des faits substantiels à l’appui de la demande ainsi que d’un affidavit que le demandeur a lui-même souscrit. Ce dernier affirme avoir été sensiblement gêné dans son entreprise et avoir été grandement limité dans l’exploitation de son entreprise du fait qu’il aurait été incapable d’avoir pleinement accès à des sources importantes d’information et à des services essentiels (notamment l’inscription sur la liste des journalistes de la Tribune de la presse) mis à la disposition de ses concurrents par le Président de la Chambre. Le demandeur allègue que le Président de la Chambre contrôle cet accès au nom du Parlement du Canada. L’affidavit relate l’historique de NCN et décrit l’environnement de l’entreprise, le besoin qu’elle aurait d’avoir accès aux sources d’information liées au Parlement et au gouvernement du Canada et les difficultés auxquelles elle s’est butée au fil des ans dans ses tentatives d’obtenir cet accès. Les pièces jointes à l’affidavit sont : (1) une copie de la lettre, en date du 25 mars 1994, de M. Brian A. Crane, c.r., conseiller du Président de la Chambre des communes à cette date; (2) une lettre, en date du 10 novembre 1989, de M. Marcel R. Pelletier, c.r., légiste de la Chambre des communes et conseiller parlementaire, qui confirme qu’un certain pouvoir n’a pas été cédé à la Tribune de la presse par voie législative; (3) une ordonnance de la Cour de l’Ontario (Division générale), en date du 8 janvier 1996, interdisant à M. Gauthier d’entrer dans les locaux de la Tribune de la presse parlementaire canadienne; (4) une lettre, en date du 16 octobre 1995, de M. G. Cloutier, sergent d’armes de la Chambre des communes, qui confirme que l’accès de M. Gauthier aux édifices de la Colline du Parlement n’est pas restreint et qu’il est le même que celui des autres visiteurs, exception faite de l’accès aux locaux de la Tribune de la presse.

[5] L’affidavit ne décrit en détail ni les locaux et les services que le Président de la Chambre met à la disposition des médias, ni l’emplacement de la Tribune de la presse parlementaire, ni l’endroit les autres services sont fournis.

[6] Le Président de la Chambre n’a pas déposé de documents en réponse à la demande de permission. Le défendeur dans une demande de permission n’a pas l’obligation de produire une réponse, mais il facilite généralement le travail du Tribunal s’il fournit des observations et des documents pertinents en opposition à une telle demande.

III. LE CRITÈRE POUR FAIRE DROIT À LA DEMANDE DE PERMISSION EN VERTU DE L’ARTICLE 103.1 DE LA LOI

[7] Le critère pour faire droit à la demande de permission est énoncé au paragraphe 103.1(7) de la Loi, rédigé comme suit :

Le Tribunal peut faire droit à une demande de permission de présenter une demande en vertu des articles 75 ou 77 s’il a des raisons de croire que l’auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise en raison de l’existence de l’une ou l’autre des pratiques qui pourraient faire l’objet d’une ordonnance en vertu de ces articles. (non souligné dans l’original)

[8] Pour exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder la permission demandée, le Tribunal doit donc avoir des raisons de croire que : (1) l’auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise en raison de l’existence de l’une ou l’autre des pratiques visées à l’article 75 ou 77 de la Loi; (2) la pratique dénoncée pourrait faire l’objet d’une ordonnance en vertu de cet article.

IV. L’EXIGENCE QUE LE TRIBUNAL AIT DES « RAISONS DE CROIRE » [9] Bien que l’expression « raisons de croire » soit nouvelle dans la Loi, l’équivalent de cette expression a déjà été examiné par les tribunaux dans d’autres contextes. Dans l’arrêt Regina c. Rollins, 80 C.C.C. (3d) 385, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a examiné l’expression « motifs de croire » qui était utilisée à l’article 756 du Code criminel, L.R.C. 1985, c. 27 (1 er suppl.), article qui permettait généralement à un juge de placer un délinquant sous garde pour observation lorsqu’il y avait des motifs de croire qu’il aurait été possible d’obtenir, par suite de cette observation, des preuves pouvant s’avérer utiles à l’examen d’une demande dans le cadre d’une procédure relative aux délinquants dangereux. La Cour a conclu que l’expression « motifs de croire » nécessitait qu’il y ait des motifs raisonnables de croire. Le juge McKinnon a écrit, à la page 395 :

[TRADUCTION] J’accepte que les « motifs de croire » à l’article 756 soient subordonnés à l’existence de motifs raisonnables de croire. Il s’agit d’une condition préalable à la formation de la conviction et, dans la plupart des cas, ces motifs raisonnables proviendront de l’avis médical, mais pourraient provenir d’autres sources aussi. Quoi qu’il en soit, il faut néanmoins que l’opinion du

tribunal soit appuyée par le témoignage d’au moins un médecin. Il existe donc des critères qui encadrent l’exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal et la possibilité d’attacher au libellé ou au critère énoncé à l’article 736 un « sens établi » dont on pourra se servir dans toutes les demandes.

J’estime que le critère de l’art. 756 est général sans être démesurément vague et qu’il établit de fait une norme « intelligible », bien qu’elle ne soit pas difficile à respecter. (non souligné dans l’original)

[10] J’accepte que l’exigence que le Tribunal ait des « raisons de croire » n’implique pas qu’il doit être convaincu que l’auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise, mais plutôt qu’il doit avoir des motifs raisonnables de croire les allégations du demandeur à cet égard.

[11] La Cour fédérale a examiné la norme de preuve requise pour établir l’existence de motifs raisonnables de croire que le demandeur a été directement et sensiblement gêné dans son entreprise.

[12] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Jolly, [1975] C.F. 216 (C.A.), on a demandé à la Cour d’appel fédérale s’il y avait « raisonnablement lieu de croire » qu’une organisation, à laquelle l’intimé a été associé, était subversive. La Cour a conclu que, même après la présentation par l’intimé d’un commencement de preuve déniant le fait, le ministre était simplement tenu d’apporter des preuves démontrant l’existence de motifs raisonnables de croire le fait. Il ne lui était pas nécessaire d’aller plus loin et d’établir l’existence réelle du caractère subversif de l’organisation. La Cour a dit ceci, au paragraphe 18 :

[...] Toutefois, lorsque la preuve a pour but d’établir s’il y a raisonnablement lieu de croire que le fait existe et non d’établir l’existence du fait lui-même, il me semble qu’exiger la preuve du fait lui-même et en arriver à déterminer s’il a été établi, revient à demander la preuve d’un fait différent de celui qu’il faut établir. Il me semble aussi que l’emploi dans la loi de l’expression « il y a raisonnablement lieu de croire » implique que le fait lui-même n’a pas besoin d’être établi et que la preuve qui ne parvient pas à établir le caractère subversif de l’organisation sera suffisante si elle démontre qu’il y a raisonnablement lieu de croire que cette organisation préconise le renversement par la force, etc. Dans une affaire dont la solution est incertaine, l’omission de faire cette distinction et de trancher la question précise dictée par le libellé de la loi peut expliquer la différence dans les résultats d’une enquête ou d’un appel. (non souligné dans l’original)

[13] Plus tard, quand on lui a demandé de se prononcer sur l’interprétation correcte à donner à l’expression « motifs raisonnables » dans le contexte de l’alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, c. I-2, la Cour d’appel fédérale a déclaré dans l’arrêt Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.), [2001] 2 C.F. 297, au paragraphe 60 :

Quant à savoir s’il existait des « motifs raisonnables » étayant la croyance de l’agent, je souscris à la définition que le juge de première instance donne à l’expression « motifs raisonnables » [...]. Il s’agit d’une norme de preuve qui, sans être une prépondérance des probabilités, suggère néanmoins « la croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi ». Voir Le procureur général du Canada c. Jolly, [1975] C.F. 216 (C.A.). (non souligné dans l’original)

L’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada a été refusée (voir [2001] C.S.C.R. n o 71). [14] Par conséquent, me fondant sur le sens ordinaire des termes utilisés au paragraphe 103.1(7) de la Loi et sur la jurisprudence à laquelle je me suis reportée, je conclus que la norme appropriée en vertu du paragraphe 103.1(7) consiste à se demander si la demande de permission est appuyée par des éléments de preuve crédibles suffisants pour qu’on puisse croire de bonne foi que le demandeur a pu être directement et sensiblement gêné dans son entreprise à cause d’une pratique susceptible d’examen et que cette pratique pourrait faire l’objet d’une ordonnance.

V. APPLICATION DU CRITÈRE À LA PRÉSENTE DEMANDE DE PERMISSION [15] Je me pencherai maintenant sur la question de savoir si la preuve dont dispose le Tribunal est suffisante pour le convaincre qu’il y a des raisons de croire que :

(1) le demandeur est directement et sensiblement gêné dans son entreprise à cause d’une pratique visée au paragraphe 75 de la Loi; (2) la pratique dénoncée pourrait faire l’objet d’une ordonnance en vertu de l’article 75 de la Loi.

[16] J’estime que c’est le second volet du critère qui est déterminant pour l’issue de la présente demande de permission. Je conclus que, pour les motifs suivants, le demandeur n’a pas établi que la pratique susceptible d’examen dénoncée pourrait faire l’objet d’une ordonnance en vertu de l’article 75 de la Loi.

[17] Le demandeur a demandé que l’ordonnance suivante soit rendue à l’encontre du Président de la Chambre :

[TRADUCTION] [...] conformément aux paragraphes 75(1), (2) et (3) de la Loi sur la concurrence, Pratiques restrictives de commerce, Refus de vendre [...] le plein accès aux locaux et aux services de la Tribune de la presse, notamment l’accès à la boîte à lettres et la possibilité de s’inscrire et de bénéficier d’autres avantages, sont accordés sans plus tarder au demandeur ainsi qu’à ses employés et associés [...] (demande, paragraphe 10)

[18] Dans le résumé des motifs et des faits substantiels à l’appui de sa demande, le demandeur allègue que l’accès aux services qu’il cherche à obtenir est contrôlé par le Président de la

Chambre, [TRADUCTION] « qui contrôle un tel accès au nom du Parlement du Canada » (demande, paragraphe 3). La preuve produite à cet égard par le demandeur dans son affidavit est la suivante :

[TRADUCTION] 6. Dans cette entreprise j’ai investi 20 ans de ma vie et engagé plus que mes propres ressources financières, mon travail a été grandement entravé par le Président de la Chambre, qui finance et contrôle les locaux et les services mis à la disposition des médias par la Chambre des communes.

[...] 17. La Chambre de communes met à la disposition des membres des médias des locaux et des services importants qui permettent aux journalistes et à leurs employeurs de gagner leur vie et de réaliser des bénéfices commerciaux importants.

[...] 36. Le Président de la Chambre contrôle directement les locaux et services fournis par la Chambre des communes et il a le pouvoir exclusif de décider qui peut avoir accès aux locaux et aux services de la Tribune de la presse.

[...] 38. Le pouvoir de réglementer l’admission des étrangers dans l’enceinte parlementaire, dont la Tribune de la presse, appartient exclusivement au Parlement et a habituellement été exercé par le Président de la Chambre. (Erskine May’s Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 16 e éd., London, Butterworths, 1976.)

39. Ni le Parlement ni le Président de la Chambre n’a délégué ce pouvoir à la Tribune de la presse parlementaire canadienne qui appartient à des intérêts privés, comme l’a confirmé le légiste de la Chambre des communes et conseiller parlementaire dans sa lettre, en date du 10 novembre 1989, adressée au conseiller juridique du demandeur à ce moment-là (pièce « B » jointe à l'affidavit).

40. Le demandeur allègue que le Président de la Chambre est l’unique personne qui contrôle les locaux et les services fournis aux médias et, par conséquent, les bénéfices commerciaux qu’en retirent les journalistes et éditeurs qui y ont accès.

41. Le Président de la Chambre a le devoir d’exercer de façon équitable le contrôle de ces locaux et de ces services financés par l’État, conformément aux dispositions de la Loi sur la concurrence.

[19] J’estime que le demandeur a raison lorsqu’il affirme que seul le Président de la Chambre a le pouvoir de contrôler l’accès aux différentes parties de la Chambre, notamment l’accès à la Tribune de la presse. Ce qui importe, toutefois, c’est qu’il le fait au nom de pouvoirs constitutionnels et du privilège parlementaire.

[20] La Cour suprême du Canada a examiné l’origine et la nature du privilège parlementaire dans l’arrêt New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée législative), [1993] 1 R.C.S. 319. Dans cet arrêt, la juge McLachlin, maintenant juge en chef, s’exprimant au nom de la majorité, a noté que les organismes législatifs canadiens possèdent les pouvoirs constitutionnels inhérents et historiques qui sont nécessaires à leur propre fonctionnement. Se prononçant sur la tradition historique des privilèges parlementaires, la juge McLachlin a dit ce qui suit aux pages 378 et 379 :

[...] Il est accepté depuis longtemps que, pour exercer leurs fonctions, les organismes législatifs doivent bénéficier de certains privilèges relativement à la conduite de leurs affaires. Il est également accepté depuis longtemps que, pour être efficaces, ces privilèges doivent être détenus d’une façon absolue et constitutionnelle; la branche législative de notre gouvernement doit jouir d’une certaine autonomie à laquelle même la Couronne et les tribunaux ne peuvent porter atteinte.

Le privilège parlementaire du Parlement britannique à Westminster découlait initialement de la compétence du Parlement en tant que tribunal. Au cours des siècles, le Parlement s’est gagné le droit de contrôler ses propres affaires, indépendamment de la Couronne et des tribunaux. Les tribunaux pouvaient déterminer si un privilège parlementaire existait, mais une fois qu’ils avaient déterminé qu’il existait, ils n’avaient aucun pouvoir d’en réglementer l’exercice. Un de ces privilèges, détenu de façon absolue et réputé constitutionnel, était le pouvoir d’exclure des étrangers des débats de l’assemblée législative.

[21] Plus loin, la juge McLachlin a confirmé que les organismes législatifs canadiens peuvent revendiquer en tant que privilèges inhérents les droits nécessaires à leur fonctionnement (page 381) et a ajouté, à la page 383 :

[...] Si une question relève de cette catégorie nécessaire de sujets sans lesquels la dignité et l’efficacité de l’Assemblée ne sauraient être maintenues, les tribunaux n’examineront pas les questions relatives à ce privilège. Toutes ces questions relèveraient plutôt de la compétence exclusive de l’organisme législatif. (non souligné dans l’original)

[22] Concernant la portée de la compétence exclusive, la juge McLachlin a écrit, à la page 384 :

[...] Les paramètres de cette compétence sont déterminés par ce qui est nécessaire pour que l’organisme législatif soit capable de fonctionner. Selon cette définition, le principe de nécessité englobera non seulement certains privilèges revendiqués, mais aussi le pouvoir de déterminer, de trancher et d’appliquer ces privilèges. Si les tribunaux devaient

examiner le mode d’exercice d’un privilège valide et conclure que, dans certains cas, le privilège a été exercé d’une façon non valide, ils se trouveraient alors à empiéter sur la compétence exclusive de l’organisme législatif, après avoir reconnu que le privilège en question relève de la compétence exclusive de cet organisme législatif. La seule chose qui peut être examinée par le tribunal est à l’étape initiale de l’examen de la compétence : le privilège revendiqué est-il un des privilèges nécessaires pour que la législature soit capable de fonctionner? L’exercice particulier d’un privilège nécessaire ne saurait alors faire l’objet d’un examen, sauf si la retenue manifestée et la conclusion formulée à l’étape initiale sont rendues inopérantes. (non souligné dans l’original)

[23] La juge McLachlin a entre autres étudié le privilège parlementaire d’exclure des étrangers de la Chambre et de son enceinte. Elle a fait remarquer que ce privilège ancien appartient maintenant au Président de la Chambre, « qui a seul le pouvoir, lorsqu’il le juge à propos, d’ordonner l’expulsion des étrangers de toute partie de l’Assemblée » (page 386). Ce privilège est nécessaire parce que l’assemblée législative est l’élément essentiel du système de gouvernement représentatif (page 387).

[24] Au chapitre 11 de Parliamentary Privilege in Canada, 2 e éd., Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1997, J.P. Joseph Maingot, c.r., énumère les droits, privilèges et pouvoirs du Sénat et de la Chambre des communes. Un de ces privilèges est le droit de réglementer les affaires internes sans ingérence. Ce privilège comprendrait, dit-il, le droit de gérer les affaires internes tant à l’intérieur de la Chambre qu’à l’extérieur de son enceinte.

[25] Les éléments de preuve et renseignements fournis n’indiquent pas que les locaux ou les services auxquels le demandeur cherche à obtenir l’accès échappent au privilège parlementaire. Le demandeur affirme que cet accès est fourni par la Chambre des communes et que les locaux et les services sont financés et contrôlés par le Président de la Chambre qui exerce le pouvoir du Parlement de réglementer l’admission des étrangers dans l’enceinte du Parlement.

[26] Appliquant les principes énoncés dans l’arrêt New Brunswick Broadcasting, précité, à la preuve au dossier, je suis convaincue que le refus dénoncé du Président de la Chambre d’accorder au demandeur le plein accès aux services de la Tribune de la presse parlementaire constitue un exercice de son privilège parlementaire de contrôler l’accès à la Chambre et à son enceinte et de réglementer les affaires internes de la Chambre. Un tel privilège comprend aussi le pouvoir de trancher et d’appliquer ces privilèges.

[27] La Cour de l’Ontario (Division générale) est parvenue à une conclusion semblable dans la décision Gauthier c. Canada (Speaker of the House of Commons), (1994), 25 C.R.R. (2d) 286, dans laquelle madame la juge Bell a conclu que la Cour n’avait pas compétence pour examiner la décision du Président de la Chambre de refuser au demandeur l’accès à l’enceinte du Parlement.

[28] De la même manière qu’un tribunal ne peut pas examiner l’exercice particulier de ces privilèges, je conclus que le Tribunal n’a pas compétence pour effectuer un tel examen. Le Tribunal est, en vertu de l’article 9 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. 1985, c. 19 (2 e suppl.), une cour d’archives et il est tenu, au même titre que les autres cours, de

reconnaître l’importance des principes du privilège parlementaire et de les appliquer. Par conséquent, la pratique dont le demandeur se plaint ne pourrait pas faire l’objet d’une ordonnance en vertu de l’article 75 de la Loi.

[29] Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas, et ne peut pas avoir, de raison de croire que la pratique dont le demandeur se plaint pourrait faire l’objet d’une ordonnance. Cette exigence prévue au paragraphe 103.1(7) de la Loi n’est pas remplie et la demande de permission doit donc être rejetée. Vu cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si le demandeur a présenté une preuve suffisante pour satisfaire au premier volet du critère de la demande de permission.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ORDONNE QUE : [30] La demande de permission est rejetée. FAIT à Ottawa, ce 13 e jour de décembre 2002. SIGNÉ au nom du Tribunal par le juge. (s) Eleanor R. Dawson

[31] Annexe A : Renvois aux articles 75 et 103.1 de la Loi 75. (1) Lorsque, à la demande du commissaire ou d’une personne autorisée en vertu de l’article 103.1, le Tribunal conclut : a) qu’une personne est sensiblement gênée dans son entreprise ou ne peut exploiter une entreprise du fait qu’elle est incapable de se procurer un produit de façon suffisante, que ce soit sur un marché, aux conditions de commerce normales; b) que la personne mentionnée à l’alinéa a) est incapable de se procurer le produit de façon suffisante en raison de l’insuffisance de la concurrence entre les fournisseurs de ce produit sur ce marché; c) que la personne mentionnée à l’alinéa a) accepte et est en mesure de respecter les conditions de commerce normales imposées par le ou les fournisseurs de ce produit; d) que le produit est disponible en quantité amplement suffisante, e) que le refus de vendre a ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché, le Tribunal peut ordonner qu’un ou plusieurs fournisseurs de ce produit sur le marché en question acceptent cette personne comme client dans un délai déterminé aux conditions de commerce normales à moins que, au cours de ce délai, dans le cas d’un article, les droits de douane qui lui sont applicables ne soient supprimés, réduits ou remis de façon à mettre cette personne sur un pied d’égalité avec d’autres personnes qui sont capables de se procurer l’article en quantité suffisante au Canada. (non souligné dans l’original)

(2) Pour l’application du présent article, n’est pas un produit distinct sur un marché donné l’article qui se distingue des autres articles de sa catégorie en raison uniquement de sa marque de commerce, de son nom de propriétaire ou d’une semblable particularité à moins que la position de cet article sur ce marché ne soit à ce point dominante qu’elle nuise sensiblement à la faculté d’une personne à exploiter une entreprise se rapportant à cette catégorie d’articles si elle n’a pas accès à l’article en question.

(3) Pour l’application du présent article, « conditions de commerce » s’entend des conditions relatives au paiement, aux quantités unitaires d’achat et aux exigences raisonnables d’ordre technique ou d’entretien.

(4) Le Tribunal saisi d’une demande présentée par une personne autorisée en vertu de l’article 103.1 ne peut tirer quelque conclusion que ce soit du fait que le commissaire a accompli un geste ou non à l’égard de l’objet de la demande.

103.1 (1) Toute personne peut demander au Tribunal la permission de présenter une demande en vertu des articles 75 ou 77. La demande doit être accompagnée d’une déclaration sous serment faisant état des faits sur lesquels elle se fonde.

(2) L’auteur de la demande en fait signifier une copie au commissaire et à chaque personne à l’égard de laquelle une ordonnance en vertu des articles 75 ou 77 pourrait être rendue.

(3) Quarante-huit heures après avoir reçu une copie de la demande, le commissaire remet au Tribunal un certificat établissant si les questions visées par la demande :

a) soit font l’objet d’une enquête du commissaire; b) soit ont fait l’objet d’une telle enquête qui a été discontinuée à la suite d’une entente survenue entre le commissaire et la personne à l’égard de laquelle une ordonnance en vertu des articles 75 ou 77 pourrait être rendue.

(4) Le Tribunal ne peut être saisi d’une demande portant sur des questions visées aux alinéas (3)a) ou b) ou portant sur une question qui fait l’objet d’une demande présentée au Tribunal par le commissaire en vertu des articles 75 ou 77.

(5) Le plus rapidement possible après avoir reçu le certificat du commissaire, le Tribunal avise l’auteur de la demande, ainsi que toute personne à l’égard de laquelle une ordonnance pourrait être rendue, du fait qu’il pourra ou non entendre la demande.

(6) Les personnes à qui une copie de la demande est signifiée peuvent, dans les quinze jours suivant la réception de l’avis du Tribunal, présenter par écrit leurs observations au Tribunal. Elles sont tenues de faire signifier une copie de leurs observations aux autres personnes mentionnées au paragraphe (2).

(7) Le Tribunal peut faire droit à une demande de permission de présenter une demande en vertu des articles 75 ou 77 s’il a des raisons de croire que l’auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise en raison de l’existence de l’une ou l’autre des pratiques qui pourraient faire l’objet d’une ordonnance en vertu de ces articles.

(8) Le Tribunal peut fixer la durée de validité de la permission qu’il accorde et l’assortir de conditions. La demande doit être présentée au plus tard un an après que la pratique visée dans la demande a cessé.

(9) Le Tribunal rend une décision motivée par écrit et en fait parvenir une copie à l’auteur de la demande, au commissaire et à toutes les personnes visées au paragraphe (2).

(10) Le commissaire ne peut, en vertu des articles 75, 77 ou 79, présenter une demande fondée sur des faits qui seraient les mêmes ou essentiellement les mêmes que ceux qui ont été allégués dans la demande de permission accordée en vertu du paragraphe (7) si la personne à laquelle la permission a été accordée a déposé une demande en vertu des articles 75 ou 77.

(11) Le Tribunal ne peut tirer quelque conclusion que ce soit du fait que le commissaire a accompli un geste ou non à l’égard de l’objet de la demande.

(12) Dans le cas il a déclaré dans le certificat visé au paragraphe (3) que les questions visées par la demande font l’objet d’une enquête et que, par la suite, l’enquête est discontinuée pour une raison autre que la conclusion d’une entente, le commissaire est tenu, dans les meilleurs délais, d’en informer l’auteur de la demande.

REPRÉSENTANTS Pour le demandeur : Robert Gilles Gauthier, faisant affaire sous le nom de National Capital News Canada Robert Gilles Gauthier Pour le défendeur : L’honorable Peter Milliken, député Non représenté

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