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Competition Tribunal Tribunal de la concurrence Référence : Commissaire de la concurrence c Air Canada, 2002, Trib conc 34 o N de dossier : CT2001002 o N de document du greffe : 160 AFFAIRE CONCERNANT une demande présentée par le commissaire de la concurrence aux termes de l’article 79 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34;

ET AFFAIRE CONCERNANT le Règlement sur les agissements anti-concurrentiels des exploitants de service intérieur, DORS/2000-324, pris en application du paragraphe 78(2) de la Loi sur la concurrence;

ET AFFAIRE CONCERNANT certaines pratiques anticoncurrentielles d’Air Canada. E N T R E : Le commissaire de la concurrence (demandeur)

et Air Canada (défenderesse)

et WestJet Airlines Ltd (intervenante)

Date de la conférence préparatoire à l’audience : Le 20 septembre 2002 Devant le membre judiciaire présidant l’audience : Monsieur le juge Lemieux Date des motifs et de l’ordonnance : Le 27 septembre 2002 Motifs et ordonnance signés par : Monsieur le juge Lemieux

MOTIFS ET ORDONNANCE RELATIFS À UNE REQUÊTE VISANT À OBTENIR LES RÉPONSES FOURNIES LORS DE L’INTERROGATOIRE PRÉALABLE EFFECTUÉ AU COURS DE LA CONFÉRENCE PRÉPARATOIRE À L’AUDIENCE DU 20 SEPTEMBRE 2002

I. LA REQUÊTE [1] Le commissaire de la concurrence (le «commissaire») demande que le Tribunal délivre des ordonnances enjoignant à Air Canada de répondre à tous les engagements auxquels ses représentants ont refusé de répondre lors de l’interrogatoire préalable qui s’est tenu à des dates diverses, soit le 22 novembre 2001, le 15 février 2002, et les 18 et 19 juin 2002.

[2] Les questions auxquelles le commissaire souhaite obtenir des réponses sont regroupées dans les catégories suivantes :

(a) Catégorie 1 - Questions liées à la comptabilisation des dépenses et des recettes d’Air Canada, notamment la question de savoir si et comment certaines dépenses sont présentées dans les registres comptables d’Air Canada et des explications sur les catégories de recettes. L’action la plus sollicitée est la production par Air Canada des données brutes qui constituent son grand livre général. Ce point sera traité séparément dans les présents motifs;

(b) Catégorie 2 - Questions liées aux changements apportés aux liaisons identifiées comme étant les 20 liaisons aériennes intérieures performantes d’Air Canada, notamment, le moment, le motif, le bien-fondé et l’échéancier des changements apportés par Air Canada à ses liaisons aériennes les moins performantes;

(c) Catégorie 3 - Questions découlant directement des documents produits par Air Canada. II. CONTEXTE [3] Le commissaire a déposé une demande en vertu de l’article 79 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34 (la «Loi») et du Règlement sur les agissements anti-concurrentiels des exploitants de service intérieur, DORS/2000-324 (le «Règlement sur les transports aériens »), alléguant qu’Air Canada abuse de sa position dominante. Dans la demande, il est allégué, entre autres, que la réaction d’Air Canada suite à l’entrée de WestJet Airlines et de CanJet Airlines sur sept liaisons aériennes de la région centrale et des Maritimes, a été d’augmenter sa capacité et/ou de réduire ses tarifs, de manière à ce qu’ils ne couvrent pas les coûts évitables liés à l’exploitation des vols sur les liaisons concernées, contrairement aux dispositions des alinéas 1a) et 1b) du Règlement sur les transports aériens.

[4] Le Tribunal a ordonné, sur consentement des parties, que les questions préliminaires suivantes soient tranchées avant de passer aux autres aspects de la demande Phase I»). L’ordonnance relative aux questions à trancher à l’audience du 15 mai 2001 (l’«ordonnance relative à la Phase I») énonce les questions suivantes :

[4] (...) er (a) Entre la période du 1 avril 2000 et la date de la demande, Air Canada a-t-elle exploité ou augmenté la capacité en imposant des tarifs ne couvrant pas les coûts évitables liés à la prestation du service, au sens des alinéas 1a) et 1b) du Règlement sur les agissements anti-concurrentiels des exploitants de service intérieur (le «Règlement sur les transports aériens »), DORS/2000-324, sur la liaison Moncton-Toronto/Toronto-Moncton?

(b) er Entre la période du 1 juillet 2000 et la date de la demande, Air Canada a-t-elle exploité ou augmenté la capacité en imposant des tarifs ne couvrant pas les coûts évitables liés à la prestation du service, au sens des alinéas 1a) et 1b) du Règlement sur les transports aériens, sur la liaison Halifax -Montréal/Montréal-Halifax?

[5] LE TRIBUNAL DÉCLARE EN OUTRE qu’en tranchant ces questions, il examinera et répondra au moins aux questions suivantes :

(a) Quelle(s) unité(s) de capacité convient-il d’examiner? (b) Quelles catégories de coûts sont évitables et quand deviennent-elles évitables? (c) Quelle(s) période(s) convient-il d’examiner? (d) Quelle reconnaissance, le cas échéant, devrait être accordée «au-delà de la contribution»?

[5] La phase I de l’audience a débuté le 29 août 2001, et depuis septembre 2001, elle a été ajournée à deux reprises : a) le 11 septembre 2001, en raison des attaques terroristes contre les États-Unis; et b) le 15 octobre 2001, après la requête d’Air Canada, dans laquelle elle informait qu’à son avis, les événements du 11 septembre 2001 avaient changé les questions pertinentes aux coûts évitables et qu’elle avait besoin de plus de temps pour évaluer les effets de ces changements.

[6] Le 15 février 2002, conformément à l’ordonnance fixant l’échéancier en vue de la reprise de l’audience de la demande, délivrée par le Tribunal le 26 octobre 2001 ordonnance fixant l’échéancier en vue de la reprise de l’audience»), Luc Piché et Paul Brotto Piché et Brotto»), représentants d’Air Canada, ont été soumis à un interrogatoire préalable par les avocats du commissaire. Cet interrogatoire n’a pas été achevé ce jour-là.

[7] Le 22 mai 2002, le Tribunal a enjoint à Air Canada de donner suite à certaines des exigences auxquelles elle n’avait pas satisfait lors de l’interrogatoire du 15 février 2002, y compris, mais sans s’y limiter, les exigences suivantes :

(a) la production sous forme électronique, du grand livre général regroupant l’ensemble de ses comptes, pour l’exercice 2000;

(b) la production du grand livre général regroupant l’intégralité de ses comptes et de ceux de ses partenaires régionaux, pour l’exercice 2001;

(c) la production de documents contenant des explications détaillées, ainsi que la ventilation des catégories et codes associés au grand livre général d’Air Canada;

(d) indiquer quels ajustements Air Canada a effectués pour améliorer le rendement de ses 20 liaisons aériennes intérieures.

[8] Les 18 et 19 juin 2002, Piché et Brotto se sont à nouveau présentés à l’interrogatoire préalable. Ils ont refusé de répondre aux questions soulevées par le commissaire dans sa requête, ainsi que de produire les documents demandés.

A. CATÉGORIE 1 - QUESTIONS LIÉES À LA COMPTABILISATION DES DÉPENSES ET DES RECETTES D’AIR CANADA

[9] Air Canada n’est pas tenue de répondre à la question soulevée à la page 9 (ligne 25) au sujet des avis de modification de l’échéancier, avant le 17 septembre 2001 (datant de juin 2000), car le Tribunal sait que le commissaire les avait reçus avant l’interrogatoire préalable des représentants d’Air Canada, en juin 2001, et estime qu’il aurait les soumettre à un interrogatoire à ce moment-là.

[10] Air Canada doit répondre à la question formulée à la page 61 (ligne 20) et aux deux questions formulées à la page 62 (lignes 2 et 7), car elles sont nécessaires à une bonne compréhension du grand livre général produit par Air Canada à la suite de l’ordonnance délivrée par le Tribunal le 22 mai 2002. Le grand livre général d’Air Canada comporte ses dépenses à partir desquelles ses coûts sont dérivés.

B. CATÉGORIE 2 - QUESTIONS LIÉES AUX CHANGEMENTS APPORTÉS AUX LIAISONS IDENTIFIÉES COMME LES 20 LIAISONS AÉRIENNES INTÉRIEURES PERFORMANTES

[11] Les quatre questions relatives aux changements apportés aux liaisons identifiées par Air Canada comme ses 20 liaisons aériennes intérieures performantes, ainsi que les questions écrites formulées à l’onglet 2c du dossier de requête du commissaire (requête relative aux refus-août 2002) dossier de requête du commissaire») constituent, de l’avis du Tribunal, des questions de suivi pertinentes. Dans le paragraphe 33 de l’ordonnance rendue le 22 mai 2002, le Tribunal a reconnu la pertinence de ces questions, notamment lorsque le juge McKeown a déclaré :

[33] Enfin, je suis d’avis qu’Air Canada devrait indiquer combien de temps il faut pour que Navitaire lui livre les résultats de la manipulation des données liées aux dépenses et recettes et si des ajustements ont été apportés aux liaisons (en dehors de la liaison Toronto/Moncton), notamment en supprimant la capacité ou en modifiant les tarifs, dans le but d’améliorer le rendement de ces 20 liaisons aériennes intérieures. En effet, ces questions sont pertinentes parce qu’elles se rapportent à la capacité d’Air Canada à réagir en temps opportun face aux renseignements selon lesquels les liaisons ne sont pas suffisamment performantes. Ces questions se rapportent à l’alinéa 5c) de la phase I de l’ordonnance, qui porte sur la période ou les périodes appropriées à examiner. [Non souligné dans l’original.]

C. CATÉGORIE 3 - QUESTIONS DÉCOULANT DIRECTEMENT DES DOCUMENTS PRODUITS PAR AIR CANADA.

[12] Conformément à l’ordonnance fixant l’échéancier en vue de la reprise de l’audience, délivrée par le Tribunal, Air Canada a produit un certain nombre de documents le 18 janvier 2002, à l’appui de son point de vue concernant l’impact des événements du 11 septembre 2002 sur ses opérations.

[13] L’un de ces documents est intitulé «Objectifs commerciaux - Premier trimestre 2002» et l’autre est intitulé «Maritimes, Analyse de marché intra Ontario/Québec», daté du 22 novembre 2001.

[14] Le Commissaire demande à Air Canada de s’engager à vérifier et à indiquer si les objectifs ou les recommandations contenues dans ces documents ont été adoptées et/ou mises en œuvre par elle.

[15] Les avocats du commissaire ont déclaré au Tribunal qu’ils demandaient une réponse généralisée à ces questions.

[16] Air Canada doit répondre à ces questions suivant le raisonnement de la juge Simpson dans les motifs et l’ordonnance du Tribunal en date du 22 octobre 2001, dans le cadre de la même affaire, selon lequel, généralement, une partie a le droit de procéder à un interrogatoire sur les documents soumis par l’autre partie.

D. GRAND LIVRE GÉNÉRAL [17] Air Canada cherche à obtenir une ordonnance du Tribunal, lui enjoignant de produire les données brutes et les intrants constituant les catégories comptables agrégées et très généralisées, consignées dans son grand livre général, à la suite de l’ordonnance du 22 mai 2002. Lors de la conférence préparatoire à l’audience, ces données brutes ont été qualifiées de «lignes du journal comptable» et elles sont décrites au paragraphe 13 de l’affidavit souscrit par Luc Piché le 18 septembre 2002, comme «un dossier volumineux comportant les données détaillées de suivi des diverses dépenses d’Air Canada (c’est-à-dire, les dépenses liées aux stations de pilotage, au type d’aéronefs et aux syndicats)».

[18] Le paragraphe 39 de l’ordonnance du 22 mai 2002, délivrée à cet effet, est ainsi libellé : En ce qui concerne les exigences auxquelles Air Canada n’a pas satisfait lors de l’interrogatoire préalable... et plus précisément la catégorie de renseignements : «Grand livre général pour les exercices 2000 et 2001», Air Canada doit produire, sous forme électronique, le grand livre général regroupant l’ensemble de ses comptes pour l’exercice 2000, le grand livre général regroupant l’intégralité de ses comptes et des comptes de ses partenaires régionaux, pour l’exercice 2001, et fournir un ou des documents similaires à la pièce 300439 (l’extrait des renseignements sur les coûts indiqués dans les comptes du grand livre général lié au réseau principal d’Air Canada). [Le rapport 328] [Non souligné dans l’original.]

[19] À titre d’explication, la pièce 300439 susmentionnée est aussi appelée rapport de rapprochement et elle établit le lien entre le rapport 328 d’Air Canada et son grand livre général. Le rapport 328 est spécifique à une liaison aérienne et énumère les recettes et les dépenses allouées à cette liaison, afin de déterminer sa rentabilité.

[20] La décision qui sera prise à l’égard de la présente question concernant la production d’Air Canada dépend de ce dont le juge McKeown a fait part dans l’ordonnance qu’il a rendue le 22 mai 2002, lorsqu’il a enjoint à Air Canada de produire le grand livre général contenant «l’ensemble» ou «l’intégralité» des comptes.

[21] J’ai examiné la transcription de l’audience tenue devant le juge McKeown les 2 et 3 mai 2002, et je suis convaincu que ce que le juge McKeown avait en tête en enjoignant à Air Canada de produire le grand livre général contenant «l’ensemble» des comptes, c’était qu’elle produise les données sous-jacentes utilisées pour constituer le grand livre général. C’est-à-dire, produire ce qu’on appelle «lignes du journal comptable». Dans leur plaidoirie devant le juge McKeown, les avocats du commissaire ont demandé à obtenir des chiffres désagrégés, par opposition aux chiffres généralisés fournis dans le grand livre général produit. Ils ont parlé de la nécessité

d’obtenir «toutes les données brutes contenues dans le grand livre général.» [22] De plus, je souligne qu’Air Canada n’a soulevé aucune préoccupation quant à la disponibilité des données brutes ou aux difficultés liées à leur production.

POUR CES MOTIFS, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT : (a) Catégorie 1 - Questions liées à la comptabilisation des dépenses et des recettes d’Air Canada

[23] Air Canada doit répondre aux questions soulevées à la page 61 (ligne 20) et aux deux questions soulevées à la page 62 (lignes 2 et 7).

(b) Catégorie 2 - Questions liées aux changements apportés aux liaisons identifiées comme les 20 liaisons aériennes intérieures performantes

[24] Air Canada doit répondre aux quatre questions liées aux changements apportés aux liaisons identifiées comme les 20 liaisons aériennes intérieures performantes, ainsi qu’à celles soulevées à l’onglet 2c du dossier de requête du commissaire.

(c) Catégorie 3 - Questions découlant directement des documents produits par Air Canada.

[25] Air Canada doit répondre aux questions soulevées à la page 84 (ligne 19) et à la page 85 (ligne 25) en ce qui concerne les pièces 250051 et 250052.

(d) Grand livre général [26] Air Canada doit immédiatement produire, sous forme électronique, le grand livre général regroupant l’ensemble de ses comptes, pour l’exercice 2000 et le grand livre général regroupant l’intégralité de ses comptes et de ceux de ses partenaires régionaux, pour l’exercice 2001, lesquels devront comporter les données désagrégées sous-jacentes utilisées pour constituer le grand livre général. En d’autres termes, elle doit produire ce qu’on appelle «lignes du journal comptable».

[27] Air Canada doit satisfaire à ces exigences dans un délai de sept (7) jours, à compter de la date des présents motifs et ordonnance, ou dans un délai autrement convenu par les parties. Ensuite, Paul Piché et Luc Brotto devront se soumettre à nouveau à un interrogatoire, aux propres frais d’Air Canada.

FAIT à Ottawa, ce 27e jour de septembre 2002.

(s) François Lemieux

COMPARUTIONS : Pour la demanderesse : Le commissaire de la concurrence W. Michael G. Osborne Jeanne L. Pratt

Pour la défenderesse : Air Canada Eliot N. Kolers Danielle K. Royal

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