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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal Référence : Air Canada c. Commissaire de la concurrence, 2000 Trib. conc. 26 N o de dossier : CT2000004 N o de document du Greffe : 27b DANS L’AFFAIRE DE la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, modifiée; ET DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par Air Canada en application du paragraphe 104.1(7) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, modifiée. E N T R E : Air Canada (demanderesse)

et Le commissaire de la concurrence (défendeur)

et I.M.P. Group Limited (CanJet Airlines) (partie intéressée)

Date de l’audience : 20001116 à 20001117 Membre : Madame la juge Simpson (présidant l’audience) Date de l’ordonnance : 20001207 Ordonnance signée par : Madame la juge Sandra J. Simpson

MOTIFS DE L’ORDONNANCE DATÉE DU VENDREDI 24 NOVEMBRE 2000 (le texte de l’ordonnance du 24 novembre 2000 est ci-joint à titre d’annexe A)

TABLE DES MATIÈRES Paragraphe I.LES FAITS ................................................................................................................................ [1] A. LA DEMANDE PRÉSENTÉE PAR AIR CANADA AU TRIBUNAL ........................... [3] B. L’ARRIVÉE DE CANJET SUR LE MARCHÉ ............................................................... [4] C. LA MESURE PRISE PAR CANJET EN RÉPONSE AUX TARIFS OFFERTS PAR ROYAL .................................................................................................. [8] D. LA RÉACTION D’AIR CANADA À L’ARRIVÉE DE CANJET SUR LE MARCHÉ ................................................................................................................. [12] E. L’ENQUÊTE DU COMMISSAIRE ............................................................................... [15] F. L’ORDONNANCE INITIALE DU 12 OCTOBRE 2000 .............................................. [17] G.L’ORDONNANCE PROROGÉE DU 31 OCTOBRE 2000 ................................................... [22]

II.LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL ................................................................................. [23] A. L’EXAMEN DOIT-IL PORTER SUR TOUS LES ASPECTS DE L’ORDONNANCE? ....................................................................................................... [24] 1) Analyse ........................................................................................................................... [30] B. LE SENS DU MOT « VRAISEMBLABLEMENT » EMPLOYÉ À L’ARTICLE 104.1 DE LA LOI ...................................................................................... [35] C. COMMENT LE TRIBUNAL DOIT-IL SE PENCHER SUR LA QUESTION DU PRÉJUDICE OU DES DOMMAGES? ............................................... [39]

III.CRITIQUES D’AIR CANADA CONCERNANT L’ORDONNANCE .......................... [41] A. LE COMMISSAIRE POUVAIT-IL SE FAIRE L’OPINION EXIGÉE AU PARAGRAPHE 104.1(1)? .............................................................................................. [42] B. ÉGALER UN PRIX ÉQUIVAUT-IL À FIXER UN PRIX ABUSIF? ........................... [47] C. L’OMISSION DU COMMISSAIRE D’ÉNONCER SES MOTIFS DANS L’ORDONNANCE ......................................................................................................... [54] D. L’ORDONNANCE N’ALLÈGUE PAS D’AGISSEMENTS ANTI- CONCURRENTIELS ..................................................................................................... [59] E. LES DOMMAGES AU MOMENT DU PRONONCÉ DE L’ORDONNANCE INITIALE ........................................................................................................................ [61] 1) CanJet devait offrir plus de sièges à tarifs réduits .......................................................... [66] 2) CanJet a subi un manque à gagner pour les cinq trajets visés par l’interdiction ............ [69] 3) Par ses actes, Air Canada a brisé l’élan donné par le lancement de CanJet .................... [72] 4) Accroissement des ventes de sièges aux tarifs de la catégorie « L » ............................. [74] F. L’EXISTENCE DE DOMMAGES À LA DATE DE L’AUDITION ........................... [76] 1) Les trajets desservant Windsor ....................................................................................... [76] 2) Le nombre de sièges vendus aux tarifs L14EASTS ........................................................ [80] 3) Revenu de CanJet tiré des réservations ........................................................................... [82] G. « DES TARIFS SEMBLABLES » .................................................................................. [88] H. LA DURÉE DE L’ORDONNANCE .............................................................................. [89]

IV.CONCLUSION ..................................................................................................................... [93] ANNEXE A : Ordonnance du 24 novembre 2000...................................................................... [94] ANNEXE B : Texte intégral de l’article 104.1 ........................................................................... [95] ANNEXE C : Ordonnance initiale et l’ordonnance prorogée .................................................... [96]

I. LES FAITS [1] Le 29 juin 2000, le projet de loi C-26 (Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la concurrence, la Loi sur le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada et modifiant une autre loi en conséquence, L.C. 2000, c. 15), qui modifie entre autres la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34 (la « Loi ») par l’adjonction de l’article 104.1, a reçu la sanction royale et est entré en vigueur le 5 juillet 2000. Il investit le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») du pouvoir de rendre une ordonnance provisoire visant une personne qui exploite un service intérieur au sens du paragraphe 55(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, c. 10. Une ordonnance provisoire peut être rendue lorsque, selon le commissaire, l’activité de l’exploitant pourrait constituer des agissements anti-concurrentiels. L’article 104.1 confère en outre à la personne visée par une telle ordonnance le droit de la contester devant le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal »). La présente espèce porte sur la première ordonnance provisoire rendue et sur la première demande d’annulation ou de modification d’une telle ordonnance en application des nouvelles dispositions (le texte de l’article 104.1 figure en entier à l’annexe B ci-jointe).

[2] Le 12 octobre 2000, le commissaire a rendu une ordonnance provisoire visant Air Canada. Fondée sur le paragraphe 104.1(1) de la Loi, l’ordonnance devait demeurer en vigueur pendant 20 jours (l’« ordonnance initiale »). Le 31 octobre 2000, le commissaire a prorogé l’ordonnance pour une durée supplémentaire de 30 jours (l’« ordonnance prorogée »). Ensemble, l’ordonnance initiale et l’ordonnance prorogée sont appelées l’« ordonnance » (le texte de l’ordonnance initiale et de l’ordonnance prorogée figure à l’annexe C ci-jointe). L’ordonnance initiale interdit à Air Canada d’offrir certains tarifs réduits appelés L14EASTS ou des tarifs semblables pour cinq trajets (trois en partance d’Halifax et deux en partance de Windsor). L’ordonnance prorogée réduit la portée de l’ordonnance initiale et interdit à Air Canada d’offrir les tarifs L14EASTS ou des tarifs semblables quant à trois trajets seulement : Halifax/Ottawa, Halifax/Montréal et Halifax/St. John's.

A. LA DEMANDE PRÉSENTÉE PAR AIR CANADA AU TRIBUNAL [3] Le 1 er novembre 2000, s’appuyant sur le paragraphe 104.1(7) de la Loi, Air Canada a demandé au Tribunal l’annulation de l’ordonnance (la « demande »). Subsidiairement, si l’ordonnance devait être confirmée, Air Canada a demandé au Tribunal de la modifier en supprimant la mention qui y est faite « des tarifs semblables » et en fixant son expiration au 1 er décembre 2000. Pour sa part, le commissaire a demandé la confirmation de l’ordonnance sans modification et son expiration le 31 décembre 2000.

B. L’ARRIVÉE DE CANJET SUR LE MARCHÉ [4] En avril 2000, I.M.P. Group Limited IMP ») a annoncé son intention de mettre sur pied CanJet Airlines CanJet ») afin d’offrir à bas prix un service intérieur « sans fioritures » dans l’Est du Canada. IMP est une entreprise canadienne d’aéronautique, d’aviation générale et de gestion de vol établie à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

[5] Le 31 juillet 2000, CanJet a commencé à vendre des billets à l’avance pour ses vols initiaux devant débuter le 5 septembre suivant. Elle s’est présentée sur le marché en offrant des billets aller à des tarifs sensiblement inférieurs aux tarifs en classe économique les plus bas d’Air Canada. Aux fins des présentes, ces tarifs de lancement de CanJet sont appelés « tarifs annoncés ».

[6] Le 5 septembre 2000, CanJet a entrepris ses activités de transport aérien au moyen de deux aéronefs Boeing 737 loués. Ses trajets étaient alors les suivants : Halifax/Ottawa, Ottawa/Toronto, Halifax/Toronto, Halifax/Windsor, Windsor/Toronto et Windsor/Ottawa. Le 7 septembre 2000, soit deux jours après le début de ses vols, CanJet a saisi le commissaire d’une plainte concernant les tarifs L14EASTS d’Air Canada. Comme je l’indique plus en détail ci-après, ces tarifs ont été offerts dès le 1 er septembre pour les vols devant avoir lieu dès le 15 septembre suivant.

[7] Le 25 septembre 2000, CanJet a loué un autre aéronef et a offert trois nouveaux trajets : Montréal/Halifax, St. John's/Halifax et Winnipeg/Toronto. Au moment de l’audition de la demande (les 16 et 17 novembre 2000), CanJet offrait au total 14 trajets. Or, à cause de réservations insuffisantes, CanJet a décidé, le 24 octobre 2000, de mettre fin au service pour les trajets Ottawa/Windsor et Toronto/Windsor dès le 26 novembre 2000.

C. LA MESURE PRISE PAR CANJET EN RÉPONSE AUX TARIFS OFFERTS PAR ROYAL

[8] Le 24 août 2000, un autre transporteur aérien à bas prix, Royal Royal »), a annoncé par communiqué de presse qu’il augmenterait le nombre de vols offerts chaque jour au Canada. Ainsi, dès le 11 septembre 2000, Royal devait doubler le nombre de vols intérieurs prévus pour les principaux trajets d’Air Canada et offrir des tarifs de beaucoup inférieurs. Sept des dix trajets mentionnés dans le communiqué de presse correspondaient à ceux annoncés par CanJet. Royal s’engageait à offrir des tarifs aller équivalents aux tarifs annoncés par CanJet pour deux trajets. Les autres tarifs aller de Royal devaient être entre 3 et 33 p. cent inférieurs aux tarifs annoncés par CanJet. Collectivement, ces tarifs sont appelés « tarifs étudiés » de Royal.

[9] Le 28 août 2000, vu la concurrence de Royal, CanJet a réduit d’au plus 25 p. cent ses tarifs annoncés en offrant des tarifs « spéciaux » et « bien pensés » (collectivement, les « tarifs réduits »). CanJet offrait les tarifs réduits pour tous ses vols, y compris pour des trajets que Royal ne desservait pas et à certains moments Royal n’offrait pas un vol concurrent.

[10] Le 6 septembre 2000, un article du National Post a signalé que CanJet et Royal se livraient désormais une « guerre des prix » dans l’Est du Canada. L’article indique :

[TRADUCTION] Une guerre des prix couve déjà entre les deux transporteurs à tarifs réduits. CanJet a tiré la première salve la semaine dernière en réduisant ses prix pour couper l’herbe sous les pieds de Royal, qu’elle accusait de publicité trompeuse.

[11] Même s’il peut avoir semblé que, en offrant des tarifs réduits pour tous ses vols, CanJet donnait suite vigoureusement aux tarifs étudiés offerts par Royal, le président-directeur général d’IMP, Kenneth C. Rowe, a minimisé l’impact de la concurrence de Royal. Dans sa déclaration sous serment du 9 novembre 2000, il indique que CanJet n’a offert ses tarifs réduits que pour quelques sièges seulement par vol. M. Rowe dit ce qui suit :

[TRADUCTION] En août 2000, CanJet a réduit les tarifs annoncés initialement en raison de la réduction des tarifs de la ligne aérienne Royal. Toutefois, cette dernière n’offre que deux vols par jour entre Halifax/Ottawa et Halifax/Montréal et elle ne dessert pas Halifax/St. John’s. Royal a également offert quelques sièges seulement à ces tarifs, de sorte que CanJet n’a pas eu à offrir de nombreux sièges à un tarif moindre pour soutenir la concurrence.

D. LA RÉACTION D’AIR CANADA À L’ARRIVÉE DE CANJET SUR LE MARCHÉ

[12] À la fin du mois d’août 2000, Air Canada a apporté la touche finale aux mesures prises pour donner suite à l’arrivée de CanJet sur le marché. Elle a notamment lancé, le 1 er septembre 2000, le tarif aller réduit « L14EASTS » applicable à six trajets que CanJet se proposait de desservir : Halifax/Ottawa, Halifax/Montréal, Halifax/St. John's, Windsor/Toronto, Windsor/Ottawa et Toronto/Winnipeg. Les vols auxquels s’appliquaient les tarifs L14EASTS devaient débuter le 15 septembre 2000. Air Canada n’a pas annoncé le lancement de ces nouveaux tarifs.

[13] Le Tribunal a appris qu’un tarif aérien se compose de deux éléments : le prix du billet et les conditions liées à son achat. Le prix des tarifs L14EASTS égalait celui des tarifs annoncés par CanJet. Cependant, le prix des tarifs L14EASTS d’Air Canada n’a jamais égalé celui des tarifs réduits que CanJet a offerts en réponse aux tarifs étudiés de Royal. Le prix des tarifs L14EASTS demeurait de 10 $ à 60 $ supérieur à celui des tarifs réduits de CanJet. Aussi, les tarifs L14EASTS comportaient davantage de restrictions que les tarifs annoncés ou les tarifs réduits de CanJet (collectivement, les « tarifs de CanJet »). Les tarifs L14EASTS n’étaient offerts que pour certains vols, alors que les tarifs de CanJet s’appliquaient à tous ses vols (c’est ce qui ressort de la pièce justificative non confidentielle C déposée lors de l’audition de la demande). Une personne devait acheter son billet 14 jours avant le vol pour bénéficier des tarifs L14EASTS, alors qu’elle n’était pas tenue de le faire pour bénéficier des tarifs de CanJet. Les tarifs L14EASTS ne s’appliquaient qu’aux séjours d’au plus 30 jours. Aucune condition de séjour maximal ne s’appliquait aux tarifs de CanJet. Tant les tarifs L14EASTS que les tarifs de CanJet s’appliquaient à l’achat d’un billet aller sans exigence de séjour minimal, mais des frais de 100 $ dans le cas des premiers et de 40 $ dans le cas des seconds étaient exigibles pour l’échange d’un billet. Enfin, même si les tarifs L14EASTS étaient toujours plus élevés et plus restrictifs que les tarifs réduits de CanJet, seuls les passagers optant pour les tarifs L14EASTS accumulaient des points Aéroplan et avaient droit à des services de repas.

[14] Le tableau suivant a été établi à partir de la preuve présentée lors de l’audition de la demande. Il fait état des tarifs annoncés par CanJet et précise comment Royal a réagi en offrant ses tarifs étudiés. Il montre également comment CanJet a répliqué en offrant ses tarifs réduits. En dernier lieu, il fait état du lancement des tarifs L14EASTS par Air Canada.

COMPARAISON DES TARIFS ALLER ANNONCÉS POUR LES TROIS TRAJETS VISÉS PAR L’INTERDICTION

Trajet Tarif annoncé par Tarif étudié offert CanJet par Royal le 31 juillet 2000 le 24 août 2000

Halifax/St. John's 109 $ Trajet non desservi 89 $ ou 69 $ 109 $ par Royal

Halifax/Ottawa 109 $ 106 $ 99 $ ou 87 $ 109 $ Halifax/Montréal 99 $ 99 $ 89 $ ou 67 $ 99 $ E. L’ENQUÊTE DU COMMISSAIRE [15] Comme je le mentionne précédemment, le 7 septembre 2000, CanJet a saisi le commissaire d’une plainte. Dès la réception de celle-ci, le commissaire a entrepris de faire enquête sur les tarifs L14EASTS d’Air Canada pour les sept trajets indiqués par CanJet : Halifax/Ottawa, Halifax/Montréal, Halifax/St. John's, Halifax/Toronto, Windsor/Toronto, Windsor/Ottawa et Toronto/Winnipeg.

[16] Environ trois semaines plus tard, le 27 septembre 2000, le commissaire a reçu une demande d’enquête formulée en application de l’article 9 de la Loi par six personnes résidant au Canada, soit M. Rowe et cinq autres représentants d’IMP. La demande visait les tarifs d’Air Canada établis pour les sept trajets susmentionnés. Le lendemain, le commissaire a poursuivi son enquête sous le régime de l’alinéa 10(1)a) de la Loi relativement aux tarifs d’Air Canada. L’objectif était de déterminer si Air Canada contrevenait aux articles 50 et 79 de la Loi, ou à l’un d’eux.

Tarif réduit offert Tarif par CanJet L14EASTS le 28 août 2000 offert par Air Canada le 1 er sept. 2000

F. L’ORDONNANCE INITIALE DU 12 OCTOBRE 2000 [17] Le 12 octobre 2000, le commissaire a rendu l’ordonnance initiale en application du paragraphe 104.1(1) de la Loi. Suivant le paragraphe 104.1(4), l’ordonnance avait une durée de vingt jours et interdisait à Air Canada « d’offrir ou de vendre directement ou indirectement des tarifs L14EASTS ou des tarifs semblables » pour les cinq trajets suivants : Halifax/Ottawa, Halifax/Montréal, Halifax/St. John's, Toronto/Windsor et Ottawa/Windsor. Il s’agit collectivement des « cinq trajets visés par l’interdiction ». Aussi, les deux trajets desservant Windsor sont appelés les « trajets desservant Windsor ».

[18] L’ordonnance initiale précise qu’elle se fonde sur les prémisses suivantes : a) le commissaire a entamé en application du paragraphe 10(1) de la Loi sur la concurrence (la « Loi ») une enquête en vue de déterminer si Air Canada s’est livrée à des agissements susceptibles d’examen en vertu de l’article 79;

b) le commissaire a vérifié qu’Air Canada exploite un service intérieur au sens du paragraphe 55(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, c. 10;

c) le commissaire estime qu’en l’absence de l’ordonnance, CanJet « risque d’être éliminé à titre de concurrent sur certains trajets ou de souffrir d’autres dommages auxquels le Tribunal ne peut remédier adéquatement »;

d) le commissaire « est d’avis qu’Air Canada s’est livrée à des agissements qui pourraient constituer des agissements anti-concurrentiels, en réduisant ses tarifs pour cibler CanJet » sur les cinq trajets visés par l’interdiction.

[19] Lors de l’audition de la demande, l’avocat du commissaire a informé le Tribunal que les agissements anti-concurrentiels mentionnés dans l’ordonnance initiale étaient ceux visés à l’alinéa 1a) du Règlement sur les agissements anti-concurrentiels des exploitants de service intérieur, DORS/2000-324, 30 août 2000 (le « Règlement »). L’alinéa 1a) dispose que, pour l’application de l’alinéa 78(1)j) de la Loi, les agissements anti-concurrentiels s’entendent notamment de « l’exploitation de la capacité sur une ou plusieurs routes à des prix qui ne couvrent pas les coûts évitables de prestation du service en cause ». Le législateur a adopté cette nouvelle disposition après l’acquisition des Lignes aériennes Canadien par Air Canada. Avant l’adoption du Règlement, l’expression « coûts évitables » n’avait jamais été employée dans la Loi.

[20] Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui accompagne le Règlement l’assimile à un « code de conduite » pour Air Canada. Il y est dit entre autres ce qui suit :

Ce règlement étend la portée des dispositions de la Loi sur la concurrence touchant l’abus de position dominante et pourrait représenter un code de conduite pour Air Canada, dans la mesure il précise le genre d’agissements qui est susceptible d’être contesté par le Bureau de la concurrence.

[21] Aux dires d’Air Canada (dans son témoignage, le commissaire n’a pas répondu à l’allégation d’Air Canada selon laquelle la publication de lignes directrices avait été promise), le commissaire a reconnu que des précisions s’imposaient quant à la manière dont il comptait définir les coûts évitables et en tenir compte. Le commissaire aurait indiqué que son bureau publierait des lignes directrices concernant les coûts évitables (les « lignes directrices ») au plus tard à la mi-octobre 2000. Toutefois, au moment de l’audition de la demande, elles n’avaient pas encore été publiées. Air Canada insiste sur le fait que le bureau du commissaire l’a assurée que, dans l’intervalle, les [TRADUCTION] « règles habituelles » concernant la fixation de prix abusifs (article 50 de la Loi) et l’abus de position dominante (article 79 de la Loi) vaudraient pour l’application du Règlement (dans son témoignage, le commissaire n’a pas répondu à l’allégation d’Air Canada selon laquelle on l’avait assurée que les « règles habituelles » seraient suivies). Air Canada ajoute que l’assurance donnée par le commissaire était importante, la fixation d’un prix pour égaler celui d’un concurrent n’étant pas assimilée, selon elle, à la fixation de prix abusifs suivant les « règles habituelles ». J’y reviendrai.

G. L’ORDONNANCE PROROGÉE DU 31 OCTOBRE 2000 [22] Il ressort de la déclaration sous serment de David W. McAllister, du bureau du commissaire, datée du 9 novembre 2000, que CanJet a informé le commissaire, le 24 octobre 2000, qu’elle comptait cesser d’offrir des vols pour les trajets desservant Windsor dès le 26 novembre 2000. Vu les circonstances, et parce qu’il ne croyait plus que les tarifs L14EASTS infligeaient des dommages à CanJet pour les trajets desservant Windsor, le commissaire a soustrait ces derniers à l’application de l’ordonnance prorogée. Les trois trajets toujours visés par l’ordonnance étaient Halifax/Ottawa, Halifax/Montréal et Halifax/St. John's (les « trois trajets visés par l’interdiction »).

II. LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL [23] Comme il s’agissait de la première demande présentée en application des nouvelles dispositions, une grande partie de l’audience a été consacrée aux observations des parties sur l’étendue de la compétence du Tribunal. Pour trancher, les questions suivantes sont abordées : a) L’examen du Tribunal porte-t-il sur tous les aspects de l’ordonnance ou, suivant le paragraphe 104.1(7), seulement sur les situations visées à l’alinéa 104.1(1)b) de la Loi, soit le préjudice infligé à la concurrence ou les dommages subis par une personne?

b) Quel est le sens du mot « vraisemblablement » employé à l’article 104.1? c) Lorsqu’il se penche sur l’existence d’un préjudice ou de dommages au moment du prononcé de l’ordonnance initiale conformément aux alinéas 104.1(1)b), 104.1(7)a) et b), le Tribunal soupèse-t-il uniquement le préjudice ou les dommages que le commissaire a pris en considération pour rendre l’ordonnance initiale ou jette-t-il un regard nouveau sur le préjudice ou les dommages pour déterminer si, indépendamment de ceux mentionnés dans l’ordonnance, un préjudice ou des dommages existaient lorsque l’ordonnance initiale a été rendue?

A. L’EXAMEN DOIT-IL PORTER SUR TOUS LES ASPECTS DE L’ORDONNANCE?

[24] Air Canada soutient que le Tribunal jouit d’une compétence étendue et peut examiner tous les aspects de l’ordonnance, dont :

a) la question de savoir si le commissaire a satisfait aux conditions préalables au prononcé d’une ordonnance valide;

b) la justesse de l’opinion du commissaire quant à savoir si les actes d’Air Canada pourraient constituer des agissements anti-concurrentiels;

c) l’infliction à CanJet de dommages visés au sous-alinéa 104.1(1)b)(ii). [25] Air Canada prétend par ailleurs, pour les motifs énumérés ci-après, que le paragraphe 104.1(7) de la Loi devait être interprété de manière à permettre au Tribunal de procéder de novo à un examen en profondeur de tous les aspects de l’ordonnance :

a) l’ordonnance n’a pas encore fait l’objet d’un examen minutieux indépendant, car elle a été rendue à l’exclusion de toute observation formulée par Air Canada et sans surveillance judiciaire;

b) lorsqu’il a rendu l’ordonnance, le commissaire exerçait un pouvoir judiciaire ou quasi-judiciaire et il n’était pas indépendant puisque le paragraphe 104.1(9) de la Loi exige qu’il soit constitué partie intimée;

c) en raison de la clause privative de portée générale contenue au paragraphe 104.1(11) et selon laquelle l’ordonnance ne peut faire l’objet d’aucune contestation ou révision judiciaire, l’ordonnance ne sera soumise à aucun examen judiciaire, sauf celui du Tribunal;

d) la demande est présentée à un juge du Tribunal siégeant seul conformément au paragraphe 11(1) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. 1985 (2 e supp.), c. 19 (la « Loi sur le Tribunal »). Ce qui donne à penser que le Tribunal est appelé à procéder à un examen général de l’exercice de la compétence du commissaire, car si l’examen devait porter uniquement sur le préjudice ou les dommages, un autre membre du Tribunal pourrait entendre la demande;

e) le paragraphe 11(1) de la Loi sur le Tribunal investit le Tribunal du pouvoir de statuer sur toute demande dont il est saisi « ainsi que sur toute question s’y rattachant ». Ce libellé confère au Tribunal un pouvoir d’examen étendu aux fins de statuer sur la demande;

f) la durée inhabituelle d’une ordonnance provisoire (au plus 80 jours), de même que le pouvoir du Tribunal de confirmer l’ordonnance pour une période supplémentaire d’au plus 60 jours (la période de validité pouvant excéder les 80 jours prévus initialement par le commissaire) permettent de conclure que le Tribunal doit jeter un regard nouveau sur toutes les circonstances de l’ordonnance. Air Canada fait remarquer que, à l’opposé, une ordonnance ex parte rendue par la Cour fédérale du Canada s’applique pendant au plus 28 jours et celle rendue par la Cour

supérieure de l’Ontario, pendant un maximum de 20 jours seulement. De même, devant ces tribunaux, le juge doit être persuadé de la nécessité de l’ordonnance et il incombe au requérant de fournir au juge saisi de la requête des renseignements complets et précis. Ces garanties ne s’appliquant pas à une ordonnance rendue ou prorogée par le commissaire, on peut en inférer qu’un examen général de novo s’impose lorsque le Tribunal est appelé à confirmer ou à annuler une ordonnance;

g) le fait que le paragraphe 104.1(7) confère du Tribunal la compétence de modifier l’ordonnance permet de conclure que l’examen entrepris doit avoir une portée générale;

h) l’ordonnance étant elle-même anti-concurrentielle, un examen approfondi doit avoir lieu. L’ordonnance prorogée est anti-concurrentielle, parce qu’elle empêche Air Canada d’offrir à sa clientèle des prix concurrentiels pour les trois trajets visés par l’interdiction;

i) enfin, on peut conclure, à la lecture du paragraphe 104.1(10) de la Loi, que le Tribunal doit procéder à un examen général de novo de l’ordonnance, car la disposition prévoit que, après présentation d’une demande au Tribunal, toutes les parties doivent avoir la « possibilité de présenter des éléments de preuve et des observations... ».

[26] Le commissaire exprime un avis différent au sujet de la portée de l’examen du Tribunal et il met l’accent, dans une large mesure, sur l’origine législative de l’article 104.1. Il signale que la disposition est l’une des mesures prises par le législateur face à la restructuration du secteur du transport aérien à l’issue de laquelle Air Canada est devenue le transporteur national dominant. Il explique que le législateur a adopté l’article 104.1 après avoir pris conscience que, dans le secteur du transport aérien, les tarifs peuvent être modifiés rapidement, et des concurrents peuvent vite être contraints d’abandonner leurs activités. Le législateur a reconnu que des mesures devaient être prises promptement en pareil cas et il a donc décidé d’accorder au commissaire, au paragraphe 104.1(1), le pouvoir de rendre, de son propre chef, une ordonnance ex parte visant l’exploitant d’un service intérieur.

[27] Étant donné que le paragraphe 104.1(1) dit seulement que le commissaire doit estimer, à titre provisoire, que les actes frappés d’interdiction « pourraient » constituer des agissements anti-concurrentiels, que l’ordonnance provisoire peut être rendue au moment le commissaire vient tout juste de commencer une enquête et il n’a pas encore acquis une parfaite compréhension des faits, que le législateur a reconnu la nécessité qu’une ordonnance provisoire soit rendue rapidement et que la durée de l’ordonnance est relativement courte (80 jours), le commissaire soutient que je dois conclure que l’examen du Tribunal ne doit pas porter sur tous les aspects de l’ordonnance, comme le prétend Air Canada, mais doit porter ordinairement sur la seule question du préjudice ou des dommages. Je dis « ordinairement », l’avocat du commissaire ayant reconnu que, si le Tribunal concluait à la nullité de l’ordonnance, il aurait la compétence de l’annuler en application du paragraphe 104.1(7), parce que cette disposition doit être interprétée comme présumant l’existence d’une ordonnance valide.

[28] L’avocat du commissaire convient avec Air Canada que le Tribunal doit procéder à un examen général de la question du préjudice ou des dommages, mais il soutient que le fondement de l’opinion du commissaire selon laquelle les actes d’Air Canada pourraient constituer des agissements anti-concurrentiels échappe à la portée de cet examen.

[29] CanJet adopte un point de vue différent et prétend que, suivant le sens ordinaire des termes employés aux paragraphes 104.1(7) et (11), le Tribunal ne peut se pencher que sur le préjudice ou les dommages. Elle ajoute que si une ordonnance était frappée de nullité, le Tribunal devrait néanmoins la confirmer s’il était convaincu de l’existence du préjudice ou des dommages. Elle fait valoir que même si le commissaire abusait de son pouvoir discrétionnaire et rendait une ordonnance illégale, aucune instance ne pourrait se pencher sur son comportement à cet égard.

1) Analyse [30] Les arguments de CanJet ne me convainquent pas. Ils se fondent sur la prémisse implicite que, Air Canada étant devenue le transporteur dominant, elle est en quelque sorte déchue de son droit de bénéficier de l’application de la loi. Le législateur ne peut avoir voulu qu’Air Canada soit liée par une ordonnance rendue en l’absence de toute compétence. Toute proposition selon laquelle le commissaire ne peut être tenu de se conformer à la loi dans ses rapports avec Air Canada est inadmissible.

[31] Les arguments d’Air Canada ne m’ont pas non plus convaincue que la nature anti-concurrentielle de l’ordonnance justifie un examen général portant sur sa validité et son caractère raisonnable. Même si je reconnais que l’incapacité d’Air Canada d’offrir les tarifs L14EASTS l’empêche de concurrencer CanJet et Royal pendant la durée de l’ordonnance, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’ordonnance est anti-concurrentielle. L’un des objets explicites de la Loi (se reporter à l’article 1.1) est d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits. La Loi vise en outre à assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l’économie canadienne. Dans la présente instance, le non-prononcé de l’ordonnance risque de contraindre CanJet à l’abandon de ses activités. Dans ce contexte, je suis d’avis que l’ordonnance favorise la concurrence. Elle vise à faire en sorte que CanJet continue d’exercer ses activités jusqu’à ce que le commissaire soit en mesure de déterminer, en fin de compte, si les actes d’Air Canada équivalent à un abus de position dominante aux fins de l’article 79 de la Loi.

[32] Je reconnais la justesse des observations d’Air Canada et du commissaire selon lesquelles, si une condition préalable au prononcé d’une ordonnance n’était pas respectée, le Tribunal pourrait annuler l’ordonnance en application du paragraphe 11(1) de la Loi sur le Tribunal, lequel lui permet de statuer sur la demande « ainsi que sur toute question s’y rattachant ». Or, malgré les remarques pertinentes et détaillées d’Air Canada, je ne puis convenir que, lorsqu’une ordonnance indique que le commissaire est de tel ou tel avis, le Tribunal devrait procéder de novo à un examen approfondi et remettre en question le bien-fondé de cet avis.

[33] Il est tout simplement trop tôt, dans le cadre de l’instance, pour entreprendre un tel examen. Conformément à une ordonnance rendue en application de l’article 11 de la Loi, bon

nombre des documents d’Air Canada ont été remis au commissaire pendant l’audition de la demande. Il me paraît clair que l’avis du commissaire, que la Loi lui permet d’exprimer provisoirement de par l’emploi du mot « pourrait », ne saurait encore résister à une analyse rigoureuse. Par conséquent, on ne saurait à mon sens invoquer l’emploi des mots « ainsi que sur toute question s’y rattachant » au paragraphe 11(1) de la Loi sur le Tribunal pour justifier l’examen approfondi de l’avis provisoire du commissaire. Cependant, lorsque cet avis est contesté comme en l’espèce, le Tribunal devrait déterminer si le commissaire pouvait raisonnablement arriver à une telle conclusion au moment de rendre l’ordonnance initiale.

[34] Je me permets à ce stade de résumer mes conclusions relatives à l’étendue de la compétence du Tribunal vis-à-vis de la demande :

a) le Tribunal a certes compétence pour, en autres, se pencher sur la question du préjudice ou des dommages lorsqu’il est appelé à examiner l’ordonnance en application du paragraphe 104.1(7) de la Loi;

b) suivant le paragraphe 11(1) de la Loi sur le Tribunal, le Tribunal a compétence pour statuer sur la demande « ainsi que sur toute question s’y rattachant », y compris la validité de l’ordonnance. Conséquemment, il peut déterminer si le commissaire a commencé l’enquête régulièrement et si, au vu de la preuve dont il était saisi lorsque l’ordonnance initiale a été rendue, son opinion était raisonnable;

c) toutefois, le Tribunal n’est pas investi de la compétence générale de procéder de novo à l’examen de la nature ou du bien-fondé de l’enquête du commissaire ou du bien-fondé de son avis concernant les actes d’Air Canada. J’estime que pareil examen approfondi de l’ordonnance ne pourrait avoir lieu sur le fondement des mots « ainsi que sur toute question s’y rattachant » employés au paragraphe 11(1) de la Loi sur le Tribunal, l’ordonnance ayant pour objet de préserver le statu quo pendant un certain temps de façon à permettre au commissaire de mener son enquête à terme et de se faire une opinion éclairée quant à savoir s’il y a lieu ou non de présenter une demande sous le régime de l’article 79 de la Loi.

B. LE SENS DU MOT « VRAISEMBLABLEMENT » EMPLOYÉ À L’ARTICLE 104.1 DE LA LOI

[35] Air Canada fait valoir que l’adverbe « vraisemblablement » employé à l’alinéa 104.1(1)b) et au paragraphe 104.1(7) de la Loi doit être interprété suivant son sens ordinaire, soit « probablement » ou « il est plus probable qu’improbable ». Elle cite à l’appui l’arrêt Regina v. K.C. Irving Ltd. (1995), 62 D.L.R. (3d) 157 (C.A.N.-B.). Il s’agissait, dans cette affaire, d’une poursuite au pénal intentée en application de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23. L’entreprise était accusée d’avoir contrevenu à l’article 33 de cette loi en établissant et en exploitant un monopole ou en établissant une fusion. L’une des questions en litige était le sens que devait avoir l’énoncé lorsqu’une entreprise est contrôlée, pour une grande part ou complètement, ou qu’elle le sera vraisemblablement au détriment ou à l’encontre de l’intérêt public figurant à l’article 2 de cette loi. Le juge de première instance a conclu que le terme « vraisemblablement » employé dans la disposition avait le sens de « peut-être ». Or, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a statué que le mot « vraisemblablement » employé à l’article 2 s’entendait de « probablement », et non de « peut-être ».

[36] Air Canada invoque également la décision Sayle v. Kansa Insurance Co., (1985) 16 C.C.L.I. 309 (C.A.C.-B.). Dans cette affaire, une agente immobilière poursuivait son assureur parce qu’il lui refusait toute indemnisation au motif qu’elle avait erronément indiqué dans son formulaire de demande qu’elle ne connaissait aucune circonstance [TRADUCTION] « pouvant vraisemblablement donner lieu à une action contre l’entreprise ». La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a statué que, dans cette expression, « vraisemblablement » voulait clairement dire que cela était [TRADUCTION] « à tout le moins plus probable qu’improbable ».

[37] Le commissaire adopte un autre point de vue et soutient que « vraisemblablement » s’entend d’une [TRADUCTION] « possibilité réelle » ou « raisonnable » de dommages, et non de la « probabilité » que des dommages soient subis comme le fait valoir Air Canada. Il invoque à l’appui la décision de la Chambre des lords dans Re H., [1996] 1 All. E.R. 1. Dans cette affaire, le litige portait sur le sens de l’expression [TRADUCTION] « subira vraisemblablement un préjudice » dans le contexte de l’opportunité, pour le tribunal, de rendre une ordonnance relative à la garde d’un enfant. La Chambre des lords a reconnu que le sens premier de « vraisemblablement » était « probablement », c’est-à-dire qu’[TRADUCTION] « il est plus vraisemblable qu’invraisemblable », mais elle a conclu qu’il ne s’agissait pas de la seule signification de ce mot. Les juges ont statué, puisque le préjudice en jeu (soit celui infligé à l’enfant) était particulièrement important, que le législateur n’avait pas voulu établir le critère plus rigoureux correspondant au sens ordinaire de « vraisemblablement ». Dans le contexte de la protection de l’enfant, ils ont donc statué qu’il fallait entendre par ce terme l’existence d’une [TRADUCTION] « possibilité réelle ».

[38] Je conclus qu’il faut privilégier l’interprétation du mot « vraisemblablement » que préconise Air Canada et ce, pour les motifs suivants :

a) on considère en général que « probablement » est synonyme de « vraisemblablement »; si le législateur avait voulu établir un critère moins rigoureux, il l’aurait fait;

b) le terme « vraisemblablement » s’entend de « probablement », ce qui est approprié vu le contexte dans lequel la plainte a été formulée contre Air Canada. Le commissaire se fie nécessairement au plaignant (en l’occurrence CanJet) pour établir et présenter une preuve convaincante quant aux dommages. C’est le plaignant qui dispose de toutes les données pertinentes et c’est à lui qu’il incombe de monter le dossier et de convaincre le commissaire que les critères établis à l’alinéa 104.1(1)b) sont respectés. Le rôle du commissaire consiste à apprécier d’un oeil critique les dommages allégués afin de déterminer si le critère légal est respecté. Lorsqu’il vient tout juste de commencer l’enquête, le commissaire peut ne s’être fait aucune opinion indépendante concernant les dommages réels ou potentiels. Il est donc logique que le plaignant doive convaincre le commissaire qu’un préjudice ou des dommages seront « vraisemblablement » subis, au sens qu’ils seront « probablement » subis;

c) l’équivalence de « probablement » et de « vraisemblablement » convient aussi dans le contexte commercial en général. On peut présumer que le législateur a voulu éviter qu’un plaignant puisse demander au commissaire d’exercer son pouvoir de rendre une ordonnance contre un autre transporteur pour des raisons condamnables ou « stratégiques », y compris la volonté de mettre fin à une concurrence légitime. Si « vraisemblablement » s’entendait de «

peut-être », et non de « probablement » en ce qui concerne l’existence du préjudice ou des dommages, il y aurait selon moi un risque inadmissible que des plaintes frivoles ou stratégiques donnent lieu à des ordonnances fondées sur le paragraphe 104.1(1).

C. COMMENT LE TRIBUNAL DOIT-IL SE PENCHER SUR LA QUESTION DU PRÉJUDICE OU DES DOMMAGES?

[39] L’alinéa 104.1(7)a) de la Loi exige du Tribunal qu’il confirme l’ordonnance s’il est convaincu qu’une des situations visées à l’alinéa 104.1(1)b) « s’est produite ou se produira vraisemblablement ». Suivant ces dispositions, le Tribunal doit selon moi déterminer en premier lieu si une de ces situations se rapportant aux dommages visés au sous-alinéa 104.1(1)b)(ii) (dans la demande, le commissaire n’allègue pas le préjudice à la concurrence mentionné au sous-alinéa 104.1(1)b)(i)) s’était produite ou se produirait vraisemblablement lorsque le commissaire a rendu l’ordonnance. Il lui incombe ensuite de déterminer si, à la date à laquelle il entend la demande contestant l’ordonnance, le préjudice ou les dommages se sont produits ou se produiront vraisemblablement. Bien que cela me paraisse étrange, il appert que si le Tribunal est convaincu que le préjudice ou les dommages existaient à la date de l’ordonnance, mais qu’ils n’existent plus à la date de l’audition de la demande, le Tribunal doit néanmoins confirmer l’ordonnance (cependant, la durée de l’ordonnance confirmée pourrait être courte si le préjudice ou les dommages n’existent plus). À l’inverse, le Tribunal pourrait ne pas être convaincu qu’il était vraisemblable, au moment l’ordonnance a été rendue, qu’un préjudice ou des dommages seraient subis, mais de nouveaux éléments de preuve ou des événements survenus avant l’audition de la demande pourraient convaincre le Tribunal que, à la date de l’audition, il est vraisemblable qu’un préjudice ou des dommages soient subis. Enfin, il incombe au commissaire et au plaignant de « convaincre » (le paragraphe 104.1(7) exige du Tribunal qu’il soit « convaincu » de l’existence d’un préjudice ou de dommages) le Tribunal que l’existence du préjudice ou des dommages était vraisemblable lors du prononcé de l’ordonnance ou qu’elle l’est au moment de l’audition de la demande.

[40] Finalement, j’arrive en outre à la conclusion que le paragraphe 104.1(7) n’exige pas que le Tribunal se penche sur le caractère raisonnable de l’avis du commissaire selon laquelle l’existence du préjudice ou des dommages invoqués dans l’ordonnance ou dans les motifs qui l’accompagnent était vraisemblable lors du prononcé de l’ordonnance. J’estime plutôt que le Tribunal peut, si la preuve le permet et en jetant un regard neuf, aller au-delà du préjudice ou des dommages invoqués par le commissaire afin de se convaincre que l’existence des dommages visés à l’alinéa 104.1(1)b) était vraisemblable lorsque l’ordonnance a été rendue. Dans la présente espèce, cette démarche s’impose, car les allégations de dommages dans l’ordonnance initiale ne sont accompagnées d’aucune description éloquente et aucun motif n’est donné permettant de circonscrire convenablement le préjudice infligé à CanJet.

III. CRITIQUES D’AIR CANADA CONCERNANT L’ORDONNANCE [41] Les allégations d’Air Canada sont les suivantes : a) l’ordonnance est nulle, car il ressort de la preuve que le commissaire ne s’est pas fait et ne pouvait se faire l’opinion exprimée dans l’ordonnance initiale, c’est-à-dire que les actes d’Air Canada pourraient constituer des agissements anti-concurrentiels;

b) l’ordonnance est nulle, car les tarifs L14EASTS d’Air Canada n’égalaient pas les tarifs annoncés par CanJet et ne pouvaient donc pas être anti-concurrentiels suivant les règles habituelles en matière de fixation de prix abusifs;

c) l’ordonnance est nulle, car le commissaire devait énoncer ses motifs dans l’ordonnance initiale, ce qu’il n’a pas fait;

d) l’ordonnance est nulle, car les actes invoqués par le commissaire en rendant l’ordonnance, soit la réduction, par Air Canada, de ses tarifs en fonction de ceux de CanJet, ne constituent pas des agissements anti-concurrentiels;

e) le préjudice infligé à CanJet et sur lequel le commissaire s’est fondé pour rendre l’ordonnance initiale n’existait pas;

f) il n’a pas été prouvé que l’existence de ce préjudice était vraisemblable à la date de l’audition de la demande;

g) l’interdiction d’établir des tarifs « semblables » aux tarifs L14EASTS est imprécise et devrait être radiée de l’ordonnance;

h) si elle est confirmée, l’ordonnance devrait expirer le 1 er décembre 2000. A. LE COMMISSAIRE POUVAIT-IL SE FAIRE L’OPINION EXIGÉE AU PARAGRAPHE 104.1(1)?

[42] Selon Air Canada, la preuve révèle que le commissaire n’a pas déterminé dans les faits et ne pouvait déterminer si les actes d’Air Canada auraient pu constituer les agissements anti-concurrentiels définis à l’alinéa 1a) du Règlement comme étant « l’exploitation de la capacité sur une ou plusieurs routes à des prix qui ne couvrent pas les coûts évitables de prestation du service en cause ».

[43] Air Canada fonde cette prétention sur les faits suivants : a) avant que l’ordonnance initiale du 12 octobre 2000 ne soit rendue, Air Canada n’a pas été appelée à préciser comment elle calculait les coûts évitables ni à fournir quelque renseignement sur ceux-ci;

b) nulle mention n’est faite des coûts évitables dans la note de service du sous-commissaire au commissaire datée du 12 octobre 2000 recommandant que l’ordonnance initiale soit rendue;

c) l’ordonnance initiale ne fait pas mention des coûts évitables et il ne ressort pas des motifs de l’ordonnance que les coûts évitables ont été pris en considération;

d) le commissaire n’a pas adopté de position concernant le calcul approprié des coûts évitables. Plus particulièrement, il n’avait aucune opinion quant à la période devant être visée par le calcul des coûts évitables ni sur la question de savoir si ces derniers devaient être pris en considération en fonction de chacun des vols ou de chacun des trajets. Ce fait ressort de l’omission de publier comme promis, au plus tard à la mi-octobre 2000, des lignes directrices définissant les coûts évitables.

[44] Selon moi, il est clair que le commissaire ne s’est pas demandé, à un moment donné, quels agissements anti-concurrentiels pouvaient être en cause, car la réponse était évidente. Le Règlement indique clairement quels agissements sont tenus pour anti-concurrentiels dans le secteur du transport aérien, et seul l’alinéa 1a) s’applique lorsqu’il s’agit de l’exploitation de la capacité à certain prix en particulier. Dans ces circonstances, il est évident que lorsqu’il décrit, dans l’ordonnance initiale, les actes reprochés à Air Canada (soit la réduction de ses tarifs en fonction de ceux de CanJet) et qu’il interdit les tarifs L14EASTS ainsi que les tarifs semblables, le commissaire a en tête les agissements anti-concurrentiels visés à l’alinéa 1a) du Règlement. Il aurait identifier clairement les agissements anti-concurrentiels en cause dans les motifs de l’ordonnance, mais il n’était pas tenu de le faire dans l’ordonnance comme telle. J’y reviendrai.

[45] Il convient ensuite de déterminer si le commissaire était en mesure de trancher judicieusement la question de savoir si les prix fixés par Air Canada couvraient ou non ses coûts évitables. Air Canada soutient que, le commissaire n’ayant pas publié de lignes directrices, il ne préconisait aucune définition des coûts évitables, de sorte qu’il ne pouvait tirer une conclusion sur les tarifs L14EASTS d’Air Canada par rapport à ces coûts.

[46] Je conclus que même si le commissaire n’avait pas fait connaître sa position sur les coûts évitables, il pouvait néanmoins avoir décidé des modalités de leur calcul aux fins de son enquête. Qui plus est, même si la thèse d’Air Canada était fondée et que le commissaire n’avait pas encore adopté une position finale quant à la manière de calculer les coûts évitables, le commissaire aurait tout de même été en mesure, selon moi, de conclure que les actes d’Air Canada « pourraient » constituer des agissements anti-concurrentiels. L’emploi du conditionnel paraît indiquer à mon avis que le commissaire n’a pas besoin d’acquérir la certitude qu’il y a ou non des agissements anti-concurrentiels. En l’occurrence, son doute pouvait découler de l’incertitude concernant la nature ou l’effet des actes d’Air Canada ou de l’incertitude concernant la définition appropriée des coûts évitables.

B. ÉGALER UN PRIX ÉQUIVAUT-IL À FIXER UN PRIX ABUSIF? [47] Air Canada laisse entendre que lorsqu’il s’est fait l’opinion exprimée dans l’ordonnance initiale, le commissaire devait à tout le moins déterminer au préalable si les agissements anti-concurrentiels consistant à fixer des prix inférieurs aux coûts évitables, définis dans le Règlement, pourraient jamais être considérés comme des agissements anti-concurrentiels aux fins de l’article 79 de la Loi. Si on paraphrase, l’article 79 exige que le commissaire montre, entre autres, que les agissements anti-concurrentiels sont susceptibles d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché. Air Canada soutient que, dans la mesure ils n’égalent même pas les tarifs annoncés par CanJet, les tarifs L14EASTS ne pourraient avoir un tel effet sur la concurrence.

[48] Air Canada s’appuie à cet égard sur le témoignage d’un expert, William J. Baumol, professeur de l’université de New York. Dans sa déclaration sous serment déposée en l’espèce, il dit être d’avis que, les tarifs L14EASTS d’Air Canada étant plus élevés que les tarifs de CanJet et comportant également davantage de restrictions, les tarifs L14EASTS ne pouvaient être tenus pour anti-concurrentiels.

[49] Air Canada invoque également la décision Boehringer Ingelheim (Canada) Inc. v. Bristol-Myers Squibb Canada Inc. (1998), 83 C.P.R. (3d) 51 (C. Ont., div. gén.) dans laquelle le juge Dambrot conclut, aux paragraphes 27 et 28, que réduire un prix pour égaler celui, plus bas, déjà offert par un concurrent n’équivaut pas à fixer un prix abusif, peu importe ce qu’il en coûte à l’entreprise pour le faire.

[50] Le commissaire se fonde sur le témoignage de Douglas S. West, professeur de l’université de l’Alberta, dont le point de vue diffère. Selon le professeur West, [TRADUCTION] « l’offre de tels bas prix pour ces trajets permettait raisonnablement de conclure que les coûts évitables d’exploitation de certains de ces vols ne seraient pas couverts par les revenus ». L’avocat du commissaire fait valoir que les experts ont manifestement des points de vue opposés quant à savoir ce qui pourrait constituer des agissements anti-concurrentiels et que ce n’est pas à l’audition de la demande qu’il convient de trancher la question.

[51] J’estime que les deux experts se prononcent sur des questions différentes. Le professeur Baumol se penche sur la question de savoir si la fixation de prix ne couvrant pas les coûts évitables, dans la mesure elle est prouvée, pourrait constituer un abus de position dominante aux fins de l’article 79 de la Loi. Pour sa part le professeur West analyse une question qui se pose à un stade antérieur, celle de savoir si la vente de sièges aux tarifs L14EASTS par Air Canada peut emporter la fixation de prix ne couvrant pas les coûts évitables.

[52] Ces deux questions devront être tranchées à une autre occasion. Je conclus que le commissaire n’est pas tenu de procéder à l’évaluation préalable préconisée par Air Canada. Tout ce que le paragraphe 104.1(1) exige est qu’il détermine si, selon lui, les actes d’Air Canada « pourraient » constituer des agissements anti-concurrentiels au moment de rendre l’ordonnance initiale. Au tout début de l’enquête, il n’a pas à se faire une opinion supplémentaire quant à savoir si les actes d’Air Canada « pourraient » constituer un abus de position dominante aux fins

de l’article 79 de la Loi. C’est une question qu’il ne doit aborder que pour décider de saisir ou non le Tribunal d’une demande d’ordonnance en application de cet article.

[53] Pour conclure à ce sujet, j’estime que suffisamment d’éléments de preuve établissent que l’opinion du commissaire était raisonnable compte tenu des renseignements dont ce dernier disposait au moment de rendre l’ordonnance initiale.

C. L’OMISSION DU COMMISSAIRE D’ÉNONCER SES MOTIFS DANS L’ORDONNANCE

[54] Dans l’ordonnance initiale, le commissaire dit tout d’abord que CanJet « risque d’être éliminée à titre de concurrent sur certains trajets », puis que CanJet risque de « souffrir d’autres dommages auxquels le Tribunal ne peut remédier adéquatement ». Je conviens avec Air Canada que le premier préjudice allégué ne figure même pas au sous-alinéa 104.1(1)b)(ii). Cette dernière disposition exige du commissaire qu’il détermine si CanJet « sera vraisemblablement éliminé[e] » en tant que concurrent. Il s’agit de l’élimination totale du concurrent CanJet, et non de son élimination « sur certains trajets ». Air Canada fait en outre remarquer à juste titre que le second motif du commissaire reproduit simplement le libellé générique du sous-alinéa 104.1(1)b)(ii). Enfin, Air Canada signale fort à propos que même s’il décrit les agissements reprochés à Air Canada, le commissaire ne précise pas quels agissements anti-concurrentiels sont en cause. Pour tous ces motifs, Air Canada soutient que l’ordonnance est nulle.

[55] La question préjudicielle est la suivante : que doit renfermer l’ordonnance? Comme point de départ, le paragraphe 104.1(3) de la Loi dispose qu’il n’est pas nécessaire que les motifs figurent dans l’ordonnance :

Avis aux intéressés (3) Le commissaire envoie un avis écrit de l’ordonnance et des motifs de celle-ci, dans les meilleurs délais après son prononcé, aux personnes qui en font l’objet et aux autres personnes directement touchées.

Même s’il serait préférable que les motifs figurent dans l’ordonnance, le paragraphe 104.1(3) ne l’exige pas. En conséquence, les motifs de l’ordonnance peuvent faire l’objet d’une lettre ou d’un autre document qui accompagne l’ordonnance lorsqu’un avis écrit de l’ordonnance est donné.

[56] À mon avis, les motifs englobent en l’espèce la description de tous les agissements anti-concurrentiels en cause et des précisions sur le préjudice ou les dommages qui, selon le commissaire, justifient le prononcé d’une ordonnance. Je signale que, en l’occurrence, reproduire le texte de l’alinéa 104.1(1)b) de la Loi ne satisfait pas à l’exigence selon laquelle l’ordonnance doit être accompagnée de motifs.

[57] Après examen du paragraphe 104.1(1), j’arrive à la conclusion que l’ordonnance doit renfermer ce qui suit :

a) un énoncé selon lequel l’ordonnance vise une personne exploitant un service intérieur au sens du paragraphe 55(1) de la Loi sur les transports au Canada;

b) une description claire des actes frappés d’interdiction ou des mesures devant être prises; c) un énoncé selon lequel, de l’avis du commissaire, les agissements frappés d’interdiction pourraient constituer des agissements anti-concurrentiels;

d) un énoncé précisant que le commissaire a commencé une enquête concernant l’existence éventuelle d’agissements anti-concurrentiels visés à l’article 79 de la Loi;

e) un énoncé dans lequel le commissaire dit estimer que, si une ordonnance provisoire n’est pas rendue, les dommages visés au sous-alinéa 104.1(1)b)(i) seront vraisemblablement subis.

[58] J’estime que l’ordonnance initiale satisfait à ces exigences. Cependant, bien que l’ordonnance soit valide, le commissaire n’a pas respecté le paragraphe 104.1(3) de la Loi en omettant d’accompagner l’ordonnance de motifs adéquats. Air Canada avait droit à une description détaillée et pertinente des dommages allégués et des agissements anti-concurrentiels en cause. À l’avenir, ces précisions devront figurer dans l’ordonnance ou dans un document remis à une personne touchée lorsqu’un avis écrit de l’ordonnance est donné (si, ultérieurement, le commissaire omettait de fournir les motifs d’une ordonnance, une personne touchée pourrait présenter une demande sur le fondement du paragraphe 104.1(7) de la Loi puis saisir le Tribunal d’une requête afin qu’il ordonne au commissaire de motiver convenablement l’ordonnance).

D. L’ORDONNANCE N’ALLÈGUE PAS D’AGISSEMENTS ANTI-CONCURRENTIELS

[59] Comme les agissements décrits dans l’ordonnance initiale ne constituent pas des agissements anti-concurrentiels et parce que l’ordonnance doit préciser quels sont les agissements anti-concurrentiels en cause, Air Canada soutient que l’ordonnance est nulle.

[60] Je conviens avec Air Canada que, dans l’ordonnance initiale, l’allégation selon laquelle Air Canada a réduit ses tarifs en fonction des tarifs de CanJet n’équivaut pas à la description d’agissements anti-concurrentiels. Il s’agit simplement d’une description partielle des agissements auxquels Air Canada s’est livrée et qui, selon le commissaire, pourraient constituer des agissements anti-concurrentiels. Par ailleurs, le commissaire considère clairement que les tarifs L14EASTS et les tarifs semblables font partie de la description des actes reprochés. Cependant, comme j’ai conclu que le commissaire n’était pas tenu d’identifier les agissements anti-concurrentiels dans l’ordonnance, l’omission de le faire n’a pas pour effet d’annuler l’ordonnance.

E. LES DOMMAGES AU MOMENT DU PRONONCÉ DE L’ORDONNANCE INITIALE

[61] Air Canada soutient que les plaintes de CanJet adressées au commissaire concernant les dommages causés par les tarifs L14EASTS sont peu crédibles vu les déclarations contradictoires

des représentants de CanJet faites au commissaire et aux médias. Par exemple, le 6 septembre 2000, dans un article du National Post faisant état des nouveaux tarifs L14EASTS d’Air Canada, le directeur de l’exploitation de CanJet, Mark Winders, a dit ce qui suit :

[TRADUCTION] Nous nous y attendions la concurrence d’Air Canada]. Sous certains rapports, nous sommes concurrents, mais sous d’autres, nous exerçons nos activités dans des créneaux différents.

[62] De même, le 11 octobre 2000, un jour avant que le commissaire ne rende l’ordonnance initiale, M. Rowe a déclaré au journal Halifax Herald :

[TRADUCTION] Nous n’abandonnons pas les affaires. Le chargement augmente et nous avons beaucoup d’appui. CanJet est pour rester et nous serions reconnaissants au gouvernement qu’il fasse en sorte qu’Air Canada cesse de s’en prendre à CanJet.

Air Canada fait remarquer à juste titre que ces deux déclarations publiques sont incompatibles avec les plaintes de CanJet concernant les dommages que lui infligeait l’offre des tarifs L14EASTS.

[63] J’estime que les remarques optimistes formulées publiquement par CanJet ne peuvent être considérées comme reflétant la réalité. Il est évident que, du point de vue des relations publiques, CanJet ne pouvait reconnaître qu’elle était en difficulté par crainte de s’aliéner la clientèle des personnes disposées par ailleurs à voyager à bord de ses aéronefs. Cependant, le fait que CanJet soit tenue de dire ce qu’il convient pour demeurer en affaires indique que les allégations de dommages doivent être soumises à un examen approfondi. Dans de telles circonstances, lorsque l’exagération des dommages est possible, le Tribunal ne peut se satisfaire d’allégations imprécises pour se convaincre de l’existence vraisemblable de dommages importants.

[64] Il appert du dossier que, lorsqu’il a rendu l’ordonnance initiale, le commissaire disposait de peu de renseignements détaillés sur l’effet des tarifs L14EASTS sur le revenu de CanJet tiré de l’exploitation des cinq trajets visés par l’interdiction. Ce n’est pas étonnant, car au moment l’ordonnance initiale a été rendue, soit le 12 octobre 2000, CanJet exploitait alors son entreprise depuis moins de six semaines (depuis le 5 septembre 2000), et les passagers d’Air Canada ne bénéficiaient des tarifs L14EASTS que depuis environ trois semaines (depuis le 15 septembre 2000).

[65] Au cours de la période ayant suivi le 7 septembre 2000, la date à laquelle CanJet a déposé sa première plainte concernant les tarifs L14EASTS, CanJet a transmis au commissaire de l’information de nature financière, y compris ses budgets et ses prévisions de revenu, afin d’établir comment les tarifs L14EASTS lui portaient préjudice. Le Tribunal n’a toutefois pas été saisi de cette information. Il en est plutôt fait mention, de manière générale, dans les déclarations sous serment de David W. McAllister, pour le compte du commissaire et de Kenneth C. Rowe, pour le compte de CanJet. Lise Fournel, pour le compte d’Air Canada, a

également formulé des observations concernant les dommages allégués par CanJet. Ces éléments de preuve sont examinés ci-après.

1) CanJet devait offrir plus de sièges à tarifs réduits [66] Suivant la déclaration sous serment de M. Rowe, le lancement des tarifs L14EASTS par Air Canada [TRADUCTION] « a eu un effet défavorable direct et substantiel sur la trésorerie de CanJet ». Selon M. Rowe, CanJet a répliquer en [TRADUCTION] « accroissant sensiblement le nombre de sièges offerts aux plus bas prix possible ». Cette mesure a fait diminuer « sensiblement » les revenus, de sorte que des pertes financières « importantes » ont été subies. Comme je le mentionne précédemment, M. Rowe dit que les tarifs réduits de CanJet ont été offerts en réponse aux tarifs concurrentiels offerts par Royal, mais comme cette dernière offrait relativement peu de sièges à ses tarifs étudiés, CanJet était tenue d’offrir relativement peu de sièges à ses tarifs réduits pour soutenir la concurrence de Royal (je signale que la manière dont M. Rowe a pu déterminer le nombre de sièges offerts par Royal à ses prix étudiés demeure obscure). M. Rowe affirme que, à l’opposé, le lancement des tarifs L14EASTS d’Air Canada a contraint CanJet à accroître « sensiblement » le nombre de sièges auxquels s’appliquaient ses tarifs réduits. Il en aurait résulté un effet financier défavorable « beaucoup plus important » que celui imputable à la mesure prise pour soutenir la concurrence de Royal.

[67] Or, ni le commissaire ni CanJet n’ont fourni de chiffres à l’appui des allégations de M. Rowe. Les éléments d’information suivants auraient été utiles :

a) le nombre total de sièges offerts par CanJet pour les cinq trajets visés par l’interdiction avant le 12 octobre 2000;

b) le nombre de sièges offerts en vente et vendus aux tarifs réduits de CanJet en réponse aux prix étudiés offerts par Royal (sous forme de totaux et de pourcentage de la capacité totale de CanJet);

c) le nombre de sièges offerts en vente et vendus aux tarifs réduits de CanJet en réponse aux tarifs L14EASTS d’Air Canada nouveau sous forme de totaux et de pourcentage);

d) des estimations raisonnables des pertes résultant de l’offre de sièges aux tarifs réduits en réponse aux tarifs L14EASTS d’Air Canada et aux tarifs étudiés de Royal, par rapport aux revenus escomptés.

[68] Sans de tels éléments de preuve, je ne peux distinguer les dommages que CanJet a pu subir par suite de la mesure prise en réponse à la concurrence de Royal de ceux que lui auraient infligés les tarifs L14EASTS d’Air Canada. Je ne suis donc pas « convaincue », aux fins du paragraphe 104.1(7), qu’en offrant un nombre indéterminé de sièges supplémentaires à ses tarifs réduits en réponse aux tarifs L14EASTS offerts par Air Canada, CanJet subirait vraisemblablement une perte importante de revenu comme l’exige le sous-alinéa 104.1(1)b)(ii).

2) CanJet a subi un manque à gagner pour les cinq trajets visés par l’interdiction [69] Dans sa déclaration sous serment, M. Rowe affirme en outre que, pendant la période antérieure au 12 octobre 2000, CanJet a subi un grave manque à gagner relativement aux cinq trajets visés par l’interdiction. Ce manque à gagner est calculé à partir des prévisions de revenu de CanJet. M. Rowe reconnaît que le manque à gagner s’explique par d’autres facteurs, mais il affirme qu’il est [TRADUCTION] « principalement imputable » aux réductions de tarifs d’Air Canada. Il ajoute que si, par extrapolation, on appliquait le manque à gagner à la première année d’exploitation de CanJet, la réduction de tarifs [TRADUCTION] « contribuerait » à transformer le gain prévu en un déficit global important.

[70] Des données chiffrées ont été fournies mais, encore, je ne suis pas convaincue que les dommages allégués étaient vraisemblablement imputables à la concurrence découlant des tarifs L14EASTS. Le calcul du manque à gagner de CanJet se fonde sur ses prévisions financières, mais comme le fait remarquer Air Canada, le Tribunal ne dispose d’aucune précision concernant les hypothèses sur lesquelles s’appuient les prévisions. Il est capital de déterminer si les prévisions ont été établies en fonction des tarifs annoncés ou si elles ont été révisées après que CanJet eut offert ses tarifs réduits. Il aurait en outre été utile de savoir si CanJet avait pris en considération la concurrence d’Air Canada ou de Royal, ou des deux, lorsqu’elle a établi ses tarifs annoncés. Le Tribunal s’attendait par ailleurs à ce que CanJet dépose une analyse faisant état des causes du prétendu manque à gagner. Au nombre de ces causes auraient pu figurer le caractère irréaliste des prévisions initiales, la prise de mauvaises décisions sur le plan commercial, ainsi que la concurrence de Royal et celle d’Air Canada.

[71] Je signale au passage que CanJet laisse entendre que le Tribunal ne devrait pas tenir compte des critiques d’Air Canada concernant les prévisions de revenu de CanJet, puisque Air Canada n’a pas contre-interrogé M. Rowe à partir de sa déclaration sous serment. Or, l’argument ne me convainc pas. À mon avis, on ne pouvait s’attendre, vu les circonstances de l’espèce, à ce qu’Air Canada contre-interroge M. Rowe. Le temps manquait, et CanJet aurait sans aucun doute refusé de répondre aux questions d’Air Canada en invoquant le secret commercial.

3) Par ses actes, Air Canada a brisé l’élan donné par le lancement de CanJet [72] Dans sa déclaration sous serment, M. Rowe insiste sur le fait que CanJet misait beaucoup sur l’attention des médias et sur l’opération de marketing qu’était le lancement pour devenir [TRADUCTION] « le transporteur régulier à bas prix privilégié comme solution de rechange à Air Canada ». Il affirme que le « comportement stratégique » d’Air Canada a en grande partie stoppé l’impulsion donnée par le lancement de CanJet.

[73] Il n’est pas du tout clair qu’Air Canada est à l’origine des dommages allégués par M. Rowe. Il ressort de la preuve présentée au Tribunal que c’est surtout la concurrence de Royal qui a compromis le lancement de CanJet et empêché celle-ci de devenir la solution de rechange privilégiée à Air Canada. Comme je l’indique précédemment, seulement quelques jours avant que les vols de CanJet ne débutent, Royal a réduit ses tarifs pour sept des trajets annoncés par CanJet. Presque immédiatement, CanJet a réagi en offrant ses tarifs réduits. D’autres éléments de preuve, soit des articles de journaux, révèlent que Royal et CanJet étaient des concurrents

directs sur le marché du transport aérien à rabais, du moins aux yeux du public. Vu la preuve, je ne suis pas convaincue que l’image et la réputation de CanJet ont « vraisemblablement » subi des dommages irréparables par suite de l’offre non annoncée des tarifs L14EASTS d’Air Canada.

4) Accroissement des ventes de sièges aux tarifs de la catégorie « L » [74] Au début d’octobre, le commissaire a obtenu d’Air Canada des renseignements sur les réservations à l’avance et des données incomplètes sur le nombre de passagers s’étant prévalus des tarifs L14EASTS du 15 au 25 septembre 2000 pour les cinq trajets visés par l’interdiction. Il s’agit des seules données sur les ventes de sièges aux tarifs L14EASTS dont disposait le commissaire avant de rendre l’ordonnance initiale. Après avoir examiné les données, un économiste du Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a conclu que, dans le cas de certains des vols pour lesquels les tarifs L14EASTS étaient offerts, la part des réservations aux tarifs de la catégorie « L » (la catégorie « L » est celle des tarifs réduits d’Air Canada. Elle comprend un grand nombre de tarifs réduits, dont les tarifs L14EASTS) avait augmenté radicalement dans la seconde moitié de septembre comparativement à la première (avant l’offre des tarifs L14EASTS). L’économiste signale en outre que les tarifs L14EASTS comptaient pour une partie importante des réservations aux tarifs de la catégorie « L ». On pourrait en inférer que l’augmentation radicale des réservations de sièges aux tarifs de la catégorie « L » dans la seconde moitié du mois de septembre résulte principalement du lancement des tarifs L14EASTS. Malheureusement, compte tenu des données dont dispose le Tribunal, je ne puis conclure que le nombre réel de sièges vendus à des passagers bénéficiant des tarifs L14EASTS pour les cinq trajets visés par l’interdiction est suffisamment important pour avoir vraisemblablement causé des dommages à CanJet au moment de l’ordonnance initiale. Je ne peux non plus déterminer avec précision ce qu’il faut entendre par « augmentation radicale » ou « partie importante ». Je dois aussi ajouter que je ne suis pas convaincue de la pertinence des données sur le nombre réel de sièges vendus aux tarifs L14EASTS, puisque, si j’ai bien compris, CanJet dit avoir subi des dommages à cause du nombre de sièges offerts et non à cause du nombre de sièges vendus.

[75] Pour tous ces motifs, le Tribunal n’est pas convaincu de l’existence vraisemblable des dommages allégués par CanJet le 12 octobre 2000. Cependant, l’examen du Tribunal ne prend pas fin pour autant en ce qui concerne l’existence de dommages. Comme je le signale précédemment, le sous-alinéa 104.1(1)b)(ii) exige par ailleurs du Tribunal qu’il examine tous les éléments de preuve qui sont à sa disposition pour déterminer si l’existence des dommages visés à ce sous-alinéa est vraisemblable à la date de l’audition. Une telle démarche exige l’examen d’éléments de preuve qui n’étaient pas à la disposition du commissaire lorsque l’ordonnance initiale a été rendue.

F. L’EXISTENCE DE DOMMAGES À LA DATE DE L’AUDITION 1) Les trajets desservant Windsor [76] Le 24 octobre 2000, CanJet a annoncé que, à compter du 26 novembre 2000, elle mettait fin à ses vols pour les trajets desservant Windsor. Dans sa déclaration sous serment, M. Rowe explique que ces vols ont été annulés à cause du faible taux d’occupation des sièges. Il prétend en outre que les tarifs L14EASTS d’Air Canada ont « contribué » à l’impossibilité, pour CanJet, de rendre viables les trajets desservant Windsor.

[77] Il ressort toutefois du témoignage du commissaire que l’abandon de ces trajets était en grande partie étranger à la concurrence d’Air Canada. Dans sa déclaration sous serment, M. McAllister dit que la suspension des tarifs L14EASTS par l’ordonnance initiale [TRADUCTION] « n’a pas eu d’effet important sur le rendement obtenu par CanJet pour ces deux trajets ». Le 31 octobre 2000, une note de service d’un sous-commissaire au commissaire signalait que le rendement de CanJet pour les deux trajets desservant Windsor [TRADUCTION] « demeurait très faible » malgré l’application de l’ordonnance initiale. Le sous-commissaire a conclu que, contrairement à ce que CanJet avait fait valoir au commissaire, les tarifs L14EASTS n’avaient pas [TRADUCTION] « d’effet perceptible » sur les trajets desservant Windsor. Le commissaire a rejeté la demande formulée par CanJet afin que l’ordonnance prorogée s’applique aux trajets desservant Windsor.

[78] Air Canada a par ailleurs mis en preuve un article du Globe and Mail daté du 24 octobre 2000 selon lequel un analyste du cabinet Yorkton Securities, de Toronto, aurait imputé à la concurrence livrée par Royal l’abandon par CanJet des trajets desservant Windsor et la chute de ses revenus en général. L’article cite la conclusion de l’analyste : [TRADUCTION] « CanJet semble perdre la guerre qui oppose les transporteurs aériens offrant des tarifs réduits dans l’Est du Canada ».

[79] Selon Air Canada, l’échec des vols offerts par CanJet pour les trajets desservant Windsor, dans la mesure le commissaire reconnaît qu’il n’est pas imputable aux tarifs L14EASTS, montre que toutes les allégations de CanJet quant aux dommages subis à cause des tarifs L14EASTS ne sont pas dignes de foi et doivent être rejetées. Je reconnais que les plaintes de CanJet sont douteuses et je signale que, après l’échec des trajets desservant Windsor, le commissaire devait se montrer, et s’est présumément montré, très critique face aux allégations de CanJet concernant les trois trajets visés par l’interdiction. Cependant, pour l’heure, je ne dispose pas de données suffisantes pour conclure que CanJet a trompé le commissaire concernant les dommages infligés à l’entreprise pour les trois trajets visés par l’interdiction.

2) Le nombre de sièges vendus aux tarifs L14EASTS [80] L’affidavit du 31 octobre 2000 de Mme Fournel a communiqué pour la première fois au Bureau des données détaillées et complètes sur le nombre de passagers ayant réservé leurs sièges en bénéficiant des tarifs L14EASTS du 15 au 30 septembre. Il précise le nombre total de passagers ayant voyagé à bord d’un appareil d’Air Canada en bénéficiant de ces tarifs pour les cinq trajets visés par l’interdiction, chacun de ces derniers étant désigné par un chiffre. Air

Canada montre également que ces passagers représentaient un faible pourcentage de sa capacité pour les cinq trajets visés par l’interdiction. Air Canada en conclut que le nombre relativement peu élevé de sièges vendus aux tarifs L14EASTS n’a vraisemblablement pas infligé des dommages importants à CanJet. À l’opposé, dans sa déclaration sous serment, M. McAllister dit que, selon le commissaire, les données montrent une [TRADUCTION] « importante tendance à la hausse » du nombre de passagers bénéficiant des tarifs L14EASTS.

[81] Pour sa part, CanJet soutient que c’est la seule existence des tarifs L14EASTS, et non le nombre de sièges vendus, qui l’a contrainte à offrir davantage de sièges à tarifs réduits. Les éléments d’information fournis par Air Canada quant au nombre de sièges vendus aux tarifs L14EASTS seront pris en considération pour déterminer si ces sièges ont été vendus à des prix qui ne couvrent pas les coûts évitables, mais pour ce qui est de la question des dommages, ils n’étayent aucune des thèses opposées.

3) Revenu de CanJet tiré des réservations [82] La preuve la plus concluante quant à savoir si CanJet a subi des dommages en raison des tarifs L14EASTS correspond aux données chiffrées qui montrent que le revenu de CanJet tiré des réservations s’est accru après le 12 octobre 2000. La déclaration sous serment de M. McAllister donne des précisions sur ce revenu relativement aux trois trajets visés par l’interdiction pour les douze jours qui ont suivi l’ordonnance initiale. Ainsi, il appert que le revenu de CanJet tiré des réservations après le prononcé de l’ordonnance initiale est sensiblement supérieur au revenu tiré des réservations au cours des douze jours ayant précédé l’ordonnance. Ces renseignements proviennent d’une lettre en date du 26 octobre 2000 adressée au commissaire par l’avocat de CanJet, John Bodrug, faisant état des revenus comparatifs tirés des réservations pour la période du 1 er au 12 octobre et celle du 13 au 24 octobre (la « lettre de M. Bodrug »). [83] La lettre de M. Bodrug révèle que, en date du 15 octobre 2000, CanJet a prévu un vol quotidien supplémentaire dans chacune des directions pour deux des trois trajets visés par l’interdiction. CanJet reconnaît que l’augmentation du revenu tiré des réservations est en partie attribuable à cette capacité accrue. Cependant, Air Canada laisse entendre que l’accroissement du revenu de CanJet tiré des réservations effectuées pour ces deux trajets pendant la période du 13 au 24 octobre était principalement attribuable à la capacité accrue de CanJet.

[84] Un tableau établi par l’avocat d’Air Canada à partir des renseignements joints à la lettre de M. Bodrug montre que, dans le cas des deux trajets pour lesquels des vols supplémentaires ont été offerts, le nombre de passagers s’est également accru au cours de la période du 13 au 24 octobre. Toutefois, pour le trajet dont la capacité n’a pas été accrue, le nombre de passagers a diminué. Air Canada fait valoir que le tableau montre une corrélation « très nette » entre l’augmentation du revenu de CanJet tiré des réservations et l’accroissement de sa capacité du 13 au 24 octobre. Il s’ensuit selon elle que la capacité accrue de CanJet, et non l’ordonnance initiale, est la cause principale de l’augmentation du revenu tiré des réservations au cours des deux semaines ayant suivi l’ordonnance initiale.

[85] Je ne peux être d’accord avec Air Canada sur ce point. Manifestement, la capacité accrue de CanJet à partir du 15 octobre 2000 a contribué à l’augmentation du revenu tiré des réservations pour la période du 13 au 24 octobre. Ce fait est reconnu. Or, l’argument d’Air Canada ne tient pas compte de l’augmentation du revenu tiré des réservations pour le trajet dont la capacité n’a pas été accrue. Aussi, Air Canada tient pour acquis que le revenu tiré des réservations entre le 13 et le 24 octobre peut être comparé au taux d’occupation pendant la même période. Comme les passagers peuvent bénéficier des tarifs de CanJet sans réserver à l’avance, une partie du revenu tiré des réservations pour la période du 13 au 24 octobre correspondait vraisemblablement aux vols effectués au cours de la même période. Il paraît toutefois probable que bon nombre des passagers de CanJet (principalement des « voyageurs d’agrément »), et peut-être la plupart d’entre eux, réservaient leurs sièges plus de deux semaines à l’avance. En d’autres termes, il se peut que la plus grande partie du revenu de CanJet tiré des réservations pendant la période se rapportait à des vols devant avoir lieu après le 24 octobre. De même, bon nombre des personnes ayant voyagé à bord des appareils de CanJet entre le 13 et le 24 octobre ont pu réserver leurs sièges avant le 12 octobre. Par conséquent, j’estime qu’il n’y a pas nécessairement de corrélation entre le taux d’occupation des appareils et le revenu tiré des réservations pour la période de deux semaines considérée.

[86] La lettre de M. Bodrug signale en outre que les ventes globales de CanJet ont sensiblement augmenté le 13 octobre, soit le lendemain du prononcé de l’ordonnance initiale. C’était avant que CanJet n’augmente sa capacité pour deux des trois trajets visés par l’interdiction. Je suis d’avis que le revenu de CanJet tiré des réservations a augmenté le 13 octobre parce que davantage de passagers ont effectué des réservations ou parce que CanJet a augmenté ses prix, soit directement en majorant le prix d’un billet, soit indirectement en offrant moins de sièges aux tarifs réduits. Dans sa lettre, M. Bodrug opte pour la dernière explication et fait remarquer que [TRADUCTION] « les différents tarifs auxquels les sièges sont vendus peuvent avoir une grande incidence sur le revenu de CanJet et sa viabilité à long terme ». Cependant, aucune des explications proposées n’est concluante en ce qui a trait à l’augmentation, le 13 octobre, du revenu tiré des réservations.

[87] Abstraction faite de la capacité accrue, les autres causes de l’augmentation du revenu tiré des réservations, comme l’augmentation des tarifs ou la modification de la grille tarifaire, ont vraisemblablement pu jouer en raison de l’absence des tarifs L14EASTS d’Air Canada. Tout bien pesé, je suis convaincue que l’augmentation sensible du revenu tiré des réservations entre le 13 et le 24 octobre est principalement attribuable à l’interdiction frappant les tarifs L14EASTS dans l’ordonnance initiale et j’arrive donc à la conclusion que les dommages visés au sous-alinéa 104.1(1)b)(ii) seront vraisemblablement subis en l’absence de l’ordonnance. Plus particulièrement, je suis convaincue que, en l’absence de l’ordonnance, CanJet subirait vraisemblablement une baisse sensible de son revenu.

G. « DES TARIFS SEMBLABLES » [88] Tant que le commissaire n’aura pas précisé quels prix et quelles conditions pourraient constituer, selon lui, « des tarifs semblables », j’estime qu’il est impossible de déterminer si d’autres tarifs d’Air Canada sont semblables aux tarifs L14EASTS. Vu ces circonstances, la disposition de l’ordonnance faisant mention « des tarifs semblables » est imprécise et, par conséquent, non susceptible d’exécution.

H. LA DURÉE DE L’ORDONNANCE [89] Suivant l’alinéa 104.1(7)a), le Tribunal peut proroger une ordonnance pour une période maximale de soixante jours à compter de la date à laquelle l’ordonnance est confirmée. Air Canada demande que l’ordonnance ne soit prorogée que jusqu’au 1 er décembre 2000 et ce, pour les motifs suivants :

a) juste avant le début de l’audience, le commissaire a reçu d’Air Canada des documents exigés dans une ordonnance datée du 24 octobre 2000 rendue en application de l’article 11 de la Loi (la pièce non confidentielle B). À l’appui de sa demande d’ordonnance fondée sur l’article 11, le commissaire allègue que les documents en cause lui permettraient de déterminer, à partir d’une information suffisante, s’il y a lieu ou non de présenter une demande sur le fondement de l’article 79 de la Loi. Air Canada fait valoir que le commissaire aurait suffisamment de temps, jusqu’au 1 er décembre 2000, pour prendre connaissance des documents et déterminer s’il y a lieu de présenter une demande sous le régime de l’article 79;

b) Air Canada fait en outre remarquer que, si elle ne l’avait pas contestée, l’ordonnance aurait expiré le 1 er décembre 2000, sauf si le commissaire l’avait prorogée pour une période supplémentaire de 30 jours (soit jusqu’au 31 décembre 2000), comme il lui était loisible de le faire. Air Canada fait valoir qu’elle ne devrait pas être pénalisée à cause de la demande qu’elle a présentée et que l’ordonnance ne devrait pas être prorogée jusqu’à une date ultérieure au 31 décembre 2000.

[90] Le commissaire demande la prorogation de l’ordonnance jusqu’au 31 décembre 2000 afin que son personnel ait le temps d’examiner et d’analyser les données qui viennent tout juste de lui être communiquées par Air Canada.

[91] CanJet a initialement exprimé le point de vue que l’ordonnance devait être prorogée au-delà du 31 décembre 2000, soit à raison de soixante jours supplémentaires comme le permet le paragraphe 104.1(7), puis elle s’est ravisée en adoptant la position du commissaire à cet égard.

[92] Dans la présente affaire, le Tribunal confirme une ordonnance dans des circonstances l’existence actuelle d’un risque de dommages a été établie. Partant, j’estime que le Tribunal devrait se soucier principalement du temps qu’il faudrait au commissaire pour être en mesure de déterminer s’il y a lieu ou non de présenter une demande en application de l’article 79 de la Loi. Il incombe au commissaire de convaincre le Tribunal que la prorogation demandée est raisonnable. En l’espèce, comme le commissaire doit examiner les renseignements qu’Air Canada vient tout juste de transmettre à son bureau, j’estime que l’ordonnance devrait être prorogée jusqu’au 31 décembre 2000.

IV. CONCLUSION [93] Pour tous ces motifs, une ordonnance a été rendue le 24 novembre 2000 confirmant l’ordonnance jusqu’au 31 décembre 2000, mais modifiant son libellé pour supprimer la mention « des tarifs semblables ».

FAIT à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 7 SIGNÉ au nom du Tribunal par le juge présidant.

e jour de décembre 2000. (s) Sandra J. Simpson

[94] ANNEXE A : Ordonnance du 24 novembre 2000 Référence : Air Canada c. Commissaire de la concurrence, 2000 Trib. conc. 25 N o de dossier : CT2000004 N o de document du Greffe : 23a DANS L’AFFAIRE DE la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, modifiée; ET DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par Air Canada en application du paragraphe 104.1(7) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, modifiée. E N T R E : Air Canada (demanderesse)

et Le commissaire de la concurrence (défendeur)

et I.M.P. Group Ltd. (CanJet Airlines) (partie intéressée)

Date de l’audience : 20001116 à 20001117 Membre : Madame la juge Simpson (présidant l’audience) Date de l’ordonnance : 20001124 Ordonnance signée par : Madame la juge Sandra J. Simpson

ORDONNANCE

[1] VU LA DEMANDE présentée par Air Canada en application du paragraphe 104.1(7) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, modifiée (la « Loi ») afin d’obtenir une ordonnance annulant l’ordonnance provisoire rendue le 12 octobre 2000 par le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») et prorogée le 31 octobre 2000 par une nouvelle ordonnance de ce dernier (collectivement, l’« ordonnance »);

[2] APRÈS avoir entendu les avocats des parties les 16 et 17 novembre 2000, à Ottawa (Ontario);

[3] ET APRÈS avoir déterminé ce qui suit : a) le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») a compétence suivant le paragraphe 104.1(7) pour déterminer si l’ordonnance est valide et si les dommages visés au sous-alinéa 104.1(1)b)(ii) existaient lorsque l’ordonnance initiale a été rendue ou existent vraisemblablement à l’heure actuelle;

b) l’ordonnance est valide, car le commissaire a commencé une enquête en vertu de l’alinéa 10(1)a) de la Loi le 28 septembre 2000 et a exprimé l’avis, dans l’ordonnance, que les actes d’Air Canada pourraient constituer des agissements anti-concurrentiels; de plus, il s’agissait d’une conclusion que le commissaire pouvait tirer à partir de la preuve qui lui était présentée;

c) lorsqu’il est saisi d’une demande fondée sur le paragraphe 104.1(7) de la Loi, le Tribunal ne se penche pas sur le caractère juste ou raisonnable de l’avis du commissaire quant à savoir si les actes d’Air Canada pourraient ou non constituer des agissements anti-concurrentiels; il se contente de déterminer si l’avis est manifestement déraisonnable ou non; de même, le Tribunal s’abstient d’examiner au fond la décision du commissaire de poursuivre l’enquête commencée en application de l’alinéa 10(1)a) de la Loi, soit à la demande (fondée sur le paragraphe 9(1) de la Loi) de six personnes résidant au Canada; il doit seulement être convaincu de l’existence d’une enquête;

d) le paragraphe 104.1(3) ne prévoit aucune exigence selon laquelle les motifs de l’ordonnance doivent figurer dans l’ordonnance; en conséquence, il n’est pas nécessaire que l’ordonnance fasse état des agissements anti-concurrentiels qui, selon le commissaire, auraient pu survenir; pour être valide, l’ordonnance doit seulement décrire les actes qui, de l’avis du commissaire, pourraient constituer des agissements anti-concurrentiels;

e) l’adverbe « vraisemblablement » employé aux paragraphes 104.1(1) et (7) doit être interprété suivant son sens ordinaire, soit « probablement » ou « il est plus probable qu’improbable »;

f) les dommages visés aux paragraphes 104.1(1) et (7) doivent, aux fins de la demande, se rapporter à l’offre des tarifs L14 EASTS par Air Canada;

g) le Tribunal n’est pas convaincu en l’espèce que les dommages visés au sous-alinéa 104.1(1)b)(ii) existaient lors du prononcé de l’ordonnance le 12 octobre 2000; il estime toutefois que ces dommages existent vraisemblablement à l’heure actuelle;

h) l’interdiction faite à Air Canada, dans l’ordonnance, d’offrir « des tarifs semblables » est imprécise et, par conséquent, non susceptible d’exécution;

[4] POUR LES MOTIFS qui seront rendus sous peu, le Tribunal ordonne ce qui suit : a) l’ordonnance du commissaire datée du 12 octobre 2000, prorogée au moyen d’une nouvelle ordonnance le 31 octobre 2000, est modifiée suivant l’alinéa 104.1(7)a) de la Loi afin de supprimer le renvoi à « des tarifs semblables », mais elle est par ailleurs confirmée pour une période expirant à minuit, heure normale de l’Est, le 31 décembre 2000;

b) I.M.P. Group Limited (CanJet Airlines) est constituée partie à l’instance. FAIT à Vancouver, ce 24 ième jour de novembre 2000. SIGNÉ au nom du Tribunal par le juge présidant. (s) Sandra J. Simpson

PERSONNES AYANT COMPARU Pour la demanderesse : Air Canada Katherine L. Kay Eliot N. Kolers Lawson A.W. Hunter, c.r.

Pour le défendeur : Le commissaire de la concurrence Brian J. Saunders Donald J. Rennie Donna Blois

Pour la partie intéressée : I.M.P. Group Ltd. (CanJet Airlines) Neil Finkelstein Brian N. Radnoff Mark Katz

[95] ANNEXE B : Texte intégral de l’article 104.1 ORDONNANCE PROVISOIRE 104.1(l) Le commissaire peut rendre une ordonnance provisoire interdisant à une personne exploitant un service intérieur, au sens du paragraphe 55(1) de la Loi sur les transports au Canada, d’accomplir tout acte, ou de mener toute activité, qui, selon lui, pourrait constituer des agissements anti-concurrentiels ou lui enjoignant de prendre les mesures qu’il estime nécessaires pour ne pas nuire à la concurrence ou pour éviter de causer des dommages à une autre personne lorsque, à la fois :

a) il a commencé une enquête en vertu du paragraphe 10(l) en vue de déterminer si les agissements de la personne ont donné lieu a une situation visée à l'article 79;

b) il estime qu’en cas de non-prononcé de l’ordonnance : (i) soit la concurrence subira vraisemblablement un préjudice auquel le Tribunal ne pourra adéquatement remédier,

(ii) soit un compétiteur sera vraisemblablement éliminé ou une personne subira vraisemblablement une réduction importante de sa part de marché, une perte importante de revenu ou des dommages auxquels le Tribunal ne pourra adéquatement remédier.

AUCUN PRÉAVIS NI AUCUNE OBSERVATION (2) Le commissaire peut rendre l’ordonnance sans préavis et sans donner au préalable à qui que ce soit la possibilité de présenter des observations.

AVIS AUX INTÉRESSÉS (3) Le commissaire envoie un avis écrit de l’ordonnance et des motifs de celle-ci, dans les meilleurs délais après son prononcé, aux personnes qui en font l’objet et aux autres personnes directement touchées.

DURÉE DE L’ORDONNANCE (4) Sous réserve des paragraphes (5) et (6), l’ordonnance demeure en vigueur pendant vingt jours.

PROROGATION DE L’ORDONNANCE (5) Le commissaire peut, à deux reprises, proroger l’ordonnance d'une période supplémentaire de trente jours et peut, en tout temps, annuler l’ordonnance. Dans les meilleurs délais, il avise par écrit de la prorogation ou de 1’annulation les personnes qui ont été avisées au titre du paragraphe (3).

DURÉE DE L’ORDONNANCE EN CAS DE CONTESTATION JUDICIAIRE (6) En cas de présentation de la demande visée au paragraphe (7), l’ordonnance demeure en vigueur jusqu’à la date du prononcé de la décision du Tribunal.

MODIFICATION OU ANNULATION DE L’ORDONNANCE (7) Toute personne faisant l’objet de l’ordonnance peut en demander au Tribunal la modification ou l’annulation pendant la période prévue au paragraphe (4). Le Tribunal :

a) confirme l’ordonnance, avec, le cas échéant, les modifications qu’il estime indiquées en l’occurrence, pour une période maximale de soixante jours à compter du prononcé de sa décision, s’il est convaincu qu’une des situations visées à l’alinéa (1)b) s’est produite ou se produira vraisemblablement;

b) annule l'ordonnance s'il n'est pas convaincu qu'une des situations visées à l'alinéa (1)b) s'est produite ou se produira vraisemblablement.

AVIS (8) Le demandeur avise par écrit de la demande les personnes qui ont été avisées au titre du paragraphe (3).

STATUT D'INTIMÉ DU COMMISSAIRE (9) Pour les fins de la demande visée au paragraphe (7), le commissaire est l'intimé.

POSSIBILITÉ DE PRÉSENTER DES OBSERVATIONS (10) Dans le cadre de l'audition de la demande visée au paragraphe (7), le Tribunal accorde au demandeur, au commissaire et aux personnes directement touchées toute possibilité de présenter des éléments de preuve et des observations sur l'ordonnance attaquée avant de rendre sa décision.

INTERDICTION DE RECOURS EXTRAORDINAIRE (11) Sous réserve du paragraphe (7) :

a) l'ordonnance ne peut faire l'objet d'aucune contestation ou révision judiciaire; b) l'action du commissaire - dans la mesure elle s'exerce dans le cadre du présent article - ne peut être contestée, révisée, empêchée ou limitée, ni faire l'objet d'aucun recours judiciaire, notamment par voie d'injonction, de certiorari, de mandamus, de prohibition, de quo warranto ou de jugement déclaratoire.

EXERCICE DES ATTRIBUTIONS NON TOUCHÉ PAR L'ORDONNANCE (12) Le prononcé de l'ordonnance par le commissaire ne porte aucunement atteinte à l'exercice par celui-ci des attributions que lui confère la présente loi, notamment le pouvoir de mener des enquêtes et de présenter des demandes devant le Tribunal à l'égard des agissements qui font l'objet de l'ordonnance.

ENREGISTREMENT DE L'ORDONNANCE (13) Le commissaire dépose chaque ordonnance auprès du greffe du Tribunal. Une fois enregistrée, l'ordonnance a la même valeur et produit les mêmes effets que si elle avait été rendue par le Tribunal.

OBLIGATIONS DU COMMISSAIRE (14) Lorsqu'une ordonnance provisoire a force d'application, le commissaire doit, avec toute la diligence possible, mener à terme l'enquête à l'égard des agissements qui font l'objet de l'ordonnance.

IMMUNITÉ JUDICIAIRE (15) Sa Majesté du chef du Canada, le ministre, le commissaire, les sous-commissaires, les personnes appartenant à l’administration publique fédérale, de même que les personnes agissant sous les ordres du commissaire, bénéficient de l’immunité judiciaire pour les actes ou omissions accomplis de bonne foi en application du présent article.

[96] ANNEXE C : Ordonnance initiale et l’ordonnance prorogée TRADUCTION La version anglaise est la seule version officielle. DANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34 ET DANS L’AFFAIRE d’une enquête en vertu de l’alinéa 10(1) de la Loi sur la concurrence concernant les agissements d’Air Canada dans le marché des transports aériens de l’est du canada. ______________________________________________________________________________

ORDONNANCE EN VERTU DE L’ARTICLE 104.1 DE LA LOI SUR LA CONCURRENCE ______________________________________________________________________________

LE COMMISSAIRE a entamé en application du paragraphe 10(1) de la Loi sur la concurrence (la «Loi») une enquête en vue de déterminer si Air Canada s’est livré à des agissements susceptibles d’examen en vertu de l’article 79;

ET LE COMMISSAIRE a vérifié qu’Air Canada exploite un service intérieur au sens du paragraphe 55(1) de la Loi sur les transports au Canada.

ET LE COMMISSAIRE estime qu’en l’absence d’une ordonnance provisoire, CanJet risque d’être éliminé à titre de concurrent sur certains trajets ou de souffrir d’autres dommages auxquels le Tribunal ne peut remédier adéquatement.

ET LE COMMISSAIRE est d’avis qu’Air Canada s’est livré à des agissements qui pourraient constituer des agissements anticoncurrentiels, en réduisant ses tarifs pour cibler CanJet sur les trajets entre les villes suivantes : . Halifax Ottawa; . Halifax Montréal; . Halifax Saint John’s; . Toronto Windsor; . Ottawa Windsor; ET AYANT LA CONVICTION que les exigences du paragraphe 104.1(1) ont été remplies, le commissaire ordonne par les présentes qu’il est interdit à Air Canada d’offrir ou de vendre directement ou indirectement des tarifs des tarifs L14EASTS ou des tarifs semblables sur les trajets mentionnés ci-dessus. L’ordonnance est valide pour 20 jours à partir de la date suivante : Fait à Hull, dans la province de Québec. ce 12 ième jour d’octobre 2000 ___________________________________ Commissaire de la concurrence

TRADUCTION La version anglaise est la seule version officielle.

DANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34 ET DANS L’AFFAIRE d’une enquête en vertu de l’alinéa 10(1) de la Loi sur la concurrence concernant les agissements d’Air Canada dans le marché des transports aériens de l’est du canada. ______________________________________________________________________________ PROROGATION D’UNE ORDONNANCE TEMPORAIRE EMISE EN VERTU DE L’ARTICLE 104.1 DE LA LOI SUR LA COMCURRENCE ______________________________________________________________________________ LE COMMISSAIRE ayant émis une ordonnance le 12 octobre 2000 en vertu de l’article 104.1 de la Loi sur la concurrence (la «Loi») LE COMMISSAIRE ordonne par les présentes que l’ordonnance émise le 12 octobre 2000 soit prorogée pour les trajets suivant : . Halifax Ottawa; . Halifax Montréal; . Halifax Saint John’s; LE COMMISSAIRE ordonne par les présentes qu’il est interdit à Air canada d’offrir ou de vendre directement ou indirectement des tarifs L14EASTS ou des tarifs semblables sur les trajets ci-dessus. L’ordonnance est valide pour 30 jours à partir du 1 er novembre 2000. Fait à Hull, dans la province de Québec. ce 31 ième jour d’octobre 2000 ________________________________ Commissaire de la concurrence

PERSONNES AYANT COMPARU Pour la demanderesse : Air Canada Katherine L. Kay Eliot N. Kolers Lawson A.W. Hunter, c.r.

Pour le défendeur : Le commissaire de la concurrence Brian J. Saunders Donald J. Rennie Donna Blois

Pour la partie intéressée : I.M.P. Group Limited (CanJet Airlines) Neil Finkelstein Brian N. Radnoff Mark Katz

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