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Competition Tribunal

Tribunal de la concurrence

 

CT - 98/2 – doc no 65

No. Document du greffe : 243

 

 

AFFAIRE CONCERNANT la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34 et des Règles de Tribunal de la concurrence, DORS/94-290, dans leur version modifiée;

 

ET AFFAIRE CONCERNANT une enquête fondée sur l’alinéa 10(1)b) de la Loi sur la

concurrence concernant l’acquisition projetée d’ICG Propane Inc par Superior Propane Inc;

 

ET AFFAIRE CONCERNANT une demande présentée par le commissaire de la concurrence fondée sur l’article 92 de la Loi sur la concurrence.

 

E N T R E :

 

 

Le commissaire de la concurrence

 

Demandeur

- et -
Superior Propane Inc,

Petro-Canada,

la Chancellor Holdings Corporation et ICG Propane Inc

 

 

Défenderesses

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE CONCERNANT LA REQUÊTE DU COMMISSAIRE EXAMINÉE LORS DE LA CONFÉRENCE PRÉPARATOIRE À L’AUDIENCE DU 25 MAI 1999 : QUESTIONS SUR LA SURVEILLANCE D’ICG, QUESTIONS DE CONFIDENTIALITÉ, LE NIVEAU CONFIDENTIEL DU DISQUE ZIP ET L’INTERROGATOIRE D’ANDREW CARROLL


Dates de la conférence préparatoire à laudience :

 

Les 25 et 26 mai 1999

 

 

Membre judiciaire présidant l’audience :

 

M. le juge McKeown

 

 

Avocats pour le demandeur :

 

Le commissaire de la concurrence

 

William J. Miller Jo’Anne Strekaf Jennifer Quaid

 

Avocats pour les demanderesses :

 

Superior Propane Inc ICG Propane Inc

 

Neil Finkelstein Melanie Aitken Russell Cohen David Stevens

 

Petro-Canada

La Chancellor Holdings Corporation

 

Randal T. Hughes


 

TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE CONCERNANT LA REQUÊTE DU COMMISSAIRE EXAMINÉE LORS DE LA CONFÉRENCE PRÉPARATOIRE À L’AUDIENCE DU 25 MAI 1999 : QUESTIONS SUR LA SURVEILLANCE D’ICG, QUESTIONS DE CONFIDENTIALITÉ, LE NIVEAU CONFIDENTIEL DU DISQUE ZIP ET L’INTERROGATOIRE D’ANDREW CARROLL

 

 

 

Le commissaire de la concurrence c

Superior Propane Inc et al

 

 

 

Ces questions ont fait l’objet d’un débat lors de la conférence préparatoire à l’audience qui a eu lieu les 25 et 26 mai 1999, à la suite de laquelle une ordonnance a été rendue le 27 mai 1999. Les lignes qui suivent donnent les motifs de cette ordonnance.

 

 

Le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») sollicite une ordonnance prévoyant que :

 

 

 

  • a) la personne chargée de surveiller ICG Propane Inc (« ICG »), Kristine Robidoux, soit remplacée par un professionnel indépendant;

 

 

  • b) le Tribunal fournisse des directives aux parties concernant la nature des documents et des renseignements confidentiels qui doivent être désignés comme étant de niveau A ou de niveau B en vertu de l’ordonnance provisoire de confidentialité prononcée le 9 avril 1999, et enjoignant à Superior Propane Inc (« Superior ») et ICG de revoir le niveau de confidentialité de leurs documents et de les désigner comme étant de niveau de confidentialité A ou B, conformément aux directives du Tribunal;

 

  • c) les documents renfermant un mélange de renseignements commerciaux confidentiels appartenant à Superior et à ICG, comme le disque Zip, soient désignés comme étant des documents confidentiels de niveau A, conformément à l’ordonnance provisoire de confidentialité;

 

 

  • d) Andrew Carroll, un des représentants de Superior, soit convoqué à un interrogatoire préalable.

 

 

 

 

I. QUESTIONS SUR LA SURVEILLANCE D’ICG

 

Le Tribunal a examiné les arguments écrits qui ont été déposés par les avocats du commissaire et par les avocats de Superior et d’ICG au sujet la requête proposant de remplacer la surveillante d’ICG actuelle par un professionnel indépendant.

 

 

Le Tribunal est d’avis que la surveillante doit être remplacée par un professionnel indépendant. Les parties n’arrivent pas à s’entendre sur la portée des conditions de l’ordonnance provisoire par consentement. Le Tribunal ne veut pas se retrouver dans une situation où il doit fréquemment examiner les activités de la personne surveillante. Les parties doivent admettre qu’elles ne peuvent se fier qu’à un surveillant indépendant. Peu importe si une allégation d’inconduite est portée à l’endroit d’un surveillant par rapport au respect de l’ordonnance provisoire par consentement ou non, lorsque le rôle de surveillant des avocats d’une société participant à une fusion est contesté, une entité indépendante doit être choisie pour surveiller la société acquise. À la lumière des faits présentés par les avocats, je ne peux que conclure qu’il s’agissait là d’une audacieuse expérience s’étant soldée par un échec. Je donne mon appui au processus dont ont convenus les avocats du commissaire et les avocats de Superior et d’ICG visant à remplacer la personne chargée de surveiller ICG.

Par conséquent, le commissaire doit rédiger une liste de deux ou trois personnes répondant aux critères énoncés ci-dessous, au plus tard le 28 mai 1999. Les parties devront répondre à cette liste au plus tard le mercredi 2 juin 1999. Les critères auxquels une personne doit satisfaire pour être inscrite sur cette liste sont les suivants : la personne doit être comptable principale, assistée ou non selon sa propre discrétion; elle doit appartenir à un grand cabinet comptable qui n’est pas actuellement engagé par le commissaire ou les défenderesses; le commissaire doit assumer tous les dépens qui s’y rattachent et la personne doit être approuvée par les parties de la manière décrite, faute de quoi la personne sera choisie par le Tribunal de la concurrence. De plus, la personne surveillante devra accéder aux demandes de renseignement raisonnables et pertinentes avancées par les parties et rendre ces renseignements conformément aux règles de confidentialité établies. Enfin, sur préavis raisonnable, la personne surveillante devra participer à une réunion mensuelle avec toutes les parties.

 

 

Ensuite, en ce qui concerne la question de savoir si les renseignements produits par la personne surveillante doivent être remis sous réserve de l’instance, les avocats du commissaire plaident que tous les renseignements fournis par la personne surveillante ou obtenus dans le cadre de la surveillance devraient être déposés au dossier et qu’ils devraient être considérés comme renseignements sur lesquels le commissaire et les défenderesses peuvent s’appuyer. Les avocats soutiennent également que la personne surveillante peut refuser de fournir les renseignements demandés si elle juge que le commissaire demande des questions illégitimes, afin de s’assurer que le processus de surveillance ne soit pas utilisé pour mener une enquête à l’aveuglette. Enfin, les avocats plaident qu’il n’y a aucun fondement raisonnable pour suggérer que les renseignements fournis par la personne surveillante devraient être remis sous réserve de l’instance.

 

Les avocats de Superior et d’ICG répondent qu’il n’appartient pas à la personne surveillante de déterminer quels renseignements sont pertinents dans le cadre d’une instance et que cette personne n’a pas l’expertise nécessaire. De plus, les avocats de Superior et d’ICG soutiennent que bien que le commissaire ait droit, en vertu du paragraphe 28d) de l’ordonnance provisoire par consentement, de recevoir à l’occasion un rapport écrit de la part de la personne surveillante, l’ordonnance provisoire par consentement ne renferme aucune autre disposition établissant d’obligations de la part de la personne surveillante envers le commissaire. Elle n’est pas non plus tenue de produire des documents destinés à être utilisés par le commissaire ou à l’informer.

 

 

À mon avis, les renseignements obtenus par les parties de la part de la personne surveillante doivent être communiqués sous réserve de l’instance, à moins que n’en conviennent autrement les parties pour les cas où les renseignements en question sont obtenus sans réserve quant à l’exécution de l’ordonnance provisoire par consentement.

 

 

Le Tribunal reconnaît que les fonctions de la personne surveillante devraient se limiter à la surveillance d’ICG en vue de veiller à ce qu’elle demeure une entreprise indépendante, viable et concurrentielle jusqu’à la décision définitive de la demande. Les renseignements obtenus dans le cadre du processus de surveillance ne doivent pas être des renseignements pertinents au litige. Pour cette raison, ils ne devraient pas être utilisés dans le cadre d’une instance, sous réserve des règles des communications préalables. Si une partie souhaite que des renseignements ayant été obtenus dans le cadre du processus de surveillance soient ajoutés au dossier aux fins du litige, elle peut demander à l’autre partie de produire un affidavit de documents plus complet, ou procéder autrement d’une manière qui lui semble appropriée.

 

II QUESTIONS SUR LA CONFIDENTIALITÉ

 

 

 

Le 9 avril 1999, le Tribunal a rendu une ordonnance provisoire de confidentialité (« l’ordonnance de confidentialité »). En vertu de cette ordonnance, tous les documents pour lesquels les parties ont revendiqué la confidentialité sont classés au niveau confidentiel A ou au niveau confidentiel B. Les documents de niveau confidentiel A peuvent être communiqués aux avocats et aux experts indépendants, alors que les documents de niveau confidentiel B peuvent être communiqués aux avocats, aux experts indépendants et aux deux représentants désignés de chaque partie.

 

 

Le Tribunal est d’avis que les défenderesses Superior et ICG doivent revoir le niveau de confidentialité des documents pour lesquels elles sollicitent la classification au niveau de confidentialité B. Tous les documents visés par les trois catégories décrites dans l’ordonnance du 26 mai 1999 devraient être désignés comme étant des documents de niveau confidentiel A (restreignant la communication de ceux-ci aux avocats et aux experts de Superior). Ces trois catégories sont :

 

 

  • a) Les informations délicates sur le plan commercial qui auraient une incidence importante sur la prise de décisions concurrentielle des gestionnaires des opérations et des employés de Superior. Les informations délicates sur le plan commercial comprennent, entre autres, les renseignements concernant des clients en particulier, les prix, les rabais, les remboursements, les avantages offerts aux clients, les stratégies de marketing, les plans stratégiques d’entreprise ou tout autre renseignement qui pourrait avoir une incidence importante sur la prise de décisions concurrentielle de Superior;

  • b) le type de renseignements désigné par Petro-Canada comme étant de niveau confidentiel A, qui comprend entre autres les présentations faites devant le Conseil d’administration de Petro-Canada sur l’état de l’appel public à l’épargne d’ICG dans le cadre du « projet Wizard », les documents renfermant les volumes de vente et les budgets, les offres pour des éléments d’actif de ICG présentées par des parties autres que Superior, les renseignements sur l’approvisionnement, les perspectives de marché, les renseignements sur la distribution et les dépens des trois dernières années; et


 

 

  • c) les informations financières propres à une succursale en lien avec les marges, les

revenus et la rentabilité.

 

 

 

En prenant cette décision, j’ai tenté de soupeser des facteurs tels que : la portée des revendications de confidentialité légitimes fondées sur la nature délicate sur le plan commercial des documents en question, qui auraient une incidence importante sur la prise de décisions concurrentielle des gestionnaires des opérations et des employés de Superior, dans la mesure où la demande du commissaire est accueillie; l’intégrité des procédures du Tribunal et l’obligation pour les avocats des défenderesses de consulter leurs clients dans le cadre de la préparation de leur dossier.

 

 

III. LE NIVEAU DE CONFIDENTIALITÉ DU DISQUE ZIP ET L’INTERROGATOIRE D’ANDREW CARROLL

 

 

Les avocats du commissaire plaident qu’il est nécessaire de procéder à l’interrogatoire de M. Carroll, un représentant supplémentaire de Superior, à cette étape, en vue de répondre aux questions concernant le disque Zip, en l’espèce une disquette informatique préparée par Superior renfermant des renseignements sur Superior et ICG. L’interrogatoire servirait aussi à obtenir des réponses concernant les activités de l’équipe de planification des transactions (« l’ÉPT »), particulièrement en ce qui concerne ses analyses des gains en efficience découlant de l’acquisition d’ICG par Superior, ainsi que des réponses concernant les documents produits par M. Carroll ou auxquels il a contribué.

De plus, les avocats prétendent que le disque Zip contient des informations délicates sur le plan commercial concernant à la fois Superior et ICG. Le disque devrait être maintenu au niveau de confidentialité A et ne devrait pas être mis à la disposition de Mark Schweitzer, chef de l’exploitation et président actuel de Superior. Il est donc avancé que puisque M. Carroll a déjà vu le contenu du disque Zip, son interrogatoire ne nécessitera pas la communication des informations délicates à plus de personnes. Enfin, les avocats plaident que M. Carroll est la personne la mieux placée pour répondre aux questions précises et détaillées concernant le calcul des efficiences ainsi que les présomptions et les faits sur lesquels ce calcul est fondé.

 

Les avocats de Superior et d’ICG répondent que les renseignements que renferme le disque Zip ne sont pas de nature délicate sur le plan concurrentiel et que, pour cette raison, il doit être considéré comme document confidentiel de niveau B. Ils répondent également que M. Schweitzer doit avoir le droit de consulter le disque Zip afin d’aider Superior à préparer ses allégations de gains en efficience. De plus, ils prétendent que la requête présentée par le commissaire en vue d’obtenir l’autorisation d’interroger M. Carroll ne devrait pas être accueillie, puisque le commissaire ne répond pas aux critères lui donnant le droit de procéder à l’interrogatoire préalable d’un représentant supplémentaire, étant donné que M. Schweitzer a satisfait à son obligation de l’informer sur les questions en litige dans le cadre de la présente demande. Les avocats prétendent également qu’un lourd fardeau est imposé à une partie qui souhaiterait procéder à l’interrogatoire préalable d’un représentant supplémentaire1.

 

 

1 Voir Northlands Indian Band c Canada (1996), FTR 118, 123 (Proth) à la p 126, citant Richter Gedeon Vegyeszeti Gyar Rtc Merck & Co (1995), 62 CPR (3d) 137 (CAF), à la p 140. Voir également larticle 237 des Règles des Cours fédérales.

La règle qui permet à un demandeur de demander qu’une deuxième personne soit soumise à un interrogatoire préalable ne s’applique que si la première personne ayant été soumise à l’interrogatoire préalable est manifestement insuffisante. Ils soutiennent que le commissaire ne répond pas à ce critère.

 

 

Le Tribunal est d’avis que le disque Zip doit être désigné comme document de niveau confidentiel B, permettant ainsi à M. Schweitzer de consulter les données qu’il contient en vue de s’y reporter pour évaluer ses gains en efficiences. Pour arriver à cette décision, le Tribunal a examiné les conséquences engendrées par l’attribution du niveau de confidentialité A au disque Zip par rapport à la capacité de Superior à préparer son dossier.

 

 

En ce qui a trait à la demande du commissaire en vue d’interroger un représentant de Superior supplémentaire, le Tribunal est d’avis qu’il est encore trop tôt pour ordonner que M. Carroll soit soumis à un interrogatoire préalable. L’objectif de l’interrogatoire préalable oral est de [traduction] « soutirer des admissions et des renseignements pertinents dont la partie adverse a connaissance2. » Dans la situation telle qu’elle est décrite par les avocats du commissaire et les avocats de Superior et d’ICG, le commissaire ne semble pas avoir eu de difficulté à atteindre cet objectif. Le Tribunal estime que M. Schweitzer a répondu aux questions qui lui ont été posées lors de l’interrogatoire préalable, y compris les questions portant sur l’ÉPT et sur le disque Zip, en foi de quoi il s’est aussi engagé à répondre à plus de questions, lorsque nécessaire. Par conséquent, la demande du commissaire en vue d’interroger un représentant de Superior supplémentaire est rejetée.

 

 

2 Voir Directeur des enquêtes et de recherche c Canadian Pacific Ltd (1997), 78 CPR (3d) 242 à la p 245 (Trib conc).

 

 

FAIT à Ottawa, ce 9e jour de juin 1999.

 

SIGNÉ au nom du Tribunal par le membre judiciaire présidant l’audience.

 

 

(s) W.P. McKeown

W.P. McKeown

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