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Tribunal de la Concurrence

Canada Coat of Arms / Armoiries du Canada

Competition Tribunal

 

 

 

CT - 98 / 02 – Doc. # 268

 

 

DANS L’AFFAIRE de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, Ch. C-34, et des Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/94‑290, et leurs modifications;

 

ET DANS L’AFFAIRE d’une enquête en application de l’alinéa 10(1)b) de la

Loi sur la concurrence concernant l’acquisition proposée de Propane ICG Inc. par Supérieur Propane Inc.;

 

ET DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par le directeur des enquêtes et recherches visant une ordonnance provisoire en vertu de l’article 100 de la Loi sur la concurrence.

 

 

ENTRE :

 

 

Le directeur des enquêtes et recherches

 

Competition Tribunal Seal / Sceau du Tribunal de la concurrence demandeur

- et -
Supérieur Propane Inc.

Petro-Canada Inc.

The Chancellor Holdings Corporation

Propane ICG Inc.

 

défenderesses

 

 

 

ORDONNANCE CONCERNANT L’UTILISATION DE RENSEIGNEMENTS PROTÉGÉS

 


Date de l’audience :

 

du 4 au 6 décembre 1998

 

 

En présence de :

 

monsieur le juge Marshall Rothstein

 

 

Avocats pour le demandeur :

 

Le directeur des enquêtes et recherches

 

William J. Miller

Josephine Palumbo

 

 

Avocats pour les défenderesses :

Supérieur Propane Inc.

Neil Finkelstein

Milos Barutciski

Melanie L. Aitken

Russell P. Cohen

 

Petro-Canada Inc.

The Chancellor Holdings Corporation

Propane ICG Inc.

 

Randal T. Hughes


 

TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE

 

ORDONNANCE CONCERNANT L’UTILISATION DE RENSEIGNEMENTS PROTÉGÉS

 

 

 

Le directeur des enquêtes et recherches

c.

Supérieur Propane Inc. et autres

 

 

  • [1]Dans le cadre de la présente procédure fondée sur l’article 100 de la Loi sur la concurrence[1](la « Loi »), le directeur des enquêtes et recherches (le « directeur ») demande au Tribunal de prendre en considération, à titre confidentiel, des notes accumulées au cours de son enquête sur l’acquisition proposée de Propane ICG Inc. (« ICG ») par Supérieur Propane Inc. (« Supérieur »).

 

 

  • [2]Le Tribunal n’a pas vu ces renseignements. Toutefois, ils sont décrits comme des notes relatives à des appels téléphoniques de personnes associées à ICG. Ces personnes sont dites être des « initiés » ayant décrit des événements qui, selon elles, ont eu lieu pendant que la transaction était en instance. Il est affirmé que les renseignements n’ont pas été sollicités. Il est admis que les renseignements ne sont pas fournis sous serment, mais le directeur affirme qu’il s’agit d’une question de poids et non d’admissibilité. Les défenderesses s’opposent à ce que les renseignements soient pris en compte par le Tribunal. Selon elles, ce serait hautement préjudiciable et elles n’ont pas eu l’occasion d’y répondre.

 

 

  • [3]Au début de l’audience, le directeur était prêt à divulguer les renseignements aux avocats des défenderesses, à condition qu’ils s’engagent à ne pas les divulguer à leurs clients. Les avocats des défenderesses ont refusé de recevoir les renseignements de cette façon. Ils ont affirmé qu’ils devraient en discuter avec leurs clients afin de pouvoir préparer des réponses. Plus tard, au cours de l’audience, le directeur s’est par ailleurs montré disposé à permettre que le contenu des renseignements soit divulgué aux défenderesses, à l’exception des noms ou d’autres détails qui révéleraient l’identité des informateurs.

 

 

  • [4]Les renseignements en cause porteraient sur deux aspects fondamentaux d’une décision en vertu de l’article 100, qui consiste premièrement à déterminer si le fusionnement proposé aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence; et, deuxièmement, s’il est probable que soit prise une mesure qui aurait pour effet de réduire sensiblement l’aptitude du Tribunal à remédier à l’influence du fusionnement proposé sur la concurrence en vertu de l’article 92 parce que cette mesure serait difficile à contrer. Si tel est le cas, il ne fait aucun doute que les renseignements sont pertinents.

 

 

  • [5]Le motif pour lequel l’identité des personnes qui ont fourni les renseignements au directeur ne peut être révélée est l’existence du privilège d’intérêt public. Il est bien établi qu’il y va de l’intérêt public de protéger les sources des renseignements fournis au directeur au cours de ses enquêtes[2]. Au stade de l’enquête, la pratique établie veut que le directeur fournisse aux défenderesses des résumés des renseignements qu’il a obtenus. Comme l’a déclaré le juge McKeown dans l’affaire Directeur des enquêtes et recherches c Canadien Pacifique Limitée et les autres, l’objectif visé par les résumés consiste à divulguer aux défenderesses les faits portés à la connaissance du directeur, en permettant ainsi aux défenderesses de préparer leur dossier[3]. Aux fins de la préparation, les défenderesses n’ont pas à évaluer le poids ou l’importance des points de vue ou des opinions reçus par le directeur. Toutefois, le juge McKeown déclare ce qui suit :

 

 

 

 

Si, lors de l’audition de la demande, le directeur choisit de s’appuyer sur une opinion ou un point de vue mentionné dans le résumé, il aura renoncé au privilège dont il bénéficie à l’égard du renseignement et il aura révélé aux défenderesses, en temps opportun, l’identité de l’auteur de l’affirmation[4].

 

 

  • [6]Bien qu’il ne s’agisse pas d’une audience sur le fond, il s’agit d’une audience convoquée à la demande du directeur pour obtenir une mesure de redressement provisoire urgente avant que soit déposée une demande en vertu de l’article 92. Le directeur n’est toujours pas prêt à divulguer l’identité des sources des renseignements sur lesquels il s’appuie pour persuader le Tribunal d’accorder l’ordonnance qu’il demande en vertu de l’article 100. Cette position est incompatible avec les remarques incidentes du juge McKeown dans l’affaire Canadien Pacifique et celles du juge Reed dans l’affaire Southam[5]. En effet, le poids et l’importance des renseignements fournis par les informateurs sont cruciaux dans l’évaluation que doit effectuer le Tribunal, et cela concerne l’identité et la fiabilité des sources des renseignements. Bien qu’il soit possible de traiter les renseignements de manière confidentielle, si les renseignements doivent être pris en compte et utilisés par le Tribunal, le privilège sera levé.

 

 

  • [7]Il y a un autre élément. La présente audience a été convoquée à court préavis. Les défenderesses ont reçu un préavis formel de deux jours. Bien qu’elles aient reçu les renseignements en cause, ceux-ci ont été transmis aux avocats dans des enveloppes scellées, qui ne devaient pas être ouvertes avant les procédures devant le Tribunal, le 4 décembre 1998. Cette condition a empêché les avocats des défenderesses de traiter les renseignements avant aujourd’hui. Une décision sur cette question doit être prise avant minuit, le dimanche 6 décembre 1998. En pratique, même si le Tribunal devait ordonner la divulgation complète des renseignements aux avocats des défenderesses, avec la pleine possibilité d’en discuter avec leurs clients, ce que le Tribunal ne ferait pas sans le consentement du directeur, les défenderesses n’ont pas le temps de préparer correctement des réponses significatives, de les présenter au Tribunal et de les faire examiner par ce dernier avant qu’une décision ne soit requise.

 

 

  • [8]Si le directeur souhaite s’appuyer sur les renseignements en cause et les faire examiner par le Tribunal, la règle générale est que cela constitue une renonciation au privilège. En l’espèce, il ne peut pas demander au Tribunal d’examiner les renseignements, et en refuser aux défenderesses la divulgation d’une partie en invoquant le privilège.

 

 

  • [9]POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ORDONNE QUE l’objection des défenderesses soit maintenue, et que le Tribunal ne reçoive pas ces renseignements aux fins de décision sur la présente demande fondée sur l’article 100.

 

 

FAIT à Ottawa, ce 4e jour de décembre 1998.

 

 

SIGNÉ au nom du Tribunal par le membre judiciaire présidant.

 

 

 

 

(s) Marshall Rothstein

Marshall Rothstein

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer



[1] L.R.C. 1985, ch. C-34.

[2]

[3] (1997), 78 C.P.R. (3d) 421 à 425, [1997] D.T.C.C. no 42 (QL).

[4] Ibid.

[5] Précitées, notes 2 et 3.

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