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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal CT-1996/002Doc # 150d DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par le directeur des enquêtes et recherches en vue d’obtenir des ordonnances sur le fondement de l’article 92 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34;

ET DANS L’AFFAIRE du fusionnement par lequel CP Containers (Bermuda) Limited a acquis des éléments d’actif détenus par The Cast Group Limited et de l’acquisition par 3041123 Canada Inc. de la totalité des actions de Cast North America Inc. par voie d’ententes intervenues entre la Banque Royale du Canada, The Cast Group Limited, 3041123 Canada Inc., CP Containers (Bermuda) Limited et Canadien Pacifique Limitée.

E N T R E : Le directeur des enquêtes et recherches Demandeur - et - Canadien Pacifique Limitée Canada Maritime Limitée CP Containers (Bermuda) Limited 3041123 Canada Inc. Cast North America Inc. Banque Royale du Canada

Défenderesses - et - Société du port de Montréal Intervenante

MOTIFS DE L’ORDONNANCE CONCERNANT UN REPRÉSENTANT À L’INTERROGATOIRE PRÉALABLE ______________________________________________________________

Date de la conférence préparatoire : le 2 juillet 1997 Membre : M. le juge McKeown (présidant) Avocats pour le demandeur : Le directeur des enquêtes et recherches Robert S. Russell Adam F. Fanaki

Avocats pour les défenderesses : Canadien Pacifique Limitée Canada Maritime Limitée CP Containers (Bermuda) Limited 3041123 Canada Inc. Cast North America Inc.

Neil Finkelstein Mark C. Katz Russell Cohen

Banque Royale du Canada Peter L. Roy Annie M. Finn

Avocat pour l’intervenante : Société du port de Montréal Sébastien Grammond

TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE MOTIFS DE L’ORDONNANCE CONCERNANT UN REPRÉSENTANT À L’INTERROGATOIRE PRÉALABLE __________________________________________________________________

Le directeur des enquêtes et recherches c. Canadien Pacifique Limitée et les autres

Voici quels sont, brièvement, les motifs justifiant le rejet de la requête présentée par le directeur des enquêtes et recherches (le “ directeur “) en vue de l’interrogatoire préalable d’une autre personne que M pour le compte de Canadien Pacifique Limitée et les autres (“ CP “) relativement à certaines questions. Lors de la conférence préparatoire du 2 juillet 1997, le Tribunal a statué que les documents se rapportant à la requête devaient être tenus confidentiels et que la plaidoirie aurait lieu à huis clos.

Le directeur prétend qu’il existe un risque de conflit d’intérêts entre M et CP en ce qui a trait à trois questions au sujet desquelles le directeur souhaite interroger CP. Aux fins des présents motifs, il n’est pas nécessaire d’énoncer ces questions ou de se prononcer sur leur pertinence à l’égard de la demande relative au fusionnement. Le directeur soutient que la participation de M aux événements en cause et certaines conséquences qui découleraient de cette participation font naître le risque que, en répondant aux questions posées sur les sujets, M se prononce à titre personnel plutôt qu’en qualité de représentant de CP. Il insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de remettre en question la crédibilité de M, mais plutôt de déterminer si, en réponse aux questions qu’il posera à ce dernier, il obtiendra la version de CP quant à savoir si elle a ou non ratifié ou autorisé les actes en cause et si elle continuera de prendre des mesures semblables dans le cadre de sa stratégie d’entreprise.

Il convient de signaler que c’est CP qui a choisi M pour la représenter à l’interrogatoire préalable et pour répondre en son nom. Peut-il exister, aux fins de l’interrogatoire préalable, un conflit d’intérêts qui n’est ni dénoncé ni, dans les faits, admis par la personne morale soumise à l’interrogatoire? CP fait valoir que les allégations du directeur à cet égard sont entièrement injustifiées “. Elle ajoute qu’elles sont prématurées. À moins que M ne dise quelque chose que CP nie, il n’y a pas de conflit d’intérêts. Loin d’envisager une telle situation, CP désigne M pour être interrogé en son nom et pour la lier par ses réponses pour ce qui concerne toutes les questions en litige dans cette affaire. 1 Le directeur invoque diverses affaires se rapportant au conflit d’intérêts entre une personne morale et un représentant à l’interrogatoire préalable. Dans tous les cas, la partie procédant à l’interrogatoire avait choisi, de droit, une personne en particulier devant représenter la société à l’interrogatoire 2 et ainsi lier celle-ci par ses réponses, et la personne morale avait demandé le remplacement de cette personne parce qu’elle ne souhaitait pas qu’elle la représente et la lie par ses réponses. Étant donné que le tribunal répugnait à priver la partie procédant à l’interrogatoire de son droit de désigner le représentant de la personne morale qu’elle souhaite interroger, dans chacun des cas, celle-ci devait donner les motifs pour lesquels la substitution s’imposait et établir que la partie procédant à l’interrogatoire n’en subirait aucun préjudice. Il ressort des affaires citées que lorsqu’il existe un risque de conflit d’intérêts entre le représentant initialement désigné et la société qui l’emploie, de telle sorte que celle¬ ci ne devrait pas être représentée par cette personne ni être liée par ses réponses, un autre représentant peut être choisi. Dans un cas, la personne désignée par la partie procédant à l’interrogatoire faisait l’objet d’accusations criminelles découlant de son emploi. Le tribunal a reconnu qu’il aurait été “ embarrassant “, ____________________________

1 Évidemment, CP ne peut arbitrairement choisir parmi les déclarations de M faites à l’interrogatoire préalable celles qu’elle souhaite reprendre à son compte et celles qu’elle souhaite désavouer. 2 Tel est le cas dans un certain nombre de provinces, y compris, si l’on en juge par les affaires citées, le Nouveau- Brunswick et l’Ontario.

pour la société, d’être représentée par cette personne à l’interrogatoire préalable, d’avoir à lui fournir des documents et de collaborer avec elle, d’autant plus que ses dirigeants pouvaient être contraints de témoigner au procès pénal de cette personne. 3 Dans une autre affaire, une société poursuivait une banque afin de récupérer des sommes que celle-ci considérait comme le fruit de la réalisation d’une sûreté donnée par la société 4 . La banque avait choisi le directeur dont la signature était apposée à la sûreté personnelle à titre de représentant de la société à l’interrogatoire préalable. La société a allégué que la sûreté personnelle n’avait pas été autorisée par son conseil d’administration et que ni elle ni son conseil n’avaient le pouvoir de l’accorder. Le tribunal a permis la substitution demandée par la société, même si, de toute évidence, le directeur était la personne la plus directement au courant de la transaction : [TRADUCTION] Il existe en l’espèce un risque manifeste de conflit d’intérêts. Dans ces circonstances, la partie demanderesse [la société], dans l’intérêt de la justice, ne devrait pas être liée par le témoignage, à l’interrogatoire préalable, de la personne avec laquelle ce risque de conflit d’intérêts existe 5 . Dans une troisième affaire, la substitution a été ordonnée à la demande d’une société défenderesse dans le cadre d’une action pour congédiement injustifié 6 . La partie demanderesse souhaitait interroger son supérieur immédiat. Le tribunal a permis à la société de désigner plutôt un gestionnaire plus élevé dans la hiérarchie, car ce dernier était de fait responsable du licenciement et était [TRADUCTION] “ davantage en mesure de bien représenter la société défenderesse 7 . Le supérieur ________________________________ 3 Protter Management Ltd. v. Ontario Housing Corp. (1975), 8 O.R. (2 e ) 445 (H.C.). 4 Exhibition Ass’n of the City and County of Saint John v. Canadian Imperial Bank of Commerce (1987), 21 C.P.C. (2 e ) 88 (B.R.N.-B.). 5 Ibid. à la p. 94. 6 Kowk v. Kitchener-Waterloo Record Ltd. (1985), 2 C.P.C. (2 e ) 250 (C. dist. Ont.). 7 Ibid. à la p. 252.

immédiat avait rédigé une lettre de recommandation à l’intention de la partie demanderesse, après son congédiement, ce pourquoi il avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire prise par la société.

Ces affaires révèlent que, aux fins de l’interrogatoire préalable, il ne semble y avoir un risque de conflit d’intérêts que lorsque la personne morale en cause l’allègue. Bien que je ne veuille pas en exclure la possibilité, il est certainement difficile d’imaginer une situation (et les affaires citées ne sont d’aucune assistance à cet égard) il pourrait y avoir un conflit entre la société et son représentant sans que la société ne le reconnaisse.

Dans la présente affaire, la partie procédant à l’interrogatoire, le directeur, conteste le choix du représentant de la société à l’interrogatoire préalable en ce qui a trait à certaines questions, parce qu’il y aurait un risque de conflit d’intérêts entre la société et le représentant. Par conséquent, le directeur fait valoir que M devrait être écarté d’emblée à titre de représentant de CP à l’interrogatoire préalable pour ce qui a trait à ces questions. La seule question qui se pose en l’espèce est de savoir si M est un représentant approprié de CP aux fins de l’interrogatoire préalable. Il n’est pas tenu de satisfaire à une norme absolue d’objectivité. Comme CP consent à sa désignation pour la représenter à l’interrogatoire préalable, je ne peux conclure qu’il existe un conflit d’intérêts entre CP et M sur la base du scénario potentiel avancé par le directeur. On peut penser que CP est arrivée à la conclusion que M n’a aucun intérêt personnel en jeu ou qu’elle ne voit aucune incompatibilité entre les intérêts personnels de M et ses intérêts à elle. Bien que la loyauté puisse avoir ou non un effet sur M, CP souhaite qu’il la représente et elle accepte que ses réponses la lient. Vu les circonstances, je ne peux conclure, à ce stade, qu’il existe un risque de conflit d’intérêts entre eux.

FAIT à Ottawa, ce 9 e jour de juillet 1997. SIGNÉ au nom du Tribunal par le juge présidant. (s) W.P. McKeown W.P. McKeown

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