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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal CT-1996/002Doc # 165d DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par le directeur des enquêtes et recherches en vue d’obtenir des ordonnances sur le fondement de l’article 92 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34;

ET DANS L’AFFAIRE du fusionnement par lequel CP Containers (Bermuda) Limited a acquis des éléments d’actif détenus par The Cast Group Limited et de l’acquisition par 3041123 Canada Inc. de la totalité des actions de Cast North America Inc. par voie d’ententes intervenues entre la Banque Royale du Canada, The Cast Group Limited, 3041123 Canada Inc., CP Containers (Bermuda) Limited et Canadien Pacifique Limitée.

E N T R E : Le directeur des enquêtes et recherches Demandeur - et - Canadien Pacifique Limitée Canada Maritime Limitée CP Containers (Bermuda) Limited 3041123 Canada Inc. Cast North America Inc. Banque Royale du Canada

Défenderesses - et - Société du port de Montréal Intervenante MOTIFS DE MME LE JUGE SIMPSON, EN DATE DU 8 AOÛT 1997, RELATIVEMENT À LA REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR LES CINQ PREMIÈRES DÉFENDERESSES POUR OBTENIR QUE LE DIRECTEUR DES ENQUÊTES ET RECHERCHES PRODUISE LES TRANSCRIPTIONS DES INTERROGATOIRES TENUS SOUS LE RÉGIME DE L'ARTICLE 11 À L'ÉGARD DESQUELLES IL INVOQUE UN PRIVILÈGE LIÉ À L'INTÉRÊT PUBLIC ______________________________________________________________________

Date de la conférence préparatoire : le 29 juillet 1997 Membre : Madame le juge Sandra Simpson (présidant la conférence) Avocats pour le demandeur : Le directeur des enquêtes et recherches Adam F. Fanaki Benjamin T. Glustein

Avocats pour les défenderesses : Canadien Pacifique Limitée Canada Maritime Limitée CP Containers (Bermuda) Limited 3041123 Canada Inc. Cast North America Inc.

Brenda Hollingsworth Rocco Di Pucchio Russell Cohen

Banque Royale du Canada Annie M. Finn Avocat pour l’intervenante : Société du port de Montréal Pierre Grenier

Le Tribunal a été saisi à deux autres occasions de la demande présentée par Canadien Pacifique Limitée et les autres CP ») visant la production des transcriptions (les « transcriptions ») des interrogatoires de Peter Keller et Joseph Storozuk tenus sous le régime de l'alinéa 11(1)a) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34 (la « Loi »).

La première fois, le juge McKeown a rejeté la demande de CP, dans une ordonnance rendue le 30 janvier 1997, parce que les transcriptions en cause, ainsi qu'une autre transcription se rapportant à Raymond Miles, n'étaient pas nécessaires pour la préparation de la réponse de CP à l'avis de demande (la « demande ») en date du 20 décembre 1996 déposé par le directeur des enquêtes et recherches (le « directeur »). La seconde fois, le juge Noël a également rejeté la demande de CP visant la production des transcriptions, dans les motifs et l'ordonnance du 21 mai 1997, à cause du privilège lié à l'intérêt public invoqué par le directeur.

CP a réitéré sa demande devant moi, affirmant que les circonstances avaient substantiellement changé depuis l'ordonnance du juge Noël. Elle soutient que les changements survenus devraient me faire conclure que le principe d'équité, dictant que CP soit au courant de ce à quoi elle doit répondre, a maintenant pris préséance sur le privilège lié à l'intérêt public. Dans une ordonnance datée du 29 juillet 1997, j'ai rejeté la requête de CP, en mentionnant que j'en rendrais les motifs sous peu. Voici ces motifs.

À titre d'information, le directeur avait fourni à CP, joint à une lettre datée du 9 mai 1997, un résumé global (le « résumé ») des faits évoqués dans les transcriptions. L'avocat du directeur a reconnu que le résumé ne renferme pas de renseignements détaillés sur l’établissement des prix par les concurrents ou sur leur clientèle, pas plus qu'il ne révèle les sources du directeur. Le juge Noël savait que le résumé avait été fourni lorsqu'il a refusé d'ordonner la production des transcriptions le 21 mai 1997.

a) La transcription de l'interrogatoire de M. Keller M. Keller était président et directeur général de Cast avant le fusionnement. Le 6 mars 1995, le directeur a obtenu une ordonnance fondée sur l'alinéa 11(1)a) de la Loi, à la suite de laquelle il a interrogé M. Keller et a fait préparer une transcription de l'interrogatoire.

L'événement qui a suscité cette nouvelle requête est survenu lors de la conférence préparatoire tenue le 19 juin 1997. La transcription de cette conférence révèle, à la page 200, que l'avocat du directeur a dit ce qui suit :

[TRADUCTION] Il est fort probable, selon nous, que M. Keller témoigne devant le Tribunal; ce n'est pas un mystère.

CP soutient que cette déclaration (la « déclaration ») équivaut à une décision définitive de citer M. Keller comme témoin pour le directeur lors de l'audition au fond de la demande, au mois de janvier 1998 (l'« audience »). Toutefois, je ne suis pas disposée à voir une décision définitive dans cette déclaration, pour deux raisons. Premièrement, l'avocat a exprimé une probabilité plutôt qu'une certitude et, deuxièmement, les interrogatoires préalables n'étaient même pas commencés lorsque la déclaration a été faite. Dans ce contexte, je ne suis pas prête à conclure que l'avocat du directeur était en mesure de prendre une décision définitive quant à la citation d'une personne comme témoin.

En l'absence d'une volonté claire de citer M. Keller comme témoin, il ne s'est produit aucun changement de circonstance justifiant que je m'écarte de la décision du juge Noël de ne pas ordonner la production de la transcription de l'interrogatoire de M. Keller.

Cela dit, il semble évident que l'avocat du directeur pourrait bien décider d'appeler M. Keller à témoigner. Une fois cette décision prise, il se pourrait tout à fait que le Tribunal ait à entendre les parties sur d'autres questions avant de statuer sur la production de la transcription de l'interrogatoire de M. Keller. Par exemple, découle-t-il automatiquement du fait que M. Keller soit appelé à témoigner, qu'il faille produire la transcription textuelle complète, ou la question de savoir si la totalité ou des parties de la transcription doivent être produites dépend-elle de la façon dont le directeur sera autorisé par le Tribunal à utiliser la transcription à l'audience?

Ainsi, pour faire en sorte que de telles questions puissent être examinées, le Tribunal ordonnera au directeur de faire connaître aux défenderesses et à l'intervenante, au plus tard le vendredi 31 octobre 1997, sa décision définitive au sujet de la citation comme témoin de M. Keller lors de l’audience. De cette façon, le directeur disposera d'une semaine, après la clôture de la communication préalable, le 24 octobre 1997, pour prendre sa décision. Les défenderesses auront également le temps de préparer les points concernant la production de la transcription de l'interrogatoire de M. Keller à soulever au cours de la conférence préparatoire du 17 novembre 1997, si c'est ce qui leur est conseillé.

CP plaide également qu'elle a besoin de cette transcription pour préparer son représentant à la poursuite de son interrogatoire préalable au mois de septembre 1997. Toutefois, comme cet argument n'a

pas convaincu le juge Noël et comme aucune nouvelle circonstance n'est survenue, il n'y a pas lieu d'y faire droit.

b) La transcription de l'interrogatoire de M. Storozuk M. Storozuk siège au conseil d’administration et est vice-président de l'Agence maritime Morlines qui agit comme mandataire exclusif de BOLT Canada Ligne, transporteur opérant à partir du Port de Montréal et société affiliée de cette dernière. Par conséquent, la société de M. Storozuk est affiliée à l'une des entreprises qui font concurrence à CP.

Au paragraphe 116 de sa demande, le directeur déclare qu'il a : [TRADUCTION] ... obtenu la preuve d'un arrangement intervenu entre certains ou la totalité des membres de la Conférence et BOLT et qui prévoit que les prix exigés par cette dernière seront d'environ 10 p. 100 inférieurs à ceux fixés par la Conférence ...

La Conférence est une association de sociétés de transport maritime non constituée en personne morale (la « Conférence »); une société de CP en est membre. Cast en est également devenu membre depuis le fusionnement. Comme il en a été question plus haut, le directeur soutient que les membres de la Conférence ont conclu un arrangement en matière de prix avec BOLT Canada Ligne (l'« accord »). Cette dernière n'est pas membre de la Conférence. Le directeur allègue en outre que l'accord est toujours en vigueur et a pour effet de restreindre la concurrence post-fusionnement. Il importe de signaler que ni dans la demande ni dans les répliques du directeur il n'est allégué que l'accord est illégal.

CP soutient toutefois, et j'accepte son affirmation, qu'il a été question de comportement criminel lors de l'audition d'une requête antérieure. CP s'autorise de ce fait nouveau pour plaider qu'à moins de savoir ce que M. Storozuk a dit au sujet de l’établissement des prix de la Conférence et de l'accord, CP ne pourra, à l'audience, répondre aux allégations la visant.

Le directeur prétend pour sa part que les allégations de comportement criminel ne tiennent plus et qu'il n'en sera pas question à l'audience. L'avocat de CP a souscrit à cette affirmation. Il a indiqué dans l'argumentation orale qu'il m'a présentée que la seule question pertinente à l'audience sera celle de savoir s'il y a eu ou non accord. Dans ces conditions, je ne suis pas disposée à ordonner la production de la transcription de l'interrogatoire de M. Storozuk parce qu'il est clair qu'aucune allégation de comportement criminel ou illicite ne sera faite à l'audience.

Le deuxième argument de CP, qui a pris le directeur par surprise car il ne figurait pas dans la documentation écrite déposée pour la conférence préparatoire, veut que la décision du directeur de renoncer au privilège lié à l'intérêt public et de produire ce qu'il considère comme des éléments de preuve de l'accord et des documents connexes constitue un changement qui justifie la production de la transcription textuelle de l'interrogatoire de M. Storozuk. CP prétend qu'elle a besoin de cette transcription pour répondre, à l'audience, aux allégations du directeur concernant l'accord. L'avocat de CP explique que CP veut, au moins, obtenir les parties de la transcription M. Storozuk témoigne sur l'établissement des prix par la Conférence et sur l'accord (s'il a témoigné là-dessus). J'apporte cette réserve parce que la preuve n'indique pas clairement qu'il est question de l'accord dans la transcription. M. Peters a déclaré, au cours de son interrogatoire préalable comme représentant du directeur, que les renseignements relatifs à l'état actuel de l'accord ont été recueillis en application de l'article 11. Malheureusement, cette réponse n'indiquait pas clairement s'il s'agissait d'interrogatoires ou de documents. Lorsqu'il a été prié de donner des précisions sur ce point, son avocat a refusé de le laisser répondre à la question.

Il ne fait pas de doute que si le directeur entend citer M. Storozuk comme témoin ou se servir de quelque façon de la transcription de son interrogatoire à l'audience, il faudra statuer sur l'accessibilité de la transcription. D'ici là, le simple fait que le directeur ait renoncé au privilège lié à l'intérêt public visant l'accord en déposant des documents connexes ne fait pas, selon moi, disparaître le privilège protégeant la transcription, quant à ce même accord et aux pratiques d'établissement des prix des membres de la Conférence.

J'ai donc conclu qu'il ne s'était produit aucun changement de circonstance justifiant la production de la transcription de l'interrogatoire de M. Storozuk.

FAIT à Toronto, ce 8 e jour d’août 1997. SIGNÉ au nom du Tribunal par le juge présidant. (s) Sandra J. Simpson Sandra J. Simpson

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