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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal CT-1996/002Doc # 134b DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par le directeur des enquêtes et recherches en vue d’obtenir des ordonnances sur le fondement de l’article 92 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34;

ET DANS L’AFFAIRE du fusionnement par lequel CP Containers (Bermuda) Limited a acquis des éléments d’actif détenus par The Cast Group Limited et de l’acquisition par 3041123 Canada Inc. de la totalité des actions de Cast North America Inc. par voie d’ententes intervenues entre la Banque Royale du Canada, The Cast Group Limited, 3041123 Canada Inc., CP Containers (Bermuda) Limited et Canadien Pacifique Limitée.

E N T R E : Le directeur des enquêtes et recherches Demandeur

- et - Canadien Pacifique Limitée Canada Maritime Limitée CP Containers (Bermuda) Limited 3041123 Canada Inc. Cast North America Inc. Banque Royale du Canada

Défenderesses - et - Société du port de Montréal Intervenante

MOTIFS DE L’ORDONNANCE CONCERNANT L’INTERROGATOIRE PRÉALABLE PAR LE DIRECTEUR ____________________________________________________________

Date de la conférence préparatoire : le 19 juin 1997 Membre : M. le juge McKeown (présidant) Avocats pour le demandeur : Le directeur des enquêtes et recherches Robert S. Russell Adam F. Fanaki

Avocats pour les défenderesses : Canadien Pacifique Limitée Canada Maritime Limitée CP Containers (Bermuda) Limited 3041123 Canada Inc. Cast North America Inc.

Mark C. Katz Rocco Di Pucchio Tim Bermingham

Banque Royale du Canada Peter L. Roy David F. O’Connor

TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE MOTIFS DE L’ORDONNANCE CONCERNANT L’INTERROGATOIRE PRÉALABLE PAR LE DIRECTEUR _______________________________________________________

Le directeur des enquêtes et recherches c. Canadien Pacifique Limitée et les autres

La présente demande concerne un certain nombre de défenderesses, toutes des personnes morales, à savoir Canadien Pacifique Limitée (“CP“) et quatre sociétés liées (“ les défenderesses CP“) ainsi que la Banque Royale du Canada. Lors de la conférence préparatoire du 19 juin 1997, le directeur des enquêtes et recherches (le “directeur“) a présenté des observations au Tribunal concernant son intention de soumettre un certain nombre de représentants des défenderesses CP à un interrogatoire préalable. CP a fait valoir qu'elle était disposée à permettre l'interrogatoire préalable d'une seule personne qui représenterait toutes les défenderesses CP, soit Raymond Miles. Le directeur souhaite interroger, en plus de M. Miles, un représentant de Cast et un représentant de CP qui connaît bien les activités ferroviaires de l'entreprise. Le 20 juin 1997, le Tribunal a rendu une ordonnance selon laquelle le directeur pouvait soumettre M. Miles, représentant les défenderesses CP, à un interrogatoire préalable. L'examen de la partie de l'argumentation du directeur portant sur l'existence possible d'un conflit d'intérêts entre les défenderesses CP et leur représentant choisi a été remis au 2 juillet 1997. La question sera examinée à cette date au regard des domaines dans lesquels on allègue l'existence d'un conflit. Ce qui suit constitue les motifs de l'ordonnance du Tribunal concernant les autres questions soulevées par le directeur.

L'argumentation du directeur porte principalement sur la question de savoir s'il existe un droit à un interrogatoire préalable oral dans le cadre des procédures menées devant le Tribunal. Selon le directeur, l'alinéa 21(2)d) des Règles du Tribunal de la concurrence (“les Règles“), qui permet au

Tribunal de considérer, lors d'une conférence préparatoire, “l'opportunité d'interroger au préalable certaines personnes“, reconnaît implicitement qu'il existe un droit à un interrogatoire préalable oral dans le cadre des procédures menées devant le Tribunal. Étant donné que les Règles ne font référence à l'interrogatoire préalable oral qu'à l'alinéa 21(2)d), le directeur fait valoir que, en raison de l'article 72 des Règles, les règles de la Cour fédérale concernant l'interrogatoire préalable oral devraient s'appliquer aux procédures du Tribunal.

En se fondant sur le paragraphe 456(1) des Règles de la Cour fédérale 1, le directeur soutient qu'il a le droit d'interroger au préalable chaque défenderesse s'opposant à ses intérêts. Suivant le paragraphe 456(2), chaque personne morale soumise à un interrogatoire préalable doit choisir un dirigeant, un directeur ou un employé bien renseigné qui sera interrogé en son nom. Le directeur fait valoir que l'alinéa 21(2)d) des Règles du Tribunal a pour effet de supprimer le droit conféré à une personne morale par le paragraphe 456(2) de choisir son représentant, et de confier au Tribunal le soin de déterminer qui devrait représenter la personne morale défenderesse pour ce qui est de l'interrogatoire préalable. Le directeur est d'avis qu'il a un droit prima facie d'interroger un directeur, un dirigeant ou un employé de chacune des défenderesses, mais que le Tribunal, avec la collaboration des avocats, désigne le représentant approprié de chaque personne morale.

CP fait valoir que l'existence d'un droit à un interrogatoire préalable oral dans le cadre des procédures menées devant le Tribunal n'est pas en cause en l'espèce. Toutes les parties ont convenu de mener des interrogatoires préalables oraux. La question est plutôt de savoir qui fera l'objet de l'interrogatoire. CP conteste l'argument du directeur selon lequel il y a une lacune dans les Règles en ce qui concerne l'interrogatoire préalable oral, et elle soutient plutôt que la possibilité de mener un ______________________________ 1 Une partie n'a le droit d'interroger toute partie adverse au préalable qu'une seule fois sans l'autorisation de la Cour.

interrogatoire préalable oral dans le cadre des procédures menées devant le Tribunal est régie clairement par l'alinéa 21(2)d) des Règles. CP fait valoir que, même si le Tribunal peut vouloir considérer certains principes et pratiques contenus dans les Règles de la Cour fédérale et la jurisprudence connexe, il n'est pas rigoureusement lié par ces règles.

Le Tribunal souscrit à l'opinion de CP selon laquelle il n'est pas nécessaire en l'espèce de trancher la question de savoir s'il existe un droit de mener un interrogatoire préalable oral dans le cadre des procédures devant le Tribunal. Il n'y a aucun différend entre les parties concernant le fait que les interrogatoires préalables oraux devraient être menés.

Que l'alinéa 21(2)d) confère ou non un droit absolu de mener un interrogatoire préalable oral, le Tribunal estime que cette disposition a pour but d'offrir une certaine souplesse en ce qui concerne les règles de procédure régissant l'interrogatoire préalable oral dans un cas particulier en prévoyant une procédure très générale par laquelle la question de l'interrogatoire préalable relève de la gestion de la procédure préparatoire à l’audience de la demande. Les procédures menées devant le Tribunal doivent, en conformité avec la loi, se dérouler aussi rapidement que les circonstances et l'équité le permettent. En conséquence, il importe que le Tribunal dispose de la souplesse nécessaire pour faire en sorte que les interrogatoires préalables oraux soient menés d'une façon qui facilite le règlement des affaires qui lui sont présentées. Pour établir les principes et les procédures qui régiront les interrogatoires préalables menés oralement dans une affaire donnée, le Tribunal s'inspirera cependant des principes applicables dans d'autres administrations et de l'expérience d'autres tribunaux.

Le Tribunal ne partage pas l'avis du directeur selon lequel ce dernier à un droit prima facie d'interroger au préalable un représentant de chacune des défenderesses. Le Tribunal permettra plutôt au directeur de mener les interrogatoires préalables qui sont nécessaires pour atteindre les objectifs visés par la procédure de l'interrogatoire préalable oral, c’est-à-dire obtenir des aveux et des renseignements

pertinents de la partie adverse. Le Tribunal n'est évidemment pas placé pour désigner les personnes appropriées et, en cas de différend, il se fiera aux observations des avocats pour désigner les représentants des parties qui pourraient être interrogés au préalable avec efficacité ainsi que le nombre de ces représentants. Par conséquent, la question qui doit être tranchée par le Tribunal consiste à savoir si la personne désignée par CP est un représentant approprié pour ce qui est de l'interrogatoire préalable par le directeur ou si l'interrogatoire préalable d'une personne différente, ou d'autres personnes, ne permettrait pas mieux d'atteindre les objectifs de l'interrogatoire préalable oral.

CP propose M. Miles. Ce dernier est le président de CP Ships Holdings Inc. (“CP Ships“), une filiale de Canadien Pacifique Limitée. M. Miles supervise les activités de transport par conteneurs de CP, notamment les entreprises Canada Maritime et Cast et les terminaux. Les chefs de la direction de Canada Maritime, de Cast et des terminaux relèvent de M. Miles.

Le directeur déclare que, en plus de M. Miles, il souhaite interroger un représentant de Cast et un représentant de CP qui connaît bien les activités ferroviaires de CP, à savoir Robert Ritchie, le président et chef de la direction de CP Rail. Le directeur soutient que M. Miles n'est pas la personne appropriée pour fournir des renseignements concernant les activités de Cast. Il souhaite interroger une personne qui connaît à fond les activités de cette entreprise.

Le directeur fait valoir que l'information relative à l'intégration verticale de Cast et de Canada Maritime avec CP Rail est pertinente au regard de la présente demande et que, dans le cadre d'un interrogatoire effectué en vertu de l'article 11, M. Miles a démontré qu'il n'était pas en mesure de fournir des renseignements pertinents au sujet des activités de CP Rail. Le directeur prétend que M. Ritchie est la personne la mieux placée pour fournir les renseignements qu'il veut avoir. De plus, il fait valoir qu'il ressort de l'interrogatoire effectué en vertu de l'article 11 que M. Miles et M. Ritchie ont des “opinions divergentes“, notamment sur la question de savoir si Cast était en déconfiture avant l'acquisition.

Il est prématuré, à ce stade-ci, que le Tribunal conclut que M. Miles ne représentera pas adéquatement les défenderesses CP. En outre, l'avocat de CP a établi clairement que, dans la mesureM. Miles ne posséderait pas toute l'information que le directeur pourrait lui demander à juste titre au cours de l'interrogatoire préalable, il se renseignera. M. Miles aura évidemment l'obligation de s'assurer qu'il possède bien l'information pertinente concernant chacune des défenderesses CP avant d'être soumis à l'interrogatoire préalable. L'avocat de CP a également reconnu que les réponses données par M. Miles pendant son interrogatoire préalable lieraient toutes les défenderesses CP.

En l'espèce, le directeur n'a pas réussi à convaincre le Tribunal que les fins visées par l'interrogatoire préalable ne seront pas atteintes si seul M. Miles est soumis à un tel interrogatoire. J'accepte la thèse et les éléments de preuve de CP selon lesquels M. Miles a une connaissance directe et étendue des questions soulevées dans le cadre de la présente procédure. Le poste occupé par M. Miles lui permet d'avoir accès à des renseignements concernant les activités de Cast et de Canada Maritime. M. Miles a joué un rôle important dans l'acquisition de Cast. Il est impliqué dans l'intégration de Cast, Canada Maritime et CP Rail et en connaît bien les détails en ce qui a trait aux activités de transport par conteneurs de CP, ce qui fait précisément l'objet de la présente demande. Dans la mesureles opinions de M. Miles et de M. Ritchie sont divergentes sur une question, la pertinence de leurs opinions respectives reste imprécise à ce moment, les interrogatoires préalables ayant pour but d'obtenir des faits, non des opinions.

Si, une fois terminé l'interrogatoire préalable de M. Miles, le directeur estime que ce dernier n'a pas été en mesure de fournir les renseignements ou de faire les aveux qui devraient être fournis ou faits lors de l'interrogatoire préalable, il pourra demander au Tribunal de rendre une ordonnance l'autorisant à effectuer d'autres interrogatoires préalables.

FAIT à Ottawa ce 23 e jour de juin 1997. SIGNÉ au nom du Tribunal par le juge présidant. (s) W.P. McKeown W.P. McKeown

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