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Competition Tribunal Tribunal de la concurrence o CT - 1989 / 003 Doc n 463 No. Document du greffe : 474

AFFAIRE CONCERNANT une demande présentée par le directeur des enquêtes et recherches en vertu des articles 92 et 105 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, dans sa version modifiée;

ET AFFAIRE CONCERNANT l’acquisition par Imperial Oil Limited des actions de Texaco Canada Inc

ENTRE : Le directeur des enquêtes et recherches Demandeur et Imperial Oil Limited Défenderesse et Procureur général du Québec Beacon Hill Service (2000) Ltd Atlantic Refining and Marketing Employees Association et Atlantic Oil Workers Union, section locale 1 Association des consommateurs du Canada Pioneer Petroleums Claude Harnois Inc Barron Hunter Hargrave Strategic Resources Inc Procureur général de Terre-Neuve-et-Labrador Pétroles Ronoco Inc La Ville de Victoria Lyn-Den Distributors Banff Bulk Fuels Ltd Texaco Retail Council, région métropolitaine de Halifax-Dartmouth

Cook’s Oil Company Limited Intervenants MOTIFS DE DÉCISION CONCERNANT ENGAGNEMENTS

Date de l’audience : Le 4 novembre 1994

Membre judiciaire présidant l’audience : Monsieur le juge Marshall E. Rothstein Avocats du demandeur : Le directeur des enquêtes et recherches Michael F. Donovan David Wolinsky François-Bernard Côté, c r

Avocat de la défenderesse : Imperial Oil Limited Robert J. Patton

Avocats pour l’intervenante : Atlantic Oil Workers Union, section locale 1 Ronald A. Pink, c r David J. Roberts

LA COMPÉTENCE SUR LES

TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE MOTIFS DE DÉCISION CONCERNANT LA COMPÉTENCE SUR LES ENGAGEMENTS

Le directeur des enquêtes et recherches c Imperial Oil Limited

La présente requête est présentée par l’Atlantic Oil Workers Union, section locale 1 (le « syndicat »). Essentiellement, la requête demande que le Tribunal agisse afin d’empêcher la fermeture, ou d’exiger la vente, de la raffinerie d’Eastern Passage à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. À l’heure actuelle, la raffinerie est détenue par Ultramar Canada Inc Ultramar »), qui est actuellement en voie de la fermer.

Dans le cadre d’une ordonnance par consentement de 1990 rendue par le Tribunal à l’égard de l’achat de Texaco Canada Inc Texaco ») par Imperial Oil Limited Imperial »), le directeur des enquêtes et recherches (le « directeur ») et Imperial ont convenu et le Tribunal a ordonné qu’Imperial se départisse de certains éléments d’actif de Texaco dans la région de l’Atlantique, dont la raffinerie 1 d’Eastern Passage . L’ordonnance par consentement disposait que le directeur ait le pouvoir d’approuver un achat de la raffinerie conformément à certaines considérations établies dans l’ordonnance. En approuvant l’achat de la raffinerie par Ultramar, le directeur a obtenu des engagements de la part d’Ultramar qui, entre autres choses, disposaient qu’Ultramar exploiterait la raffinerie pendant une période minimale de sept ans, sous réserve d’un « changement négatif important ». Aujourd’hui, après quatre ans seulement, Ultramar propose de fermer la raffinerie. Le syndicat affirme que la fermeture à ce moment n’est pas conforme aux engagements pris par Ultramar et demande que le Tribunal veille à ce qu’Ultramar continue d’exploiter la raffinerie pendant toute la durée de la période de sept ans ou qu’Ultramar vende la raffinerie à un autre acheteur qui continuera de l’exploiter.

Le syndicat et le directeur ont convenu qu’une question préliminaire concernait la compétence du Tribunal de trancher l’affaire. Entre autres mesures correctives demandées, le syndicat demande au Tribunal de se déclarer compétent sur les « questions soulevées par la fermeture de la raffinerie d’Eastern Passage et le respect des engagements [d’Ultramar] pris à l’égard du directeur des enquêtes et recherches » [TRADUCTION]. Il s’agissait de la seule question relative à la compétence qui a été débattue devant moi le 4 novembre 1994 et, à la conclusion de l’argument

1 Définie dans l’ordonnance par consentement comme « la raffinerie de Texaco à Dartmouth et le terminal maritime de Dartmouth » : infra, note 2 à 6.

des avocats du syndicat, j’ai tranché à l’audience que le Tribunal n’avait pas compétence pour entendre et trancher le fond de la requête. Voici les motifs de ma décision.

Contexte Pour situer l’affaire dans son contexte, certains renseignements liés au contexte sont nécessaires. Le 6 février 1990, le Tribunal a rendu l’ordonnance par 2 consentement dans l’affaire de l’acquisition de Texaco par Imperial . L’objet de l’ordonnance est, comme il est indiqué au paragraphe 1, de veiller à ce que l’achat de Texaco par Imperial « n’empêche ni ne diminue sensiblement la concurrence, ou n’ait vraisemblablement pas cet effet, dans le secteur aval de l’industrie pétrolière canadienne ».

Le directeur a approuvé l’achat par Ultramar des anciens éléments d’actif de Texaco dans la région de l’Atlantique à l’automne 1990. Au moyen d’une lettre datée du 24 septembre 1990, Ultramar s’est engagée auprès du directeur à respecter les points suivants en ce qui concerne la raffinerie d’Eastern Passage :

Ultramar a l’intention de continuer à exploiter la raffinerie d’Eastern Passage de Dartmouth. Plus particulièrement :

A. La raffinerie sera maintenue en exploitation pendant une période minimale de sept ans à compter de la date de clôture de l’achat des éléments d’actif de Texaco au Canada, sous réserve d’un changement négatif important.

Si un changement négatif important se produit au cours de cette période de sept ans, Ultramar fournira un préavis minimal de 90 jours au directeur avant de prendre toute mesure ayant une incidence négative sur la poursuite des activités de la raffinerie.

B. Ci-joint, à l’annexe « C » des présents engagements, on trouvera une liste du programme d’investissement proposé pour la raffinerie de Dartmouth, qu’Ultramar respectera conformément aux présentes.

[TRADUCTION] Dans le même document, Ultramar a convenu que ses engagements pourraient, à la suite d’une demande du directeur, faire partie d’une ordonnance par consentement 3 du Tribunal de la concurrence en vertu de l’article 105 de la Loi sur la concurrence . Au moyen d’une lettre datée du 25 octobre 1993, Ultramar a présenté d’autres engagements au directeur concernant son acquisition des éléments d’actif de Texaco dans l’Atlantique. Ces engagements ultérieurs précisaient ce qui suit :

Au cas Ultramar Canada Inc, comme l’exigent les engagements datés du 24 septembre 1990, fournirait un préavis au directeur concernant toute mesure

2 Directeur des enquêtes et recherches c Imperial Oil Ltd (6 février 1990), CT8903/397, ordonnance par consentement, [1990] DTCC n o 3 (QL). 3 LRC 1985, c. C -34.

qui aura une incidence négative sur l’exploitation de la raffinerie, plus particulièrement informant le directeur de son intention de cesser l’exploitation de la raffinerie avant l’expiration de la période de sept ans prévue dans les engagements du 24 septembre 1990, Ultramar, après avoir examiné cette question avec le directeur, fournira au directeur des éléments de preuve à savoir s’il existe un intérêt continu raisonnable et légitime de la part d’une partie viable à l’égard du maintien de la raffinerie en tant qu’entreprise exploitée activement au Canada. Cela suffira à satisfaire au présent engagement si Ultramar établit, à la satisfaction du directeur, qu’elle a mis en marché publiquement la raffinerie, sans restriction déraisonnable quant au prix et qu’il n’y a pas d’expression d’intérêt légitime d’acheter la raffinerie et de poursuivre son exploitation.

[TRADUCTION] Le 10 mai 1994, Ultramar a informé le directeur qu’elle avait l’intention de prendre une mesure « négative », comme il est indiqué dans les engagements de 1993. Le 16 mai 1994, Ultramar a annoncé que, si un acheteur n’était pas trouvé dans les 90 jours, la raffinerie serait fermée et convertie en un terminal maritime à l’automne. Parallèlement, Ultramar a mis en vente la raffinerie, mais sans les installations de contenance des réservoirs et de postes de chargement, qu’elle se proposait de conserver. À ce jour, la raffinerie n’a pas été vendue et le syndicat a été informé que l’essentiel de l’effectif sera mis à pied au plus tard le 18 novembre 1994.

Motifs de décision concernant la compétence Les avocats du syndicat font valoir que le Tribunal a compétence pour demander au directeur de faire respecter ou d’appliquer lui-même les engagements d’Ultramar de la façon dont ces engagements sont interprétés par le syndicat. Ils font valoir qu’Ultramar a fermé la raffinerie sans respecter les engagements, car il n’y a pas eu de « changement négatif important »; les investissements dans la raffinerie n’ont pas été faits; et l’a raffinerie n’a pas été mise en vente de manière appropriée. Ils font valoir, en outre, que le directeur n’est pas disposé à assurer le respect des engagements et, par conséquent, que le Tribunal doit assurer le respect de ceux-ci, ou ordonner que le directeur en assure le respect.

Les avocats font valoir que le Tribunal a compétence sur la présente espèce de deux façons, en application des paragraphes 8(1) et 8(2) de la Loi sur le Tribunal de la 4 concurrence et, conformément au paragraphe 37 de l’ordonnance par consentement. L’article 8 est ainsi rédigé :

(1) Le Tribunal entend les demandes qui lui sont présentées en application de la partie VIII de la Loi sur la concurrence de même que toute question s’y rattachant.

(2) Le Tribunal a, pour la comparution, la prestation de serment et 4 LRC 1985 (2e suppl), c 19.

l’interrogatoire des témoins, ainsi que pour la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses ordonnances et toutes autres questions relevant de sa compétence, les attributions d’une cour supérieure d’archives.

(3) Personne ne peut être puni pour outrage au Tribunal à moins qu’un juge ne soit d’avis que la conclusion qu’il y a eu outrage et la peine sont justifiées dans les circonstances.

Le paragraphe 37 de l’ordonnance par consentement est rédigé comme suit : Le Tribunal se réserve la compétence dans la présente affaire pour ce qui est de tous les aspects de la présente ordonnance il est fait expressément mention du Tribunal, pour fins de modification et pour toute autre fin prévue par la Loi.

Les avocats insistent sur l’extrait du paragraphe 37 qui précise que le Tribunal se réserve la compétence « pour toute autre fin prévue par la Loi ». Ils font valoir que l’un des objets de la Loi est le maintien de la concurrence et que, par conséquent, le Tribunal demeure compétent sur les affaires qui découlent de l’ordonnance par consentement et qui se rapportent à cet objet.

Je suis d’accord avec les avocats du syndicat pour dire que le Tribunal demeure compétent pour exécuter ses ordonnances en application de l’article 8 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence. Cela a été manifestement énoncé dans la décision de la Cour suprême du Canada dans Tribunal de la concurrence c Chrysler Canada Ltd, qui portait particulièrement sur le pouvoir d’exécuter les ordonnances au moyen de 5 l’outrage . À cet égard, je tiens à souligner qu’il ne m’apparaît pas évident que la thèse adoptée par les avocats du directeur dans le mémoire des arguments qu’ils ont produit, voulant que seul le directeur soit autorisé à déposer une demande d’exécution d’une ordonnance, est exacte. Même si j’ai conclu que le Tribunal n’a pas compétence pour faire ce qui est demandé dans la présente requête, la décision en l’espèce ne repose pas sur le fait que la personne qui dépose la requête d’exécution est une personne autre que le directeur.

Bien que l’argument du syndicat concernant le paragraphe 37 soit énoncé d’une manière un peu plus générale, je suis d’avis que l’argument concernant le paragraphe 37 et l’argument concernant l’article 8 de la Loi sur la concurrence reposent sur le même fondement. La compétence du Tribunal de faire ce que le syndicat demande doit découler des modalités de l’ordonnance par consentement du 6 février 1990. La question fondamentale porte donc sur ce que l’ordonnance par consentement dispose, puisque ce sont les dispositions de l’ordonnance par consentement qui sont assujetties à l’exécution par le Tribunal.

5 [1992] 2 RCS 394.

Le paragraphe particulier de l’ordonnance qui porte sur la raffinerie d’Eastern Passage est le paragraphe 14. Comme je l’ai déjà mentionné, tous les dessaisissements énoncés dans l’ordonnance par consentement étaient assujettis à l’approbation préalable du directeur. En plus de ce régime général, le paragraphe 14 prévoit des restrictions supplémentaires à l’égard du dessaisissement par Imperial de ses éléments d’actif dans l’Atlantique :

Le dessaisissement des éléments d’actif dans la région de l’Atlantique doit, dans la mesure cela est raisonnable et possible, se faire au profit d’un acheteur unique, lequel a, selon le directeur, l’intention et la capacité de livrer une concurrence efficace et vigoureuse dans la région de l’Atlantique. En exerçant son droit d’approbation en vertu de la présente ordonnance et conformément aux dispositions de la Loi, le directeur tiendra compte, outre les critères applicables aux acquisitions prévus par la Loi,

(i) de la situation financière de l’acheteur proposé des éléments d’actif et de leur maintien en exploitation;

(ii) des plans commerciaux de l’acheteur proposé en ce qui concerne le maintien en état et en exploitation des éléments d’actif;

(iii) l’accès à l’expertise d’ordre technique et commercial dont dispose l’acheteur proposé pour maintenir en exploitation intégrée les éléments d’actif.

Manifestement, il n’y a aucune mention des engagements tels au paragraphe 14. Le directeur avait toutefois exigé les engagements du 24 septembre 1990 dans le cadre du processus d’approbation du dessaisissement de la raffinerie au bénéfice d’Ultramar. Dans une lettre datée du 3 octobre 1990 des avocats du directeur à l’intention du Tribunal, il a été déclaré que « sur la base des engagements de 1990, le directeur est convaincu que les modalités de l’ordonnance par consentement et de la Loi sur la concurrence ont été respectées » [TRADUCTION].

Les avocats du syndicat reconnaissent que le directeur s’est acquitté des obligations auxquelles il est explicitement assujetti en vertu du paragraphe 14 lorsqu’il a approuvé l’achat par Ultramar au moyen des engagements du 24 septembre 1990. Néanmoins, les avocats du syndicat tentent d’aller plus loin. Il soutient que les mesures prises par le directeur en exigeant les engagements découlaient directement de l’ordonnance par consentement et que, une fois que les engagements ont pris naissance, ils étaient, dans un certain sens, « incorporés par renvoi » [TRADUCTION] dans l’ordonnance par consentement. Une affaire liée au respect ou au non-respect de ces engagements relève donc, font-ils valoir, de la compétence du Tribunal.

Je conviens que les engagements obtenus par le directeur de la part d’Ultramar correspondaient à la méthode en vertu de laquelle il s’est acquitté des obligations qui lui ont été imposées par le Tribunal, comme il est énoncé au paragraphe 14. Cependant, je ne puis être d’accord avec l’affirmation selon laquelle, parce que le directeur a choisi d’exécuter ses obligations de cette façon, les engagements sont eux-mêmes de la même nature et du même état que le libellé réel

du paragraphe 14, de sorte qu’ils devraient être traités comme s’ils étaient incorporés par renvoi au paragraphe 14. L’un des problèmes relatifs à l’argument du syndicat concernant l’incorporation par renvoi est que, si le directeur avait choisi de s’acquitter de ses obligations en vertu du paragraphe 14 de l’ordonnance par consentement d’une façon autre que par l’obtention des engagements, le libellé du paragraphe 14 ne conférerait pas au Tribunal le pouvoir d’exiger qu’il obtienne les engagements sur lequel le syndicat s’appuie. Rien dans l’alinéa 14 ne laisse entendre que les engagements sont envisagés par le paragraphe ou qu’ils découlent automatiquement des obligations du directeur en vertu du paragraphe.

Il est vrai que le directeur a effectivement obtenu l’engagement de sept ans, entre autres choses. Je reconnais que le directeur peut avoir, en obtenant les engagements, adopté certaines obligations et certains devoirs continus concernant ceux-ci. Cependant, je ne vois pas comment on peut faire valoir avec succès que les différends découlant de l’interprétation ou du respect des engagements relèvent de la compétence du Tribunal en ce qui a trait à leur règlement ou à leur exécution. La compétence du Tribunal doit découler du paragraphe 14 de l’ordonnance par consentement. Si la question dont je suis saisi était celle de savoir si le directeur, en accordant son approbation à Ultramar, a effectivement « [tenu] compte » des conditions établies au paragraphe 14, alors le Tribunal pourrait bien avoir compétence. Cependant, les avocats du syndicat ne laissent pas entendre que le directeur n’a pas respecté les modalités explicites du paragraphe 14. À mon avis, il faut un gros effort d’imagination non justifié pour laisser entendre que le libellé du paragraphe 14 confère compétence au Tribunal sur l’exécution des engagements qui ont été accordés au directeur. Aucune disposition dans le paragraphe 14 n’exige expressément que le directeur obtienne les engagements et on n’y indique pas non plus que le Tribunal a un rôle à jouer dans la décision de la façon dont le directeur administre tous les engagements qu’il obtient. S’il y a une plainte quelconque quant à la façon dont le directeur exerce son devoir en tant que fonctionnaire public dans l’administration des engagements, le recours doit se trouver ailleurs.

La structure du paragraphe 14, telle que convenue par les parties et approuvée par le Tribunal, appuie ce point de vue. Le paragraphe 14 établit certaines limites à l’égard de l’approbation d’un acheteur par le directeur, mais à l’intérieur de ces limites on lui a conféré le pouvoir d’approuver l’acheteur. Il était loisible au Tribunal de refuser d’approuver l’ordonnance par consentement à moins qu’elle ne contienne une condition voulant que tout acheteur éventuel de la raffinerie s’engage envers le Tribunal à exploiter la raffinerie pendant une période de temps déterminée. De même, toutes les questions portant sur les affaires de la raffinerie, par exemple la fermeture, auraient pu être assujetties à l’approbation préalable du Tribunal. L’ordonnance par consentement aurait également pu préciser que toutes ces opérations seraient assujetties à l’approbation du directeur à la condition qu’il obtienne des engagements précis concernant le maintien en exploitation, qui auraient été susceptibles d’examen par le Tribunal pour non-respect. On n’a eu recours à aucune de ces façons de faire.

Les avocats du syndicat font valoir que le Tribunal doit intervenir, essentiellement, pour demander au directeur de faire respecter les engagements. S’il ne le fait pas, affirment-ils, cela revient à autoriser le directeur à contrecarrer le paragraphe 14 de

l’ordonnance par consentement. L’intention du paragraphe 14, font-ils valoir, était que les éléments d’actif de la région de l’Atlantique et, notamment la raffinerie, devaient continuer d’être exploités dans l’intérêt de la concurrence. Ils font valoir que la fermeture de la raffinerie et le défaut d’Ultramar de mettre en vente la raffinerie dans son intégralité ne sont pas conformes à l’intention de l’ordonnance.

Je conviens que, d’après l’historique des procédures qui mènent à la délivrance de l’ordonnance par consentement, le Tribunal était préoccupé par le maintien en exploitation des éléments d’actif dans l’Atlantique dans l’intérêt de la concurrence. Cependant, cette préoccupation ne transforme pas les engagements d’Ultramar envers le directeur en engagements envers le Tribunal ou n’assujettit pas le directeur à l’approbation du Tribunal dans sa gestion des engagements. Le directeur est, après tout, un fonctionnaire public ayant des responsabilités importantes en vertu de la Loi sur la concurrence pour protéger la concurrence au Canada. Je dois supposer que le Tribunal a tranché ses préoccupations à propos de l’exploitation des éléments d’actif de l’Atlantique et de la concurrence dans la région de l’Atlantique à sa satisfaction au paragraphe 14 de l’ordonnance. En l’apparence, le Tribunal était convaincu que le directeur avait le pouvoir et la responsabilité de décider, dans l’intérêt de la concurrence, qui pouvait acheter les éléments d’actif dans l’Atlantique ainsi que des conditions de cet achat, sous réserve des considérations précisées au paragraphe 14. Comme je l’ai déjà indiqué, on n’a pas laissé entendre que le directeur n’a pas respecté les considérations énoncées. En vertu de ces considérations, le directeur n’est pas responsable devant le Tribunal.

En outre, il est nécessaire de garder à l’esprit que je suis saisi en l’espèce d’une ordonnance par consentement. La demande originale a été déposée devant le Tribunal en vertu de l’article 105 de la Loi sur la concurrence. Le libellé du paragraphe 14 qui a été convenu entre les parties. Le fait de laisser entendre que les engagements sont incorporés par renvoi au paragraphe 14 étend cette disposition au-delà de ce qui a été convenu. Il est également pertinent, à mon avis, que les engagements soient eux-mêmes d’une nature consensuelle. Ils représentent une entente entre le directeur et Ultramar. La seule mention du Tribunal se trouve dans les engagements du 24 septembre 1990, lorsqu’Ultramar convient ce qui suit :

Les modalités des présents engagements peuvent, à la demande du directeur, faire partie d’une ordonnance par consentement du Tribunal de la concurrence en vertu de l’article 105 de la Loi sur la concurrence. Les présents engagements constituent le consentement irrévocable d’Ultramar à l’égard de la délivrance d’une telle ordonnance.

[TRADUCTION] La décision de déposer une demande pour que les engagements fassent partie d’une ordonnance par consentement est celle du directeur.

J’estime que ma conclusion est étayée par un examen de ce que l’on demanderait au Tribunal de faire, dans l’éventualité il assumerait la compétence comme le demandait le syndicat. Les avocats du syndicat ont indiqué que, s’ils

avaient gain cause sur la question de la compétence et sur le fond, ils demanderaient au Tribunal d’ordonner au directeur de faire respecter les engagements ou d’ordonner à Ultramar de maintenir en exploitation la raffinerie ou de la mettre en vente dans son intégralité. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat définitif est une ordonnance du Tribunal qui obligerait Ultramar à faire certaines choses. Ultramar, cependant, n’est pas et n’a jamais été une partie aux procédures devant le Tribunal. Je crois qu’il serait tout à fait extraordinaire si le Tribunal pouvait unilatéralement se déclarer compétent pour faire respecter, ou exiger le respect, des engagements à l’égard d’une personne qui n’est pas une partie aux procédures devant le Tribunal.

Dans le cadre de leur argument, les avocats du syndicat ont laissé entendre que, si le Tribunal refusait de se déclarer compétent comme il l’a demandé, il abdiquerait sa responsabilité relative au maintien de la concurrence au Canada. Je ne suis pas d’accord. La Loi sur la concurrence ne confère pas une compétence ouverte au Tribunal de trancher toutes les questions liées à la concurrence. On lui confère des pouvoirs précis qui sont énoncés dans la Loi sur la concurrence et dans la Loi sur le Tribunal de la concurrence. Il peut uniquement agir on lui a conféré le pouvoir de le faire. Le régime de la Loi sur la concurrence dispose, en ce qui concerne des affaires civiles susceptibles de révision, que le directeur et le Tribunal ont un rôle à jouer dans l’atteinte de ses objectifs. L’indication la plus claire de cela est que le directeur a un pouvoir discrétionnaire pratiquement complet sur la question de savoir s’il convient de déposer une demande au Tribunal. Il n’y a rien de contradictoire entre les objectifs de la Loi sur la concurrence et une ordonnance du Tribunal qui laisse au directeur la responsabilité et la possibilité d’exercer son pouvoir discrétionnaire afin d’atteindre ces objectifs.

Pour ces motifs, je suis d’avis que le Tribunal n’a pas compétence de faire respecter les engagements ou d’exiger du directeur qu’il fasse respecter les engagements d’Ultramar. La requête du syndicat a donc été rejetée le 4 novembre 1994.

e FAIT à Toronto, ce 10 jour de novembre 1994. SIGNÉ au nom du Tribunal par le membre judiciaire présidant l’audience.

(s) Marshall Rothstein Marshall Rothstein

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