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Competition Tribunal Tribunal de la concurrence CT - 1994/001 Doc # 82 NO. Document du greffe : 168

AFFAIRE CONCERNANT une demande présentée par le directeur des enquêtes et recherches en vertu de l’article 79 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34;

ET AFFAIRE CONCERNANT certaines pratiques d’AC Nielsen Company of Canada Limited.

E N T R E : Le directeur des enquêtes et recherches Demandeur - et - AC Nielsen Company of Canada Limited, Défenderesse - et - Information Resources, Inc Intervenante

MOTIFS ET ORDONNANCE CONCERNANT LES QUESTIONS EXAMINÉES LORS DE LA CONFÉRENCE PRÉPARATOIRE À L’AUDIENCE DU 14 SEPTEMBRE 1994 : MODIFICATION APPORTÉE À L’AVIS DE DEMANDE, À L’INTERROGATOIRE PRÉALABLE, ET À LA PRODUCTION DE DOCUMENTS

Date de la conférence préparatoire à l’audience : Le 14 septembre 1994 Membre judiciaire présidant l’audience : Monsieur le juge William P. McKeown

Membre non-juriste : Le Dr Frank Roseman Avocats du demandeur : Le directeur des enquêtes et recherches Donald B. Houston Bruce C. Caughill

Avocats de la défenderesse : AC Nielsen Company of Canada Limited John F. Rook, QC Randal T. Hughes Lawrence E. Ritchie

Avocats de l’intervenante : Information Resources, Inc Gavin MacKenzie Geoffrey P. Cornish

TRIBUNAL DE LA CONSURRENCE MOTIFS ET ORDONNANCE CONCERNANT LES QUESTIONS EXAMINÉES LORS DE LA CONFÉRENCE PRÉPARATOIRE À L’AUDIENCE DU 14 SEPTEMBRE 1994 : MODIFICATION APPORTÉE À L’AVIS DE DEMANDE, À L’INTERROGATOIRE PRÉALABLE, ET À LA PRODUCTION DE DOCUMENTS

Directeur des enquêtes et recherches c AC Nielsen Company of Canada Limited

Le directeur des enquêtes et recherches Directeur») présente une requête en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à Stephen Churchill, le représentant de la défenderesse AC Nielsen Company of Canada Limited Nielsen»), de se présenter de nouveau à son interrogatoire préalable, afin de répondre aux engagements et aux questions auxquelles il a refusé de répondre lors de son interrogatoire préalable du 16 au 19 août 1994. En même temps, Nielsen a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance portant, entre autres, que le représentant du Directeur, Brian Chambers, se présente de nouveau à son interrogatoire préalable, afin de répondre à des questions légitimes soulevées par les réponses aux engagements pris au cours de son interrogatoire préalable qui a eu lieu les 26 et 27 juillet 1994. Étant donné que les avocats des parties ont été en mesure de s’entendre sur la majorité des questions soulevées par les requêtes en cause, celles-ci ont été ajournées indéfiniment.

Quatre questions demeurent en suspens. La première est une requête présentée par le Directeur en vue d’obtenir l’autorisation de modifier l’avis de demande déposé le 5 avril 1994, en remplaçant le nom de la défenderesse par D & B Companies of Canada Ltd. Les avocats de la défenderesse ayant consenti à cette modification, l’autorisation demandée sera accordée.

Les trois autres questions débattues découlent des autres requêtes présentées par Nielsen et seront traitées successivement.

I. INTERROGATOIRE PRÉALABLE DES REPRÉSENTANTS Les avocats de Nielsen ont précisé qu’ils avaient soumis le représentant du Directeur à un interrogatoire préalable, conformément à l’ordonnance du Tribunal en date du 24 juin 1994. En réponse aux questions qui lui ont été posées, le représentant du Directeur a pris environ 106 engagements les engagements»). Environ 90 % de ces engagements enjoignaient au représentant du Directeur de se rapprocher d’Information Resources, Inc IRI») pour obtenir les renseignements recherchés. Les avocats ont mentionné divers documents dont le représentant du Directeur avait peu ou pas de connaissance, comme l’indique la transcription de l’interrogatoire préalable. Les avocats de Nielsen ont soutenu que le représentant du Directeur n’avait aucune connaissance personnelle des faits de l’affaire et n’avait jamais été impliqué dans l’industrie. Il n’avait jamais interrogé quiconque à propos de l’affaire ni recueilli les déclarations des témoins. Tous les renseignements obtenus au cours de l’interrogatoire préalable étaient de deuxième, troisième ou quatrième main. Même s’il n’est pas inhabituel qu’une personne soumise à un interrogatoire préalable prenne des engagements de produire des renseignements dont il n’avait pas la connaissance immédiate, les avocats de Nielsen ont soutenu que dans ce cas-ci, le plaignant est un concurrent direct qui, selon toute vraisemblance, s’implantera sur le marché dès l’issue de la présente demande, si celle-ci est accueillie, et que par conséquent, il est bien placé pour fournir des renseignements. Ils ont en outre fait valoir que, d’après les documents présentés à ce jour, il y avait lieu de s’interroger sur la véracité de certains aspects de la plainte déposée par IRI. La seule façon de s’assurer que la défenderesse prenne totalement connaissance des arguments qu’elle doit réfuter est de lui permettre de soumettre un représentant d’IRI à un interrogatoire préalable.

Les avocats du Directeur ont répondu que lorsque le représentant du Directeur est soumis à un interrogatoire, il est entendu qu’il n’a pas une connaissance directe des questions en cause et qu’il transmet essentiellement des renseignements reçus dans le cadre de l’enquête. Lorsqu’il a été demandé au représentant du Directeur de prendre des engagements, il s’est exécuté et s’en est acquitté. Nielsen n’a pas fait savoir aux avocats du Directeur que les réponses fournies étaient de quelque façon incomplète.

Le Tribunal est convaincu que les avocats de Nielsen ont eu pleinement l’occasion de soumettre le représentant du Directeur à un interrogatoire. Le fait qu’ils aient se fonder sur les engagements plutôt que sur des réponses directes n’est pas inhabituel. Il en est autrement en ce qui concerne la demande de soumettre un représentant d’IRI à un interrogatoire. L’attention du Tribunal était portée sur certains documents d’IRI qui, à première vue, soulèvent des questions pertinentes pour la défense de Nielsen. Certaines de ces questions semblent avoir déjà été posées au représentant du Directeur qui a obtenu les réponses d’IRI. Les avocats de la défenderesse souhaiteraient soumettre un représentant d’IRI à un interrogatoire, au motif que les documents en question contiennent des renseignements assez importants pour la défense de Nielsen pour que les réponses soient fournies directement, afin d’être vérifiées au moyen d’un contre-interrogatoire. Le Tribunal accueille cette requête, mais reconnaît qu’il agit ainsi par excès de prudence, étant donné que Nielsen a déjà eu l’occasion de procéder à un interrogatoire.

Toutefois, l’objet de l’interrogatoire préalable et, par voie de conséquence, sa durée, doivent être limités. Les documents auxquels le Tribunal a été renvoyé soulèvent la question générale des conditions requises pour l’entrée sur le marché ou les marchés canadiens en question dans la présente instance. Par conséquent, des questions peuvent être posées au sujet des documents spécifiques d’IRI relatifs à l’entrée éventuelle de cette société sur le marché ou les marchés en question. Les rubriques qui peuvent légitimement être abordées sont les suivantes : nécessité des données historiques; entrée à l’échelle régionale contre entrée à l’échelle nationale; et types de services qui pourraient être mis à la disposition des clients selon le type ou le niveau d’entrée. Le Tribunal ne cherche pas à substituer son jugement à celui des avocats en énonçant les rubriques susmentionnées. Il a agi ainsi pour établir clairement que la durée de l’interrogatoire préalable ne devrait pas être indéterminée et qu’on doit être en mesure de déterminer clairement que les questions posées sont directement liées aux documents d’IRI relatifs à l’entrée sur le marché. D’autres rubriques peuvent être acceptables, à condition qu’il y ait un lien non équivoque entre elles et la question de l’entrée.

II. PRODUCTION DES DOCUMENTS PAR LE DIRECTEUR Nous passons maintenant à la deuxième question soulevée dans la requête présentée par Nielsen afin de réclamer la production par le Directeur, aux fins de vérification et de copie, des documents suivants pour lesquels il invoque le privilège relatif à l’intérêt public ou au litige :

(i) plainte déposée par IRI ou ses avocats et tout(e) autre correspondance, mémoire ou observation présentée par IRI ou ses avocats au Directeur, aux membres de son personnel ou à ses avocats;

(ii) notes, pièces et déclarations obtenues ou préparées par le Directeur, les membres de son personnel ou ses avocats, à la suite de rencontres et de discussions avec IRI ou ses avocats;

(iii) déclarations, notes, pièces et correspondance obtenue ou préparée par le Directeur, les membres de son personnel ou ses avocats, à la suite de rencontres et de discussions avec les détaillants et fabricants canadiens et 1 américains d’emballages alimentaires et les sociétés d’études de marché ; Pour justifier sa requête, Nielsen s’appuie sur la décision de la Cour suprême du Canada dans 2 l’affaire R c Stinchcombe , qui dispose que la Couronne doit divulguer tous les «fruits de l’enquête» à la défense. Elle a fait remarquer que la norme de divulgation établie dans l’arrêt Stinchcombe a déjà été appliquée à des affaires non criminelles comme Commission des droits de la personne (Ont) 3 c House , et qu’elle a été abordée dans l’opinion dissidente du juge Laskin dans Michael Norman Howe c Comité d’éthique professionnelle et Comité de discipline de l’Institut des comptables 4 agréés de l’Ontario . 1 Avis de requête, par (c) à la p 3. 2 [1991] 3 RCS 326. 3 (1993), 67 OAC. 72 (Cour div. Ont.), autorisation de pourvoi refusée sans motifs, 31 janvier 1994.

4 (23 août 1994), (CA Ont) [non signalé]. Elle a en outre fait valoir que, par le passé, le Tribunal assignait le privilège relatif à l’intérêt public et au litige, aux documents, au cas par cas, et qu’aucun principe général en matière de privilège n’était établi. En l’espèce, les circonstances particulières exigent la divulgation complète des documents demandés, pour permettre à Nielsen de présenter une défense pleine et entière.

Il ressort clairement des affaires civiles citées par les parties que la façon dont les principes énoncés dans l’arrêt Stinchcombe sont appliqués dépend des circonstances. Dans House et dans l’opinion dissidente du juge Laskin dans Howe, l’accent est mis sur les conséquences personnelles désastreuses qui pourraient découler d’une décision défavorable. Dans House, la Cour cite le juge Beetz dans Singh c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration : «Les facteurs les plus importants pour déterminer le contenu procédural de la justice fondamentale dans une affaire donnée sont la nature 5 des droits en cause et la gravité des conséquences pour les personnes concernées» . La Cour poursuit ensuite :

Il n’est pas contesté en l’espèce que les allégations faites par les plaignantes sont effectivement extrêmement graves. Toute discrimination raciale vise l’essence même d’une société démocratique et pluraliste. Il est bien entendu extrêmement grave que cette forme de discrimination raciale existe ou ait existé au sein d’une institution publique importante comme un grand hôpital. Les conséquences découlant d’une décision défavorable d’une commission d’enquête seraient plus graves pour les défenderesses, car une telle décision pourrait et devrait 6 compromettre gravement la réputation de la partie en cause . [TRADUCTION]

Et dans Howe, le juge Laskin déclare : Les procédures disciplinaires se situent à l’extrémité judiciaire de l’ensemble des décisions administratives. Par conséquent, elles exigent une divulgation dépassant les exigences minimales énoncées à l’article 8 de la Loi sur l’exercice des compétences légales et qui se rapproche du type de divulgation applicable dans les procédures judiciaires. Pour reprendre les mots du juge Dickson dans l’arrêt Kane c Conseil d’administration de l’Université de la Colombie-Britannique, précitée, à la p. 1113, les procédures disciplinaires exigent «une norme élevée de justice». La raison est évidente. Les procédures disciplinaires peuvent avoir de graves conséquences sur les conditions de vie, la réputation et la carrière professionnelle d’un individu. Pour certains professionnels, une déclaration 7 d’inconduite professionnelle est plus grave qu’une déclaration de culpabilité . [TRADUCTION]

5 [1985] 1 RCS 177 à la p 229. 6 Précité, note 3, p 78. 7 Précité, note 4, p 10.

La Cour a fait remarquer dans House que les procédures devant la Commission ontarienne des droits de la personne ne pouvaient pas être assimilées aux procédures civiles, étant donné qu’aucun(e) communication préalable de documents ni interrogatoire préalable n’ont été entrepris 8 dans le cadre des travaux de la Commission . L’absence d’interrogatoire préalable a aussi été soulignée par le juge Laskin dans Howe : «Le fait de garantir la divulgation adéquate est particulièrement important dans les procédures engagées devant les tribunaux, comme le Comité de discipline de l’OACI, qui ne prévoit pas l’interrogatoire préalable et la production de 9 documents» . [TRADUCTION] Dans Ciba-Geigy Canada Ltd c Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, le juge McKeown examine l’arrêt Stinchcombe et déclare ensuite :

À mon avis, en l’espèce, je dois examiner le régime législatif en vertu duquel le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés a été créé, et l’interpréter dans son ensemble, pour déterminer la mesure dans laquelle le législateur 10 entendait faire appliquer le principe d’équité . [TRADUCTION]

Il établit ensuite une distinction entre House et l’affaire dont il est saisi et poursuit : Enfin, les droits que l’Ontario Human Rights Code vise à protéger relèvent de caractéristiques très personnelles. Les tribunaux chargés de réglementer l’activité économique ne se sont pas vu imposer des normes aussi élevées que celles des 11 tribunaux administratifs qui statuent sur les droits des individus . [TRADUCTION]

12 Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale . S’exprimant au nom de la Cour, le juge MacGuigan a établi une distinction entre House et l’affaire dont la Cour est saisie, en relevant que «Dans House, la Cour a fait une analogie entre les procédures en question et les procédures pénales, ainsi qu’entre le rôle des avocats de la Commission et celui de la Couronne

8 Précité, note 3, p 76. 9 Précité, note 4, p 11. 10 (3 mai 1994), T-375-94 (CF 1re inst.) à la p 10. 11 Ibid., p 13. 12 Ciba-Geigy Canada Ltd c Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (7 juin 1994), A-209-94 (CAF) [non signalé].

13 dans les procédures pénales» . Après avoir cité les extraits tirés de House, concernant la gravité des allégations, la Cour a ajouté que :

C’est sur ce point que toute analogie d’ordre pénal aux procédures en l’espèce ne tient plus. Certes, il y a des conséquences économiques très importantes pour un breveté qui n’obtient pas gain de cause à une audience tenue en vertu de l’article 83, y compris une atteinte possible à la réputation de l’entreprise sur le marché. Cependant, comme l’a conclu le juge McKeown, dans la présente affaire, le tribunal administratif exerce des fonctions de réglementation économique et n’a pas compétence pour porter atteinte aux droits de la personne 14 de la même manière que dans le cadre des procédures pénales . [TRADUCTION]

La Cour a conclu : «Nous convenons tous avec le juge McKeown que le droit et les questions de principe exigent qu’un tribunal administratif qui exerce des fonctions de réglementation économique 15 dispose d’une certaine latitude... dans l’exercice de son mandat» . [TRADUCTION] Même s’il est évident que le Tribunal de la concurrence n’est pas un organisme de réglementation, il est tout aussi clair et pertinent pour la question en litige que la Loi sur la concurrence englobe un vaste régime de réglementation économique.

Il ressort clairement de ces décisions que les exigences relatives à l’équité procédurale et à la justice naturelle doivent être examinées à la lumière du régime législatif et de la façon dont ce dernier a été mis en œuvre. La question est de savoir si le régime dans le cadre duquel s’inscrivent actuellement les demandes portées devant le Tribunal permet aux défenderesses d’accéder à la fois aux renseignements afin de connaître les arguments auxquels elles devront répondre et aux renseignements qu’elles peuvent utiliser dans leur défense.

Examinons d’abord l’opinion de Nielsen selon laquelle les décisions antérieures du Tribunal et la décision de la Cour d’appel fédérale confirmant l’une de ces décisions n’a pas 16 déterminé si un privilège devait être accordé à une catégorie de documents . 13 Ibid, p 4. 14 Ibid 15 Ibid, p 5. 16 Directeur des enquêtes et recherches c The NutraSweet Company (29 novembre 1989), CT-8902/79, Ordonnance o relative à l’interrogatoire préalable, [1989] DTCC n 54 (QL) (Trib conc); Directeur des enquêtes et Nous ne pouvons souscrire à ce point de vue. Ces décisions déterminent si un privilège devrait être accordé à une catégorie de documents.

Afin de mieux comprendre le contexte dans lequel la demande de Nielsen, en vue de la divulgation de documents additionnels, a été faite, nous examinerons quels renseignements sont à la disposition de la défenderesse en l’espèce, et déterminerons quels sont les renseignements dont elle a encore besoin. Nielsen a reçu les documents et l’interrogatoire préalable oral du Directeur. Le Tribunal a statué en faveur de la communication préalable de documents d’un tiers, IRI, à la défenderesse, parce que le Directeur avait très peu de documents en sa possession et qu’il y avait de bonnes raisons de croire qu’IRI disposait de documents qui pourraient être utiles à la défense de la défenderesse. En vertu des procédures établies par le Tribunal dans des affaires précédentes, la

défenderesse a reçu les résumés des documents demandés et dont le Directeur a invoqué une immunité d’intérêt public ou le privilège relatif au litige. Il s’agit notamment de plus de 30 résumés des renseignements que le Directeur a reçus des participants de l’industrie. De plus, le Directeur a consenti à fournir les listes de noms de témoins, ainsi que les résumés des éléments de preuve qui seront présentés dans le cadre des témoignages, trois semaines avant la date de leur comparution à l’audition de la demande. Les avocats de Nielsen n’ont en aucun cas laissé entendre que les résumés fournis par le Directeur sont incomplets, à l’exception du fait que les noms des entreprises dont les renseignements ont été fournis par les représentants ont été supprimés, étant donné que les renseignements disponibles permettaient d’identifier ces entreprises. Si Nielsen était d’avis que les renseignements étaient par ailleurs incomplets, le Tribunal consentirait à ce qu’un de ces membres judiciaires, qui ne fera pas partie de la formation éventuellement chargée de trancher la demande, détermine si les soupçons étaient fondés.

recherches c Hillsdown Holdings (Canada) Limited (11 juillet 1991), CT-9101/51, Ordonnance relative à la portée de o l’interrogatoire préalable à réaliser par le directeur des enquêtes et recherches [1991] DTCC n 20 (QL) (Trib conc); o Directeur des enquêtes et recherches c Southam Inc (1991), 38 CPR. (3d) 68, [1991] DTCC n 16 (QL) (Trib conc); Hillsdown Holdings (Canada) Limited c Directeur des enquêtes et recherches (10 octobre 1991), (CAF) [non signalé].

L’éventuelle importance des renseignements manquants pour la défense de la défenderesse (ou de toute autre défenderesse, sauf en cas de circonstances imprévisibles à ce moment-ci) doit être évaluée à la lumière des types de causes entendues par le Tribunal. Avant la modification de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions en 1975, tous les domaines étaient traités en vertu du droit criminel. En 1986, Il y a eu un transfert dans les domaines très importants que sont la fusion et le monopole, de droit pénal à droit civil. Ce qui caractérise la présente affaire, ainsi que d’autres affaires entendues par le Tribunal, c’est que ce qui a été fait et les mesures prises posent rarement problème. Le différend tourne généralement autour des effets des mesures prises, notamment une fusion ou, comme dans le cas présent, autour des effets des contrats conclus par la défenderesse. Par conséquent, la nature de la preuve à réfuter par la défenderesse n’implique pas des allégations de conduite particulière se rapportant à des moments et lieux précis. Il pourrait certes être utile pour la défenderesse, de savoir ce que chaque individu ayant eu un échange avec le Directeur, avait à dire, parce que cela réduirait probablement la durée de préparation du dossier. Cependant, le fait que de tels renseignements soient disponibles ou non relève principalement d’une question de commodité; la nature des questions n’est pas telle que l’issue d’une affaire dépende du point de vue de quelques participants de l’industrie. Si jamais cela devait être le cas, la défenderesse saurait sans doute qui étaient les participants en question.

Le Directeur entame un procès en toute ignorance de l’industrie, à moins qu’une affaire récente à ce sujet ait été entendue. Il doit compter sur la collaboration des participants de l’industrie pour obtenir des renseignements généraux ainsi que pour évaluer une ou des plaintes. Il y a de bonnes raisons de faire en sorte que le Directeur soit en mesure d’obtenir une telle coopération en s’assurant que, à moins qu’elles ne soient appelées à témoigner, les noms des personnes à qui le Directeur a fait appel ne soient pas divulgués, ce qui pourrait éventuellement entraîner une détérioration inutile des relations commerciales avec la défenderesse. Il n’y a aucune

raison de douter de l’importance pour le Directeur de la coopération volontaire des participants de l’industrie.

L’application de la Loi sur la concurrence dépend de la volonté des plaignants de se manifester. Il est vrai qu’une fois qu’une demande a été déposée, l’identité de la plaignante est connue. Toutefois, on ne peut pas en dire autant des exemples ou des allégations faites et dévoilant les noms d’autres entreprises ou individus. Pour les raisons déjà évoquées, ce type de renseignements n’a pas d’incidence sur les affaires soumises au Tribunal. Cependant, si les représentants des entreprises en question étaient appelés à témoigner, leur identité ainsi que le contenu des éléments de preuve qu’ils fourniront seront dévoilés à la défenderesse en temps opportun.

En revanche, les défenderesses doivent d’abord prendre connaissance de l’industrie, y compris de ses participants. Ce fait ne modifie en rien l’exigence selon laquelle les défenderesses doivent connaître parfaitement la preuve qui pèse contre elles et avoir pleinement la possibilité de se défendre. Les procédures d’interrogatoire préalable en vigueur visent à faire en sorte que ce soit le cas. Il n’y a pas lieu d’évaluer à nouveau les motifs pour lesquels le privilège a été accordé aux divers documents et à certains renseignements qui y figurent, à moins qu’il y ait de bonnes raisons de croire que l’un ou l’autre des documents eux-mêmes ou que les renseignements exclus sont importants pour la défense de la défenderesse.

Il y a une autre question à régler. Il s’agit de l’argument avancé par les avocats de Nielsen, selon lequel il existe des questions spéciales dans la présente affaire, qui justifient une dérogation à la pratique du Tribunal dans des causes antérieures. Il est soutenu qu’IRI est un plaideur habile qui se sert des rouages du Directeur à ses propres fins, et certains documents d’IRI tendent à le confirmer. Cependant, tous les plaignants cherchent sans doute à convaincre le Directeur d’adopter leur point de vue et à améliorer leur situation. Il incombe au Directeur de prendre les mesures adéquates pour s’assurer de ne pas être dupé, puisqu’il est responsable de la poursuite de l’affaire. Chose ironique, le fait de céder à la demande de Nielsen pourrait compromettre la capacité du Directeur à bien évaluer les plaintes à l’avenir, étant donné qu’il aurait plus de mal à obtenir les points de vue volontaires et sincères des participants de l’industrie. Quoi qu’il en soit, la défenderesse doit répondre aux allégations du Directeur et non à la plainte d’IRI.

Compte tenu de ce qui précède, et en particulier, du degré de divulgation déjà accordé à Nielsen et du fait qu’elle ait eu l’occasion de soumettre un représentant d’IRI à un interrogatoire, quoiqu’il faille reconnaître que celui-ci a été restreint à des questions circonscrites, nous estimons que Nielsen ne devrait pas avoir droit à la production des documents demandés. Comme susmentionné, si Nielsen estime que les résumés des documents fournis sont incomplets, des dispositions peuvent être prises afin qu’un membre judiciaire du Tribunal, ne faisant pas partie de la formation chargée de trancher la demande en cause, examine les documents et résumés en question.

III. PRODUCTION DE DOCUMENTS D’IRI AUX REPRÉSENTANTS DE NIELSEN La troisième question soulevée par la requête de Nielsen concerne une demande d’accès par deux de ses représentants, à pratiquement tous les documents d’IRI provisoirement protégés 17 selon le niveau le plus élevé de confidentialité, «niveau A» . Le terme «provisoire» s’applique parce qu’une évaluation des allégations de confidentialité et des objections y afférentes fera l’objet

d’une conférence préparatoire à l’audience le 3 octobre 1994. En répondant à la requête de Nielsen, les avocats d’IRI ont déclaré que certains des documents portant une date récente étaient hautement confidentiels et que le fait de les fournir à Nielsen pourrait avoir de graves répercussions pour IRI, étant donné que ces documents portent sur des projets récents.

Même si en règle générale, il est toujours préférable que les avocats soient en mesure de communiquer des renseignements à un client, cette préférence générale doit être tempérée lorsque les renseignements sont confidentiels. La norme en matière de confidentialité, énoncée dans les 18 Règles du Tribunal de la concurrence est celle du «préjudice commercial direct» . Il convient, lors de l’examen de la requête de Nielsen, de reconnaître que les documents de cette dernière sont protégés contre le type de divulgation demandé pour les documents d’IRI. Même si les avocats du Directeur peuvent consulter leur client, c.-à-d., le Directeur et les membres de son personnel, cela ne pose pas de risque de préjudice commercial à Nielsen.

17 o (26 juillet 94), CT9401/56, Ordonnance de confidentialité (conservatoire), [1994] DTCC n 10 (QL) (Trib conc). 18 Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/94-290, s16 (3). Les avocats du Directeur ne peuvent pas consulter les participants de l’industrie ou d’autres personnes compétentes, à moins qu’elles ne soient consultées à titre d’ expertes. Les avocats d’IRI, qui est intervenante, ne peuvent pas présenter des documents confidentiels à leur client. Même si le rôle d’une intervenante est forcément plus restreint que celui des autres parties, l’intervenante a le droit de présenter des arguments et des éléments de preuve lorsque ces derniers sont différents de ceux présentés par le Directeur.

Certes, les droits de Nielsen sont quelque peu plus étendus parce qu’elle est une défenderesse. Cependant, ils doivent être examinés en tenant compte des besoins de tous les avocats et du préjudice qui pourrait être causé à IRI. Nielsen présente à nouveau une requête qui avait été émise lors de la conférence préparatoire à l’audience du 14 juillet 1994. À cette époque, le Tribunal avait déclaré qu’il ne pouvait pas examiner une demande générale pour divulgation de documents confidentiels, à moins qu’il n’obtienne les motifs justifiant la nécessité de divulguer entièrement ou partiellement un document. En effet, les avocats de Nielsen présentent à nouveau sa requête sans fournir les détails demandés par le Tribunal, sauf en ce qui concerne un document en particulier. Le Tribunal ne peut pas donner suite à une telle demande générale. Tous les avocats sont expérimentés sur les questions dont le Tribunal est saisi. Lorsque les documents contiennent des renseignements d’ordre technique, les avocats sont libres de demander l’avis des experts. Ils sont en mesure d’explorer et d’apporter des éclaircissements sur des documents pendant l’interrogatoire préalable. On ne peut pas remettre en question leur capacité à mener à bien l’affaire en cause sans consulter au préalable les participants de l’industrie. Toutefois, il peut y avoir des exceptions, et le Tribunal est disposé à les prendre en considération. Mais ce faisant, il doit évaluer le préjudice auquel est exposée la partie dont les documents sont divulgués. La divulgation des plans marketing et des plans d’affaires récents d’IRI à un vice-président du marketing de la défenderesse, comme le suggèrent les avocats de Nielsen, pourrait évidemment nuire gravement à IRI et, comme l’a soutenu le Directeur, éventuellement au processus concurrentiel également, dans la mesure IRI est le principal concurrent de l’industrie.

Il est possible qu’un certain nombre de documents qu’IRI considère comme hautement confidentiels ne conservent pas ce statut. Ils pourraient alors être mis à la disposition de représentants désignés de Nielsen. Toute divulgation de documents autres que ceux-là aux représentants de Nielsen ne sera autorisée que s’il existe de bonnes raisons justifiant cette divulgation.

Nielsen a modifié sa requête, car elle ne demande plus la divulgation des documents 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 103, 104, 105, 115, 116, 117, 119, 141, 144, 147 et 152 à ses représentants. Le Tribunal n’autorisera pas la divulgation des documents 139, 140, 142, 143, 145, 148, 149, 150 et 151 aux représentants de Nielsen. Les documents 106, 107, 108, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128 et 131 seront divulgués aux représentants de Nielsen après la conférence préparatoire à l’audience du 3 octobre 1994, à moins qu’à ce moment, IRI ne fournisse d’autres renseignements au Tribunal, pour justifier pourquoi ils ne devraient pas être divulgués. Le Tribunal ne statue pas sur la question de savoir si l’un ou l’autre des documents sont confidentiels ou pas, car il a été convenu que cette question devait être réglée lors de la conférence préparatoire à l’audience du 3 octobre 1994. La question de savoir quels représentants de Nielsen devraient être autorisés à examiner les documents de ce dernier groupe peut être soulevée lors de la conférence préparatoire à l’audience du 3 octobre 1994.

POUR CES MOTIFS, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT : 1. Le Directeur est autorisé à modifier l’avis de demande déposé le 5 avril 1994, en remplaçant le nom de la défenderesse AC Nielsen Company of Canada par D & B Companies of Canada Ltd et le nom de la défenderesse est par les présentes modifié.

2. Un représentant d’IRI doit se présenter à un interrogatoire préalable, afin de répondre au meilleur de sa connaissance, sur la base des renseignements dont il dispose et en toute sincérité, à toutes les questions pertinentes relatives à certains documents spécifiques d’IRI, portant sur l’entrée éventuelle d’IRI sur le marché ou les marchés en question. Plus précisément, les questions peuvent aborder les rubriques suivantes : nécessité des données historiques; entrée à l’échelle régionale contre entrée à l’échelle nationale; et types de services qui pourraient être mis à la disposition des clients selon le type ou le niveau d’entrée. D’autres rubriques peuvent être abordées, à condition qu’il y ait un lien non équivoque entre elles et la question de l’entrée.

3. La requête présentée par Nielsen (désormais appelée D & B Companies of Canada Ltd) afin de réclamer la production par le Directeur, aux fins de vérification et de copie, des documents privilégiés de Nielsen, comme il est énoncé à l’alinéa c) de l’avis de requête de la défenderesse, est rejetée.

4. La requête présentée par Nielsen afin de permettre à ses représentants de vérifier les documents d’IRI de «niveau A» est rejetée en ce qui concerne les documents 139, 140, 142, 143, 145, 148, 149, 150 et 151. Nielsen a modifié sa requête en faisant savoir qu’elle ne souhaite plus obtenir les documents 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 103, 104, 105, 115, 116, 117, 119, 141, 144, 147 et 152. En ce qui concerne la comparaison des documents de «niveau A», conformément aux motifs ci-après, la requête est ajournée à la conférence préparatoire à l’audience du 3 octobre 1994.

e FAIT à Ottawa, ce 22 jour de septembre 1994. SIGNÉ au nom du Tribunal par le membre judiciaire présidant l’audience.

(s) W.P. McKeown W.P. McKeown

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