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Tribunal de la concurrence Competition Tribunal CT-1989-001 Doc # 146b DANS L'AFFAIRE d'une demande du directeur des enquêtes et recherches en vertu des articles 92 et 105 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34, telle que modifiée;

ET DANS L'AFFAIRE du projet d'acquisition par Asea Brown Boveri Inc. de certains éléments d’actif et biens faisant partie des opérations relatives au matériel de transport et de distribution d'électricité de Westinghouse Canada Inc., y compris ceux de Transelectrix Technology Inc., sa filiale en propriété exclusive.

ENTRE: Le directeur des enquêtes et recherches Demandeur et Asea Brown Boveri Inc. Westinghouse Canada Inc. Transelectrix Technology Inc.

Défenderesses

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU 18 DECEMBRE 1989 MODIFIANT L'ORDONNANCE PAR CONSENTEMENT DU 15 JUIN 1989 ______________________________________________

Date de l'audience : Le 18 décembre 1989 Président d'audience : L'honorable juge Leonard A. Martin Autres membres : Dr Frank Roseman Madame Marie-Hélène Sarrazin

Avocats pour le demandeur: Le directeur des enquêtes et recherches William J. Miller John S. Tyhurst

Avocats pour les défenderesses: a) Asea Brown Boveri Inc. Michael L. Phelan Timothy Kennish Peter A. Magnus

b) Westinghouse Canada Inc. Transelectrix Canada Inc.

Non représentées

TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU 18 DECEMBRE 1989 MODIFIANT L'ORDONNANCE PAR CONSENTEMENT DU 15 JUIN 1989 ____________________________________________________

Le directeur des enquêtes et recherches c. Asea Brown Boveri Inc. et al.

Introduction Le 8 novembre 1989, la société Asea Brown Boveri Inc. (ABB Canada) a déposé une demande de modification de l'ordonnance par consentement que le Tribunal a rendue le 15 juin 1989 contre ABB Canada, Westinghouse Canada Inc. (WECAN) et Transelectrix Technology Inc. (TTl). Ayant entendu M. Michael L. Phelan, avocat de la société ABB Canada, et M. William J. Miller, avocat du directeur des enquêtes et recherches ayant donné son accord, le Tribunal a approuvé la modification à la fin de l'audience du 18 décembre 1989, en indiquant que les motifs seraient fournis ultérieurement par écrit. Les motifs en question sont les suivants.

Comme le Tribunal!' explique plus en détail dans les motifs de l'ordonnance originale 1 les modalités de l'ordonnance par consentement régissent l'achat, par ABB Canada, des éléments d'actif pour la fabrication de matériel électrique de WECAN, y compris TTl, sa filiale en propriété exclusive. Les sociétés ABB Canada et TTl fabriquent des transformateurs de grande capacité (appelés «transformateurs en cause 2 » dans l'ordonnance par consentement). L'ordonnance vise à remédier aux ___________________________________________ 1 Directeur des enquêtes et recherches c. Asea Brown Boveri Inc. (15 juin 1989), CT -89/1, Ordonnance par consentement (Tribunal de la concurrence); Directeur des enquêtes et recherches c. Asea Brown Boveri Inc. (6 septembre 1989), CT-89/1, Motifs de l'ordonnance par consentement en date du 15 juin 1989 (Tribunal de la concurrence).

2 TTl a deux installations, l'une à Guelph et l'autre a Hamilton; seule l'entreprise de Guelph fabrique actuellement les transformateurs en cause.

effets supposes anticoncurrentiels du fusionnement sur le marché des transformateurs en cause au Canada. A la suite du fusionnement, une seule entreprise canadienne fabrique des transformateurs de très grande capacité 3 , soit ABB Canada, et deux autres, des transformateurs de grande capacite4 , soit ABB Canada et Federal Pioneer Limited. L'ordonnance par consentement propose un mécanisme de remise et de réduction des droits de douane sur les transformateurs en cause, assorti d'un engagement d' ABB Canada a renoncer à des procédures antidumping pendant une période de cinq ans, conçu pour garantir que 1'entité fusionne fera face à la concurrence internationale sur le marché des transformateurs en cause. Le maintien de la séparation des éléments d'actif de TTl protège ces éléments en prévision du recours à un autre moyen, soit le dessaisissement, si les allégements tarifaires n'entraient pas en vigueur en temps opportun. Le dessaisissement a pour objet d'assurer à ABB Canada une concurrence canadienne si la concurrence étrangère continuait d'être ex clue en raison des barrières tarifaires.

Modification demandée La société ABB Canada demande que trois aspects de l'ordonnance par consentement soient modifiés. Premièrement, elle demande de reporter au 30 juin 1990 la date limite pour l'obtention de l'approbation réglementaire de la réduction accélérée des droits de douane sur les importations de transformateurs en cause du groupe B en provenance des États-Unis, qui était fixée au 1er janvier 1990 5 . La remise quinquennale des droits sur les importations mondiales de transformateurs en cause du groupe A, a été obtenue et est en vigueur depuis le 1 er janvier 1990 6 . Deuxièmement, ABB Canada demande qu'il soit mis fin au maintien de la séparation et que les éléments d'actif et les opérations de ITI soient intégrés aux siens de telle ______________________________________________ 3 Désignés comme "transformateurs en cause du groupe A" dans les motifs initiaux. 4 Désignés comme "transformateurs en cause du groupe B" dans les motifs initiaux. 5 La réduction accélérée des droits est prévue à l'article 401.5 de l'Accord canado-américain de libre-échange (ALE). 6 Décret de remise des droits de douane sur des transformateurs électriques et leurs pièces, DORS/90-23. Le décret a été émis le 14 décembre 1989 et publie dans la Gazette du Canada le 3 janvier 1990.

manière que 1'entreprise de Guelph soit maintenue en bon état de vente. Troisièmement, ABB Canada demande que toute mention de 1' entreprise d'Hamilton soit supprimée des dispositions relatives au dessaisissement.

Critère juridique ABB Canada a demandé la modification de 1' ordonnance par consentement en vertu du paragraphe 33 de l'ordonnance qui se lit comme il suit :

LE TRIBUNAL ORDONNE QUE lui soit réservée la compétence relativement a toute demande présentée par le directeur, l'une ou l'autre des défenderesses, le fiduciaire, le gestionnaire ou le comptable, en vue de faire révoquer ou modifier l'une ou l'autre des dispositions de la présente ordonnance, advenant tout changement de circonstances.

De toute évidence, la demande d'ABB Canada est visée par la disposition habilitante générale. 11 serait possible de dire que la demande satisfait aux conditions minimales de l'article 106 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34, en particulier l'alinéa 106 b), qui autorise la modification des ordonnances du Tribunal. Dans leur plaidoirie, les deux avocats se sont reportes à l'article 106 en ce qui concerne le critère de fond que le Tribunal doit appliquer pour évaluer la modification proposée. De fait, l'article 106 n'établit pas de façon explicite un tel critère, mais stipule que le Tribunal « peut annuler ou modifier une ordonnance rendue» s'il y a, comme prévu, changement dans les circonstances ou le consentement donne par les parties.

Le Tribunal adopte la norme d'examen établie dans l'expose des faits et du droit du directeur. Par conséquent, il appliquera le même critère, en ce qui concerne la modification d'une ordonnance par consentement, qu'au moment de l'examen d'un projet d'ordonnance par consentement :

Ce critère réside dans la question de savoir si le fusionnement, assorti des conditions de l'ordonnance par consentement, entraine une situation la diminution

sensible de la concurrence qui est présumée découler du fusionnement a, selon toute vraisemblance, été eliminee 7 .

Dans le cas d'une proposition de modification, le Tribunal évalue la version modifiée de l'ordonnance par consentement par rapport à ce critère.

Preuve apportée Les affidavits suivants ont été fournis comme éléments de preuve à l'appui de la modification qu' ABB Canada a présentée au Tribunal : l'affidavit du professeur Donald McFetridge de l'Université Carleton, qui évalue l'évolution récente de l'effet concurrentiel des importations sur le marché des transformateurs en cause au Canada; l'affidavit de M. Peter Magnus, avocat d' ABB Canada, qui décrit les progrès des négociations relatives aux allégements tarifaires; deux affidavits de M. Peter Janson, président d'ABB Canada, qui exposent les problèmes rencontres à 1' entreprise de Guelph connus dans l'industrie et un engagement d' ABB Canada à contribuer au règlement de ces problèmes; deux affidavits de M. John Churchman, le gestionnaire de la Division TTl nommée en application de l'ordonnance par consentement originale, qui contiennent des renseignements commerciaux délicats sur la productivité, les couts et les profits des installations de Guelph. Ces renseignements figurent uniquement dans les dossiers confidentiels accessibles au Tribunal et aux avocats des parties. Les autres affidavits font partie du dossier public.

Analyse de la modification demandée (i) Prolongation du délai en vue de réaliser la réduction accélérée des droits de douane prévue dans l'ALE

Depuis l'audition de la demande de modification, le 18 décembre 1989, il est devenu évident qu'il serait impossible pour les défenderesses de respecter la date limite du 1er janvier 1990 fixée pour l'approbation d'un programme de réduction accéléré des droits de douane. _________________________________________________ 7 Directeur des enquêtes et recherches c. Air Canada (7 juillet 1989), CT-88/1, Motifs de l'ordonnance par consentement en date du 7 juillet 1989 à la p. 75 (Tribunal de la concurrence).

Les éléments de preuve dont est saisi le Tribunal établissent que les défenderesses ont pris toutes les mesures nécessaires pour obtenir l'approbation dans les délais prescrits et que le retard est attribuable aux caprices des procédures administratives et politiques.

La position d’ABB Canada est qu'il est fort probable que l'allégement tarifaire sera réalisé dans le nouveau délai fixe au 30 juin 1990. Les renseignements généraux publiés par le ministère des Finances et le ministère des Affaires extérieures, à la suite de consultations bilatérales sur les réductions accélérées des droits de douane, traitent de l'accord du Canada et des États-Unis en ce qui concerne tous les numéros tarifaires indiques, y compris les transformateurs pertinents 8 . Cet accord doit recevoir l'approbation définitive des autorités de chacun des pays, mais il devrait être mis en oeuvre d'ici le 1er avril 1990. Durant l'étape de consultation, la liste de toutes les demandes de réduction accélérée des droits de douane a été publiée dans chacun des pays et des commentaires ont été sollicites. Aucune objection n'a été reçue pour ce qui concerne les transformateurs. 8 Canada, ministère des Finances et ministère des Affaires extérieures, Liste des numéros tarifaires et des produits pour lesquels le Canada et les États-Unis sont convenus d'accélérer l'élimination des droits de douane (30 novembre 1989) (Pièce 1).

(ii) Fin du maintien de la séparation Selon les prescriptions de 1' ordonnance par consentement originale, le maintien de la séparation demeure en vigueur jusqu'à ce que la remise et la réduction des droits de douane soient toutes deux en place. Si la réduction des droits de douane n'est pas réalisée, les défenderesses doivent se dessaisir de l'entreprise d'Hamilton, le dessaisissement de l'entreprise de Guelph (ou les deux) constituant une réserve pour le cas la première tentative de dessaisissement échoue.

ABB Canada soutient que 'extension du maintien de la séparation jusqu'au 1 er avril 1990 au plus tôt rendra TTI encore moins apte à être un concurrent indépendant important si le dessaisissement est finalement nécessaire. Elle maintient que la valeur de ses éléments d'actif diminue en raison des revers inattendus de 1' entreprise de Guelph.

La preuve montre qu'il existe des problèmes de production, de main-d'oeuvre et de gestion des immobilisations a l'entreprise de Guelph. 11 y a eu des retards au chapitre de la livraison, certaines annulations de commandes et certaines exclusions en ce qui concerne les appels d'offres dans le cas d'autres contrats. L'affidavit confidentiel du gestionnaire de TTI confirme que l'entreprise de Guelph est aux prises avec des difficultés. Cependant, comme le souligne le directeur, le premier affidavit du gestionnaire est beaucoup plus positif que celui du président d'ABB Canada pour ce qui est de la capacité de l'entreprise de Guelph de résoudre ces problèmes par elle-même, avec le temps. Les derniers affidavits de MM. Churchman et Janson, qui ont été rédigés à la suite d'une discussion ouverte sur la participation d'ABB Canada a 1' entreprise de Guelph révèlent que, si ABB Canada intègre cette entreprise a ses activités, il est probable que la situation s'améliore plus rapidement. Comme le dit le directeur : [Traduction] «[L']accès plus précoce d'ABB Canada a la Division de TTI est souhaitable, mais peut être ou ne pas être indispensable à la viabilité de la Division de TTI en tant que cible pour le dessaisissement 9 ABB Canada propose de remplacer le maintien de la séparation par une exigence de maintien qui ne lie que 1' entreprise de Guelph.

L'entreprise d'Hamilton serait totalement intégrée à ses propres activités. L'entreprise de Guelph deviendrait une division autos table d'ABB Canada maintenue par celle-ci en bon état de vente. Pour y arriver, I' ordonnance par consentement modifiée exigerait qu'ABB Canada exploite l'entreprise de Guelph à titre de centre de profit autonome, mette sur pied et maintienne des ressources et du personnel appropries au sein de la division dans les secteurs clés, et conserve ses locaux et sa clientèle. ABB Canada aurait le droit de fournir les fonds de roulement, les immobilisations et la gestion nécessaire à 1'entreprise de Guelph en tant qu'une de ses propres divisions.

______________________________________ 9 Expose des faits et du droit du directeur des enquêtes et recherches, au paragraphe 28.

Cette modification permettrait à ABB Canada, selon sa demande, de prendre des mesures correctives sans pour autant diminuer la capacité ultime de concurrent indépendant de l'entreprise si un dessaisissement devient nécessaire. Le directeur est en quelque sorte moins libre dans sa ratification de la modification; il souligne qu'un plus grand accès par ABB Canada aux renseignements sur la concurrence, à la technologie et aux activités en cours aura un certain impact sur la capacité de dessaisissement de 1' entreprise de Guelph. 11 conclut cependant que le recours au dessaisissement sera encore suffisamment viable selon la nouvelle exigence de maintien advenant un échec quelque peu improbable de l'allégement tarifaire de 1' ALE.

(iii) Suppression des mentions de l'entreprise d'Hamilton A la suite de la demande de retrait du maintien de la séparation et de la proposition d'intégration de 1' entreprise d'Hamilton aux activités d'ABB Canada, l'élimination de toutes les mentions de l'entreprise d'Hamilton dans l'ordonnance par consentement est recherchée. Le dessaisissement de l'entreprise d'Hamilton ne serait plus une première étape si la réduction accélérée des droits de douane n'était pas réalisée; la procédure de dessaisissement relative à l'entreprise de Guelph commencerait sans délai.

ABB Canada fait ressortir que l'élimination de l'étape préliminaire diminuerait le temps nécessaire au dessaisissement. Le directeur est satisfait du dessaisissement de l'entreprise de Guelph uniquement, à titre de réserve, étant donné que 1' entreprise d'Hamilton ne fabrique pas actuellement les transformateurs en cause. Les deux avocats ont noté les réserves exprimées par le Tribunal dans ses motifs antérieurs concernant le rôle éventuel de l'entreprise d'Hamilton en tant que concurrent de taille sur le marché des transformateurs en cause.

Consultation du public

La consultation du public s'est révélée très utile pour épurer et clarifier l'ordonnance par consentement originale. Tous ceux qui avaient présenté des observations ont été avisés expressément de la demande de modification de cette ordonnance formulée par ABB Canada. En outre, l'avis public habituel a paru dans la Gazette du Canada et dans divers journaux, comme le dictent les Règles du Tribunal de la concurrence.

Federal Pioneer Limited et Hydro-Québec ont déposé des observations auprès du Tribunal sur le projet de modification. Ni l'un ni l'autre n'ont fait objection aux modifications demandées par ABB Canada. De plus, le directeur a déposé un affidavit résumant les réactions des divers clients des services publics vis-à-vis de la demande. De façon générale, ces derniers ne faisaient pas opposition à la prolongation du délai en vue de réaliser la réduction des droits de douane, et ils ont soit appuyé la participation accrue d'ABB Canada aux activités de TTl, soit n'ont pas fait Objection à cette participation 10 . Conclusion Le Tribunal conclut que l'ordonnance par consentement telle qu'elle est modifiée satisfait au critère applicable. Le fait d'accorder du temps supplémentaire en vue d'obtenir l'approbation de la réduction accélérée des droits de douane dans le cadre de 1'ALE ne change pas la nature de l'ordonnance par consentement. La prolongation du délai répond à

des circonstances qui échappent au contrôle des parties en cause, et il est assez raisonnable. Advenant que la réduction des droits de douane n'est pas approuvée, la possibilité de dessaisissement demeure.

Le Tribunal est convaincu que, même avec la modification du maintien de la séparation, 1' entreprise de Guelph sera préservée en bon état de vente; de plus, il est probable qu'elle soit au moins apte à devenir un concurrent indépendant dans un intervalle de six mois, si le dessaisissement est nécessaire. La substitution de 1' entreprise de Guelph en ____________________________________________ 10 Réponse du directeur des enquêtes et recherches, affidavit de P. Humber et I. Scott, en date du 6 décembre 1989.

tant que premier candidat pour le dessaisissement n'a pas d'effets néfastes sur le recours au dessaisissement et peut, en fait, l'améliorer.

DATE à Ottawa, ce 16 ième jour de mars 1990. SIGNE au nom du Tribunal par le juge président. (s) Leonard A. Martin Leonard A. Martin

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