Documentation

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal de la Concurrence

Canada Coat of Arms / Armoiries du Canada

Competition Tribunal

Référence: Le commissaire de la concurrence c Live Nation Entertainment, Inc. et al, 2019 Trib conc 3

N° de dossier: CT-2018-005

N° de document du greffe: 103

DANS L’AFFAIRE d’une demande du commissaire de la concurrence en vue d’obtenir des ordonnances fondées sur l’article 74.1 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, concernant un comportement susceptible d’examen visé par l’alinéa 74.01(1)a) et l’article 74.05 de la Loi;

ET DANS L’AFFAIRE d’une requête des défenderesses visant à obliger à répondre à des questions ayant fait l’objet d’un refus lors d’un interrogatoire préalable.

ENTRE:

Le commissaire de la concurrence

(demandeur)

et

Live Nation Entertainment, Inc., Live Nation Worldwide, Inc., Ticketmaster Canada Holdings ULC, Ticketmaster Canada LP, Ticketmaster L.L.C., The V.I.P. Tour Company, Ticketsnow.com, Inc., et TNOW Entertainment Group, Inc.

(défenderesses)

Competition Tribunal Seal / Sceau Tribunal de la Concurrence

Date de l’audience : Le 2 avril 2019

Devant le membre judiciaire : Monsieur le juge Gascon (président)

Date de l’ordonnance et des motifs de l’ordonnance : Le 5 avril 2019

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L’ORDONNANCE AUTORISANT EN PARTIE LA REQUÊTE DES DÉFENDERESSES VISANT À OBLIGER À RÉPONDRE À DES QUESTIONS AYANT FAIT L’OBJET D’UN REFUS LORS D’UN INTERROGATOIRE PRÉALABLE


I.  INTRODUCTION

[1]  Le 21 mars 2019, les défenderesses ont déposé une requête visant à obliger le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») à répondre à plusieurs questions qui avaient fait l’objet d’un refus lors de l’interrogatoire préalable de sa représentante, Mme Lina Nikolova (la « requête relative aux refus »). Mme Nikolova avait été interrogée pendant un jour et demi, le 31 janvier et le 1er février 2019.

[2]  Dans leur requête relative aux refus, les défenderesses souhaitent obtenir les conclusions suivantes :

  • Une ordonnance obligeant Mme Nikolova à répondre à une liste de questions restées sans réponse à la suite de son interrogatoire préalable et de l’expiration du délai prévu pour respecter les engagements relatifs aux réponses à donner à l’interrogatoire préalable (les « questions ayant fait l’objet d’un refus »);
  • Une ordonnance obligeant Mme Nikolova à se présenter à la poursuite de son interrogatoire préalable pour le compte du commissaire ou à fournir des réponses complémentaires sous la forme dont les parties conviendront, le tout conformément à l’ordonnance établissant le calendrier qui a été modifiée récemment, soit le 11 février 2019;
  • Une ordonnance relative aux dépens des défenderesses à l’égard de la présente requête;
  • Toute autre réparation que le Tribunal juge indiquée.

[3]  À l’audience, les défenderesses ont informé le Tribunal qu’elles ne solliciteraient plus une ordonnance obligeant à interroger plus en détail Mme Nikolova s’il ordonnait à cette dernière de répondre aux questions ayant fait l’objet d’un refus, et que des réponses écrites leur conviendraient.

[4]  Dans leur avis de requête, les défenderesses avaient d’abord relevé un nombre total de 34 questions ayant fait l’objet d’un refus, regroupées en quatre catégories. Toutefois, dans ses documents de réponse ainsi que dans les jours précédant l’audition de la présente requête, le commissaire a répondu à certaines des questions qui faisaient auparavant l’objet d’un refus. De plus, les défenderesses ont retiré l’une des questions auxquelles elles souhaitaient que l’on réponde. La liste initiale des questions a donc été ramenée à 14 questions à trancher par le Tribunal, divisées en deux catégories : 1) [TRADUCTION] « Comportement antérieur – Préclusion, renonciation et réparation », qui contenait six questions en suspens concernant l’examen, par le commissaire, du comportement des défenderesses en 2009 (les « questions de la catégorie no 1 »), et 2) [TRADUCTION] « Allégations de défenderesses particulières – Responsabilité », qui faisait référence à huit questions en suspens destinées à obtenir des détails sur les défenderesses particulières qui étaient expressément visées par certains faits et allégations contenus dans les actes de procédure du commissaire (les « questions de la catégorie no 2 »).

[5]  Les défenderesses ont introduit la présente requête relative aux refus dans le contexte d’une demande que le commissaire a déposée contre elles (la « demande ») en vertu des dispositions en matière de pratiques commerciales trompeuses de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34 (la « Loi »). Dans sa demande, le commissaire cherche à obtenir des ordonnances fondées sur l’article 74.1 de la Loi au sujet d’un comportement susceptible d’examen visé par l’alinéa 74.01(1)a) et l’article 74.05 de la Loi. Plus précisément, il allègue qu’une ou plusieurs des défenderesses se sont livrées à des pratiques commerciales trompeuses en annonçant la vente de billets au public sur certains sites web et certaines applications mobiles (les « plateformes de billetterie ») à des prix qui, en réalité, étaient impossibles et qu’elles ont ensuite fourni des billets à des prix supérieurs à celui qui était annoncé sur ces plateformes. Dans son avis de demande, le commissaire allègue que le comportement susceptible d’examen remonte à 2009 et qu’il se poursuit toujours. La réparation que le commissaire souhaite obtenir comporte une ordonnance d’interdiction ainsi que des sanctions administratives pécuniaires.

II.  PRINCIPES JURIDIQUES

[6]  Je conviens avec les défenderesses que le Tribunal, lorsqu’il a affaire à des refus signifiés dans le contexte d’interrogatoires préalables, ne devrait pas perdre de vue l’objectif primordial de ces interrogatoires, qu’ils aient lieu de vive voix ou par voie de documents. Cet objectif est de rendre le processus judiciaire plus équitable et plus efficace en permettant à chacune des parties, avant l’instruction, de se faire une idée de la position de la partie adverse et de permettre aussi aux défendeurs de connaître les détails des faits qui leur sont reprochés (Canada c Lehigh Cement Limited, 2011 CAF 120 (« Lehigh »), au par. 30; Le commissaire de la concurrence c Direct Energy Marketing Limited, 2014 Trib conc 17, au par. 16). Il est aujourd’hui bien reconnu qu’il y a lieu d’adopter une démarche libérale face à l’étendue des questions qui peuvent être posées lors d’un interrogatoire préalable (Lehigh, au par. 30). Ce que les parties et le Tribunal tentent tous deux d’obtenir dans le cadre d’un interrogatoire préalable est de parvenir à un niveau de divulgation suffisant pour permettre à chaque partie de progresser de manière juste, efficace, efficiente et rapide vers une audience, en ayant une connaissance suffisante de ce que chaque partie doit prouver (Le commissaire de la concurrence c Administration aéroportuaire de Vancouver, 2017 Trib conc 16 (« AAV »), au par. 46). Si une partie ne communique pas avant l’instruction les faits ou les renseignements pertinents dont elle a connaissance, la partie adverse sera injustement défavorisée.

[7]  Les Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/2008-141 (« les Règles du TC ») ne traitent pas expressément des refus signifiés lors d’un interrogatoire préalable. Cependant, le paragraphe 34(1) des Règles du TC prévoit que les Règles des cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles des CF ») peuvent s’appliquer aux questions qui se posent au sujet de la pratique ou de la procédure à suivre dans les cas qu’elles n’ont pas prévus. L’article 240 des Règles des CF prévoit que la personne soumise à un interrogatoire préalable doit répondre, au mieux de sa connaissance et de sa croyance, à toute question qui se rapporte à un fait non admis dans un acte de procédure. De plus, l’article 242 des Règles des CF indique qu’une partie peut soulever une objection au sujet de n’importe quelle question posée lors d’un interrogatoire préalable au motif que, selon le cas, la réponse à cette question est protégée par un privilège de non-divulgation, la question est déraisonnable ou inutile ou, alors, il serait trop onéreux de se renseigner auprès d’une personne visée à l’article 241 des Règles des CF.

[8]  Pour décider si une question est appropriée et s’il y a lieu d’y répondre, l’élément clé est la pertinence. Au stade de l’interrogatoire préalable, la pertinence est une norme souple et adaptative (Apotex Inc. c Sanofi-Aventis, 2011 CF 52, au par. 19). Tout doute quant à la question de la pertinence doit être résolu en faveur de la divulgation, et il est habituellement nécessaire de répondre aux questions sauf si ces dernières sont clairement inappropriées. Dans l’arrêt Lehigh, au paragraphe 34, la Cour d’appel fédérale a fait état de la vaste portée de la pertinence dans le cas des interrogatoires préalables :

Il appert de la jurisprudence qu’une question est pertinente lorsqu’il est raisonnablement possible qu’elle mène à l’obtention de renseignements pouvant directement ou indirectement permettre à la partie qui sollicite la réponse de faire valoir ses arguments ou de réfuter ceux de son adversaire ou de la lancer dans une enquête qui pourra produire l’un ou l’autre de ces effets.

[9]  Et, pour décider de la pertinence d’une question, il est nécessaire d’examiner les actes de procédure.

[10]  Cela dit, même dans les cas où une question satisfait bel et bien à la norme de la pertinence, les tribunaux ont néanmoins fixé des limites au genre de questions qu’il est possible de poser lors d’un interrogatoire préalable. Une partie peut demander avec raison le fondement factuel des allégations formulées par la partie adverse ainsi que les faits que cette dernière connaît, mais elle ne peut pas demander les faits ou les éléments de preuve sur lesquels la partie se fonde à l’appui d’une allégation (VAA, aux par. 20 et 27; Bande de Montana c Canada, [2000] 1 CF 267 (C.F. 1re inst.) (« Bande de Montana »), au par. 27; Can-Air Services Ltd v British Aviation Insurance Company Limited, 1988 ABCA 341, au par. 19). Dans la décision Apotex Inc. c Pharmascience Inc., 2004 CF 1198, conf. par 2005 CAF 144 (« Apotex »), la Cour fédérale a de plus établi que des témoins n’ont pas à témoigner sur de pures questions de droit. Une règle fondamentale est qu’un interrogatoire préalable ne peut porter que sur des faits, et non sur des points de droit. C’est donc dire qu’il est habituellement entendu que les types de questions qui suivent sont généralement inappropriés dans le cadre d’un interrogatoire préalable :  i) celles qui visent à obtenir un avis d’expert, ii) celles qui visent à faire témoigner la personne sur des questions de droit, iii) celles qui concernent le droit ou les arguments, par opposition aux faits, et iv) celles qui demandent au témoin « sur quels faits vous appuyez-vous à l’alinéa X de votre acte de procédure? » (Bard Peripheral Vascular, Inc. c W.L. Gore & Associates, Inc., 2015 CF 1176, au par. 20).

[11]  Il reste toutefois que les réponses données à des questions posées lors d’un interrogatoire préalable dépendent toujours des faits particuliers de l’affaire et qu’elles obligent le membre judiciaire saisi d’une requête en refus à exercer dans une large mesure son pouvoir discrétionnaire. Aucune formule magique ne convient à toutes les situations et il y a lieu de procéder au cas par cas pour déterminer le niveau de divulgation qui est approprié dans le cadre d’un interrogatoire préalable. L’étendue d’un interrogatoire admissible dépend en fin de compte du « contexte factuel et procédural de l’affaire, en tenant compte des principes juridiques applicables » (Lehigh, aux par. 24 et 25; voir aussi AAV, aux par. 41 à 46).

III.  LES QUESTIONS DE LA CATÉGORIE No 1

[12]  Les six questions de la catégorie no 1 ont trait à la connaissance qu’avait le commissaire d’une enquête menée antérieurement sur les affichages de prix des défenderesses en 2009 et en 2010. Ces dernières soutiennent que les questions ayant fait l’objet d’un refus sont pertinentes car elles se rapportent à l’argument relatif à la préclusion et à la renonciation qu’elles invoquent, de même qu’à la question de la réparation, puisque la durée du prétendu comportement susceptible d’examen et les modalités et la durée de l’enquête sont des facteurs dont il faut tenir compte au moment de déterminer l’imposition de sanctions administratives pécuniaires, le cas échéant. Elles soutiennent qu’en 2009 le commissaire a examiné leurs plateformes de billetterie en vue d’y relever des pratiques commerciales trompeuses, mais qu’il n’a soulevé aucune question au sujet des affichages de prix qui, allègue-t-il maintenant, sont trompeurs. En fait, disent-elles, il ne leur a fait part de ses plaintes qu’en 2017. Elles soutiennent donc que l’examen que le commissaire a réalisé en 2009 et 2010, ainsi que le délai de huit ans qui s’est écoulé avant qu’il n’agisse, sont pertinents, tant pour ce qui est de leur argument relatif à la préclusion et à la renonciation que de la détermination, par le Tribunal, d’une réparation quelconque. Elles ajoutent que, dans ce contexte, il faudrait les autoriser à poser les questions de la catégorie no 1 à propos de l’enquête que le commissaire a réalisée en 2009 et en 2010. Ce dernier réplique que ces questions sont inappropriées et non pertinentes, et qu’elles sont déraisonnables, inutiles et indûment onéreuses.

[13]  Je conviens avec les défenderesses que, dans le contexte de la présente demande, les questions portant sur l’enquête de 2009 et de 2010 ainsi que sur les éléments que le commissaire a antérieurement examinés sont généralement pertinents au regard de leur argument relatif à la préclusion et à la renonciation, de même qu’à la question de la réparation. On ne peut pas dire que ces questions n’ont rien à voir avec les questions en litige. Par ailleurs, je signale que le commissaire, dans ses propres documents, a fait référence à des faits entourant l’enquête antérieure du Bureau de la concurrence sur le comportement des défenderesses. Il a présenté, à titre de documents pertinents dans la preuve documentaire qu’il a produite dans le cadre de la présente demande, un certain nombre de plaintes de clients datant de 2009, ainsi que des documents liés à l’enquête menée par le Bureau de la concurrence sur certaines plateformes de billetterie en 2009 et en 2010. En fait, les questions qui sont en litige dans cette première catégorie se rapportent à des questions de fait particulières qui découlent de documents précis que le commissaire a produits, tels que la pièce 114.

[14]  Je signale en outre que, lors de son interrogatoire préalable, Mme Nikolova a déjà répondu à de nombreuses questions posées au sujet de l’enquête de 2009 et 2010. Je ne suis pas convaincu – sous réserve de la mise en garde expliquée ci-après quant aux deux questions du type « pourquoi » – que les autres questions en suspens vont trop loin et devraient être traitées de manière différente. Les faits entourant l’enquête de 2009 et 2010 sont pertinents pour ce qui est de l’argument qu’invoquent les défenderesses, et le commissaire ne peut pas choisir ce à quoi il veut répondre et ce qu’il préfère ne pas divulguer. Il devrait plutôt faire part de tous les faits pertinents qui se rapportent à cette enquête antérieure. Dans le même esprit, je ne partage pas son opinion selon laquelle les questions de la catégorie no 1 constituent une recherche à l’aveuglette dans l’enquête qu’il a menée antérieurement. Je ne conclus pas non plus que la question no 679 est d’une portée excessive, car elle est axée sur les affichages de prix de 2009 ou de 2010.

[15]  Le commissaire fait valoir de plus qu’étant donné que les questions de la catégorie no 1 se rapportent à la [TRADUCTION] « conduite » de l’enquête de 2009 et 2010, il n’est pas nécessaire d’y répondre. Je ne suis pas d’accord. Compte tenu de la défense fondée sur la préclusion que soulèvent les défenderesses, la conduite du commissaire dans le cadre de l’enquête est clairement en jeu dans la présente demande, tout comme que le moment et les dates où le Bureau de la concurrence est intervenu à cet égard. Contrairement à la situation dont il était question dans l’affaire Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c Southam Inc, [1991] CCTD No 16, 38 CPR (3d) 68, aux paragraphes 10 et 11, la conduite du commissaire est l’une des questions soumises au Tribunal, et, compte tenu des actes de procédure, elle se rapporte directement à la présente instance.

[16]  J’ouvre ici une parenthèse pour souligner qu’à ce stade-ci la question n’est pas de savoir si l’argument fondé sur la préclusion qu’invoquent les défenderesses dans leur acte de procédure sera en fin de compte fructueux sur le fond. Il s’agit de savoir si les questions de la catégorie no 1 demandent des renseignements pertinents. Je suis persuadé que les défenderesses ont établi que ces questions sont pertinentes pour ce qui est de leur défense fondée sur la préclusion ainsi que de la question de la réparation.

[17]  Compte tenu de ce qui précède, il est donc nécessaire de répondre aux questions nos 461, 462, 677 et 679.

[18]  Cependant, pour ce qui est des questions nos 685 et 1199, qui demandent, respectivement, pourquoi il a fallu huit ans au commissaire pour faire part de la plainte aux défenderesses et pourquoi il n’a rien fait au sujet d’enquêtes qu’il aurait pu mener, je ne suis pas convaincu qu’il s’agit de questions qu’il convient de poser dans le cadre de l’interrogatoire préalable dont il est ici question. Certes, ces questions se rapportent à l’enquête que le Bureau de la concurrence a menée en 2009-2010, mais elles portent sur le processus de réflexion du commissaire et visent essentiellement à obtenir l’avis de ce dernier sur ces deux questions. Ce qui est pertinent, ce sont les faits selon lesquels le commissaire a, semble-t-il, pris huit ans pour faire part de la plainte aux défenderesses et n’a censément pas donné suite à des plaintes reçues en 2008, pas les motifs ou les explications qui sous-tendent ces décisions du commissaire. Il n’est donc pas nécessaire de répondre aux questions nos 685 et 1199.

IV.  LES QUESTIONS DE LA CATÉGORIE No 2

[19]  Les questions de la catégorie no 2 visent à obtenir des réponses précisant à quelles défenderesses se rapportent certaines allégations que le commissaire a formulées. Les défenderesses soutiennent que ce dernier a nommé huit défenderesses différentes, mais que la plupart de ses allégations font simplement état du comportement des [TRADUCTION] « défenderesses », sans faire de distinction entre elles. Dans son avis de demande, aux paragraphes 10 à 18, le commissaire indique de façon générale que les défenderesses [TRADUCTION] « ont agi séparément, conjointement et/ou de concert l’une avec l’autre » ou qu’elles [TRADUCTION] « travaillent ensemble et/ou séparément » pour donner les indications contestées ou permettre qu’elles le soient. Les défenderesses soutiennent que la question de savoir quelle défenderesse est réellement censée avoir fait quoi et avec qui est une information pertinente qu’il est nécessaire de fournir. Elles font valoir que certaines d’entre elles ne sont pas des parties appropriées et n’assument aucune responsabilité à l’égard des indications qui, dit le commissaire, sont trompeuses. Ce dernier ne s’oppose pas aux questions de la catégorie no 2 pour une question de pertinence, mais au motif que celles-ci, telles qu’elles sont formulées, demandent une interprétation juridique et sont inappropriées.

[20]  À mon avis, il ne fait aucun doute que les questions concernant des défenderesses particulières et la manière dont les faits que connaît le commissaire peuvent être liés à chacune d’elles sont pertinentes à l’égard de la présente demande. Les actes de procédure du commissaire ne précisent pas de manière très détaillée le lien précis qu’il y a entre chacune des défenderesses et les allégations formulées. Compte tenu de l’argument des défenderesses selon lequel plusieurs d’entre elles n’ont pas participé aux plateformes de billetterie et ne devraient pas être visées par la présente demande, je souscris à la thèse générale selon laquelle les défenderesses sont en droit de poser des questions pour savoir auxquelles d’entre elles se rapportent les faits et les allégations qu’avance le commissaire.

[21]  En fait, dans l’ordonnance que le Tribunal a rendue le 17 octobre 2018 au sujet des affidavits de documents à produire dans le cadre de la présente demande, le juge Phelan a traité du problème de l’attribution de documents à chaque défenderesse et a signalé que les défenderesses ont insisté pour qu’on les traite séparément et pour qu’elles se défendent séparément et ont fait valoir que certaines d’entre elles n’étaient pas des parties appropriées à la demande. Il a donc ordonné que l’on produise des affidavits de documents distincts pour chaque défenderesse, ainsi que le demandait le commissaire, reconnaissant ainsi la pertinence et l’importance de renseignements adaptés à chacune des défenderesses.

[22]  Le problème que soulèvent les questions de la catégorie no 2 réside dans la manière dont les défenderesses les ont formulées. Il est utile de reproduire ici les huit questions en litige :

[TRADUCTION]

  • Q 285-286 – [Quand vous avez dit que vous n’étiez au courant d’aucun fait liant VIP Tour Company à ticketmaster.ca à ce moment], cela inclut-il le fait d’agir, directement ou indirectement, de concert ou conjointement avec quelqu’un d’autre?
  • Q 844-848 – Quels sont les faits associés au fait que Live Nation Entertainment Inc. [ou l’une quelconque des sept autres défenderesses] agissait conjointement avec une autre défenderesse à l’égard du concert de OneRepublic [un fait mentionné à la page 12 des actes de procédure du commissaire]?
  • Q 845-848 – Quels faits le commissaire détient-il en lien avec la question de savoir si Live Nation Entertainment Inc. [ou l’une quelconque des sept autres défenderesses] a agi de concert à l’égard du concert de OneRepublic [un fait mentionné à la page 12 des actes de procédure du commissaire]?
  • Q 846-848 – De quels faits ou renseignements le commissaire est-il au courant quant à la question de savoir si Live Nation Entertainment Inc. [ou l’une quelconque des sept autres défenderesses] a agi séparément, de quelque façon, à l’égard du concert de OneRepublic [un fait mentionné à la page 12 des actes de procédure du commissaire]?
  • Q 847-848 – Quels renseignements le commissaire détient-il ou connaît-il quant à la question de savoir si Live Nation Entertainment Inc. [ou l’une quelconque des sept autres défenderesses] a permis à une autre défenderesse d’agir d’une manière particulière à l’égard du concert de OneRepublic [un fait mentionné à la page 12 des actes de procédure du commissaire]?
  • Q 1119 – Quelles défenderesses ont censément donné les indications relatives aux prix en question et quelles défenderesses ont censément permis à d’autres de donner les indications en matière de prix en question?
  • Q 1120 – J’aimerais obtenir les renseignements que détient le commissaire quant à la manière dont chacune des défenderesses permet à une autre défenderesse de donner des indications en matière de prix.
  • Q 1121 – J’aimerais obtenir les renseignements que détient le commissaire quant à la manière dont chacune des défenderesses donne les indications en matière de prix qui sont visées par la présente demande.

[23]  Comme il a été mentionné plus tôt, nul ne conteste que les défenderesses peuvent demander avec raison le fondement factuel qui sous-tend les allégations que le commissaire a formulées, ainsi que les faits que Mme Nikolova connaît, mais elles ne peuvent pas demander les faits ou les éléments de preuve sur lesquels le commissaire s’est fondé pour étayer une allégation. De plus, on ne peut poser à un témoin de pures questions de droit, par opposition à des questions de fait. Le commissaire a effectivement reconnu qu’il aurait été approprié de poser des questions sur les faits liant chacune des défenderesses aux indications en cause, tant que ces questions ne visaient pas à obtenir les faits sur lesquels le commissaire fondait ses arguments juridiques. Par exemple, les questions auraient été appropriées et acceptables si elles avaient porté sur les faits connus du commissaire qui se rapportaient à la participation des différentes défenderesses aux indications en litige.

[24]  Toutefois, le commissaire fait valoir que les questions de la catégorie no 2, telles qu’elles sont formulées, vont trop loin et qu’elles demandent en fait que la témoin fasse une [TRADUCTION] « interprétation juridique », car ces questions obligeraient Mme Nikolova à évaluer si les faits demandés par les défenderesses reviennent en réalité à [TRADUCTION] « agir de concert », [TRADUCTION] « agir conjointement » ou [TRADUCTION] « agir séparément » ou à [TRADUCTION] « donner » ou à [TRADUCTION] « permettre » de donner les indications contestées. Le commissaire soutient que les questions qui demandent à un témoin de se prononcer sur des points de droit ou à faire valoir ce qui est pertinent pour prouver un argument particulier sont inappropriées, car un interrogatoire préalable ne peut viser qu’à obtenir des faits, pas des points de droit (Apotex, au par. 19). Le commissaire soutient que les questions que les défenderesses ont posées obligeraient en fait Mme Nikolova à songer aux règles de droit qui sont applicables ou sur lesquelles reposent les allégations du commissaire, et à sélectionner des faits en fonction de son interprétation de la loi.

[25]  Je suis disposé à admettre que c’est ce qui se passe effectivement quand une partie pose à un témoin soumis à un interrogatoire préalable des questions qui se rapportent aux faits qui servent de fondement à une allégation. Cependant, je ne suis pas convaincu que cela se produit toujours quand on pose à un témoin des questions sur des faits liés à des allégations qui comportent un critère juridique auquel il faut satisfaire, ou juste parce que les questions contiennent des termes qui renvoient à des dispositions de la loi applicable qui est en cause ou certains termes susceptibles d’avoir une connotation juridique. Autrement dit, je ne suis pas persuadé que des questions portant sur des faits ou des renseignements qui sont connus de la représentante du commissaire qui est soumise à un interrogatoire préalable en lien avec une allégation particulière dans les actes de procédure peuvent être considérées comme automatiquement inappropriées (et qu’il n’y a pas lieu d’y répondre) parce que ces questions comportent un concept juridique ou un élément précis du comportement que l’on conteste dans la demande ou qu’elles y font référence.

[26]  Suivant la manière dont elles sont concrètement formulées, les questions qui visent à obtenir des faits ou des renseignements qui sont connus du commissaire et qui sous-tendent ses allégations au sujet des divers éléments d’un prétendu comportement peuvent être considérées comme appropriées dans le cadre d’un interrogatoire préalable, même si elles contiennent une certaine dimension juridique. Si j’en venais à souscrire à la position du commissaire, cela voudrait dire que dès qu’une question inclurait des termes réitérant ceux de la Loi ou les éléments d’un prétendu comportement qui fait l’objet d’une demande, il y aurait un risque qu’elle soit refusée parce que l’on considérerait qu’elle requiert une interprétation juridique. Cela limiterait considérablement la portée de tout interrogatoire préalable auquel les défenderesses soumettraient la témoin du commissaire, ou risquerait de transformer un interrogatoire préalable en un exercice trop axé sur la sémantique, dans le cadre duquel on s’attendrait à ce que les avocats des défenderesses fassent preuve d’imagination pour éviter de faire référence de quelque manière à un terme employé dans la Loi ou dans les dispositions précises qui sont à l’origine de la demande.

[27]  Il va évidemment de soi que les interrogatoires préalables sont conçus pour porter sur des questions de fait. Cependant, la ligne de démarcation qui existe entre le fait de demander la divulgation de faits et celui de demander les éléments de preuve sur lesquels repose une allégation est souvent floue. Dans le même ordre d’idées, il existe toujours une subtile distinction entre les questions qui visent à obtenir les faits sur lesquels une partie s’est fondée pour étayer une allégation (des questions qui sont toujours inappropriées) et les questions qui visent à obtenir les faits connus d’une partie qui sous-tendent une allégation (des questions qui sont appropriées, même si elles peuvent contenir certains éléments de droit). De la même façon, il est également difficile de faire une distinction entre les faits et le droit, et la ligne de démarcation entre les deux n’est souvent pas facile à tirer (Bande de Montana, aux par. 20 et 23).

[28]  Cela étant, décider à quel moment une question devient une demande d’interprétation juridique qui serait clairement inappropriée dans le cadre d’un interrogatoire préalable est un exercice hautement spécifique. En fait, à l’audience, les avocats des parties n’ont pas fait référence à des précédents qui donneraient des conseils sur ce point précis. Et je ne connais aucune décision du Tribunal ou de la Cour fédérale qui traite expressément du fait de savoir si, lors d’un interrogatoire préalable, il serait inapproprié de poser une question qui porte sur les faits connus d’un témoin et qui emploie des termes ayant une connotation juridique ou un langage juridique qu’il incombe en fin de compte au juge des faits de trancher, comme des termes contenus dans une loi applicable. À mon avis, il est nécessaire de faire une distinction entre les « pures » questions de droit et les questions de fait qui peuvent impliquer une certaine compréhension de la loi ou qui se posent dans un contexte juridique. Il est bien établi que les pures questions de droit, comme celles qui demandent à un témoin de fournir une définition juridique de divers mots ou termes ou d’expliquer la position d’une partie en droit, ne peuvent pas être posées lors d’un interrogatoire préalable. Toutefois, les faits qui sous-tendent des questions de droit peuvent être divulgués. Dans le même ordre d’idées, les questions posées lors d’un interrogatoire préalable peuvent comprendre des points de fait et de droit. Les questions se rapportant à des faits susceptibles d’avoir des conséquences juridiques demeurent néanmoins des questions de fait et elles peuvent être soumises à un témoin dans le cadre d’un interrogatoire préalable (Bande de Montana, au par. 23).

[29]  Dans la décision Bande de Montana, le juge Hugessen a exprimé l’avis qu’« il est approprié à l'interrogatoire préalable (alors que ce ne serait peut-être pas le cas à l'instruction) de poser à une partie des questions sur les faits qui appuient une conclusion de droit particulière » (au par. 28). Il est donc possible de poser des questions sur les faits qui sous-tendent une conclusion de droit et sur les faits qui sous-tendent une allégation ou une conclusion de droit particulière (Bande de Montana, au par. 27). S’il ne convient pas de demander à un témoin quels sont les éléments de preuve dont il dispose pour étayer une allégation, ce n’est pas du tout la même chose que de demander quels sont les faits connus de la partie soumise à un interrogatoire préalable qui sous-tendent une allégation particulière dans les actes de procédure. Même dans les cas où la réponse peut contenir un certain élément de droit, cela demeure essentiellement une question de fait (Bande de Montana, au par. 27). Dans le même ordre d’idées, la Cour fédérale a écrit que [TRADUCTION] « [l]es questions qui visent à déterminer le fondement factuel d’une position sont appropriées même si elles obligent à interpréter la [loi] » (Sierra Club of Canada c Canada (Ministre des Finances), 174 FTR 270, 1999 CanLII 8722 (CF), au par. 9).

[30]  Exclure la possibilité de poser des questions sur de tels faits reviendrait à rejeter et à contrecarrer l’objectif même d’un interrogatoire préalable, qui est d’apprendre les faits ou, souvent, plus important encore, l’absence de faits, qui sous-tendent chacune des allégations formulées dans les actes de procédure. Par ailleurs, si l’on garde à l’esprit l’approche raisonnée en matière d’interrogatoires préalables, chaque fois qu’il existe un doute quant au fait de savoir si une question se rapporte suffisamment à des faits par opposition à des points de droit, ce doute devrait être résolu en faveur de la divulgation. Cela est particulièrement vrai dans les cas où les questions en litige sont clairement pertinentes, comme c’est le cas ici pour les questions de la catégorie n° 2.

[31]  Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis qu’il est nécessaire de répondre à six des huit questions de la catégorie no 2 qui sont contestées dans la présente requête relative aux refus. Il s’agit des questions 285-286, 844-848, 845-848, 846-848, 847-848 et 1119. Comme il a été mentionné plus tôt, se prononcer sur des objections formulées à l’égard de questions posées lors d’un interrogatoire préalable est un exercice qui est tributaire des faits qui sont propres à chaque espèce, et il est nécessaire d’examiner avec soin ce que l’on demande, et de quelle façon. De la manière dont elles sont posées, ces six questions obligent à fournir une réponse mixte de fait et de droit qui, selon moi, n’oblige pas à procéder à une « interprétation juridique » inappropriée. Elles font référence à des termes qui peuvent être considérés comme ayant une connotation juridique, mais ces termes ne sont là qu’à titre de prémisse contextuelle en vue de répondre à des questions de nature factuelle.

[32]  Les quatre premières questions se rapportent à des faits qui concernent le fait de savoir si des défenderesses particulières ont agi [TRADUCTION] « séparément », [TRADUCTION] « de concert » ou [TRADUCTION] « conjointement » avec d’autres défenderesses à l’égard de certains faits précis. Ces mots ont été utilisés par le commissaire dans ses actes de procédure; parfois, ce dernier a également employé les mots [TRADUCTION] « travailler ensemble » et [TRADUCTION] « conjointement » en tant qu’équivalents lorsqu’il faisait référence aux défenderesses. Il s’agit de questions de fait concernant quelles défenderesses exactement travaillent ensemble ou de concert, et si elles agissent individuellement ou séparément.

[33]  La question no 847-848, quant à elle, vise à obtenir des renseignements liés au fait que des défenderesses particulières ont [TRADUCTION] « permis » à d’autres de faire les indications en litige. Quant à la question no 1119, elle porte précisément sur les différentes défenderesses qui [TRADUCTION] « donnent censément les indications de prix » ou [TRADUCTION] « permettent censément à d’autres de les donner » [non souligné dans l’original.] Je reconnais que ces deux questions font expressément référence à des termes que l’on relève dans les dispositions en matière de pratiques commerciales trompeuses qui sont en litige dans la présente demande : le mot « donne » est expressément employé à l’alinéa 74.01(1)a) de la Loi et il comporte le fait de « permettre que les indications soient données », conformément au paragraphe 52(1.2) de la Loi.

[34]  Je ne souscris pas à l’opinion du commissaire selon laquelle ces six questions demandent de manière inappropriée que la témoin fasse une interprétation juridique. À mon avis, demander si des défenderesses particulières ont agi de concert, conjointement ou séparément, revient à poser des questions de fait qui sont des plus pertinentes dans le contexte de la présente demande, et ces questions, telles qu’elles sont formulées, ne s’aventurent pas dans le territoire interdit que constitue le fait de poser de « pures » questions de droit ou de chercher à obtenir des faits ou des éléments de preuve sur lesquels le commissaire s’est fondé. Les références au fait que les défenderesses ont agi séparément, conjointement ou de concert font partie des actes de procédure du commissaire, et les défenderesses sont en droit de poser des questions sur les faits ou les renseignements connus du commissaire qui sous-tendent ces allégations en lien avec les diverses défenderesses. J’ajouterais que des expressions telles qu’« agir de concert », « agir conjointement » ou « agir séparément » sont des expressions ordinaires qui ne figurent pas dans les dispositions de la Loi qui servent de fondement à la présente demande. Il se peut que ces expressions aient une connotation juridique, mais il s’agit aussi d’expressions ordinaires, par opposition à des expressions qui sont de nature technique ou qui requièrent une interprétation technique. Il s’agit du genre d’expressions que n’importe qui peut comprendre et, à mon avis, pour répondre aux questions qui les intègrent, il n’est nécessaire de tirer aucune conclusion de droit. Cela s’applique également aux mots « permettent », « donnent censément » ou « permettent censément » qui figurent dans les questions nos 847-848 et 1119, même s’ils font écho à des termes employés dans les dispositions de la Loi qui sont en litige dans la présente demande.

[35]  De plus, je signalerais que Mme Nikolova a pris part à l’enquête du Bureau de la concurrence qui est à l’origine de la présente demande. Il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle connaisse bien le contexte dans lequel s’inscrit la demande et qu’elle pourra comprendre les termes employés pour structurer ces six questions de la catégorie no 2, de même que les questions de fait précises qui sont posées.

[36]  Je ne suis donc pas convaincu que ces six questions de la catégorie no 2, telles qu’elles sont formulées, présentent les caractéristiques qui les rendraient inappropriées et inacceptables dans le contexte d’un interrogatoire préalable auquel serait soumise la représentante du commissaire. Selon moi, ces questions n’obligent pas Mme Nikolova à faire une interprétation juridique des termes « donnent », « permettent », « séparément », « de concert » ou « conjointement », mais elles demandent plutôt qu’on fournisse les faits qui permettraient à quelqu’un de relier les différentes défenderesses aux pratiques commerciales trompeuses qui sont contestées. Les questions n’obligent pas Mme Nikolova à évaluer si les faits répondent au critère juridique précis que comporte l’alinéa 74.01(1)a) et s’ils reviennent effectivement à « donner » ou à « permettre de donner » les indications en litige.

[37]  Les questions nos 1120 et 1121 soulèvent une question plus délicate. Elles demandent de façon générale à obtenir les [TRADUCTION] « renseignements que détient le commissaire quant à la manière dont chacune des défenderesses donne les indications en matière de prix » ou [TRADUCTION] « permet à une autre défenderesse de donner des indications en matière de prix ». Non seulement ces questions font précisément référence aux mots « donne » et « permet » qui figurent dans les dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses qui sont en litige dans la présente demande, mais elles reviennent aussi à porter sur tous les faits et tous les éléments de preuve que détient le commissaire à l’égard du comportement susceptible d’examen qui est en litige. Je reconnais que le terme « se fonde » n’est pas employé dans ces deux questions, mais comme celles-ci sont formulées de manière large, j’estime que leur effet est essentiellement le même et qu’elles mènent à un résultat semblable. Elles demandent effectivement des admissions de droit ainsi que les éléments de preuve qui étayent les allégations du commissaire.

[38]  Selon moi, ces questions, telles qu’elles sont formulées, sont problématiques et inappropriées, et il n’est nul besoin d’y répondre.

[39]  Un dernier commentaire s’impose. Si les défenderesses avaient reformulé les questions de la catégorie no 2 et si ces dernières avaient simplement porté sur les faits ou les renseignements que connaissait le commissaire relativement à la participation des diverses défenderesses aux indications contestées qui étaient données dans les plateformes de billetterie, elles auraient été admises sans hésitation, et sans avoir à procéder à l’analyse plus détaillée qui est décrite dans les présents motifs. Déterminer si des questions sont refusées avec raison lors d’un interrogatoire préalable ou si elles franchissent la limite des questions inappropriées est un exercice qui est tributaire des faits qui sont en cause, et l’issue dépendra en fin de compte de la manière dont les questions sont formulées dans le contexte de chaque affaire. Je conviens que les interrogatoires préalables ne devraient pas se réduire à un exercice de sémantique, mais les mots que l’on emploie dans les questions que l’on pose jouent un rôle important. Les parties se trouveront toujours dans une meilleure position si les questions qu’elles posent se limitent avec prudence aux faits et n’incluent pas ce qui peut être perçu comme des termes juridiques que le juge des faits aura finalement à interpréter et à évaluer.

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT, LE TRIBUNAL STATUE CE QUI SUIT :

[40]  La requête des défenderesses est accueillie en partie.

[41]  La représentante du commissaire, Mme Nikolova, est tenue de répondre aux questions nos 461, 462, 677, 679, 285-286, 844-848, 845-848, 846-848, 847-848, et 1119 des défenderesses.

[42]  Il n’est nul besoin de répondre aux questions nos 685; 1199; 1120 et 1121 des défenderesses.

[43]  Les deux parties ayant obtenu partiellement gain de cause dans le cadre de la présente requête, et vu que le commissaire a répondu à 20 des 34 questions ayant fait l’objet d’un refus qui étaient initialement énumérées dans l’avis de requête ou que les parties les ont réglées, les dépens suivront l’issue de la cause.

FAIT à Ottawa, ce 5e jour d’avril 2019.

SIGNÉ au nom du Tribunal par le président.

(s) Denis Gascon

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour le demandeur :

Le commissaire de la concurrence

François Joyal

Paul Klippenstein

Ryan Caron

Derek Leschinsky

Katherine Rydel

Pour les défenderesses :

Live Nation Entertainment, Inc. et al.

Mark Opashinov

David W. Kent

Guy Pinsonnault

Adam D.H. Chishol

Joshua Chad

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.