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Tribunal de la concurrence

Competition Tribunal

TRADUCTION OFFICIELLE

Référence : Canada (Commissaire de la concurrence) c Parrish & Heimbecker, Limited, 2020 Trib conc 1

No de dossier : CT-2019-005

No de document du greffe : 20

 

 

DANS L’AFFAIRE d’une demande présentée par le commissaire de la concurrence en vue d’obtenir une ou plusieurs ordonnances en vertu de l’article 92 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, et ses modifications;

ET DANS L’AFFAIRE d’une requête présentée par le commissaire de la concurrence en vue de procéder au traitement accéléré de l’instance.

 

ENTRE :

Le commissaire de la concurrence

(demandeur)

et

Parrish & Heimbecker, Limited

(défenderesse)

 

 

Date de la conférence de gestion de l’instance : le 9 janvier 2020 

Membre : M. le juge D. Gascon (président)

Date de l’ordonnance : le 13 janvier 2020

 

 

ORDONNANCE CONCERNANT LA REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR LE COMMISSAIRE EN VUE DE PROCÉDER AU TRAITEMENT ACCÉLÉRÉ DE L’INSTANCE


 

[1]  VU la demande (la demande) déposée par le commissaire de la concurrence (le commissaire) le 19 décembre 2019 contre la défenderesse Parrish & Heimbecker, Limited (P & H) en vertu de l’article 92 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34 (la Loi) concernant l’acquisition par cette dernière de certains silos à grains primaires (la transaction);

[2]  ET VU la requête présentée par le commissaire en vue de procéder au traitement accéléré de l’instance dans le cadre de cette demande (traitement accéléré), comme le prévoit la Directive de pratique concernant le traitement accéléré des instances devant le Tribunal (la Directive sur le traitement accéléré);

[3]  ET VU la conférence de gestion de l’instance tenue par téléconférence le 9 janvier 2020 (la CGI) afin de déterminer s’il y a lieu de procéder au traitement accéléré de l’instance en l’espèce, et les observations orales présentées par les avocats des deux parties lors de cette CGI;

[4]  ET APRÈS examen du contexte de la requête du commissaire, énoncé ci-dessous :

·  La Directive sur le traitement accéléré prévoit que le Tribunal adoptera vraisemblablement le traitement accéléré si toutes les parties à une instance particulière y consentent. Il s’agit de la situation habituelle envisagée par la Directive sur le traitement accéléré, en partie parce que l’échéancier comprimé prévu dans cette directive repose grandement sur la coopération et l’entente raisonnables des parties aux diverses étapes procédurales;

·  Cependant, la Directive sur le traitement accéléré prévoit aussi que le Tribunal peut adopter le traitement accéléré sur demande d’une seule des parties. Dans un tel cas, la partie qui en fait la demande doit convaincre le Tribunal du caractère raisonnable et souhaitable du traitement accéléré, compte tenu des circonstances de l’affaire et des considérations d’équité;

·  Lorsqu’il évalue les circonstances et les considérations d’équité pour déterminer s’il y a lieu de procéder au traitement accéléré de l’instance, le Tribunal tient compte de tous les facteurs pertinents, y compris ceux énoncés dans la Directive sur le traitement accéléré ainsi que ceux exprimés par les parties concernées;

·  Dans la présente demande, P & H ne consent pas au traitement accéléré de l’instance; en fait, elle s’y oppose vivement. Le commissaire est la seule partie à le demander;

[5]  ET APRÈS examen des observations suivantes, présentées par les avocats du commissaire à l’appui de sa demande :

·  Il n’y a pas d’avantage ou de désavantage informationnel entre les parties dans la présente demande;

·  La demande n’est pas aussi complexe que les demandes antérieures en matière de fusionnement examinées par le Tribunal et ne soulève pas de nouvelles questions juridiques au titre de l’article 92 de la Loi, que ce soit en rapport avec la définition des marchés pertinents, la diminution importante alléguée de la concurrence ou la théorie des dommages allégués à la concurrence;

·  Des impératifs commerciaux incitent à procéder au traitement accéléré de l’instance, car le Tribunal tiendrait l’audience et rendrait sa décision avant la prochaine saison de récolte, qui devrait débuter en septembre. Cela offrirait une clarté et une certitude à tous les joueurs dans le marché et éviterait des dommages aux agriculteurs. En outre, la tenue de l’audience avant la saison de récolte aurait l’avantage pratique de permettre aux agriculteurs de comparaître comme témoins, ce qui leur serait difficile durant la saison de récolte;

·  L’instruction de l’affaire après le délai de cinq à six mois prévu pour le traitement accéléré causerait sans doute des dommages aux agriculteurs et à la concurrence dans les marchés pertinents;

·  P & H n’est pas prête à conclure une entente de séparation des éléments d’actifs en attendant le règlement de la demande;

·  Le commissaire est prêt à raccourcir et à éliminer certaines étapes procédurales afin d’accélérer le traitement de l’instance, notamment à communiquer rapidement des données, à ne pas exiger la production de documents déjà soumis par P & H à la suite du processus de demande de renseignements supplémentaires mené par le commissaire lors de son examen de la transaction, à effectuer une recherche ciblée de documents, à ne pas invoquer de privilège à l’égard de son affidavit de documents et à limiter l’interrogatoire préalable à une journée par partie;

[6]  ET APRÈS examen des observations suivantes, présentées par les avocats de P & H à l’appui de son opposition au traitement accéléré de l’instance :

·  L’industrie de la manutention du grain a subi de grands changements au cours des dernières années et la présente demande contient de nombreux éléments complexes. Les questions en litige entre les parties visent notamment la définition du produit pertinent et des marchés géographiques, la détermination des prix de la manutention du grain, l’évaluation des effets anticoncurrentiels allégués, la mesure des effets liés au prix, les gains d’efficacité résultant de la transaction et les recours appropriés;

·  Le commissaire détient un avantage informationnel, étant donné que les données pertinentes proviendront de tiers et que le commissaire a déjà pu examiner trois rapports d’experts soumis par P & H dans le cadre de son examen de la transaction, alors que le commissaire, lui, n’a fourni aucun rapport à P & H jusqu’à maintenant;

·  Aucun impératif commercial ne justifie le traitement accéléré de l’instance, car les agriculteurs peuvent vendre leurs grains à tout moment de l’année et ils auront conclu la vaste majorité des contrats de manutention du grain pour la saison prochaine avant septembre;

·  Il serait avantageux pour les agriculteurs que l’audience ait lieu après la saison de récolte, car cela leur permettrait de procéder à la prévente et à l’achat des grains de la récolte de 2020 sans incertitude;

·  Rien n’indique que les agriculteurs pourraient subir des dommages imminents, sauf les allégations et les observations du commissaire qui, selon P & H, sont fondées sur une mauvaise compréhension de l’industrie de la manutention du grain;

·  Le commissaire n’a pas tenté de conclure une entente de séparation des éléments d’actifs ni d’obtenir une autre forme de mesure provisoire avant de déposer sa demande. P & H soutient qu’il est maintenant impossible de conclure une entente de séparation puisque la transaction est close;

·  La principale mesure demandée par le commissaire est un dessaisissement des éléments d’actifs, et tout élément d’actif qui pourrait être dessaisi à la suite d’une ordonnance du Tribunal demeure viable et disponible, même après le délai prévu pour le traitement accéléré de l’instance. Autrement dit, même si la présente demande n’est pas traitée de façon accélérée, cela ne nuira pas à la disponibilité ou à l’efficacité des mesures envisagées;

·  Le commissaire conserve la possibilité et la capacité de demander une ordonnance provisoire en vertu de l’article 104 de la Loi s’il peut démontrer le degré de dommage requis;

·  Diverses étapes du processus de traitement accéléré entraînent des préoccupations en matière d’équité procédurale, notamment en ce qui concerne la communication de documents et le processus préalable à l’audience. Plus précisément, comme P & H a déjà soumis trois rapports d’experts au commissaire dans le cadre de son examen de la transaction et que le commissaire n’a encore rien fourni à P & H, il serait injuste pour P & H que l’échange des dossiers des parties se fasse de manière simultanée et rapide lors de la préparation de l’audience;

[7]  ET VU qu’à la CGI, les avocats de P & H ont expressément indiqué que la présente demande pourrait être instruite en octobre/novembre 2020, soit approximativement trois ou quatre mois après la date à laquelle l’audience serait probablement fixée dans le contexte du traitement accéléré, ce qui permettrait à toutes les parties de procéder rapidement à l’audience sur le fond;

[8]  ET VU que, selon le calendrier de rechange proposé par les avocats de P & H, la demande serait instruite environ 10 mois après le dépôt de celle-ci, ce qui correspond à la limite inférieure de la fourchette de 10 à 16 mois décrite dans la Directive de pratique concernant les délais et l’échéancier des instances devant le Tribunal (la Directive sur les délais) pour le traitement régulier des instances devant le Tribunal;

[9]  ET VU qu’il existe un désaccord profond entre les parties quant à la complexité des questions soulevées dans la présente demande et quant à bon nombre d’autres questions fondamentales, comme les impératifs commerciaux principaux qui sous-tendent l’industrie de la manutention du grain;

[10]  ET VU que P & H a mentionné que le recours au traitement accéléré soulèverait des questions d’équité procédurale pour la défenderesse lors des étapes de la communication préalable et de la préparation de l’audience, ce qui pourrait entraîner des requêtes procédurales et retarder le processus;

[11]  ET VU que P & H conteste les allégations de dommages faites par le commissaire concernant l’échéancier pour le règlement de la demande et la nécessité d’adopter le traitement accéléré, que le Tribunal ne dispose d’aucune preuve à cette étape-ci et que la question d’un dommage allégué ne peut être réglée qu’à l’aide d’un dossier de preuve plus étayé;

[12]  ET VU que le commissaire a la possibilité de demander une mesure provisoire en vertu de l’article 104 de la Loi, s’il fournit les éléments de preuve nécessaires, pour régler la question des dommages imminents allégués;

[13]  ET VU que, lorsqu’il doit déterminer s’il est raisonnable et souhaitable d’adopter le traitement accéléré sans le consentement de toutes les parties concernées, le Tribunal doit mettre en équilibre les avantages d’un traitement accéléré et ceux des autres solutions de rechange proposées par les parties pour régler la demande, particulièrement lorsque des solutions de rechange précises sont présentées, comme c’est le cas en l’espèce;

[14]  ET VU les principes énoncés au paragraphe 9(2) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, LRC 1985, c 19 (2e suppl), et repris à l’article 2 des Règles du Tribunal de la concurrence, DORS/2008-141, qui prévoient que le Tribunal doit agir sans formalisme, en procédure expéditive, dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent;

[15]  ET VU que dans la présente demande, le calendrier de rechange proposé par P & H dans le cadre du processus régulier du Tribunal permettrait à celui-ci de régler la demande en conformité avec le paragraphe 9(2) et selon un échéancier qui conviendrait à toutes les parties;

[16]  ET VU que le commissaire n’a pas convaincu le Tribunal que le calendrier de rechange proposé par P & H est déraisonnable, inéquitable ou irréaliste;

[17]  ET VU que, malgré les observations habiles de ses avocats, le commissaire n’a pas convaincu le Tribunal qu’il serait raisonnable et souhaitable de procéder au traitement accéléré, compte tenu des circonstances précises de l’affaire et des considérations d’équité, ou que les trois ou quatre mois que l’on gagnerait avec le traitement accéléré justifient d’imposer le traitement accéléré alors que P & H s’y oppose vivement;

LE TRIBUNAL ORDONNE CE QUI SUIT :

[18]  La requête du commissaire en vue de procéder au traitement accéléré de l’instance est rejetée.

[19]  Les calendriers proposés pour le règlement de la demande, qui seront déposés par les parties le 17 février 2020, sur consentement ou séparément, doivent indiquer que l’audience se déroulera en octobre/novembre 2020. Les parties peuvent communiquer avec le greffe du Tribunal pour déterminer la disponibilité du Tribunal durant cette période.

[20]  Les calendriers proposés que les parties ont à soumettre doivent prévoir les étapes nécessaires relatives à la communication préalable et à la préparation de l’audience de manière à ce que celle-ci puisse se tenir en octobre/novembre 2020, compte tenu de la Directive sur les délais.

[21]  Comme le Tribunal l’a mentionné à la CGI, les avocats des parties sont fortement encouragés à inclure une option de médiation à leur proposition de calendrier.

 

FAIT à Montréal, ce 13e jour de janvier 2020.

 

SIGNÉ au nom du Tribunal par le président.

 

 

  (s) Denis Gascon

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina, traductrice

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour le demandeur :

 

Le commissaire de la concurrence

 

Jonathan Hood
Ellé Nekiar

 

Pour la défenderesse :

 

Parrish & Heimbecker, Limited

 

Robert S. Russell

Davit Akman

 

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